Lag : «C'est l'animal (en moi) qui prend le dessus» - Tous Sport - A la limite

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Explorateur, aventurier, homme de défis, le Français Loury Lag nous a accueillis chez lui pour échanger sur sa relation avec le concept de limite.

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00:00 Je me suis fait tout seul. Pour se faire tout seul, en fait, il faut se lancer, faire des
00:07 erreurs, être inconscient, prendre des risques. Je suis un garçon de défi. Je suis un homme
00:13 de défi, ça c'est sûr et certain. Et qui dit défi dit dépassement de soi et dépassement
00:17 des limites, c'est obligatoire. Je me sens plus en sécurité à -50° avec des ours
00:25 que dans la vie de tous les jours. Je me suis fait tatouer une tête de mort sur l'entièreté
00:32 de mon dos. Du moment où elle est derrière moi, elle ne pourra pas m'attraper.
00:43 Qu'est-ce qu'une limite ? Déjà, je ne comprends pas le sens de la question. Chacun
00:50 a ses propres limites. Moi, clairement, la limite de mon expérience, de vie, à mes
00:57 expéditions aujourd'hui, forcément, il n'y en a qu'une, c'est la mort. Et j'ai passé
01:02 ma vie à jongler avec cette limite-là. Si tu ne reposes pas tes limites dans mon métier,
01:07 clairement, c'est impossible de découvrir à la fois qui tu es, à la fois ce dont tu
01:12 es capable et à la fois percevoir au fond de ton âme le guerrier que tu es.
01:18 Tout naît de mon histoire avec mes parents. Effectivement, des titres, des reconnaissances
01:27 ont compensé pendant un certain temps le regard des gens que j'aimais et qui, très
01:33 souvent, n'ont pas eu les mots que j'aurais attendus. J'ai eu besoin de reconnaissance.
01:40 Et pour ça, j'ai essayé un milliard de choses, de briller dans plein de domaines
01:43 différents et puis, évidemment, d'attirer l'attention de manière parfois moins bonne.
01:49 Mais moi, j'ai détesté les règles, en fait. Profondément, je suis persuadé qu'on
01:54 a besoin de vivre des expériences douteuses, dures, de tomber pour se relever et se forger
01:59 un caractère. Moi, mes gamines, elles tombent par terre, je ne la relève pas. Je ne serai
02:05 pas toujours là. J'ai mal, oui, ça va passer. La souffrance, pour moi, fait partie,
02:18 en tout cas, de mon écosystème. Souffrir, ce n'est pas mal. Souffrir, ce n'est
02:23 pas diabolique. Souffrir, ce n'est pas grave. Il faut, je crois, accepter la souffrance
02:29 sous toutes ses formes. La souffrance physique, qui nous demande toujours de repousser les
02:34 limites. La souffrance psychologique, de subir une pression. La souffrance d'un tiers
02:41 aussi, de se dire pourquoi ça m'arrive, pourquoi à moi, pourquoi par exemple mon
02:44 père, pourquoi il s'en va à lui alors que je suis en expé. Pourquoi ? Ces souffrances-là
02:50 font partie de la vie. Donc, moi, j'ai plutôt tendance à les accueillir qu'à les repousser.
02:54 Évidemment, moi, mon syndrome d'analgésie congénitale, il a créé une défaillance
03:00 en moi puisque pareil, le moment où je reçois l'information, où mon corps m'envoie
03:05 l'info, c'est un moment très souvent où je suis déjà dans un état critique.
03:10 Donc, ça a été très dur de trouver le juste milieu. Je me suis construit en essayant
03:13 de trouver la bonne limite, pas celle que mon corps m'envoyait, mais celle qu'il
03:17 fallait que je réfléchisse qui était avant. Quel est le stade de la limite que je devrais
03:22 avoir mais que je n'ai pas et qui me fait toujours me retrouver dans des situations
03:26 loufoques et parfois très dangereuses ? Mais je me suis construit avec ça. Aujourd'hui,
03:32 j'arrive à déceler les vrais signaux des faux signaux et j'arrive tout aussi bien
03:38 à accepter la souffrance.
03:39 Bon, j'ai suivi le passage des crevasses. Mais voilà, il faut y aller. Donc, j'espère
03:51 que s'il m'arrive quelque chose, je vous aime très fort. Voilà.
03:56 Quand je pars sur le vatnajokull, je n'ai pas de connaissances, en tout cas pas dans
03:59 le milieu polaire. Après, si un homme l'a fait, je ne vois pas pourquoi moi je ne le
04:02 ferais pas. Moi, je crois qu'à partir du moment où tu as le mental et la paire de
04:07 couilles, ça suit.
04:09 Il y a clairement une part d'inconscience. Contrairement à plein de gens qui sont ultra
04:15 dans le technique, ultra dans l'organisationnel, moi, je ne viens pas de cet univers-là, des
04:19 tableaux Excel, des grammes, des trucs comme ça et tout. Moi, je suis un fonceur. Moi,
04:23 j'ai cette sensation à chaque fois que je m'attaque à un sujet de bouffer une masterclass.
04:29 En fait, j'aurais pu me préparer pour le vatnajokull pendant un an. Finalement, en
04:32 15 jours, c'était réglé. Je ne suis arrivé que très tard en fait sur l'organisation,
04:37 la logistique et pas pour limiter le risque, mais pour augmenter le seuil de la limite
04:44 où je pouvais aller.
04:45 Avant, j'ai beaucoup fait de choses au talent avec le mental et de l'inconscience et certainement
04:52 la bonne étoile aussi. Tout est une question de croyance. Si tu crois que tu as la baraka,
04:57 la baraka est là. Si tu ne crois pas, tu n'as pas la baraka.
05:04 Sur ma dernière expé, quand j'y repense, je me dis que j'ai quand même dérivé
05:14 sur un bout de banquise pendant 4 jours avec des ours sur 300 m² de glace qui dérivaient
05:22 vers le nord. Quand tu y penses après coup et que tu vois tes rations diminuer, ton fuel
05:29 diminuer, ta nutrie diminuer, tu te dis qu'il faut quand même avoir du mental.
05:36 On parle de survie pure et dure, on parle d'instinct, on parle de capacité mentale
05:43 à relever le défi qui est en train de se passer.
05:44 J'ai cassé ma tente, j'ai perdu mes pulkas. J'étais obligé de marcher presque 10 km
05:51 en marche arrière. J'ai trouvé ça au refuge. Alors je rentre.
06:02 Je reçois les informations comme dans un Tetris. Les formes arrivent de plus en plus
06:07 vite et s'entassent de plus en plus. Je dois les traiter avec une rapidité hors pair pour
06:15 faire descendre le potentiel Game Over. Je casse, je mets dans des endroits, je fais
06:21 baisser la pression, je fais baisser le travail. Le Tetris remonte et ainsi de suite.
06:27 Et dans des situations extrêmes, il y a des connexions. Il ne se passe plus rien en haut,
06:35 c'est l'animal qui prend le dessus. Et là, tout se passe à l'instinct.
06:41 Et puis de toute manière, comme je l'ai dit plusieurs fois, aux portes de l'enfer,
06:46 tout le monde veut rire. Je me rappelle un moment sur le Telsat,
06:55 où j'appelle Chloé qui était la chargée d'experts. Et à la fois, je ne sais pas
07:01 si c'est de la bêtise ou de la folie ou de la pleine conscience, je lui dis « je
07:07 vais y aller là. C'est le moment où je vais y aller, je vais tenter ma chance ».
07:11 La mort est là, il va falloir partir la frontière. Et je sens qu'elle panique, je sens qu'elle
07:21 fait tout pour me retenir et tout. Et qu'elle me dit « si tu y vas, tu vas mourir ».
07:27 Et en même temps, je lui dis au téléphone « je préfère mourir en action qu'attendre
07:33 que la mort vienne me cueillir ». L'instinct de survie est une arme à exploiter
07:36 incroyable. C'est juste que pour l'atteindre, il faut se mettre dans des grandes difficultés.
07:42 Et moi, je me sens à l'aise dans cette zone-là. Peut-être que j'ai eu beaucoup
07:48 de chance ou peut-être que finalement, je suis armé pour gérer ce type de situation.
07:56 Ça, je ne sais pas. Mais je suis là. Très souvent dans ma vie, je me suis cru
08:05 et immortel et intouchable parce qu'il ne m'arrivait jamais rien. Et forcément,
08:10 cette dimension de super-héros me fait défaut. C'est très bien quand tu te galvanises
08:16 pour te dire que tu veux devenir quelqu'un, que tu vas réussir. Mais à côté de ça,
08:19 il y a plein de trucs où tu te dis « non, ce n'est pas pour moi, ça ne me touche
08:21 pas ». Et quand ça te tape, ça te fout droit.
08:24 Je pense qu'il y a un juste milieu entre l'ego qui te donne de la puissance, l'ego
08:30 qui te donne de la force et l'ego qui peut te faire basculer dans la bêtise, dans la
08:36 prise de risque. Nous ne sommes que de passage, nous ne sommes rien. Et encore plus face à
08:40 la nature. La nature, elle accepte, oui ou non, que tu passes sur son terrain quand elle
08:45 l'aura décidé.
08:46 C'est la tempête ! Les vents sont assez violents !
08:59 J'ai essayé de me mettre à l'abri !
09:04 Le King, c'est un personnage que je me suis inventé, qui me permet de me donner aussi
09:08 confiance en moi. Je crois que chaque athlète ou chaque personne qui veut repousser les
09:13 limites a sa manière à lui de trouver quelque chose qui le galvanise, qui lui donne de la
09:18 puissance, que ce soit la famille, que ce soit un personnage, que ce soit l'humour.
09:23 Moi je tourne ça aussi à l'humour, en me créant ce perso de King où je dis, il ne
09:30 faut pas faire chier le King, le King connaît le terrain.
09:34 -35 aujourd'hui, avec une température au sentier à -52, on rentre dans le vide du
09:43 sujet.
09:44 Mon kérosène, c'est l'aventure, c'est l'extrême, et c'est l'adrénaline, le
09:51 danger, et j'ai besoin de ça aujourd'hui pour être compétent et pour finalement affronter
09:55 le quotidien.
09:56 Moi je vis dans un monde où tout est extrême. Ce qui va me paraître très extrême va me
10:02 paraître peut-être finalement mon quotidien.
10:05 Quand t'es un gamin, tu passes à l'adolescence, c'est l'inconnu. Quand tu passes de l'adolescence
10:09 à l'adulte, c'est de l'inconnu. Quand tu passes de l'adulte au père de famille,
10:13 c'est l'inconnu.
10:14 Moi juste je pousse un petit peu le curseur et je me dis, ok, qu'est-ce qu'il y a un
10:19 tout petit peu plus loin encore, et un tout petit peu plus loin encore. Et c'est ça
10:22 qui est intéressant, c'est d'aller chercher profondément ce qu'il y a là où les autres
10:26 ne vont pas.
10:27 C'est ce qui me passionne en fait dans le domaine de l'exploration, c'est que les
10:31 possibles sont infinis. C'est de la navigation, c'est du parapente, c'est l'année prochaine
10:37 des sommets très hauts, c'est aller au pôle, c'est tester plein de sports extrêmes
10:42 complètement différents, aller dans les déserts, le chaud, le froid, le tropical.
10:45 C'est ça qui est fou. Surprendre, choquer, ne pas être dans les clous, ne pas respecter
10:52 ce que les gens attendent de moi. Moi c'est ça que j'aime bien en fait. Continuer à
10:57 être un peu sauvage et effectivement ne pas croire tout ce que les gens disent sur les
11:05 limites, sur l'acceptable, sur la prise de risque. Être là où on ne m'attend pas,
11:10 ça ça me plaît.
11:11 J'ai peur de faire de la peine si je ne rentre pas. J'ai peur de décevoir. J'ai peur de
11:29 me tromper, de faire du mal mais pas des éléments. Je n'ai pas peur des éléments, je n'ai
11:38 pas peur de prendre des risques. L'échec, oui, me fait peur.
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