Légende de la batterie et juré emblématique de "Nouvelle Star", Manu Katché joue avec les plus grands (Sting, Peter Gabriel, Jonasz, Cabrel, Youssou N'dour, Souchon, etc.). Pour Yahoo, et en exclusivité dans la "Face Katché", il a voulu partir à la rencontre de personnalités issues de la diversité, célèbres ou anonymes. Leurs histoires, bouleversantes, inspirantes, leurs parcours de vie : ils se livrent au plus célèbre batteur de France.
Auteur, compositeur, interprète et musicien, Laurent Voulzy est une figure incontournable de la scène musicale française. Récompensé d’innombrables prix durant sa carrière, l’artiste de 75 ans a également le cœur sur la main et a toujours mis un poing d'honneur à s’engager dans des actions caritatives et humanitaires. Très discret sur sa vie privée, il a accepté pour Yahoo de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur son enfance, sa passion pour la musique, le racisme dont il a été victime, ses influences mais aussi sur son premier séjour en Guadeloupe, son île d’origine, un moment qu’il n’oubliera jamais.
Auteur, compositeur, interprète et musicien, Laurent Voulzy est une figure incontournable de la scène musicale française. Récompensé d’innombrables prix durant sa carrière, l’artiste de 75 ans a également le cœur sur la main et a toujours mis un poing d'honneur à s’engager dans des actions caritatives et humanitaires. Très discret sur sa vie privée, il a accepté pour Yahoo de se livrer sur son histoire, revenant notamment sur son enfance, sa passion pour la musique, le racisme dont il a été victime, ses influences mais aussi sur son premier séjour en Guadeloupe, son île d’origine, un moment qu’il n’oubliera jamais.
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00:00 Chaque île, les corps bougent différemment.
00:02 Le Régué on bouge comme ça, l'Ozantie on bouge comme ça, au Brésil on bouge comme
00:07 ça, mais c'est dingue ! Ça c'est un truc qui m'a toujours paru dingue.
00:10 La petite enfance.
00:15 J'étais fabriqué en Guadeloupe.
00:18 Dans la famille de ma mère qui était une petite bourgeoisie en Guadeloupe, ils se sont
00:23 dit "tu peux pas avoir un bébé ici sans être marié dans notre famille".
00:29 Donc ils ont trouvé un petit appartement à Paris.
00:33 J'ai été élevé par elle jusqu'à l'âge de 2 ans, 3 ans.
00:38 Ensuite il fallait qu'elle gagne sa vie et tout ça, au bout d'un moment, elle a fait
00:42 de la danse.
00:43 Elle a commencé à faire des tournées.
00:45 Et moi pendant ça là j'étais en nourrice.
00:47 Après je suis parti habiter à Pavillon-sous-Bois, dans une autre famille.
00:51 Et là j'étais dans un milieu franco-français, blanc.
00:58 Donc là tu fais une rentrée scolaire en primaire dans cette nouvelle famille avec
01:02 la fille qui a ton âge, Chantal, et un jeune garçon.
01:04 Oui, oui.
01:05 Moi j'étais dans une école de garçons.
01:06 Il n'y avait pas d'école mixte à l'époque.
01:08 Alors j'ai très peu de souvenirs de cette école, mais j'ai un mauvais souvenir.
01:12 Il y a eu l'hiver, il y avait de la neige.
01:15 Et il y avait des garçons qui m'avaient attrapé le dos.
01:18 Ils me tenaient les bras autour d'un arbre en me disant "Blanche-Neige, il faut que
01:22 tu manges de la neige".
01:23 Alors ça c'est un souvenir.
01:24 Parce que des enfants colorés, il y en avait zéro dans l'école.
01:28 Il n'y en avait pas.
01:30 Même quand j'étais à la primaire bien plus tard, on était deux colorés dans l'école
01:34 primaire.
01:35 Ce n'est plus du tout le cas maintenant.
01:36 Ça m'a marqué puisque je m'en rappelle encore.
01:38 Est-ce que tu ressens une espèce de manque d'une part de papa que tu ne connais pas,
01:43 et au-delà de ça, le rapport à la couleur ? Parce que je crois que ton père est Guadeloupéen.
01:47 Oui.
01:48 Tu as eu un flash avec la musique afro-cubaine, donc déjà ce n'est pas par hasard.
01:52 Et tout à coup, est-ce que tu sens, sans pouvoir mettre des mots dessus, quelque chose,
01:58 une relation assez particulière avec cette culture-là et ces gens-là ?
02:05 Alors, je n'ai pas de manque de mon père.
02:08 Je n'ai pas de manque de me dire "j'aurais été mieux en Guadeloupe".
02:14 Mais j'ai une connaissance des Antilles.
02:19 Ma mère a une pile, que j'ai récupérée, de 78 tours de musique afro-cubaine.
02:26 Et donc, j'ai dû entendre de la musique, quand j'étais petit, avec les amis antillais
02:31 qui avaient à la maison, de la musique antillaise et de la musique cubaine.
02:36 Et quand j'ai commencé à habiter avec ma mère, j'ai vite appris la Biguine.
02:41 Donc, je sais danser la Biguine.
02:43 De temps en temps, on mangeait créole.
02:45 J'entendais la famille qui arrivait, qui parlait créole.
02:48 Des amis qui parlaient créole.
02:50 Donc, j'avais une espèce de culture sans aide dans le pays.
02:53 Local en France.
02:56 Voilà, il m'était transmis une culture du pays.
02:59 Génial.
03:00 L'envie vraiment forte de vouloir connaître les Antilles est arrivée plus tard.
03:03 Et dans toute cette relation de pré-adolescence à adolescence, il n'y a jamais eu de manifestation
03:09 comme tu avais pu avoir avec les boules de neige, etc. ?
03:11 C'était vraiment rien, pas de problème ?
03:14 Il y en avait, c'était surtout des adultes.
03:17 Il y avait un mec qui habitait dans l'immeuble où on était.
03:21 Nous, on habitait en haut dans des chambres de bonne.
03:24 Et en bas, c'était un immeuble un peu bourgeois, nos gens.
03:28 Il y avait un mec.
03:30 Alors, je descendais les poubelles pour cinq étages.
03:32 Puis, comme il voyait que j'avais été dans le local à poubelles dans la cour, quand
03:37 je remontais, il ouvrait sa porte.
03:38 Il disait tout fort à sa femme.
03:41 Ah, c'est les nègres qui descendent leurs poubelles.
03:43 Quand même.
03:44 Comment tu le prenais, ça ? Tu remontais un peu triste en plus ?
03:47 Tu parlais à ta maman ou à tes frères et soeurs ?
03:49 Oui, je l'avais dit à ma mère.
03:50 Et elle te disait quoi par rapport à ça ?
03:51 Ma mère disait que je lui ai cassé la gueule.
03:54 Ce qui est dingue, c'est que depuis que tu as tant d'enfance et puis le moment où
03:57 tu es arrivé en nourrice, à chaque fois, il y avait quand même des choses qui arrivaient
04:02 sur toi.
04:03 J'ai l'impression que ça glissait un peu où tu le prenais.
04:05 Toute ma vie, par exemple, mais il restait un truc.
04:09 Je me rappelle un moment, j'allais le matin en métro.
04:13 Je ne m'asseyais jamais dans le métro parce qu'un jour, j'avais une réflexion dans
04:15 un bus, une bonne femme qui dit à vous, vous prenez notre place.
04:21 Donc, je me suis levé et puis jamais je me suis assis dans le métro pour ne pas prendre
04:27 la place d'un blanc.
04:28 C'était presque toute ma vie comme ça.
04:31 C'était très présent.
04:32 Mais oui.
04:33 J'avais toujours peur de tomber sur un con qui me fasse une réflexion comme on m'avait
04:36 déjà fait.
04:37 Ta position, tu dis effectivement je suis là, je ne suis pas chez moi, on me fait
04:40 des réflexions par rapport à la couleur de ma peau.
04:43 Mais par exemple, la première fois que je suis allé en Guadeloupe de ma vie, je pars
04:46 tout seul et je vais dans la ville de Saint-Anne.
04:49 Je rentre dans la vraie Guadeloupe.
04:51 J'avais 35 ans.
04:53 Et je marche le long du marché, je vois des gens et tout, je sens des odeurs et tout.
04:57 Et j'écolle des larmes qui commencent à couler.
04:59 C'est-à-dire, j'ai senti d'un seul coup tout ce que j'avais enfoui en moi.
05:06 C'est-à-dire d'un seul coup, une émotion dingue qui m'a pris.
05:09 Ce n'était pas des larmes de tristesse.
05:11 Ce sont des larmes que je n'arrive pas à savoir d'où ça venait.
05:14 Je n'arrive pas à savoir d'où elles provenaient.
05:17 D'un seul coup, il est revenu des trucs que j'avais reçus en métropole, même si j'avais
05:21 eu plein de copains et tout ça.
05:23 Mais des sarcasmes que j'ai reçus.
05:24 J'ai dit, voilà, tous les gens ici, ils ont minimum ma couleur, sinon ils ne sont plus
05:30 foncés.
05:31 C'est dingue.
05:32 Jamais je n'aurais subi ça ici.
05:35 Donc, je me sens désenti et en même temps, j'aime profondément l'hexagone.
05:44 Donc, on peut aimer les deux.
05:46 Je me sens presque comme un cadeau d'être non pas assis le cul entre deux chaises, mais
05:52 assis dans deux fauteuils.
05:53 C'est bien, j'aime bien ça.
05:55 Parce que généralement, le métis, c'est entre deux chaises.
05:57 Oui, mais…
05:58 Toi, non.
05:59 Je n'ai pas l'impression.
06:00 Tu as deux fauteuils, tu vois bien le distinct.
06:02 Voilà, mais j'aime profondément la France, la musique, la musique pop, la musique classique,
06:09 la musique brésilienne et évidemment la musique antillaise et toutes les musiques des
06:14 Caraïbes.
06:15 Est-ce qu'il y a quelque chose de particulier au fait d'être de couleur en 2024 en France?
06:19 Alors, je sens toujours qu'il y a une différence.
06:22 Ça ne me fait pas souffrir du tout.
06:27 Probablement, dans un pays où tu es un peu différent de la grande majorité des gens,
06:35 tu peux par moment sentir quelque chose.
06:38 J'ai connu les deux époques.
06:40 J'ai connu l'époque où on était deux colorés dans l'école.
06:43 J'étais à Neugean, il y avait une famille de Haïtiens, deux frères et moi sur une
06:50 école de 500 personnes.
06:52 Et maintenant, le monde est différent et en plus, j'ai un statut un peu différent.
06:56 Un de mes fils m'a dit « Tu sais, papa, des fois, je me fais arrêter un peu plus que
07:00 les autres dans la rue.
07:01 » Il y a toutes sortes de gens, des gens tolérants, moins tolérants.
07:04 Je crois que dans le monde entier, c'est pareil.
07:06 [SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA]