"Il lui a promis qu'il la tuerait" : inquiète pour sa mère, elle écrit une lettre à Emmanuel Macron

  • il y a 5 mois
Transcript
00:00 Cher Président, j'ai appris une nouvelle que j'aimerais vous partager.
00:02 Cher Président, vous qui avez annoncé par de la lutte contre les violences faites aux femmes votre priorité,
00:06 j'ai l'honneur de vous annoncer que ma mère a perdu son procès.
00:09 Il y a un peu plus d'un an, ma sœur m'a appelée pour me dire que ma mère s'était fait agresser en bas de chez nous par son ex-compagnon.
00:15 Après des mois à craindre la séparation, elle a finalement trouvé le courage de le faire.
00:18 Et lui, après des mois à la supplier de revenir, il a vu que ça ne marchait pas.
00:22 Alors un soir, il a attendu caché, toute la nuit en bas de chez nous,
00:26 et alors qu'elle rentrait d'une fête entre amis, il l'a agressé.
00:28 Cher Président, cette nuit-là, il ne l'a pas seulement agressé, il lui a fait une promesse.
00:32 Cher Président, il lui a promis que si elle ne revenait pas, il la tuerait, elle et peut-être même ses enfants.
00:38 Ça vous surprend ? Pas nous.
00:40 Cet homme est violent, colérique, obsessionnel, alcoolique, possède de nombreuses armes à feu et un casier judiciaire.
00:45 Cher Président, voilà maintenant plus d'un an que cet homme harcèle ma mère.
00:48 Il dégrade sa voiture, reste garé des heures en bas de chez nous, la retrouve et la suit où qu'elle aille.
00:53 Vous allez me dire "mais appelez la police" ? La police, mon cher Président.
00:56 Il y en a des belles à vous raconter avec la police.
00:59 Notamment l'épisode de votre fameux téléphone grave danger, ça vous le détour.
01:03 Mais je préférerais laisser la parole à ma mère, qu'elle vous raconte comment elle a aidé la police.
01:07 Cher Président, je vous parle là d'un homme qui, il y a 6 ans, a scié le canon de son fusil
01:10 et nous a pointé et menacé ma mère et moi pendant une crise de colère, hurlant qu'on méritait de mourir.
01:15 Pour information, mon cher Président, scier le canon de son arme est une technique qui permet de s'assurer de ne pas louper sa cible,
01:20 et surtout qu'elle ne se relèvera pas tant la puissance du tir sera violente et l'aura réduit en morceaux.
01:25 Après de longues minutes à nous viser et à hurler, il a tiré, par chance, juste au-dessus de nous,
01:30 juste pour nous faire peur.
01:31 Aucune de nous n'a été blessée, bien que je nous ai cru mortes pendant quelques instants.
01:35 Mon très cher Président, pendant que vous dormez paisiblement, ma petite soeur fait des crises d'angoisse et des cauchemars,
01:39 où elle y voit toute sa famille se faire tuer.
01:42 Cher Président, on a peur, parce que face à un dossier de 37 pièces jointes, plaintes, témoignages et mains courantes,
01:47 le juge a déclaré ce monsieur innocent, car je cite "peut-être qu'elle ment".
01:53 Cher Président, il y a deux procès en cours, et celui qu'on a perdu était celui pour renouveler notre ordonnance de protection, valable seulement 6 mois.
01:59 Et un juge vient de refuser de protéger une mère et ses enfants, car "peut-être qu'elle ment".
02:05 Cher Président, on ne parle pas là d'une condamnation, mais d'une simple ordonnance de protection l'interdissant de s'approcher de nous.
02:10 Qu'est-ce que ça va donner en septembre pour le plus gros procès,
02:13 celui pour lequel on demande une condamnation pour tout ce qu'il a fait et tout ce qu'il promet de faire ?
02:17 Cher Président, je n'aime pas être pessimiste, mais je ne vois pas comment on peut encore y croire, quand on ne nous croit pas.
02:21 Quand ma mère appelle la police pour leur dire qu'il est garé en bas de la maison, ou qu'il est en train de la suivre, et qu'on lui répond
02:26 "mais la rue est publique, madame, il a droit d'être là".
02:29 Face à ce dossier de 37 pièces jauntes, témoignant de la dangerosité de cet homme,
02:33 lui avait un dossier de 5 ou 6 pages, où ma mère y était décrite comme une p***, et une de mes sœurs comme pratiquant la magie noire.
02:38 Non, non, ce n'est pas une blague, mon cher Président, c'est bien cet homme qui a gagné le procès.
02:43 Et le jour même de l'annonce de la décision du juge, ma mère a retrouvé sa portière encastrée.
02:47 Après un an, je vous laisse imaginer l'état de la voiture. Cher Président, j'ai peur,
02:51 parce que chaque jour, je vois le compteur des fées féminicides augmenter,
02:54 et depuis plus d'un an maintenant, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'un jour,
02:57 j'ai vu réellement ma mère et mes sœurs.
02:59 Parce qu'en lisant chaque enquête, c'est toujours la même chose.
03:02 Conjoint ou ex-conjoint violent, menace de mort, de nombreuses plaintes dépensées,
03:05 la police alertée, mais elles n'ont pas été protégées, et se sont faites tuer.
03:09 Si des termes ne sont plus parlants, mon cher Président,
03:11 elles ont été étranglées, battues à mort, poignardées, torturées, brûlées vives,
03:14 parce qu'on ne les a pas crues.
03:16 Et souvent, les tueurs, enfin les assassins,
03:18 encore une fois, utilisons les mots avec précision, mon cher Président,
03:20 car c'était prémédité, les assassins étaient connus des services de police.
03:23 Cher Président, ils veulent la tuer, ils veulent le faire,
03:27 peut-être demain, dans six mois, dans un an,
03:29 il y en a qui attendent des années que ce soit le bon moment.
03:31 Cher Président, j'ai appris cette nouvelle il y a un mois, la veille du 8 mars,
03:35 journée internationale de lutte pour les droits de la femme.
03:37 Quelle ironie.
03:38 J'ai longtemps hésité à me prononcer, je ne voulais pas exposer ma vie privée,
03:41 mais j'ai compris qu'il ne s'agissait pas de moi,
03:43 il s'agit de ma mère, de mes soeurs,
03:45 et de toutes les autres femmes et enfants qui mènent ce combat,
03:47 seules et en silence.
03:48 Cher Président, je vous écris mais je n'attends rien de vous.
03:50 Vous n'écoutez pas les mortes, alors vous n'entendrez pas les vivantes.
03:54 Cher Président, vous qui avez fait de la lutte pour les violences faites aux femmes votre priorité,
03:58 j'ai l'honneur de vous annoncer que votre mission est un succès.
04:00 Je possède un téléphone grave danger jusqu'au mois de septembre prochain,
04:05 je l'ai déjà depuis un an.
04:07 Mon ex-compagnon va être jugé au mois de septembre pour des menaces de mort à mon encontre et sur mes enfants.
04:13 Menaces de mort avec arme sur moi-même et ma fille,
04:17 harcèlement, menaces, et j'en passe.
04:21 Il a déjà été condamné par le passé pour les mêmes faits,
04:24 il est connu des services de police et de la justice.
04:28 Et malgré tout, au mois de février, un juge en cours d'appel a décidé de faire annuler l'ordonnance de protection,
04:34 qui était le seul rempart fragile qui me protégeait des agissements de ce monsieur.
04:40 Donc c'est incompréhensible pour tout le monde, pour le parquet, pour mon avocate, pour moi, pour France Victime.
04:45 Franchement, on n'a vraiment rien compris de cette décision et de l'argumentation complètement alambiquée de ce juge.
04:53 Donc je ne sais pas s'il faut amener en preuve ultime un corps, un cadavre de moi-même ou d'un de mes enfants,
05:01 pour que la justice, en tous les cas ce juge-là, se rende compte de l'ampleur de ce que l'on vit,
05:07 et des conséquences et de l'ampleur de sa décision.

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