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00:00:08 [Générique]
00:00:37 Bonjour, merci à tous.
00:00:40 Merci à EER Alsace de l'accueil et de l'organisation de cet événement.
00:00:47 Le titre de la conférence, c'est "Comprendre le choc géopolitique mondial".
00:00:55 Pour comprendre la séquence dont nous sommes les contemporains,
00:01:02 il faut l'analyser sur différents niveaux que je me propose d'exposer pour vous aujourd'hui.
00:01:09 Le premier niveau, au niveau stratégique, ensuite au niveau politique et au niveau métapolitique.
00:01:17 Au niveau stratégique, il faut comprendre le contexte dans lequel nous le sommes,
00:01:23 qui est celui de ce que j'appelle une "guerre mondiale hybride".
00:01:31 C'est la prolifération nucléaire et le risque de destruction mutuelle assurée qui en découle,
00:01:40 qui freinent pour l'instant la confrontation directe des principales puissances du système monde contemporain.
00:01:49 Des États qui sont tous des puissances nucléaires.
00:01:53 Depuis 1945, seul un État nucléaire peut être souverain et être à même de défendre son intérêt vital premier,
00:02:03 à savoir son territoire.
00:02:06 C'est d'ailleurs l'un des principes de la dissuasion nucléaire française,
00:02:10 élaboré dès les années 1960 par les généraux Elrey, Beaufre, Galois et Poirier.
00:02:16 Cette doctrine était basée sur la dissuasion du faible au fort.
00:02:23 Je cite ici le général Poirier qui expliquait
00:02:26 "La stratégie du faible au fort, c'est-à-dire la dissuasion française,
00:02:31 est fondée sur l'idée qu'étant donnée la capacité de destruction unitaire de l'arme nucléaire,
00:02:36 comparée aux panoplies classiques, il suffit d'un nombre suffisant d'armes nucléaires pour dissuader un adversaire.
00:02:42 L'armement est proportionné à la valeur de l'enjeu qu'on représente aux yeux d'un éventuel agresseur.
00:02:47 La dissuasion nucléaire n'abolie pas la guerre.
00:02:50 Elle abolit entre les puissances nucléaires les agressions dont le but est de s'emparer du territoire adverse."
00:02:58 Cette situation d'aporie stratégique en quelque sorte,
00:03:04 qui conduit à de nouvelles formes de conflictualité que l'on pourrait considérer être des armes furtives.
00:03:14 C'est ce qui donne naissance à une forme de guerre mondiale hybride,
00:03:18 dans laquelle sont déployés toutes sortes de vecteurs de la guerre dite hors limite,
00:03:23 ou aussi de la guerre de subversion.
00:03:26 Vecteurs dont les retombées touchent en premier lieu les populations elles-mêmes.
00:03:31 Alors c'est un petit peu les différentes méthodologies que j'ai étudiées dans mes différents livres.
00:03:41 Que ce soit la guerre cognitive, les armes biologiques, les déplacements organisés de populations,
00:03:49 les armes climatiques, qui sont par nature furtives et difficiles à identifier,
00:03:55 comme l'expliquait Zbigniew Brzezinski dès les années 70,
00:04:01 qui parlait dans un de ses livres des armes météorologiques,
00:04:04 qui servirait à l'avenir à conduire des guerres dont il disait,
00:04:09 je cite, "que seuls certains services de renseignement seraient au courant du déroulement de ces guerres".
00:04:17 C'est le domaine des armes de l'ombre,
00:04:21 que l'a traité Marc Filtermann, que M.Messand, qui interviendra tout à l'heure, connaît bien.
00:04:27 Et dont il avait parlé d'ailleurs dans son livre "Le Pentagate", je crois bien.
00:04:32 L'évolution de la guerre moderne est par ailleurs marquée par la dilution progressive
00:04:40 de la limite entre civils et belligérants,
00:04:43 et de l'exposition accrue des populations aux affres de la guerre.
00:04:48 C'est ce que le polémologue Paul Virilio appelait la métropolitique.
00:04:55 Il disait que finalement, à l'époque de la globalisation, nous étions sortis de la géopolitique,
00:05:02 et finalement ce n'était plus la géographie, mais vraiment la cité universelle,
00:05:07 habitée par ses habitants, qui sont constamment sous le feu de cette guerre hors limite,
00:05:15 qui ne fait plus la distinction entre le temps de paix et le temps de guerre.
00:05:21 D'ailleurs on voit qu'on glisse toujours, les conflits récents,
00:05:25 finalement hormis peut-être par exemple l'opération militaire spéciale,
00:05:30 ne sont pas des guerres qui au départ sont déclarées.
00:05:33 Par exemple le conflit en Syrie au départ, c'est l'instrumentalisation de certaines minorités
00:05:39 qui progressivement vont amener à une dégradation et à l'intervention de forces extérieures
00:05:44 dans ce pays, pays qui justement n'était pas doté de l'arme nucléaire
00:05:48 et qui donc ne pouvait pas défendre son intégrité territoriale.
00:05:53 Un pays comme la France donc, qui est à la base de cette doctrine
00:05:56 de dissuasion nucléaire du faible au fort, peut sanctuariser son territoire,
00:06:01 mais justement il est attaqué par tous les vecteurs indirects dont nous subissons les conséquences.
00:06:09 Paul Virilio disait aussi en ce sens "nous sommes tous des dissuadés"
00:06:14 dans le sens que nous subissons tous la dissuasion à notre corps défendant.
00:06:19 Le corollaire du projet de paix perpétuelle globaliste
00:06:24 semble bien être en quelque sorte celui d'une guerre perpétuelle,
00:06:29 mais qui ne dit pas son nom.
00:06:31 Cette impossibilité de confrontation directe est dans la continuité de la guerre dite froide
00:06:37 durant laquelle USA et URSS ne pouvaient s'affronter directement
00:06:42 et déplacer alors leur rivalité stratégique sur des territoires tiers.
00:06:47 Le deuxième axe que l'on peut étudier pour comprendre la séquence qu'on traversons
00:07:00 et qui est l'un des fondamentaux de l'approche globaliste des relations internationales,
00:07:08 c'est la priorité donnée à l'arraisonnement de l'Eurasie
00:07:13 et la contention des rivaux stratégiques eurasiatiques des puissances atlantistes.
00:07:23 Dans ce contexte, on peut analyser beaucoup des conflits contemporains.
00:07:51 Ainsi, après l'Ukraine, un nouveau front de cette guerre mondiale hybride entre USA et Eurasie
00:08:00 s'est ouvert au Moyen-Orient.
00:08:02 Dans mes interventions depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas,
00:08:07 j'invite à défocaliser du seul conflit régional pour le resituer dans son contexte plus ample,
00:08:14 celui de la confrontation planétaire entre ce que les stratéges anglo-américains désignent comme l'océan global,
00:08:24 à savoir l'Amérique-Monde, les puissances atlantistes ou thalassocratiques,
00:08:29 et les puissances de ce qu'ils désignaient comme l'île mondiale,
00:08:32 c'est-à-dire le continuum terrestre tricontinental Europe, Asie, Afrique.
00:08:37 Ce sont là des fondamentaux de l'approche anglo-américaine des questions stratégiques et de relations internationales.
00:08:47 Dans ce contexte, le Moyen-Orient constitue un territoire clé
00:08:52 pour le passage des routes logistiques et énergétiques eurasiatiques et eurafricaines entre l'Asie et l'Europe.
00:09:02 La perspective d'une connexion géoéconomique d'échelle pancontinentale eurasiatique portée par la Chine
00:09:09 avec son projet des nouvelles routes de la soie, le projet Belt and Road Initiative,
00:09:13 représente actuellement le grand défi stratégique pour les anglo-américains.
00:09:19 Il s'agit pour eux d'empêcher ou au moins de ralentir la connexion de la Chine à l'Europe via le Moyen-Orient
00:09:26 et de favoriser son propre corridor géoéconomique concurrent.
00:09:33 Par exemple, l'IMEC, l'India Middle East Europe Economic Corridor.
00:09:40 L'IMEC prévoit une route maritime qui relierait aussi l'Inde au Golfe Persique
00:09:47 et une route reliant l'Arabie Saoudite à l'Europe via la Jordanie et Israël par voie ferroviaire et maritime.
00:09:54 La signature de l'IMEC au moment du G20 en septembre 2023, un mois avant le déclenchement de la guerre,
00:10:03 une réunion du G20 qui avait lieu significativement en Inde et au cours de laquelle étaient absents la Chine et la Russie.
00:10:13 L'Inde qui est aussi un membre fondateur des BRICS, mais qui pratique habilement la doctrine dite du multialignement
00:10:22 du fait de son statut de puissance de plus en plus incontournable entre Eurasie et Occident.
00:10:27 L'Inde ayant en outre différents contentieux territoriaux avec son voisin chinois.
00:10:32 Donc l'IMEC c'est un projet de corridor stratégique qui vise à soutenir la connexion et l'intégration économique entre Asie, Golfe Persique et Europe.
00:10:41 Elle prévoit donc aussi un couloir d'hydrogène propre qui relierait l'Inde à l'Europe en passant par la Jordanie et Israël.
00:10:50 Marseille et le port du Piret devraient devenir des ports d'accès en Europe pour ce projet s'il voit le jour.
00:10:55 Le port d'Haïfa en Israël est un point stratégique de ce couloir logistique et énergétique alternatif aux nouvelles routes de la soie.
00:11:03 Il faut savoir que pendant un certain temps les investissements chinois en Israël n'ont cessé de croître,
00:11:10 notamment dans le port d'Haïfa, mais en 2023 les investisseurs indiens ont supplanté les investissements chinois dans le port d'Haïfa.
00:11:20 Alors que l'essentiel du commerce de l'Inde avec l'UE s'effectue pour l'instant via le canal de Suez,
00:11:29 l'IMEC constitue potentiellement une route alternative au canal entre Inde et UE via le continuum des Emirats Arabes Unis, de l'Arabie Saoudite et d'Israël.
00:11:38 Tout le long de ces voies de communication et de commerce entre Asie et Europe se déroule ainsi une rude concurrence géoéconomique.
00:11:47 Comme dans les phases précédentes de la longue guerre mondiale d'un siècle,
00:11:51 le cosmopolitisme anglo-américain cherche à séparer les sous-continents d'Europe du Moyen-Orient, de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est
00:11:59 du cœur stratégique de l'île mondiale eurasiatique, du Heartland, comme le désignaient Mackinder et les stratèges anglo-américains.
00:12:07 Comme durant la guerre dite "froide", mais qui faisait 2 millions de morts en Corée, presque autant au Vietnam,
00:12:15 ce qui montre que la conflictualité n'a pas cessé depuis un siècle,
00:12:21 ce que Mackinder désignait comme l'impérialisme libéral cherche à découpler méthodiquement le pourtour eurasiatique de l'influence des puissances eurasiatiques ascendantes du moment.
00:12:34 Après la France au XIXe siècle, l'Allemagne et la Russie au XXe,
00:12:39 c'est désormais le couple Sino-Russe qui constitue le pôle d'intégration eurasiatique
00:12:44 que les puissances thalasso-politiques doivent contrecarrer pour maintenir leur hégémonie sur le système monde contemporain.
00:12:51 Heartland, île mondiale, océan global, etc., ces catégories furent forgées il y a un siècle par Alford Mackinder
00:12:59 afin de donner une assise conceptuelle à l'hégémonie britannique.
00:13:02 Régulièrement actualisées par les grands stratèges anglo-américains, de Spikeman à Brzezinski,
00:13:08 elles demeurent d'actualité et sont au cœur de la géopolitique globaliste et des actions de ces réseaux dans le monde,
00:13:15 comme par exemple ceux de l'Open Society Foundation,
00:13:17 dont les fondations sont toujours stratégiquement situées sur des points de friction entre cet Occident politique, comme le désignent les Russes, et leur Asie.
00:13:29 Donc évidemment la question clé c'est celle de la polarisation du système monde entre la Chine et les USA.
00:13:44 Donc là c'était au niveau stratégique.
00:13:47 Maintenant au niveau politique, pour appréhender la séquence que nous traversons,
00:13:52 dans les années 90, le président Clinton avait dit "Pour la première fois, il n'y a pas de différence entre la politique intérieure et la politique étrangère".
00:14:05 Ça c'est aussi un élément clé à comprendre.
00:14:09 C'est que pour le courant globaliste des relations internationales,
00:14:16 c'est l'absence d'une autorité suprêtatique, d'un état des états, d'un état mondial, ou d'une fédération mondiale intégrée,
00:14:26 qui expliquerait les guerres constantes qui frappent l'humanité sans discontinuer, et son état de guerre perpétuel.
00:14:35 Pour cet idéalisme globaliste, dépasser ce qui est désigné comme l'anarchie internationale,
00:14:42 dépasser cette sorte d'état de nature inter-étatique,
00:14:49 cela constitue un impératif catégorique vers lequel tout le politique doit tendre,
00:14:56 au risque de se complaire dans la barbarie, le bellicisme ou le cynisme de la raison d'État.
00:15:02 Un catholique globaliste, qui écrivait après la seconde guerre mondiale,
00:15:12 Jacques Maritain, synthétisait un petit peu les objectifs de cet idéalisme globaliste.
00:15:18 Il disait "si donc un jour arrive où la guerre sera rendue impossible,
00:15:22 c'est que l'anarchie entre les nations aura été supprimée,
00:15:26 ou en d'autres termes, qu'une autorité mondiale aura été établie".
00:15:30 Nous pensons que c'est la tentative d'élaboration de cette autorité mondiale
00:15:38 qui sabote de l'intérieur la puissance des nations occidentales.
00:15:42 Les États occidentaux sont ainsi empêchés d'interagir librement et souverainement,
00:15:47 et d'entretenir des rapports normaux, c'est-à-dire inter-étatiques, avec les autres puissances.
00:15:52 On peut analyser aussi le choc actuel comme une ligne de fracture entre les puissances globalistes,
00:16:01 qui placent au cœur de leur orientation stratégique l'élaboration de cette fédération mondiale ou de cet État mondial,
00:16:10 et les puissances réalistes qui considèrent quant à elles que l'État reste l'acteur stratégique des relations internationales,
00:16:17 en fait des relations inter-étatiques.
00:16:20 Il y a en fait une forme d'ambiguïté au sein de l'idéalisme globaliste,
00:16:27 c'est que finalement pour vouloir faire sortir l'homme de sa condition de loup pour lui-même, en quelque sorte,
00:16:36 il est exigé de mener une guerre mondiale perpétuelle contre ce que Karl Popper appelait "les ennemis de la société ouverte".
00:16:45 La société ouverte étant finalement le cosmopolitisme réalisé, c'est-à-dire la fin des États,
00:16:50 et donc une société entièrement ouverte, il n'y a plus de frontières, il n'y a plus qu'une seule autorité qui gère toute une humanité.
00:16:56 Et c'est finalement un retour à la guerre juste contre des avatars multiples et toujours renouvelés de la personnalité autoritaire,
00:17:04 que ce soit Bachar Al-Assad, Xi Jinping, Vladimir Poutine.
00:17:08 La guerre perpétuelle est en quelque sorte le corollaire du projet de paix perpétuelle.
00:17:15 Rejoindre cette paix perpétuelle nécessite une inclusion progressive mais forcée de toute l'humanité au sein de cette autorité mondiale suprêtatique et post-politique.
00:17:26 Mais en attaquant systématiquement l'État et le politique, le cosmopolitisme corrode en quelque sorte la nature même de l'échiquier mondial,
00:17:34 et abîme ainsi la structure fondamentale des relations internationales.
00:17:39 L'État de nature, qui était maintenu par les États à l'extérieur des sociétés, reflue et se déverse alors vers l'intérieur des États.
00:17:46 L'anarchie internationale devient en quelque sorte anarchie intranationale.
00:17:53 Le chaos civil et social se répand alors dans les sociétés.
00:17:57 C'est selon moi ce que nous vivons en France progressivement depuis plusieurs années,
00:18:03 c'est-à-dire à mesure que l'on déconstruit l'État pour transférer ses prérogatives régaliennes vers un super État européen
00:18:11 qui sera lui-même une région-monde d'une autorité mondiale cosmopolitique,
00:18:15 et bien naturellement on lève les barrières politiques qui protégeaient en quelque sorte la communauté nationale.
00:18:24 Et l'anarchie se répand, le désordre se répand dans la société.
00:18:30 Et les premières cibles, ce sont les sociétaires eux-mêmes, les citoyens.
00:18:36 La fonction première du politique n'est alors plus assurée, c'est-à-dire contenir et freiner la violence inhérente à la condition humaine.
00:18:43 Dans son étymologie même, le terme d'État, du latin "stare" et "status", se tenir debout,
00:18:48 renvoie à l'idée de forme et de stabilité face au flux et à l'impermanence.
00:18:53 Un État réellement politique est celui qui s'oppose par essence à la société liquide et ouverte globaliste.
00:19:02 C'est autour du rôle stratégique de l'État et de sa place dans l'ordre international
00:19:06 que la ligne de confrontation entre Orient politique et Occident politique, en quelque sorte,
00:19:11 est amenée à se durcir toujours plus.
00:19:15 Après s'être emparé de l'ensemble de l'Occident,
00:19:18 ce cosmopolitisme bute désormais sur l'intégration du cœur de l'Eurasie,
00:19:23 constituée par le binôme Chine-Russie.
00:19:26 Contenir, mais aussi à terme conquérir et dominer l'ensemble de cette île mondiale eurasiatique et africaine
00:19:33 constitue l'un des fondamentaux de la géopolitique globaliste, de ses réseaux et de ses stratèges.
00:19:39 Il y a enfin un dernier niveau d'analyse de la situation que nous traversons.
00:19:49 C'est celui de la métapolitique, c'est-à-dire celui du choc des visions du monde et des orientations stratégiques.
00:20:02 Et là, c'est un petit peu le plan où se rejoint la politique et les idées politiques,
00:20:12 ou même les idées religieuses, même sous forme sécularisée.
00:20:17 Et il y a là le domaine, parce que ce dont je vous ai parlé,
00:20:23 c'est-à-dire la volonté d'arriver à une forme d'État mondial, ne découle pas de rien.
00:20:30 Il s'agit finalement d'une version sécularisée de ce que l'on appelle le millénarisme,
00:20:35 c'est-à-dire la volonté d'arriver à restaurer une forme de paradis terrestre,
00:20:41 mais par le politique ou par les relations internationales.
00:20:48 Le millénarisme peut prendre différentes formes actuellement,
00:20:53 et c'est aussi en quelque sorte un perturbateur des relations internationales ou intérétatiques.
00:21:01 Et on le voit actuellement en Israël.
00:21:05 J'ai fait il y a deux semaines de cela une conférence sur ce thème-là,
00:21:10 avec Youssef Indi, sur la question théopolitique,
00:21:14 et par exemple le rôle que jouent le millénarisme et le messianisme
00:21:19 dans les orientations que prend l'actuel gouvernement Netanyahou.
00:21:26 Ce millénarisme rend difficile la rationalisation des rapports entre puissances,
00:21:38 puisque quand vous avez des officiels comme les membres du gouvernement actuel en Israël
00:21:44 qui sont pour la déportation massive des Palestiniens
00:21:49 et qui sont pour le remplacement par des colons israéliens
00:21:54 dans la perspective de la reconstitution d'un royaume d'Israël,
00:21:58 et pour la reconstruction du Temple de Jérusalem en lieu et place de la mosquée d'Al-Aqsa et du Dôme du Rocher,
00:22:08 eh bien là vous avez face à vous un acteur stratégique qu'on pourrait considérer comme irrationnel,
00:22:15 mais dont ses buts participent clairement de ses actions et de sa vision du monde.
00:22:23 Et donc on a là une dimension du politique et du stratégique qui est rarement prise en compte,
00:22:32 mais qui va l'être de plus en plus à mesure que les idées politiques ou les idéologies politiques se sont effondrées.
00:22:41 L'homme n'étant pas juste qu'une créature rationnelle ou juste un robot,
00:22:49 l'homme ne vivant pas que de pain, il a aussi besoin d'un idéal pour vivre.
00:22:55 Et donc les idéologies politiques ne remplissant plus ce vide,
00:22:59 elles vont être comblées de plus en plus par les idéologies théopolitiques.
00:23:03 Et ces différents millénarismes vont se confronter toujours plus.
00:23:08 Et là ce qui est intéressant c'est de voir par exemple ce que proposent les stratégistes chinois
00:23:16 pour sortir de ces formes de conflictualité y compris idéologiques.
00:23:21 Par exemple la notion de Tianxia qui est l'idée d'une forme de multipolarité non seulement politique mais aussi philosophique.
00:23:34 C'est à dire un système monde dans lequel les différents pôles de puissance ne chercheraient plus à imposer aux autres une idéologie spécifique.
00:23:45 Mais chercherait chacun à essayer de se coordonner en acceptant cette altérité.
00:23:51 Et le paradoxe étant celui-ci c'est que finalement nous autres occidentaux nous en rendons pas force.
00:23:57 Enfin nous qui sommes ici je pense que nous nous en rendons compte mais souvent les populations sont bernées par ça.
00:24:02 C'est que on nous vend un système inclusif mais le système finalement qui pilote l'occident politique est un système exclusif.
00:24:13 Mais qui justement se dissimule sous les appareils de cette inclusion du monde entier au sein d'une autorité globale.
00:24:22 Et c'est pour ça qu'il était difficile en quelque sorte pour les puissances même qui étaient victimes du globalisme politique de comprendre ce qu'elles vivaient.
00:24:39 Mais maintenant avec le soulèvement stratégique initié par la Russie et la Chine et bien la donne change.
00:24:48 Et finalement les mondialistes sont confrontés au croisement de deux courbes qui peuvent être dangereuses pour leur projet.
00:24:57 Celle de la conjonction en fait d'une coordination de rivaux géostratégiques avec la montée d'une opinion politique au sein de l'Occident.
00:25:14 Qui comprend que finalement la véritable nature du projet des élites qui ont pris le contrôle de nos sociétés.
00:25:23 Et finalement si ces deux courbes se croisent on peut avoir des perturbations systémiques qui finiraient par peut-être souhaitons-le ébranler le système globaliste.
00:25:39 Merci à vous. Je laisse la parole à monsieur Mélenchon.
00:25:42 [Applaudissements]
00:25:50 Les relations internationales aujourd'hui sont gouvernées à la fois par ce que pensent les élites occidentales que vient de décrire Pierre-Antoine maintenant.
00:26:08 Mais en même temps elles sont dirigées non pas par ces élites mais par l'état profond aux États-Unis.
00:26:19 Et cet état profond ne pense pas comme les élites. Il les utilise mais il les manipule.
00:26:29 Cet état profond probablement a toujours en tête les théories de Bach-Kinder.
00:26:41 Mais il sait bien que ça ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui.
00:26:49 Et donc il s'est créé un nouveau programme qu'il a mis au point à la fin des années 90.
00:27:01 Après avoir vu, après avoir même favorisé l'effondrement de l'Union soviétique et surtout l'effondrement de la Russie
00:27:13 qui était quelque chose d'absolument tragique. Vous savez, brutalement l'espérance de vie des Russes a diminué de près de 20 ans.
00:27:24 En une année ! Et leur économie s'est totalement effondrée.
00:27:31 Donc eux ils ont envisagé, quand ils ont vu la Russie sortir de la misère tout d'un coup et retrouver un peu d'économie,
00:27:48 ils ont envisagé que l'intérêt pour eux serait de diviser le monde en deux.
00:27:57 Oui, il y a des États qui sont développés.
00:28:02 Eh bien, travaillons avec ces États, on va leur vendre des choses.
00:28:07 Et puis il y en a d'autres qui sont sous-développés. Alors là, on ne peut rien leur vendre.
00:28:12 On peut juste les exploiter.
00:28:15 Donc nous allons exploiter toutes les ressources naturelles de ces États,
00:28:24 les vendre à ceux qui sont déjà développés, ce qui comprend la Russie et la Chine,
00:28:32 et instaurer une sorte de taxe pour venir bénéficier de ces matières premières.
00:28:42 Donc l'État-major du Pentagone a fait une grande carte et il a dit "voilà les pays sous-développés c'est l'Amérique latine, l'Afrique, le Moyen-Orient".
00:29:05 Grosso modo c'est ça.
00:29:10 Alors le Moyen-Orient, c'est quoi exactement ? C'est difficile à déterminer.
00:29:14 Alors on a inventé un nouveau terme, on parle de "Moyen-Orient élargi".
00:29:20 Donc ça va jusqu'à l'Afghanistan, comme ça.
00:29:26 Et si on veut exploiter ces pays, enfin exploiter leur matière première,
00:29:35 on doit d'abord s'assurer qu'il n'y ait pas d'opposition politique.
00:29:41 Donc nous devons détruire toutes les institutions politiques, tous les gouvernements de ces pays.
00:29:53 Il y a des pays amis et des pays ennemis. Peu importe.
00:29:57 On doit les détruire. Il n'y a plus d'amis ou d'ennemis. On parle d'exploitation capitaliste, on ne parle pas d'autre chose.
00:30:04 Le 12 septembre 2001, le lendemain des attentats aux Etats-Unis, on a donné ce plan qui a été publié par la revue de l'armée de terre des Etats-Unis.
00:30:29 Et dans ce plan on a précisé qu'il faudra certainement commettre des massacres, mais nous, les Etats-Unis, on ne peut pas faire ces massacres.
00:30:44 Alors on s'en remettra à des groupes non-gouvernementaux qui feront ça pour nous.
00:30:53 Bon, c'est Al-Qaïda, Daesh.
00:30:58 Donc c'est "C'est dit noir sur blanc", écrit, publié le 12 septembre 2001.
00:31:04 Ce projet vient dans la continuité de ce que les anglo-saxons ont toujours voulu imposer leur loi au reste du monde.
00:31:19 Ce qui vient d'être décrit maintenant.
00:31:23 Mais au 19ème siècle ils ont essayé de faire ça par la force.
00:31:31 Aujourd'hui ils le font par le droit.
00:31:37 Autant les Russes de l'époque tsariste et les Français de la Troisième République ont voulu construire un droit international.
00:31:54 Une idée vraiment bizarre, un droit international. Personne n'avait parlé de ça avant eux.
00:31:59 Autant les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont voulu imposer leurs règles.
00:32:08 On ne parle pas de droit, on parle de règles, c'est très différent.
00:32:12 Lorsque Churchill et Roosevelt ont signé la charte de l'Atlantique en 1942
00:32:22 et qu'ils ont décidé de faire entrer les Etats-Unis dans la Seconde Guerre Mondiale,
00:32:31 les Etats-Unis avaient été pendant deux ans absolument neutres,
00:32:35 quand ils ont décidé ça, en même temps, en signant ce texte,
00:32:40 ils ont décidé qu'après la guerre, il y aurait une gouvernance mondiale par leurs deux pays.
00:32:47 Et leurs deux seuls pays.
00:32:50 Ça s'appellerait l'Organisation des Nations Unies, mais ce seraient eux les chefs et personne d'autre.
00:33:00 Alors bon, ça ne s'est pas passé comme ça, parce que les Soviétiques ont gagné la guerre,
00:33:07 et il a bien fallu, croit-on, partager ces nouvelles institutions avec eux.
00:33:16 Et les Soviétiques ont repris leur vieille idée tsariste du départ d'un droit international.
00:33:24 J'insiste sur le fait que c'est un Français qui a formulé tout ça à la fin du 19e siècle,
00:33:34 c'est Léon Bourgeois qui a eu le prix Nobel de la paix.
00:33:40 Donc les Soviétiques, dès le début des Nations Unies,
00:33:53 ont mis en cause la manière dont les Anglo-Saxons voulaient installer leur domination sur le monde.
00:34:05 Tout ça a commencé avec la création manquée d'un État palestinien.
00:34:17 C'est le premier point d'achoppement aux Nations Unies.
00:34:24 Les Soviétiques voulaient qu'il y ait deux États en Palestine.
00:34:34 Un État juif et un État arabe, et qu'ils soient ensemble dans une fédération,
00:34:43 avec la certitude que chaque homme vaudrait une voix, que les Arabes et les Juifs devaient être égaux.
00:34:53 Et puis il y a eu un deuxième sujet de friction, qui a été la guerre de Corée.
00:35:08 Mais juste avant la guerre de Corée, dans la même logique,
00:35:14 les États-Unis ont invité à s'asseoir au Conseil de sécurité la Chine, comme c'était prévu.
00:35:22 On avait signé tous pour ça.
00:35:24 Sauf que ce n'était pas Mao Zedong, c'était Chiang Kai-shek.
00:35:30 L'histoire de Taïwan d'aujourd'hui se prolonge, il n'y a absolument rien de nouveau dans tout ça.
00:35:38 Donc les Soviétiques, même s'ils étaient favorables à la Corée du Nord contre la Corée du Sud,
00:35:53 même si les deux pays n'étaient pas officiellement créés, sont partis aux Nations Unies en claquant la porte.
00:36:01 Pendant six mois, ils n'ont pas siégé aux Nations Unies.
00:36:07 En disant que le texte qu'ils avaient signé n'était pas appliqué par les Anglo-Saxons.
00:36:14 Les États-Unis en ont profité, ils ont dit "ils sont absents, allez-eux, vous me votez que,
00:36:20 pour le soutien à la Corée du Sud, les Nations Unies décident de mettre un casque bleu sur la tête des GIs,
00:36:31 et nous allons nous battre avec le casque bleu sur la tête contre la Corée du Nord".
00:36:36 Là les Soviétiques sont revenus aux Nations Unies un peu dépités,
00:36:43 parce qu'en fait ils se sont rendu compte que le texte qu'ils avaient signé pouvait être lu de la manière dont les Anglo-Saxons l'avaient lu,
00:36:52 mais c'était fait exprès évidemment, et qu'ils ne s'en étaient pas rendu compte au bon moment.
00:36:58 Pendant les années qui ont suivi, cette bataille a toujours duré.
00:37:08 La guerre froide, c'est la continuation de la Deuxième Guerre mondiale, ça n'est pas une chose nouvelle.
00:37:21 C'est à nouveau les États-Unis et le Royaume-Uni, dont le rapport avait été transformé,
00:37:31 puisque les États-Unis étaient devenus plus riches que l'Empire britannique,
00:37:35 mais les Anglo-Saxons ensemble voulaient continuer à imposer leur domination sur le monde,
00:37:44 et les Soviétiques prétendaient au contraire instaurer un droit international.
00:37:52 Alors qu'est-ce que c'est qu'un droit international ?
00:37:55 Ça veut dire que ce n'est pas du tout comme le droit civil ou pénal chez nous.
00:38:05 Nous écrivons ensemble ce droit, il est voté par nos assemblées,
00:38:12 et il y a une police qui est chargée de le faire appliquer.
00:38:18 Mais il n'y a pas de police internationale, donc le droit international n'est pas comparable.
00:38:24 Le droit international c'est un ensemble de règles qui n'existent pour vous que si vous les signez.
00:38:33 Donc, traité après traité, vous prenez des engagements.
00:38:37 Le droit international c'est l'obligation que vous avez de respecter les engagements que vous avez signés,
00:38:46 pas les autres, uniquement ceux-là.
00:38:49 Et à la place de la police, ça c'était l'idée de Léon Bourgeois,
00:38:58 à la place de la police, on va utiliser les opinions publiques contre les gouvernements qui ne respecteraient pas leur signature.
00:39:09 Parce qu'en fait, il n'y a aucun gouvernement qui va accepter que son peuple lui reproche de violer sa signature.
00:39:19 C'est pour ça que la question de la qualité de l'information est fondamentale.
00:39:31 Si vous savez que votre gouvernement viole sa signature, vous allez le lui reprocher.
00:39:37 Est-ce qu'il y a ici beaucoup de gens qui savent par exemple que Mayotte ne devrait pas être une colonie française,
00:39:44 mais que les Nations Unies ont plusieurs fois réclamé que Mayotte soit indépendante ?
00:39:51 Non, personne ne le sait.
00:39:54 Est-ce que vous savez que le gouvernement français a signé que Mayotte devait rester dans l'écomort,
00:40:04 et non pas devenir un département comme c'est aujourd'hui ?
00:40:08 Non, vous ne le savez pas.
00:40:10 Si vous le saviez, certainement vous regarderiez les troubles qui ont lieu là-bas d'une autre manière.
00:40:19 On n'a sûrement pas envie que cette affaire-là se termine comme en Algérie.
00:40:25 Au début, les anglo-saxons ont utilisé un droit international tel qu'il existait.
00:40:38 En essayant de tirer la couverture à eux, mais sans chercher à le déformer.
00:40:50 Et puis, avec Madeleine Albright, à l'époque de Bill Clinton, l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU,
00:41:07 c'était Madeleine Albright, après elle est devenue secrétaire d'État.
00:41:10 Donc Madeleine Albright a commencé une autre manière de voir.
00:41:15 Elle a dit "mais nous devons changer les textes du droit international pour les mettre au service de notre domination".
00:41:26 Et ça c'est très facile à faire.
00:41:29 On va prendre chaque texte et dire qu'il faut le moderniser.
00:41:35 Les temps changent, tel aspect est un peu différent.
00:41:42 Donc on va réécrire.
00:41:45 Et au lieu de réécrire selon la manière dont on avait écrit les textes internationaux juste là,
00:41:54 on va prendre comme référence le droit anglo-saxon.
00:41:58 Donc tous les anciens textes ont été réécrits d'abord en langue anglaise,
00:42:06 maintenant c'est la langue qui sert de base à ça.
00:42:09 Et avec une logique de la tradition qu'il emporte sur la décision collective.
00:42:23 La tradition c'est-à-dire que les plus avantagés sont encore les plus avantagés.
00:42:28 C'est ça la tradition.
00:42:35 Il se trouve que le travail de Madeleine Holbrecht a continué après sous George Bush.
00:42:46 Parce que Madeleine Holbrecht c'était la fille d'un grand professeur de sciences politiques et de droit
00:42:57 qui avait théorisé cette notion de "en faisant rentrer les textes internationaux dans le droit anglo-saxon,
00:43:09 nous allons les miner de l'intérieur".
00:43:12 Et en plus de sa fille biologique, il avait une fille adoptive, Condoleezza Rice,
00:43:25 qui a été la conseillère de sécurité puis la secrétaire d'état de George Bush.
00:43:32 Donc à droite et à gauche, en continu, c'est les mêmes.
00:43:35 Cette politique, petit à petit, a miné absolument tout.
00:43:44 Aujourd'hui le droit international peut être lu, peut-être,
00:43:54 parce qu'en fait, si on prend tous les textes, il ne peut pas.
00:43:58 Mais certains des textes du droit international peuvent être interprétés d'une manière qui favorise les anglo-saxons.
00:44:06 Aujourd'hui vous avez une guerre en Ukraine.
00:44:19 Mais on vous dit "les Russes sont très méchants, ils veulent envahir toute l'Europe et ils ont commencé par l'Ukraine,
00:44:32 ils sont assoiffés de terre".
00:44:35 Pas du tout.
00:44:37 Les Russes ont appliqué la résolution 2202 du conseil de sécurité
00:44:44 et les accords de Minsk qui sont inscrits dans cette résolution.
00:44:48 Pourquoi on vous dit qu'ils ont envahi ce pays ?
00:44:56 Est-ce que la France a envahi le Rwanda quand elle a mis fin au massacre au Rwanda ? Non.
00:45:02 C'est ce qu'a fait la Russie.
00:45:07 Elle a mis fin au massacre au Donbass qui durait déjà depuis huit ans
00:45:11 et dont notre honorable président François Hollande dit qu'il a signé les accords de Minsk
00:45:20 en pensant ne jamais les appliquer et de manière à donner le temps à l'Ukraine de s'armer pour pouvoir combattre les Russes.
00:45:29 C'est un crime contre la paix, c'est le crime le plus grave.
00:45:38 On ne parle pas de crime contre l'humanité, on parle de crime contre la paix,
00:45:42 c'est-à-dire de ce qui rend possible les crimes contre l'humanité.
00:45:46 D'ailleurs actuellement en Russie il y a un mandat d'arrêt contre François Hollande pour le juger.
00:45:54 Mais on ne vous en a pas parlé ici je pense.
00:46:02 Si on vous en parlait, ce serait pour vous dire que vraiment les Russes sont mauvais joueurs et que c'est une dictature.
00:46:11 Ce que les Russes et les Chinois veulent faire,
00:46:16 ça n'est pas, contrairement à ce que pensent les Occidentaux et particulièrement les Etats-Unis,
00:46:27 ça n'est pas rivaliser avec les Etats-Unis.
00:46:32 C'est une mentalité purement occidentale.
00:46:36 On parle du piège de Thucydide, du nom d'un historien grec qui avait expliqué que lorsque Athènes s'est développée,
00:46:52 Sparte s'est sentie menacée.
00:46:54 Et donc une guerre entre les deux était devenue inévitable.
00:46:59 Parce que c'était deux Grecs qui pensaient de la même manière.
00:47:02 Mais jamais les Russes ne sont allés coloniser l'autre bout du monde.
00:47:13 Jamais les Chinois n'ont fait ça.
00:47:15 Donc ce n'est pas ce que recherchent la Chine et la Russie.
00:47:28 Eux, ils souhaitent un monde où chacun puisse vivre à côté de son voisin, en paix avec lui et puisse commercer avec lui.
00:47:39 Pendant des années d'ailleurs, vous avez dû entendre les dirigeants chinois venir en Europe et dire "nous voulons des échanges gagnants-gagnants".
00:47:53 Ça veut dire quoi "gagnants-gagnants" ?
00:47:56 Évidemment quand on a dans la tête toutes les références des États-Unis, gagnants-gagnants, on dit "c'est quelque chose qui doit rapporter aux deux à la fois".
00:48:05 Mais ça ne veut pas du tout dire ça.
00:48:07 Ça fait référence à l'histoire de la Chine.
00:48:11 Où l'empereur de Chine, lorsqu'il prenait un décret, une décision,
00:48:22 il devait veiller à ce que chaque gouverneur de chacun de ces États soit gagnant.
00:48:31 Tout le monde devait être gagnant.
00:48:34 Mais il y a des décisions qui étaient prises qui ne concernaient pas telle région.
00:48:38 Alors comment le rendre gagnant, celui-là ?
00:48:41 Donc il fallait lui donner quelque chose à cette occasion.
00:48:43 C'est ça "gagnants-gagnants".
00:48:45 C'est veiller à ce que chacun trouve un intérêt à une décision collective.
00:48:50 Quant à la Russie, on sait bien qu'elle n'a jamais colonisé en dehors de ses frontières immédiates.
00:49:14 Et que lorsqu'elle a envahi ses frontières immédiates,
00:49:20 par exemple lorsque l'armée tsariste a envahi la Sibérie,
00:49:25 il n'y avait personne qui vivait en Sibérie, c'était quelques tributs,
00:49:29 au début on a envoyé un général qui a massacré les gens à tour de bras.
00:49:33 "Ouh là là, le tsar l'a fait revenir, qu'est-ce que c'est que ça ? On n'est pas des sauvages ?"
00:49:42 Donc ce général a été vincé, on en a mis un autre qui a été chargé de négocier avec chacun la protection du tsar.
00:49:50 Et évidemment il y avait besoin d'une protection du tsar en Sibérie,
00:49:55 vous ne pouvez pas vivre comme ça en Sibérie, dans un milieu aussi hostile.
00:50:00 Donc ce sont des traditions complètement différentes de celles de l'Occident.
00:50:07 Aussi un mot sur ce qui se passe aujourd'hui à Gaza.
00:50:16 Je pense que c'est très difficile à comprendre depuis l'Europe.
00:50:24 D'abord, on vous a raconté qu'il y avait eu une attaque du Hamas contre Israël.
00:50:35 Non, c'est une attaque de la résistance palestinienne. Il n'y a pas que le Hamas.
00:50:40 Il y avait le FPLP et le djihad islamique qui, tous deux ou plutôt tous trois,
00:50:45 parce qu'il y a deux tendances du FPLP, ont participé à cette attaque.
00:50:50 La deuxième chose c'est que personne ne vous a dit "qu'est-ce que c'est que le Hamas ?"
00:51:01 Jusqu'en 2017, sur tous les papiers du Hamas, s'étaient marqués "branche palestinienne des frères musulmans",
00:51:09 de la confrérie des frères musulmans.
00:51:12 Qu'est-ce que c'est que cette confrérie ?
00:51:16 C'est une organisation politique, absolument politique, ça n'a rien de religieux,
00:51:21 mais qui utilise la religion pour son objectif politique.
00:51:28 Cette organisation a été restructurée après la deuxième guerre mondiale par les britanniques
00:51:36 sur le modèle de la Grande Loge Unie d'Angleterre.
00:51:41 Cette organisation, dans tous les pays où elle est présente, obéit au gouvernement britannique.
00:51:53 En 2017, le Hamas a enlevé cette mention de "branche palestinienne de la confrérie des frères musulmans"
00:52:07 et il y a eu des troubles au sein du Hamas.
00:52:11 Mais la direction est restée, que ce soit la direction politique ou la direction militaire,
00:52:18 sont restées entièrement fidèles à cette confrérie.
00:52:23 Simplement, il y a quand même des gens qui voyaient que les frères musulmans avaient échoué en Égypte,
00:52:29 qu'ils échouaient un peu partout, qu'en Syrie c'était la catastrophe, etc.
00:52:37 Il y a eu à Gaza des gens qui ont souhaité faire de la résistance avec la seule organisation qui existait à Gaza,
00:52:51 qui était le Hamas, mais pas dans le cadre des frères musulmans,
00:52:57 mais dans le cadre d'une vraie résistance palestinienne.
00:53:06 Les deux courants se sont plus ou moins séparés, mais c'est toujours la même organisation.
00:53:17 Il y a une partie qui, l'année dernière, est allée faire la paix avec Bachar el-Assad,
00:53:24 parce que le Hamas avait lutté aux côtés de l'OTAN et contre la République arabe syrienne.
00:53:33 Donc ceux qui voulaient représenter une résistance palestinienne sont allés faire la paix avec Bachar el-Assad.
00:53:41 Mais pas les autres ! Ils sont toujours en guerre, les autres !
00:53:46 Donc déjà, ça doit un peu changer votre manière d'appréhender le conflit qui a lieu là-bas.
00:53:59 Ensuite, il y avait en Israël, depuis plusieurs mois,
00:54:10 depuis six mois, il y avait des troubles politiques considérables.
00:54:14 La moitié du pays défilait contre l'autre moitié.
00:54:18 On parlait de coup d'État. Le mot n'est pas de moi.
00:54:22 Il est de gens qui, d'ailleurs, sont maintenant au gouvernement de guerre.
00:54:28 Donc on accusait Benjamin Netanyahou d'avoir constitué une alliance avec des groupuscules particuliers de son pays
00:54:39 et d'avoir réformé les lois constitutionnelles, les lois fondamentales de son pays
00:54:52 pour disposer de tous les pouvoirs. Il n'y a plus de pouvoir à la Knesset, que ce soit uniquement le gouvernement qui décide.
00:55:01 Évidemment, de ça on ne parle plus, puisque c'est la guerre.
00:55:09 Donc il peut faire ce qu'il veut maintenant.
00:55:16 Il se trouve que cette coalition des amis de M. Netanyahou,
00:55:25 qui est parvenue à obtenir une majorité à la Knesset il y a un an,
00:55:33 cette coalition est composée de gens qui se définissent eux-mêmes, c'est leur expression,
00:55:46 comme "sionistes révisionnistes", c'est-à-dire que ce sont les héritiers de Jabotinsky.
00:55:53 Jabotinsky c'était un juif ukrainien,
00:56:00 qui était un fasciste aussi, il a travaillé avec Mussolini.
00:56:04 Donc ce M. Jabotinsky, en 1922, a fait alliance avec Simon Petlubra
00:56:22 qui s'était proclamé le nouveau chef de l'État dans une partie actuelle de l'Ukraine,
00:56:32 disons le nord de l'Ukraine, le nord et l'ouest de l'Ukraine.
00:56:36 Petlubra était un fasciste lui aussi, et il voulait lutter contre les soviétiques,
00:56:49 puisque c'était le début de la révolution chez eux.
00:56:54 Bon, c'était un antisémite notoire, Petlubra, il a massacré beaucoup de juifs
00:57:04 avant de pouvoir se déclarer chef de l'État.
00:57:08 Mais Jabotinsky a décidé de faire alliance avec lui,
00:57:16 parce que c'était deux fascistes qui avaient une idée en tête,
00:57:20 instaurer leur pouvoir sans se préoccuper de la vie des gens.
00:57:30 Petlubra a continué ses massacres de juifs, après cette alliance.
00:57:43 Mais cette alliance était restée secrète jusque-là.
00:57:46 Et tout d'un coup, ça s'est su.
00:57:49 Donc voilà, ce massacreur de juifs est allié avec Zev Jabotinsky
00:58:02 qui est un administrateur de l'organisation sioniste mondiale.
00:58:11 Vous imaginez le traumatisme, qu'est-ce que c'est que ce truc ?
00:58:18 Donc l'organisation sioniste mondiale demande à Mr Jabotinsky de venir nous dire ce que c'est.
00:58:26 Et lui claque la porte, il n'a pas à s'expliquer devant ses anciens amis.
00:58:33 Au contraire de ça, il va partir en Italie où il va créer le bétard.
00:58:41 Donc ce groupe de Jabotinsky a continué au début de la guerre
00:58:57 à se maintenir plutôt du côté de l'Axe, mais pas à s'engager directement avec l'Axe.
00:59:08 Parce que tous ces gens-là s'étaient battus auparavant pendant la première guerre mondiale avec les britanniques.
00:59:17 Il leur était difficile de rentrer en guerre contre les britanniques.
00:59:22 Donc Jabotinsky est allé s'installer à New York, puisque les États-Unis étaient un pays neutre au début de cette guerre.
00:59:30 Et là il a pris son secrétaire particulier, l'historien Benzon Netanyahou, le père de Benjamin Netanyahou.
00:59:42 Il s'est installé là. C'est aussi là qu'il a reçu un professeur de philosophie de Chicago, Léo Strauss.
00:59:54 Léo Strauss, vous savez, la figure tutélaire des néo-conservateurs.
01:00:00 Léo Strauss était un juif allemand, mais c'était un fasciste, et c'est pour ça qu'il avait quitté l'Allemagne nazie.
01:00:08 Il était juif, il ne pouvait pas vivre là-bas. Mais comme il était fasciste, il ne pouvait pas vivre non plus avec les anglais.
01:00:15 Donc il est allé s'installer à Chicago et après il a fait ce détour avec notre ami Jabotinsky.
01:00:30 En Ukraine, Fyodor Lvov had as a special advisor, a thinker, Mr. Mitro Donsov.
01:00:49 Donc cet homme, ce n'est pas venu d'un coup, il a progressivement rédigé une idéologie.
01:00:59 Lui, pendant la première guerre mondiale, il était du côté des allemands. Il était même stipendié par l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.
01:01:06 C'était un espion pour eux, un agent d'influence.
01:01:14 Ce monsieur a progressivement constitué une idéologie, où il a dit "non, les ennemis ce n'est pas les soviétiques, c'est les russes, c'est la culture russe, c'est ça le mal".
01:01:28 Et il a commencé à dire "nous naissons, nous sommes nés pour détruire la Russie".
01:01:40 "C'est ça notre vocation, nous ne serons ukrainiens que lorsque nous aurons détruit la Russie".
01:01:53 Quand la guerre mondiale est arrivée, ce monsieur Donsov, qui supervisait les pogroms et tous les massacres d'Ukrainiens, il avait déjà tué plus d'un million d'Ukrainiens.
01:02:11 Surtout des gens du sud de la Novorossia, parce que c'était des anarchistes, les gens de Makhno.
01:02:22 Ce monsieur, spontanément, a fait alliance avec les nazis. Il avait déjà été agent de Guillaume II pendant la première guerre mondiale.
01:02:34 Pour lui le nazisme c'était la logique même. Ils avaient les mêmes mythes.
01:02:39 Il disait qu'il était descendant des vikings, il voyait le "wa la la" partout. C'est pareil.
01:02:51 En 1942, ce monsieur est devenu administrateur de l'Institut Reiner Heydrich, c'est-à-dire de l'organe qui depuis Prague était chargé de coordonner, d'appliquer la solution finale de la question juive et tzigane.
01:03:20 C'est une des vingt personnes qui a dirigé ça à l'échelle européenne.
01:03:27 Il a été obligé de quitter l'Ukraine à ce moment-là, puisqu'il s'est installé à Prague.
01:03:39 Il avait un homme de main qui l'a remplacé sur le terrain dès l'arrivée des nazis en Ukraine.
01:03:51 Je suis en train d'oublier son nom.
01:04:01 -Bandera ?
01:04:06 -Bandera. Quand les nazis sont arrivés en Ukraine, il y a eu des grandes cérémonies.
01:04:18 Il y a des photos de ça. Vous avez d'un côté des portraits d'Adolf Hitler, d'un autre de Stéphane Bandera.
01:04:32 Et vous avez les dirigeants nazis et ukrainiens à la tribune.
01:04:36 Ce Stéphane Bandera, après, il a eu des problèmes avec les nazis, mais nous ne savons pas quels problèmes il a eu.
01:04:53 Nous savons que par ce qu'écrivent son groupe. Et ce qu'écrit son groupe ne tient pas la route quand on l'examine.
01:05:02 Eux, ils disent que les allemands avaient renoncé à l'indépendance de l'Ukraine et qu'ils ont arrêté Bandera et qu'ils l'ont mis dans un camp de concentration.
01:05:15 Oui, c'est une pauvre histoire.
01:05:22 Sauf qu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avant qu'elle soit finie, les nazis ont libéré Stéphane Bandera, l'ont remis à la tête de l'Ukraine,
01:05:31 et lui ont demandé de massacrer encore tout ce qu'il trouvait comme russe et comme juif chez lui.
01:05:41 Ce serait un cas exceptionnel de quelqu'un qui resterait 4 ans, il faut le faire, vivant dans des camps de concentration,
01:05:48 et qui au bout de 4 ans viendrait se battre avec ses bourreaux. Ça paraît un peu bizarre.
01:06:01 Ce qui est sûr, c'est qu'il était pendant la Deuxième Guerre Mondiale, dans un camp de concentration à côté de Berlin,
01:06:14 là où se trouvent les bureaux de l'administration de la solution finale.
01:06:21 Alors, était-il dans un bâtiment ou dans un autre ? C'est à vous de décider, personne ne sait.
01:06:29 Ce personnage a continué sa vie après la Guerre Mondiale grâce aux États-Unis.
01:06:42 Les États-Unis sont toujours là pour nous, c'est le pays de la liberté quand même.
01:06:47 Il est devenu agent de la CIA, installé à Munich où il a tenu le Radio Free Europe.
01:06:58 Il vous explique pourquoi les Soviétiques sont très méchants et pourquoi les États-Unis sont généreux.
01:07:05 Au passage, je signale que dans les studios de Radio Free Europe, il devait y avoir plusieurs studios,
01:07:18 il n'y avait qu'un seul bâtiment, il devait y avoir plusieurs studios,
01:07:22 et évidemment, Stéphane Mandera ne savait pas que dans le studio d'à côté, où il rentrait tous les jours,
01:07:29 il devait le croiser mais il ne savait pas qui c'était, il y avait Saïd Ramadan,
01:07:33 qui était à l'époque le chef des Frères Musulmans,
01:07:41 que les États-Unis et les Britanniques utilisaient pour provoquer la révolte des populations musulmanes en Union Soviétique.
01:07:52 C'est difficile de trouver autant d'interconnexion entre tous ces gens-là.
01:08:09 Aujourd'hui, Benjamin Netanyahou et Volodymyr Zelensky sont des amis.
01:08:18 Il y a plein de photos d'eux, vraiment, ce sont des amis, ce ne sont pas des chefs d'État qui se sont rencontrés, ce sont des amis.
01:08:33 Alors, ça choque quand on dit que Volodymyr Zelensky est allié avec les Juifs,
01:08:45 et qu'il est allié avec les héritiers de Donsov, mais Donsov était allié avec des Juifs, en tout cas avec Jabotinsky,
01:09:00 dont le secrétaire particulier était le père de Netanyahou.
01:09:04 Le problème que nous rencontrons aujourd'hui est double.
01:09:13 D'un côté, nous avons les États-Unis et le Royaume-Uni qui veulent étendre leur domination,
01:09:27 même s'ils n'ont absolument plus les moyens, leurs armées sont complètement grotesques par rapport aux armées des Russes et des Chinois.
01:09:35 Ils n'ont pas changé depuis la fin de la guerre froide, alors que la Russie et la Chine ont développé des armes fantastiques,
01:09:45 dont les États-Unis sont extrêmement loin, qu'ils ne peuvent pas affronter.
01:09:54 Nous avons ce problème d'un côté, d'un empire finissant des Anglo-Saxons,
01:10:02 et nous avons de l'autre côté un problème de groupuscules, de quelques groupes, d'individus même,
01:10:13 peut-être quelques dizaines de milliers de personnes, mais certainement pas plus,
01:10:20 qui essayent d'appliquer une idéologie pour laquelle la vie des autres ne compte pas.
01:10:34 Et non seulement la vie des autres ne compte pas, mais ils se sont donné comme devoir d'assassiner des gens.
01:10:45 Voilà, je ne sais pas si vous aurez des questions.
01:10:54 Merci.
01:10:55 [Applaudissements]
01:11:00 [Musique]
01:11:21 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]