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Après l'attaque au couteau près d'une école à Souffelweyersheim, le secrétaire académique du syndicat enseignant UNSA, David Grisinelli, est l'invité de France Bleu Alsace ce vendredi 19 avril.

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Transcription
00:00 On prend la direction de Souffolvayersheim. C'est le choc, Théo, après l'agression au couteau de deux fillettes à proximité d'une école.
00:06 La sécurité des établissements scolaires est de nouveau en question.
00:10 Des faits qui ont choqué des parents, qui ont ému les enfants et les enseignants, bien sûr.
00:14 Bonjour David Grisinelli.
00:15 Bonjour.
00:16 Secrétaire académique du syndicat des enseignants UNESA, l'école d'Anne-Honneberger va rouvrir ses portes ce matin pour accueillir les élèves.
00:23 Est-ce que c'était la chose à faire ?
00:25 Il faut. Il faut continuer à travailler. Il faut continuer à montrer que l'école elle est là, que les enseignants sont là,
00:32 que les élèves doivent revenir et tous travailler ensemble, vivre ensemble.
00:36 Après, il faut les accompagner parce que c'est violent.
00:39 Ce qui vient de se passer, ça crée un climat très anxiogène.
00:44 Et donc, il faut vraiment, vraiment beaucoup accompagner, en tout cas, tous ceux qui en ont besoin et qui pensent en avoir besoin.
00:50 La journée d'aujourd'hui, elle va être forcément particulière. On se doute qu'on ne pourra pas faire classe dans des conditions normales.
00:55 Comment est-ce qu'on gère ce genre de moment-là ?
00:59 On gère ça du mieux possible, mais ce n'est pas simple parce que les enseignants ne sont pas formés à gérer ça.
01:05 Ce n'est pas leur habitude. Leur métier, c'est d'éduquer, c'est d'enseigner, c'est de travailler avec les élèves.
01:12 Ce n'est pas de gérer ces choses-là.
01:14 Alors, ils le font parce que c'est nécessaire. Ils discutent, mais pas trop non plus.
01:21 On revient à l'essentiel, d'abord. C'est travailler avec les élèves, c'est discuter avec eux du programme, de ce qu'il y a à faire.
01:30 Malgré tout ce qui s'est passé, malgré toutes les attaques, les attentats qu'on a pu commettre contre les écoles,
01:35 on sait qu'il y a eu beaucoup d'événements traumatiques qui ont touché la communauté de l'éducation nationale.
01:39 Les enseignants ne sont toujours pas formés ou aptes à pouvoir discuter de ce genre d'événements traumatiques avec les élèves ?
01:45 Pas plus que les autres. Non. Ils ne sont pas formés et je ne sais pas s'ils le seront un jour parce que ce n'est pas leur profil,
01:54 ce n'est pas ce qu'ils ont envie de faire. C'est très difficile de gérer ça, de se dire qu'autour de nous il y a tellement de violence
02:05 et que nous on est là avec tous ces gamins qui sont anxieux devant nous, qui ont parfois peur ou qui le vivent aussi avec insouciance.
02:15 Un jeune de 13-14 ans, il n'est pas obligatoirement dans le cœur de l'actualité que nous on vit. Parfois ils sont dans leur réalité à eux.
02:24 Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que les enseignants réfléchissent beaucoup à tout ça.
02:31 Il y a le traumatisme des enfants, il y a également le choc qu'ont ressenti les parents.
02:37 On va écouter Fabiola qui est une maman d'élèves qui a rencontré notre reporter hier devant l'école de Souffel-Vaillers-Saïm.
02:44 Il n'y a pas les mots pour ça parce qu'on se dit que nos enfants ne sont pas vraiment en sécurité.
02:49 Heureusement que ça s'est passé à l'extérieur, mais bon, ils ont tout vu et ça choque psychologiquement.
02:54 C'est quand même dérangeant pour des enfants de cet âge-là, je pense.
02:59 Ici, pourtant c'est un quartier calme, franchement non, je n'aurais jamais pensé.
03:04 Comment est-ce qu'on fait pour gérer ça ?
03:06 Est-ce que la cellule d'aide psychologique qui est mise en place, c'est un bon accompagnement pour vous, pour les enseignants, les élèves ?
03:13 En tout cas, c'est un outil nécessaire.
03:15 Il faut absolument pouvoir donner la possibilité aux élèves, aux personnels des établissements, pas que des enseignants d'ailleurs,
03:23 aux personnels des établissements de pouvoir exprimer leurs difficultés, leurs craintes, leurs peurs.
03:29 Parce que parfois ça vient aussi bien plus tard.
03:31 Ce n'est pas toujours le premier jour, ça peut venir quelques jours, quelques semaines plus tard.
03:36 Oui, il faut ça.
03:37 « Où va le monde ? » écrit Kevin, il va dans du n'importe quoi.
03:41 Réaction de cet auditeur de France Bleu Alsace suite à ce qu'il s'est passé à Soufflevayersheim.
03:46 On en parle ce matin avec vous, David Grissinelli, secrétaire académique du syndicat des enseignants UNESA.
03:51 Et on en parle aussi avec vous qui nous écoutez, qui nous regardez.
03:54 Est-ce qu'il faut durcir la sécurité, renforcer la sécurité devant les établissements scolaires 0388 25 15 15 ?
04:01 Et si vous souhaitez exprimer votre soutien ou nous faire part de votre émotion, vous pouvez également le faire sur France Bleu Alsace.
04:06 Alors puisque les faits se sont produits à proximité d'une école, il y a tout un dispositif de sécurité qui a été mis en place.
04:12 Est-ce que cette procédure de confinement a été la bonne, c'est la bonne manière de gérer ce genre d'événement ?
04:19 Sur le moment même, il faut évidemment un confinement. Et ça, il y a des procédures qui existent, qui sont mises en œuvre,
04:26 que maintenant la plupart des établissements connaissent.
04:30 C'est presque devenu un réflexe pour les établissements ?
04:33 Oui, en tout cas c'est travaillé dans tous les établissements.
04:35 Maintenant, tout le monde sait ce qu'il faut faire dans le cas où il y a une intrusion, dans le cas où il y a un acte de violence autour.
04:43 Ça, il n'y a pas de problème.
04:44 La question, elle est plus en amont, c'est qu'est-ce qu'on fait de toute cette violence globalement ?
04:51 C'est-à-dire qu'on pourra mettre des barbelés autour des écoles, ce n'est pas ça qui va empêcher la violence.
04:58 C'est-à-dire qu'on pourra mettre en place de la répression contre ceux qui l'ont fait, et c'est bien, et il faut.
05:05 À un moment donné, il faut pénaliser ceux qui font des actes de violence.
05:09 Mais ce n'est pas avec ça qu'on va résoudre la violence.
05:12 La question, elle n'est pas pour vous de renforcer la sécurité autour des établissements scolaires ?
05:16 Alors, il faut améliorer certains dispositifs, c'est sûr.
05:20 Comme quoi ?
05:21 Par exemple, de la vidéosurveillance, pourquoi pas ?
05:24 Mais vous n'empêcherez jamais, vous ne créerez jamais un ghetto dans une école, et puis ce n'est pas l'objet d'une école.
05:30 Une école, ça doit être ouvert sur le monde, ça doit être ouvert sur son environnement.
05:33 Donc, on ne va pas au contraire en créer un petit ghetto comme ça, protégé de tout son environnement.
05:40 C'est l'inverse, le rôle de l'école.
05:42 Le rôle de l'école, c'est éduquer, c'est s'ouvrir au monde, c'est réfléchir, c'est se poser des questions, c'est rencontrer,
05:49 c'est vivre avec les autres autour.
05:51 Et c'est ce qu'essaient de faire tous les personnels qui travaillent dans l'école aujourd'hui.
05:54 Et ce n'est pas en faisant uniquement de la sécurité qu'on y répondra.
06:00 Mais on a quand même l'impression que les écoles deviennent des cibles faciles,
06:03 des cibles même trop faciles pour certaines personnes ou certaines agressions.
06:07 Oui, c'est vrai. Pourquoi ?
06:10 Parce que l'école aujourd'hui, ça représente le lieu où on se pose des questions,
06:14 le lieu où on a l'esprit critique, où on construit des citoyens responsables,
06:20 où on explique la place des sciences, la manière de réfléchir.
06:25 On apprend à réfléchir.
06:27 C'est ça le rôle de l'école.
06:29 Et donc, effectivement, pour ceux qui ont des visées, on va dire,
06:34 qui amèneraient plutôt à moins réfléchir,
06:37 et à penser qu'il y a des solutions très simples à des problèmes compliqués,
06:41 l'école est une cible, bien entendu.
06:44 On va prendre la direction de Battsendorf, on est dans le Barin, au nord de Strasbourg,
06:48 au nord de l'euro-métropole. Jean-Paul, bonjour.
06:50 Oui, bonjour.
06:51 Bonjour Jean-Paul.
06:52 Ravi de vous accueillir sur France Bleu Alsace.
06:54 Vous souhaitez partager avec nous votre émotion ce matin ?
06:56 J'ai vraiment du mal à comprendre, oui,
06:58 que des enfants qui doivent aller à l'école pour apprendre,
07:04 je ne sais pas, pour apprendre à calculer, pour apprendre à lire,
07:08 et ils seront blessés devant l'école.
07:10 C'est un lieu qui doit être protégé.
07:13 Et alors protégé comment, Jean-Paul, d'après vous ?
07:16 Ben justement, il n'y a qu'à la police qui peut intervenir,
07:20 pour protéger, ou par des gardiens qui ne laissent pas rentrer,
07:26 ou qui ne laissent pas agresser les enfants devant l'école.
07:31 Jean-Paul, quand vous avez appris cette info hier, comment vous avez réagi ?
07:35 Ça a été quoi votre réaction ?
07:36 Ben oui, j'ai été choqué que ça arrive.
07:39 Moi j'ai enseigné pendant 42 années en collège,
07:43 mais jamais, jamais, j'ai entendu ça.
07:46 Et donc depuis ?
07:48 On a des gens rodés autour du collège, je ne sais pas,
07:52 alors que là, franchement, c'est une école primaire,
07:55 c'est une école élémentaire qui doit être protégée.
07:59 Il n'a rien à faire là, il n'a pas le choix, je ne suis pas en déconne,
08:02 mais moi je me mets à la place de ses parents,
08:04 des parents de ses deux filles, qui ont été blessées.
08:08 Oui, ça a créé beaucoup d'émotions.
08:10 Merci Jean-Paul d'avoir partagé vos interrogations et votre émotion avec nous ce matin.
08:13 Ces deux filles sont sûrement choquées à vie.
08:16 Choquées à vie, oui, elles sont sorties de l'hôpital, ça c'est une certitude,
08:19 on a eu l'info et on est en mesure de le dire ce matin.
08:22 Merci Jean-Paul, passez une excellente journée.
08:23 Merci de votre témoignage, vous pouvez, à l'image de Jean-Paul,
08:26 échanger et partager votre émotion, 0388 25 15 15.
08:31 Est-ce que les enseignants sont demandeurs de plus de sécurité,
08:34 de moyens de sécurité, David Grisinelli ?
08:38 Alors, il est nécessaire, dans certains endroits, d'améliorer les choses.
08:43 Parce que ce genre d'événement, forcément, ça fait travailler quelque chose dans le cerveau.
08:47 On se dit qu'on adapte à sa propre situation,
08:49 on se dit peut-être qu'il faudrait faire quelque chose pour notre établissement.
08:53 Mais en même temps, on est tout à fait conscient, en tant qu'enseignant,
08:57 qu'on ne pourra pas tout protéger, on ne pourra pas empêcher certains événements.
09:02 Vous prenez des écoles primaires dans les villages, par exemple,
09:06 qui sont ouvertes sur le village,
09:08 vous n'allez pas pouvoir empêcher, protéger l'école de l'intrusion, vraiment.
09:15 C'est impensable.
09:17 Ce qu'il faut, c'est des mesures à court terme.
09:20 Il y a aujourd'hui des mises en œuvre de systèmes de sécurité un peu plus performants,
09:26 mais il faut aussi le moyen terme et le long terme.
09:29 C'est-à-dire qu'il faut que notre jeunesse d'aujourd'hui,
09:33 elle subisse moins l'environnement dans lequel elle vit.
09:36 Enfin, regardons ce qui se passe, les guerres, le Covid,
09:40 et puis le vécu dans la classe aussi.
09:43 Il faut donner de l'espoir à notre jeunesse.
09:45 Quand vous êtes à 30 dans une classe, vous n'avez pas le temps de parler.
09:49 Vous n'avez pas le temps de vous exprimer.
09:51 Vous n'avez pas le temps d'apprendre une langue.
09:53 Tout ça, il faut que ça change.
09:56 Il faut qu'on donne de l'espoir à notre jeunesse.
09:59 On a une jeunesse qui est dynamique.
10:01 Il y a quelques cas de jeunes délinquants,
10:04 mais globalement, la grande majorité ne le sont pas.
10:07 Mais il faut leur donner de l'envie.
10:09 Et pour ça, des classes à 30 dans les établissements, dans les écoles,
10:14 qu'elles soient primaires ou secondaires, c'est difficile.
10:17 - Vous faites donc le lien entre les moyens d'éducation nationale
10:20 et une agression telle que celle qui est arrivée à Souffel-Weiersheim ?
10:24 - Non, celle de Souffel-Weiersheim, il semblerait que la personne
10:27 qui ait commis ces actes, il semblerait, soit en déséquilibre mental,
10:33 si j'ai bien compris.
10:35 Donc, il est difficile de faire des liens.
10:38 Mais par contre, moi je fais le lien avec, on va dire,
10:43 l'agressivité qui peut exister dans la société aujourd'hui,
10:46 elle existe indéniablement, on le voit au quotidien,
10:50 cette agressivité, elle existe aussi dans notre jeunesse,
10:53 parce qu'elle vit mal son quotidien, et notamment dans l'école aussi.
10:59 Et il faut lui donner les moyens, cette école,
11:02 de permettre aux jeunes de vivre sereinement dans cette école.
11:06 Quand ils sont trop nombreux dans les classes, ça ne va pas le faire.
11:10 Il ne faut pas, on va dire ce qu'on entend beaucoup,
11:15 c'est des annonces à court terme, des réactions, on va dire,
11:19 de décision face à une situation précise.
11:23 Il faut penser au moyen terme et au long terme,
11:26 pour que l'école puisse vivre apaisée, et pour ça,
11:31 évidemment, on n'y échappera pas.
11:33 - Il y a la question des moyens qui se posent.
11:35 - Les moyens, on n'y échappera pas.
11:37 - Merci beaucoup David Grisinelli d'être venu ce matin
11:39 dans le studio de France Bleu Alsace, pour répondre à nos questions
11:41 après cette agression au couteau près d'une école à Souffel-Weiersheim.

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