• il y a 7 mois
Cette semaine, le grand invité d'Ici l'Europe est le président de Business Europe, qui représente le patronat européen. Un entretien suivi d'un débat sur les enjeux de la campagne des élections européennes en Roumanie, alors que ce pays vient d'entrer dans l'espace Schengen de libre circulation des personnes, mais dans des conditions limitées.
Année de Production : 2023

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00:00 (Générique)
00:25 Bonjour à tous et merci de nous rejoindre pour "Ici l'Europe". Nous sommes ensemble sur France 24 et Radio France Internationale
00:32 pour parler industrie et compétitivité. Nous allons vers un sommet européen consacré à l'économie européenne
00:40 et surtout à la façon de la stimuler mieux. Et ce sera les 17 et 18 avril prochains. Alors pour en parler aujourd'hui, nous recevons Marcus Beyrer.
00:49 Bonjour M. Beyrer, en duplex depuis Bruxelles. – Bonjour. – Vous êtes depuis 2012 le directeur général de Business Europe,
00:58 c'est l'association patronale de l'Union européenne. Auparavant, directeur général d'ailleurs de la Fédération des industries autrichiennes
01:04 et conseiller de chancelier. Alors parlons de cette année 2023. On a constaté que la croissance de l'Union européenne était faible à moins de 1%,
01:13 alors que les États-Unis, caracolés bien au-dessus, à 2,5% selon le FMI. Pourquoi ce fossé selon vous ?
01:22 – Déjà comme vous le dites, on a perdu du terrain vis-à-vis de nos compétiteurs, notamment les États-Unis. Et il y a un nombre de raisons pour cela.
01:34 D'abord, il y a les prix de l'énergie en Europe qui sont beaucoup plus élevés qu'ils le sont aux États-Unis ou dans d'autres parts du monde.
01:44 On voit qu'il y a trop de bureaucratie en Europe. On parle entre-temps d'une inflation régulatrice. Donc il y a beaucoup trop de bureaucratie.
01:56 Et puis on voit aussi que les procédures pour permettre de l'investissement dans des sites industriels, mais aussi dans l'infrastructure en Europe,
02:07 durent beaucoup trop longtemps. Donc on a un nombre de problèmes auxquels il faudrait remédier, pour notamment regagner du terrain sur nos compétiteurs dans les marchés mondiaux.
02:18 – Mais justement, ce 17 et 18 avril, Enrico Letta, un ancien président du Conseil italien qui a été chargé d'un rapport sur le futur du marché unique,
02:27 va le rendre au chef d'État et de gouvernement et prôner, préconiser une meilleure intégration des secteurs des télécoms, de l'énergie et de la finance.
02:36 Parce que selon lui, le marché unique est toujours trop national et segmenté. Est-ce que c'est votre sentiment aussi ?
02:42 – Tout à fait. On a de grandes attentes vis-à-vis du rapport d'Enrico Letta en ce qui concerne le marché intérieur.
02:49 Parce qu'on a vu ces dernières années que ce bijou de l'intégration européenne, inventé par le grand Français Jacques Delors, n'était plus tant d'éclat.
03:00 Donc il y a trop d'obstacles dans toutes les libertés, pour les biens, pour les services, pour la libre circulation des personnes, auxquels il faut remédier.
03:11 Et pour ça, bien sûr, il faut des propositions que Enrico Letta va faire. Mais il faudra aussi une volonté politique de renverser ce développement
03:22 et de se remettre à construire ce marché intérieur.
03:28 – Alors, vous dites quand même régulièrement, nous ne voulons pas que le marché européen soit perturbé par des aides d'État nationales aux entreprises.
03:37 Est-ce que c'est le cas qu'il soit perturbé ?
03:41 – Non, mais je pense que c'est surtout une question de balance.
03:45 C'est clair que des aides d'État peuvent être justifiées dans certains cas, quand il s'agit par exemple d'aider des entreprises à transformer dans la direction de décarbonisation.
03:57 Ou aussi de faire face à une compétition mondiale qui est, elle aussi, soutenue par des aides de l'État, comme par exemple dans le cas de l'Inflation Reduction Act américain.
04:16 Mais l'essentiel, c'est que ce qui est fait soit transparent, soit fait de façon conjointe et contrôlée par le niveau européen, soit temporaire.
04:29 C'est là-dessus qu'on entend certaines propositions de la part d'Enrico Letta, mais aussi plus tard, après les élections européennes,
04:38 de Mario Draghi, ancien Premier ministre italien, qui lui est chargé par la présidente de la Commission pour faire un rapport sur la compétitivité européenne en tout.
04:52 – Par exemple, vous ne voulez pas que toutes les batteries électriques soient fabriquées aux États-Unis.
04:56 Or, on voit par exemple dans le cas de Solvay, qui a fait une jeune veinture avec Corbia, qu'elle reçoit 180 millions d'euros de subventions vertes des États-Unis,
05:06 qui a adopté d'ailleurs une législation pour subventionner fortement ces industries, et zéro euro de l'Europe.
05:13 Il y a un problème, justement, de ce côté-là ?
05:16 – Premièrement, ce n'est pas une bonne chose d'entrer, comme vous le direz, dans une compétition basée sur des aides à l'État de façon globale.
05:25 Mais après, il faut aussi voir les réalités.
05:29 Et il faut voir que la Chine subventionne depuis très longtemps.
05:34 Il faut voir que les États-Unis, ils ont frappé un grand coup avec l'Inflation Reduction Act.
05:41 Et bien sûr, il faut faire face à ça.
05:44 Mais ce n'est pas seulement une question d'argent, mais il y a certaines nécessités.
05:50 Comme par exemple dans le chip secteur européen, il y a des mesures qui sont prises pour justement faire sûr que les chips ne soient pas uniquement produits hors l'Europe,
06:02 ce qui est un enjeu majeur stratégique.
06:07 Mais ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi une question de procédure.
06:12 Ce que nos entreprises nous disent, c'est que, et il y en a pas mal qui investissent aux États-Unis en ce moment,
06:18 c'est que c'est plus prévisible, c'est plus clair qu'est-ce qu'on reçoit, sous quelles conditions.
06:29 Et donc, ça aide beaucoup plus à l'investissement de ces entreprises.
06:38 Dans le secteur de la défense, que le commissaire français Thierry Breton voudrait muscler depuis la guerre en Ukraine,
06:44 80% du matériel militaire acheté par les pays européens le sont avec l'argent du contribuable européen,
06:52 le sont par du matériel non européen, ça crée des emplois certes, mais en Corée du Sud, en Turquie, aux États-Unis,
07:00 la défense est essentiellement constituée de marchés publics. Là, que demande votre Confédération des employeurs européens ?
07:07 On n'a pas de position spécifique vis-à-vis de la défense, c'est un secteur qu'on ne couvre pas tout à fait.
07:15 Mais ce qui est clair, c'est que l'Europe va devoir trouver des solutions au fait qu'on dépense pas mal d'argent
07:24 tout en étant beaucoup moins efficace avec ce qu'on dépense. Donc là, c'est une question qui devrait être abordée.
07:32 Alors Marcus Beyrer, en tant que lobbyiste pro-business, vous vous plaignez du ralentissement de la croissance européenne
07:41 par un excès de normes. Est-ce que ce n'est pas plutôt dû quand même aux crises, au Covid, puis à la crise énergétique ?
07:48 Il y a plusieurs aspects. Bien sûr, il y a le choc exogène qui a été causé par la guerre en Ukraine,
07:57 qui a été rajouté à l'écart qu'il y a entre le coût de l'énergie en Europe et le coût de l'énergie dans nos marchés compétiteurs.
08:07 Donc ça, c'est un. Mais deuxièmement, il y a justement trop de réglementations.
08:13 Par exemple, on a dû faire face à un véritable tsunami de législation ces dernières années,
08:21 par exemple dans les propositions qui étaient faites par le Green Deal, qui représente, selon les estimations de la Commission elle-même,
08:33 un poids de 2 milliards d'euros en 2022 seulement. Ce qui fait qu'on a toujours soutenu le Green Deal,
08:45 les buts du Green Deal et puis les nécessités du Green Deal. Mais il faut faire ça d'une façon que l'Europe arrive à décarboniser sans désindustrialiser.
08:56 Et puis en ce moment, nos membres nous disent qu'ils font face à un tsunami de réglementation, un tsunami de bureaucratie.
09:04 C'est pour ça que nous, on demande que ce Green Deal, il va être complémenté par ce qu'on appelle un deal industriel,
09:12 pour justement remonter la pente et pour refaire l'Europe plus compétitive.
09:21 Alors le pacte vert dont vous parlez, le Green Deal, certains quand même ont été très offensifs pour faire valoir leurs intérêts à Bruxelles.
09:28 On pense à McDonald's qui a réussi à alléger les contraintes sur l'emballage dans la restauration rapide,
09:33 les constructeurs automobiles qui ont oeuvré pour ne pas avoir de nouvelles normes trop fortes, des missions dites Euro 7.
09:40 Vous dirigez cette fédération des industriels. Est-ce que finalement, vous êtes dans la peau d'un lobbyiste anti-pacte vert ?
09:48 Non. Je pense que là, on a toujours été très crédibles dès le départ qu'on soutient le pacte vert.
09:54 On soutient les objectifs du pacte vert parce que c'est la bonne chose de décarboniser en Europe.
10:02 Mais ce qu'on dit aussi, c'est qu'il faut faire ça d'une façon qui nous permet à garder une base forte industrielle en Europe,
10:10 à décarboniser sans désindustrialiser pour justement maintenir le niveau de vie en Europe,
10:18 pour justement maintenir les emplois en Europe, mais aussi pour prouver au monde qu'on peut le faire sans perdre de la compétitivité
10:28 et sans perdre de niveau de vie. Pour la simple raison que nous, Europe, en 2030, on sera un peu plus que 5% des émissions mondiales.
10:42 Ce qui fait que la seule façon de sauver le climat mondial sera de prouver au reste du monde, aux grands émetteurs,
10:51 qu'on peut faire en restant compétitif parce que là, après, on aura une chance qu'ils vont nous suivre.
10:58 Si, par contre, on n'y arrive pas, il y a le fort danger que l'inverse va se passer et puis il y en a qui vont tirer la conclusion
11:10 que ce n'est peut-être pas le chemin à faire. Donc aussi, vu ton point de vue climatique, c'est important de prouver au monde
11:17 qu'on peut décarboniser tout en restant compétitif.
11:22 Alors la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises qui est en train d'être discutée les oblige à prévenir les risques sociaux
11:31 et les risques environnementaux, en d'autres termes à ne pas gagner de l'argent en polluant.
11:36 Elle a été vivement critiquée par les représentants du monde des affaires, les libéraux en Allemagne, car elle peut, là vous le disiez encore,
11:44 entraîner des charges administratives additionnelles. Mais quel est votre message aux futures générations ?
11:49 Mon message, c'est que les entreprises européennes ont toujours été prêtes à prendre leurs responsabilités
11:54 et prennent leurs responsabilités dans les marchés du monde entier.
11:59 Et dès le départ, on a négocié dans cette directive pour avoir une solution qui soit applicable aux entreprises.
12:09 Le résultat qui a été produit à la fin ne l'est pas. Ça met des obligations unilatérales qui pèsent lourd,
12:21 comme je dis, d'une façon unilatérale sur les entreprises européennes.
12:26 Ça réduit la compétitivité d'entreprises européennes. Il y a un fort danger qu'il y aura des entreprises européennes
12:33 qui vont quitter des marchés en Afrique, quitter des marchés en Asie,
12:36 avec le résultat que nous allons perdre en compétitivité. Mais aussi, ça ne va pas améliorer la situation dans ces marchés.
12:45 Tout au contraire. Parce que les investisseurs européens dans ces marchés prennent leurs responsabilités,
12:50 beaucoup plus que d'autres, qui n'ont pas les mêmes obligations.
12:55 Et s'il y a des investisseurs européens qui quittent ces marchés, ça va mener à une situation qui va détériorer
13:05 la situation dans ces marchés également. Et puis, quand vous parlez du compromis qui était trouvé sous présidence
13:13 des PNG là maintenant, je pense qu'on a bien vu qu'il y avait 10 pays représentant plus que 31 % de la population européenne
13:24 qui n'étaient pas à bord. C'est un fort indice que, justement, ça n'a pas encore été une solution applicable.
13:31 Et ce n'était pas un mur pour une décision.
13:36 Alors, M. Bayreuth, il y a un écart de 12 points en Europe entre le taux d'emploi des femmes et celui des hommes,
13:43 qui est bien moins important que celui des hommes. Est-ce que vous battez aussi un peu à Business Europe
13:49 pour que les femmes trouvent leur place sur le marché de l'emploi ?
13:52 Tout à fait. C'est très clair que partout en Europe, on a le problème avec de la main d'œuvre,
14:00 et surtout de la main d'œuvre qualifiée, qui n'est pas suffisamment disponible.
14:08 Et bien sûr, l'une des grandes questions, c'est comment on peut activer ceux qui ne sont pas actifs dans le marché du travail
14:16 et surtout ceux qui voudraient être actifs. Et bien sûr, là, les femmes, c'est une question primordiale.
14:28 Et puis là, c'est très clair qu'en France, par exemple, on a de très bonnes mesures de crèches et de garderies
14:39 qui permettent aux femmes de travailler. Ça, c'est une question où d'autres pays de l'Europe ont encore du progrès à faire.
14:45 Et Business Europe a toujours beaucoup soutenu ces nécessités, ces investissements dans l'infrastructure
14:52 qui, effectivement, permettent aux femmes de travailler parce qu'il y a une forte nécessité, une nécessité de la société,
15:00 mais aussi une nécessité, bien sûr, de l'économie.
15:04 Alors d'ailleurs, dans l'industrie, pour le situer un petit peu, 22% des employeurs déclarent ne pas trouver de travailleurs dont ils ont besoin,
15:13 28% dans le secteur de la construction et 30% dans les services. On peut parler de pénurie de main d'œuvre en Europe,
15:21 alors qu'il y a un chômage de 6%. C'est paradoxal ?
15:25 Tout à fait. Et justement, c'est une question de qualification aussi, mais ça, c'est une question sur laquelle on pousse beaucoup.
15:33 Et puis la Commission, heureusement, a réagi avec un plan d'action récemment, suite à nos demandes, pour faire face à ce problème.
15:43 Les choses les plus importantes qu'on demande, c'est un, justement, de mobiliser les inactifs ou ceux qui ne travaillent pas et qui pourraient travailler.
15:53 Bien sûr, c'est les femmes, il y a des jeunes, il y a aussi des personnes aussi d'un certain âge, mais d'autres groupes.
16:00 Et les autres grands défis, c'est la mobilité au sein du marché intérieur.
16:06 Et le troisième point, c'est la nécessité d'attirer la main d'œuvre qualifiée aussi de pays tiers. Mais comme vous le dites, le potentiel...
16:16 Une immigration choisie, c'est bien de nous parler. L'immigration choisie.
16:22 Oui, mais la migration qualifiée. Je pense que le problème qu'on a un peu en Europe, c'est qu'on n'est pas assez précis et on n'arrive pas à attirer dans toutes les situations
16:38 les personnes, ceux dont notre société et nos marchés de travail auraient besoin.
16:44 Et pour revenir au potentiel féminin dans le marché du travail, ça c'est essentiel, ça a toujours été partie de notre politique et c'est important qu'on remédie au problème.
16:59 Merci Marcus Bayrer d'avoir été notre invité aujourd'hui. Merci à vous de nous avoir suivis.
17:03 Nous allons en direction du Parlement européen pour y parler de la Roumanie et de la campagne électorale dans ce pays.
17:12 C'est tout de suite le débat en compagnie de Public Sénat.
17:16 Merci de nous rejoindre à Bruxelles au Parlement européen où l'on poursuit nos débats sur les enjeux des élections européennes dans les différents pays de l'Union.
17:30 Et aujourd'hui, cap sur la Roumanie, un pays avec 19 millions d'habitants et l'un des plus pauvres de l'Union européenne puisque le revenu médian par habitant n'est que de 460 euros par mois.
17:41 Politiquement, c'est une coalition qui dirige le pays, une coalition composée des sociodémocrates et du centre droit du parti national libéral.
17:49 Et puis en juin, aux élections européennes, les Roumains éliront 33 eurodéputés.
17:53 Alors marquée par des décennies de communisme sous la dictature de Ceausescu, la Roumanie est entrée dans l'Union européenne en 2007, au côté de la Bulgarie.
18:03 17 ans plus tard, certains résultats ont été atteints. Le revenu moyen d'un Roumain a doublé ces cinq dernières années, mais le pays reste miné par la pauvreté.
18:11 Un tiers de la population est menacée par elle, triste record en Europe.
18:15 Son développement économique a aussi été freiné par la corruption.
18:18 Quant à son intégration dans le club européen, la Roumanie vient tout juste d'accéder à l'espace Schengen de libre-circulation dans des conditions limitées.
18:26 Alors l'adhésion à l'Union européenne a-t-elle changé la donne en Roumanie ?
18:30 Nous poserons la question aujourd'hui à deux eurodéputés roumains.
18:34 Aline Mitouta, bonjour.
18:35 Bonjour.
18:36 Vous êtes membre du groupe RIGNOU, ici au Parlement européen, et en Roumanie, vous faites partie du parti REPER, un parti libéral et pré-européen.
18:44 Bonjour, Christiane Bousoeuil.
18:45 Bonjour.
18:46 Vous êtes eurodéputée roumain, donc membre du groupe du Parti populaire européen, ici dans l'hémicycle européen,
18:52 et puis en Roumanie, vous êtes membre du parti national libéral, un parti de centre-droit qui participe à la coalition au pouvoir.
18:59 Alors on le disait le 31 mars, la Roumanie a obtenu avec son voisin bulgare son ticket d'entrain, enfin j'ai envie de dire,
19:06 dans l'espace Schengen de libre-circulation des biens et des personnes,
19:09 mais une libre-circulation partielle, uniquement via les aéroports, les ports et pas par la route.
19:16 C'est une bonne nouvelle à l'approche des élections européennes ?
19:19 C'est une bonne nouvelle bien sûr, parce que c'est quelque chose que les Roumains attendaient beaucoup.
19:26 On était prêts, la Commission européenne a dit plusieurs fois, le Parlement européen a voté plusieurs résolutions pour l'accession de la Roumanie à la Bulgarie.
19:38 C'était quelques visites des institutions européennes, des visites techniques aussi,
19:45 qui ont prouvé que la Roumanie est prête du point de vue de la sécurité des frontières pour accéder au Schengen.
19:52 Ce sont des raisons politiques, des raisons qu'on n'a pas comprises.
19:57 L'Autriche a bloqué en décembre 2022 l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie au Schengen.
20:05 Notre frontière est sécurisée, plus sécurisée que les frontières maritimes de Grèce, de l'Italie, de l'Espagne,
20:11 où les flux migratoires sont les plus grands.
20:15 Mais bon, finalement, après une année, décembre 2023, donc il y a quelques mois,
20:22 l'Autriche a accepté d'avoir la Roumanie et la Bulgarie avec les frontières maritimes et frontières aériennes dans l'espace Schengen.
20:34 C'est un demi-pas, c'est un demi-succès, mais c'est quelque chose d'important qui va prouver à tous que nous sommes prêts.
20:42 Et pas très loin, nous devons accéder aussi avec les frontières terrestres.
20:49 Effectivement, Aline Mituta, l'Autriche bloquait car elle craignait une immigration incontrôlée, une immigration massive.
20:55 Est-ce que finalement, c'était une forme de mépris de certains pays, d'autres États membres,
20:59 qui considéraient la Roumanie comme un État de seconde zone ? Est-ce que vous aviez ce sentiment-là ?
21:03 On ne parle pas de citoyens roumains.
21:06 Les citoyens roumains ont déjà le droit de voyager partout dans l'Union européenne.
21:12 Il fallait juste prouver l'identité par le biais d'un passeport ou de la carte d'identité.
21:19 Donc les motifs pour lesquels l'Autriche a bloqué l'accès de notre pays avaient peu à voir avec notre pays,
21:27 parce qu'on sait déjà, et l'agence européenne Frontex a prouvé déjà,
21:31 que les flux migratoires, les flux de réfugiés ne venaient pas par la Roumanie, mais plutôt par les pays des Balkans.
21:38 Donc c'était juste un motif, je dirais, électoral pour que le pays…
21:43 Ça joue beaucoup dans la campagne des européennes. On parle de cet espace Schengen et des conditions de circulation ?
21:50 On parle de l'espace Schengen, c'est un des sujets les plus importants peut-être.
21:54 Mais c'est vrai, on a accédé avec les frontières aériennes et c'est très bien, c'est un premier pas.
22:00 On est membre de Schengen à partir du 31 mars, mais le point problématique c'est l'accès avec les frontières terrestres.
22:12 Parce que sans l'entrée avec les frontières terrestres, on perd beaucoup d'argent.
22:17 Donc les transportateurs, par exemple, perdent beaucoup d'argent.
22:21 Et pas seulement les Roumans, mais aussi les Européens, parce qu'il y a beaucoup de flux commerciaux entre la Roumanie et les autres pays de l'Europe.
22:29 Et si on continue d'avoir ce contrôle à la frontière, c'est quelque chose de mauvais pour tout l'Union européenne.
22:38 Ce n'est pas mauvais juste pour la Roumanie.
22:40 Cette décision d'Autriche a donné beaucoup de raisons au parti extrémiste anti-européen AUR.
22:48 C'est l'acronyme "OR" en français, c'est l'Alliance pour l'unité des Roumains, mais c'est l'acronyme métal, de "OR",
22:56 qui est le petit frère du Front national en France, peut-être, qui a attaqué beaucoup l'Union européenne.
23:04 Bien sûr, c'est un argument qui est vrai.
23:09 Il y a des citoyens qui ne sont pas aussi respectés, même s'il n'y a pas de raisons techniques.
23:16 Mais avec ça, on a réussi à contre-attaquer cette rhétorique.
23:22 Je suis sûr qu'après les élections, après les élections nationales aussi en Autriche,
23:27 cette décision va être réanalysée, parce que le flux migratoire n'est pas par Roumanie.
23:33 On a toutes les conditions déjà en place et les frontières sont sécurisées.
23:38 Un mot sur le bilan économique de ces 17 ans d'adhésion à l'Union européenne pour la Roumanie.
23:44 Christiane Bouzoï, vous êtes, je le rappelle, président de la commission de l'industrie ici au Parlement européen.
23:50 Vous reconnaissez que le développement économique ces dernières années pour la Roumanie a été rapide,
23:55 mais que quand même les inégalités ont été creusées dans votre pays.
23:58 Oui, on a fait beaucoup de progrès.
24:01 Ce n'est pas seulement les indicateurs économiques, PIB, PIB per capita, mais aussi la situation de tous les jours.
24:10 On a fait ça aussi avec l'aide des fonds européens, des milliards et des milliards d'euros qui ont été investis
24:17 dans l'infrastructure, dans le système de santé, dans l'éducation, dans le développement des régions rurales.
24:23 Les inégalités existent. Elles existent aussi entre Roumanie et les autres pays de la région.
24:29 En Europe, il y a des inégalités. C'est pour ça que nous avons la politique de cohésion.
24:34 Mais on a vu des investissements avec des fonds européens, des investissements des grandes compagnies européennes et internationales
24:41 qui se sentent bien en Roumanie, qui ont développé la Roumanie, qui ont fait des profits dans notre pays.
24:46 Ces élections européennes, est-ce que c'est un peu l'occasion pour les Roumains de se dire
24:51 « ça fait 17 ans de faire le bilan de leur entrée dans l'Union européenne ».
24:55 Est-ce qu'ils vont aller aux urnes volontiers ? Est-ce qu'ils vont d'ailleurs considérer que ce bilan est un bon bilan ou qu'il est en demi-teinte ?
25:02 Si on regarde tous les chiffres, c'est clair que l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne est très bonne pour la Roumanie.
25:12 Il faut regarder d'où on vient parce qu'à la chute du communisme, la Roumanie était le deuxième plus pauvre pays de l'Europe.
25:21 Ce n'est pas le cas maintenant. Maintenant, la Roumanie a dépassé déjà la Bulgarie, l'Hongrie, la Croatie.
25:29 Elle a dépassé beaucoup de pays et ça c'est grâce aux fonds européens, grâce à l'appartenance à l'Union européenne, aux opportunités de l'Union européenne.
25:37 Je pense que si on regarde les chiffres et si on regarde la réalité sur le terrain, c'est clair que l'adhésion a eu un effet très positif.
25:46 Mais bon, là après, il y a aussi la rhétorique anti-européenne qui est très développée en Roumanie aussi.
25:52 Les partis d'extrême droite qui utilisent beaucoup les fake news par rapport à l'Union européenne.
26:00 Pour dire quoi ?
26:02 Pour dire par exemple que l'Union européenne nous oblige à manger des insectes.
26:07 L'Union européenne, je ne sais pas, fait ça ou l'autre qui ne sont pas vrais.
26:12 Donc des choses qui ne sont pas vraies et qui ne sont basées sur rien.
26:16 Et c'est vrai que ces fake news sont bien captés par un certain public en Roumanie
26:27 qui ne connaît pas comment l'Union européenne fonctionne, qui ne connaît pas les opportunités de l'Union européenne
26:34 et qui n'a pas accès aux opportunités européennes.
26:37 Parce qu'il faut dire aussi qu'il y a beaucoup d'inégalités en Roumanie entre les zones urbaines et les zones rurales,
26:43 entre les différentes régions de la Roumanie.
26:45 Donc les avantages de l'appartenance à l'Union européenne n'ont pas profité tout le monde de la même manière.
26:53 Une réaction, Christiane Bousoeuil, peut-être que les territoires ruraux de la Roumanie,
26:58 les campagnes roumaines n'ont pas profité de l'argent européen.
27:01 Vous parliez des fonds européens qui ont afflué vers la Roumanie.
27:05 Est-ce qu'ils ont été bien utilisés et est-ce qu'ils n'ont pas été touchés aussi par les problèmes de corruption
27:11 qui ont touché la Roumanie ces dernières années ?
27:14 Oui, la corruption était un thème important de discussion en Roumanie.
27:19 On a fait beaucoup pour améliorer la législation anticorruption.
27:24 C'était une décision politique soutenue par le président de la Roumanie,
27:28 le président Klaus Jochannis, par la coalition du gouvernement, par les partis pro-européens.
27:34 On a fait des progrès, on a une justice plus indépendante maintenant qu'à l'accession dans l'Union européenne.
27:42 Il y a eu beaucoup de déminitaires qui ont fait des fautes qui sont en justice, condamnées ou pas.
27:49 Mais bien sûr, ce n'était pas impunité en Roumanie.
27:53 Ici, on a fait des progrès et ces progrès ont été évalués et acceptés par des organismes internationaux et européens, par la Commission européenne.
28:02 Donc l'argent public est bien utilisé ?
28:04 L'argent public peut être mieux utilisé, plus efficace et bien sûr plus transparent.
28:09 C'est une situation qui se développe et on doit continuer les progrès.
28:15 On doit continuer d'aller vers la transparence totale et l'efficacité totale.
28:21 Mais on n'a pas aucun village en Roumanie, aucun village qui n'a pas utilisé au moins un projet européen.
28:28 Donc l'argent européen est partout dans la Roumanie.
28:32 C'est un message qu'on va soutenir dans la campagne électorale pour expliquer aux Roumains les avantages de notre présence dans l'Union européenne.
28:43 Une petite école, un petit dispensaire, un hôpital, une rue, les autoroutes, tout ça sont faits par des fonds européens ou sont cofinancés par les fonds européens en Roumanie.
29:00 C'est très important pour nous.
29:02 Vous avez raison de souligner que la Roumanie est sortie en 2022 de la surveillance de la Commission européenne sur la corruption.
29:10 D'abord, est-ce que c'est justifié ? Est-ce que la lutte contre la corruption va jouer un rôle important dans la campagne des Européennes ?
29:16 C'est souvent le cas dans les campagnes électorales en Roumanie.
29:20 Ce thème est très important pour le paysage politique roumain.
29:24 Oui, bien sûr, le thème de la corruption est très important. La Roumanie a été très importante pendant les dernières années.
29:30 Je pense que toute l'Europe a déjà vu beaucoup de manifestations dans les rues qui ont eu lieu en 2017-2018.
29:45 Ce qui est bien, c'est que la société, pas seulement les politiciens, a les moyens de lutter contre la corruption.
29:54 Si la société va dans la rue et met la pression sur les politiciens, ça aide beaucoup.
30:01 Je pense que la société civile a beaucoup aidé la Roumanie, mais aussi la Commission européenne.
30:07 Ce mécanisme de coopération et de vérification dans la justice a beaucoup aidé la Roumanie pour faire des pas en avant sur l'indépendance de la justice et l'efficacité de la justice.
30:19 Si on regarde les sondages en Roumanie sur ces élections européennes, c'est le parti d'extrême droite Alliance pour l'union des Roumains.
30:26 Vous en parliez, Christiane Bouzoï, c'est un jeune parti qui a été créé il y a trois ans.
30:30 Ce parti arrive en tête des sondages actuellement en Roumanie. Comment vous expliquez cette montée de l'extrême droite en Roumanie ?
30:37 C'était le cas il y a quelques mois. Maintenant, c'est un peu différent parce qu'on a dans le même jour les élections locales.
30:44 Les deux partis de gouvernement, le parti socialiste, membre du groupe socialiste au Parlement européen,
30:50 et le parti national libéral, membre du groupe EPES, qui est aussi le parti du président de la Roumanie,
30:55 ont formé une alliance, une liste commune pour les élections européennes.
31:00 La première place sera bien sûr cette liste. C'est plus de 50 % dans les derniers sondages.
31:09 Aussi, le parti de famille Renew a agroupé quelques petites autres formations politiques.
31:15 Il y a d'autres partis pro-européens comme Repair qui ont des chances pour accéder au Parlement européen.
31:25 Donc, on a réussi à freiner un peu l'accession de l'extrême droite.
31:31 C'est un parti qui s'est développé beaucoup pendant la pandémie, anti-vacciniste, anti-restriction, anti-masque.
31:39 Après, la même rhétorique contre l'Ukraine, très proche de la Russie, la rhétorique au moins,
31:48 contre les partis politiques actuels.
31:51 Donc, c'est une extrême droite qui est un peu différente des pays de l'Ouest,
31:56 parce qu'on n'a pas eu le problème de la migration, mais des autres thèmes contre les partis politiques,
32:01 contre l'establishment et aussi contre l'Ukraine et la même qu'on voit dans d'autres pays européens.
32:09 On voit d'ailleurs bien que, vous disiez, cette thématique de l'Ukraine, elle va jouer, par contre, dans les élections européennes, un rôle important.
32:16 La Roumanie qui a peur d'être appauvrie, on parlait de son niveau économique par les importations agricoles ukrainiennes, par exemple,
32:22 qui reçoit énormément de réfugiés ukrainiens, qui s'inquiètent d'un élargissement à l'Ukraine et aux pays des Balkans, peut-être, non ?
32:32 C'est vrai que l'Ukraine joue aussi un rôle dans la prochaine campagne électorale en Roumanie,
32:41 comme dans tous les pays de l'Union européenne, je pense.
32:44 Mais les partis pro-européens, la majorité des partis sont pro-européens chez nous et ça c'est très bien.
32:53 Nous, on essaie d'expliquer le fait qu'une possible adhésion de l'Ukraine à l'UE est positive pour tout le monde,
32:59 est positive surtout pour les pays de l'Est, surtout pour la Roumanie.
33:03 Mais c'est vrai qu'il y a aussi les partis qui ont ce parti d'extrême droite qui jouent avec beaucoup de fake news,
33:12 comme je disais tout à l'heure, et qui utilisent la guerre, qui utilisent la nostalgie pour le communisme,
33:18 parce qu'il y a aussi une nostalgie pour l'époque communiste, pour accroître leur chance dans les sondages et dans les élections.
33:26 Mais je pense qu'ici dans le Parlement, mais aussi dans la Roumanie, on aura une majorité qui sera pro-européenne,
33:33 parce que c'est vraiment essentiel pour la Roumanie de garder la voie européenne.
33:39 Merci à tous les deux d'avoir participé à ce débat très éclairant sur les enjeux des élections en Roumanie.
33:44 Merci à vous d'avoir suivi ce débat. Restez bien sûr sur nos deux antennes, l'actualité continue.
33:52 (Musique)

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