• il y a 8 mois

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00:00 6h30, 9h, les matins de France Culture, Quentin Laffey.
00:07 La question du jour, Marguerite Caton, bonjour.
00:09 Bonjour Quentin et bonjour à tous.
00:11 Et #MeToo ce matin ?
00:12 #MeToo à l'hôpital, après les accusations de l'infectiologue Karine Lacombe contre l'urgentiste Patrick Pelou
00:18 et les nombreux témoignages qui viennent confirmer un climat de violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier.
00:24 Bonjour Elsa Manat.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes neurologue, membre du bureau de l'association Donner des ailes à la santé, des ailes E, deux ailes ES je précise.
00:32 Est-ce que vous reprendriez à votre compte les mots de Karine Lacombe qui dénonce le caractère systémique des violences sexuelles à l'hôpital ?
00:39 Merci de nous solliciter pour en parler.
00:42 Effectivement, ce caractère systémique est quelque chose sur lequel nous travaillons avec Donner des ailes à la santé depuis 4 ans
00:50 en tenant un baromètre qui a essayé de chiffrer ces propos-là.
00:55 Nous avons constaté effectivement que 78% des femmes médecins ont déjà déclaré avoir été victimes de comportements sexistes
01:06 et 30% ont déjà déclaré avoir subi des gestes inappropriés à connotation sexuelle ou des attouchements sans leur consentement.
01:15 Donc les 78% ça parle et l'aspect systémique est bien mis en évidence.
01:22 On comprend que c'est complètement massif, on va essayer de rentrer un peu dans l'analyse de ce système.
01:27 On a beaucoup glosé sur la culture carabine qui expliquerait, comme par magie, que les médecins ont spécialement du mal à ne pas se livrer à des attouchements sur leurs collègues.
01:35 On peut admettre un rapport utilitaire au corps, des verrous de pudeur qui sautent, ça n'explique pas complètement la prévalence de ces comportements.
01:43 Comment vous, vous les interprétez Elsa Manah au sein de votre association ?
01:46 Eh bien, il y a plusieurs interprétations possibles. Le contexte, le milieu de l'hôpital, ce côtoiement du tragique que vivent les soignants, tous soignants, est particulier.
01:59 Et cette culture carabine dont on parle énormément actuellement a quand même pris comme norme un certain humour, gris-voix parfois, la proximité entre les corps, le rapport à l'intimité qui sont très particuliers.
02:15 Et à l'hôpital, quand on entre dans ce milieu-là, très souvent on est confronté à cette "norme" qui finalement perpétue des comportements qui peuvent être violents et parfois même au-delà.
02:34 Quelle place vous donnez au système hiérarchique extrêmement rigide ?
02:38 Eh bien, il y a beaucoup d'impunité dans un milieu qui a resté clos jusqu'à très récemment.
02:45 C'est un milieu qui a du retard sur les autres milieux professionnels et cette impunité a fait que souvent les victimes qui dénoncent certains comportements, il n'y a pas suite à leur dénonciation.
02:58 Et la hiérarchie, d'une part il y a cette impunité, d'autre part il y a le manque de moyens.
03:05 On ne sait pas quoi faire, on ne sait pas vers qui se tourner, qui sont les instances disciplinaires, etc.
03:11 Donc il y a un manque de sensibilisation et de ressources d'une part et d'autre part il y a ce contexte d'impunité.
03:18 Karine Lacombe a dit aussi qu'à ses yeux, cela n'a toujours pas bougé aujourd'hui en 2024, est-ce que ça vous semble exact cet immobilisme du milieu hospitalier ?
03:28 Alors, ce n'est pas un immobilisme, ça bouge assez lentement mais ça bouge quand même avec donné des ailes.
03:35 Nous avons déjà entamé plusieurs démarches, nous avons 100 établissements sur tout le territoire français qui ont déjà signé une démarche
03:44 qui va dans le sens de l'égalité de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
03:48 Nous avons essayé de mettre en place des référents égalité et de lutte contre les VSS pour mieux communiquer,
03:57 mieux prendre en charge les victimes et les témoins de ces violences.
04:03 Nous avons aussi discuté et nous discutons et signé des partenariats avec l'ADGOS, le Centre National de Gestion,
04:10 pour aller plus loin sur les possibilités de mesures disciplinaires dans le cadre de Prédateur.
04:18 Vous qui travaillez, je crois aussi, à faire de la sensibilisation dans les facs de médecine, est-ce que vous observez des évolutions chez les jeunes ?
04:24 Eh bien, en discutant avec les plus jeunes, nous nous rendons compte que c'est un sujet qu'ils portent et qu'ils voient en arrivant à l'hôpital
04:33 et c'est parfois même gage de choix de spécialité.
04:37 On sait aujourd'hui que sensibiliser dès les bancs de la fac aide, parce qu'on va refuser certains gestes que les générations avant n'osaient pas refuser.
04:47 On va refuser certains comportements. C'est quelque chose qui prend de l'ampleur.
04:52 On souhaiterait que ce soit plus rapide bien évidemment, mais ça avance.
04:56 Vous avez mentionné l'impunité, donc l'absence de sanctions suite aux dénonciations dont on comprend déjà qu'elles sont assez laborieuses,
05:03 difficile de prendre la parole. Le conseil de l'ordre des médecins aurait normalement un rôle à jouer.
05:08 Or, on a appris par exemple hier que via Ouest France, Karen, ce sont ceux qui ont dénoncé des faits de harcèlement
05:14 qui se retrouvent convoqués devant l'ordre à devoir rendre des comptes.
05:17 Est-ce que l'ordre vous semble capable de prendre à son compte la lutte contre les violences sexuelles ?
05:23 Il y a certains conseils de l'ordre départementaux qui ont déjà pris des sanctions envers des médecins ou d'autres soignants qui ont commis des violences.
05:36 Certains sont un peu plus réticents, encore une fois de par ces différentes intrications culturelles, que je dirais culturelles.
05:45 Mais je pense que l'ordre a toute sa place, oui, pour prendre des mesures disciplinaires.
05:51 Et d'ailleurs nous sommes en discussion avec le conseil national de l'ordre des médecins pour essayer d'avancer avec eux sur ce sujet.
05:57 Frédéric Valtout, le ministre délégué chargé de la santé, a déclaré vendredi soir sur la plateforme X
06:02 qu'il allait réunir les associations et les professionnels de santé à la suite des révélations de Karine Lacombe.
06:07 Qu'est-ce que vous attendez de ce rendez-vous ? Quelles sont en vos yeux les mesures prioritaires à mettre en œuvre, Alzamana ?
06:13 Eh bien, je pense que le constat est là, les chiffres sont là, nous pouvons les présenter au ministre bien évidemment.
06:21 Les mesures prioritaires, c'est aujourd'hui mettre en place des démarches claires, sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles dans les établissements
06:30 et surtout mettre en place des mesures disciplinaires qui montrent qu'un témoin ou une victime de violences sexistes et sexuelles
06:40 peuvent obtenir justice à l'hôpital, dans l'établissement, sans qu'il n'y ait de répercussions sur le parcours et sur la carrière de la personne.
06:50 Ce qui est évidemment un enjeu très important. Merci beaucoup Alzamana. Je rappelle que vous êtes neurologue et membre du bureau de l'association Donnez des ailes à la santé. Merci.
06:58 - Merci à vous.

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