• il y a 7 mois
Cette semaine le "Nouvel Obs" propose dans ses pages un sensible reportage au long cours sur la détresse des migrants mineurs non accompagnés, qui errent dans les rues de Paris faute de solution. Notre journaliste Natasha Tatu raconte comment elle est entrée en contact avec ces jeunes qu'elle a suivis pendant trois semaines.

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Transcription
00:00 Ces jeunes, qui viennent pour la plupart d'Afrique subsaharienne,
00:03 qui dormaient sous les ponts,
00:04 qui m'ont frappée par leur désarroi, par leur jeunesse extrême aussi.
00:09 Moi-même, comme beaucoup de monde, je pense,
00:12 je me disais "est-ce que ces mineurs sont vraiment des mineurs ?"
00:14 Et vraiment, je ne sais pas s'ils avaient 15, 16 ou 19 ans,
00:18 mais ils m'ont vraiment frappée par leur extrême jeunesse, leur naïveté,
00:22 le fait qu'ils étaient vraiment perdus à Paris.
00:24 Il faisait très froid à ce moment-là, ils grelottaient,
00:27 ils étaient sous ces temps de Quechua.
00:29 J'ai eu envie de les écouter, d'en savoir un peu plus sur eux.
00:32 Et comment est-ce que tu as réussi à trois jeunes,
00:34 que tu décris en particulier dans ce reportage,
00:36 comment est-ce que tu as réussi à rentrer avec eux ?
00:37 Et puis comment, pour des jeunes qui sont dans des situations difficiles,
00:41 tu as réussi à gagner leur confiance ?
00:43 Alors effectivement, le travail de reporter,
00:45 surtout sur ce genre de sujet, c'est souvent un travail d'équipe.
00:48 Et en l'occurrence, ça a vraiment été le cas.
00:49 Puisque j'ai fait ce reportage avec Hervé Lequeu,
00:52 qui est un photographe avec qui je travaille souvent,
00:54 et qui, outre son grand talent, a aussi un formidable contact,
00:58 je dois dire, avec les gens de la rue,
00:59 que ce soit justement les SDF, les migrants,
01:02 ou bien d'autres sujets qu'on a pu faire ensemble dans les quartiers difficiles.
01:05 Un jour, Hervé m'a dit, voilà, j'en ai rencontré deux très sympas,
01:08 très ouverts, ce qui n'est pas toujours le cas.
01:09 Ce n'est pas qu'ils ne soient pas sympas,
01:11 mais ils sont souvent très méfiants vis-à-vis des adultes.
01:15 Donc là, en l'occurrence, il m'a dit, franchement,
01:19 voilà, c'est vraiment deux gars intéressants, etc.
01:22 Et donc, j'ai rencontré ainsi Abdé Rahman, Youssoupha,
01:25 l'un à 16 ans, l'autre 17.
01:29 Et ensuite, on a rencontré Mahmadoo, qui lui, est vraiment tout jeune,
01:33 qu'on voit d'ailleurs en ouverture du reportage,
01:36 qui lui, d'ailleurs, attirait l'attention de toutes les assos par son extrême jeunesse.
01:42 Enfin bon, Mahmadoo, il faut imaginer, quand il est arrivé à Paris,
01:45 il ne savait pas ce que c'était que ces restaurants avec un M, etc.
01:49 Un clou, tout ça. Il disait, mais c'est quoi ça ?
01:51 Il ne connaissait pas McDo, il ne connaissait rien, en fait.
01:53 Mahmadoo, il est arrivé vraiment un peu par hasard, avec son entraîneur de foot.
01:57 Il pensait que l'Europe, c'était un seul pays.
01:59 Alors, il cherchait le club de Bordeaux parce que c'est un passionné de foot.
02:01 Enfin bon, voilà, c'est vraiment des...
02:04 Je ne sais pas exactement quel est son âge réel,
02:06 mais c'est vraiment des gamins et c'est ce qui m'a frappée.
02:09 J'en profite puisque tu en parlais.
02:10 Donc voilà, Mahmadoo, qui est en ouverture.
02:14 Une très belle photo, en effet, de Hervé Lequeu.
02:16 On a Hippolyse 06 qui nous a demandé un mineur non accompagné
02:19 et d'abord un mineur donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.
02:22 C'est une très bonne question parce qu'en fait, on les appelle mineurs accompagnés,
02:25 ces jeunes, mais en fait, voilà leur situation.
02:28 Il y a 10 000 jeunes qui se sont présentés l'an passé à Paris
02:33 en réclamant ce statut de mineur non accompagné
02:38 parce que c'est le statut le plus protecteur.
02:40 C'est vraiment une espèce de graal pour eux.
02:42 Bon, il faut savoir que les deux tiers d'entre eux ont été déboutés
02:45 et donc, ils se retrouvent, tout le monde se renvoie un peu la balle de ces jeunes
02:47 dont en vérité, personne ne veut et c'est ainsi qu'ils se retrouvent
02:50 dans ces fameux campements, ni tout à fait majeurs, ni tout à fait mineurs,
02:53 on ne sait pas trop, voilà.
02:54 Et qu'est-ce qui t'a le plus marquée dans ce reportage, quand tu les as suivis ?
02:58 Moi, ce qui m'a marquée, je dois dire qu'encore une fois,
03:01 avant de démarrer ce reportage, moi aussi, je pouvais avoir des préventions sur ces jeunes
03:05 parce que souvent, quand on en parle, on parle de délinquance,
03:08 on parle d'exaction, on parle de gamin, de petit voyou, etc.
03:12 Et il y en a, il y en a, mais c'est une minorité
03:15 et ça, c'est un sujet qui est tout à fait documenté.
03:17 C'est-à-dire qu'il y a une commission parlementaire,
03:19 en gros, on estime que 10% de ces jeunes peuvent être dans des filières de délinquance,
03:27 mais précisément, ce sont des filières souvent organisées,
03:30 souvent qui naissent, enfin, structurées depuis le Maghreb,
03:33 où ces jeunes ici sont récupérés, obligés de voler, etc.
03:36 Ce n'est absolument pas le cas de la majorité d'entre eux,
03:39 qui sont des jeunes qui viennent d'Afrique subsaharienne,
03:42 de peu de pays d'ailleurs, puisque beaucoup viennent de Guinée,
03:45 de Côte d'Ivoire et du Mali, c'est vraiment les trois pays principaux.
03:49 Et ce qui m'a frappée, c'est que ces jeunes n'aspirent qu'à une chose, en vérité,
03:55 c'est apprendre un métier et s'intégrer.
03:58 Au bout de 6 mois, 8 mois de Russe, ou les Pons, ou ailleurs,
04:02 c'est dangereux quand on a 16 ans, qu'il y a des tentations.
04:05 Une dernière question, c'est @mrlz qui nous demande,
04:09 comptez-vous rester en contact avec eux plus longtemps ?
04:12 C'est possible.
04:13 En tout cas, pour ces trois-là, c'est possible,
04:15 parce qu'on échange régulièrement des petits messages.
04:18 En tout cas, je vais essayer de suivre un peu, de savoir ce qu'ils deviennent.
04:22 Ça arrive quelquefois au cours des reportages, qu'on noue des liens,
04:24 surtout pour des reportages en loco,
04:26 qu'on noue des liens avec des personnes dont on a traité dans les articles,
04:30 et ça peut être assez chouette.

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