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ÉducationTranscription
00:00 Selon moi, la gestation pour autrui devrait juste être aboli.
00:02 On ne peut pas se bâtir sans connaître ses origines.
00:06 C'est impossible.
00:07 On ne peut pas se construire si on ne sait pas d'où on vient.
00:09 Je pense qu'il est toujours compliqué en tant qu'enfant de se dire qu'à un moment donné,
00:14 on a fait l'objet d'un contrat, on a été une chose, on a été vendu.
00:21 Je suis Olivia, je suis née de GPA, de mère porteuse, et aujourd'hui je me bats pour
00:28 abolir la gestation pour autrui qui détruit la vie de beaucoup d'enfants et de femmes.
00:33 La gestation pour autrui, c'est une manière de concevoir un enfant en utilisant une mère
00:39 porteuse qui va porter l'enfant pour un couple qui ne peut pas concevoir d'enfant.
00:44 Je grandis dans un contexte familial tout à fait normal.
00:48 J'ai des parents qui ont de l'argent parce que pour avoir recours à la gestation pour
00:52 autrui, il faut quand même avoir beaucoup d'argent.
00:55 Ça coûte extrêmement cher.
00:56 J'ai des parents qui subiennent à tous mes besoins.
00:59 Mais c'est vrai qu'à l'intérieur de moi, j'ai toujours eu ce sentiment de ne pas appartenir
01:04 et d'avoir… quelque chose n'allait pas en tout cas.
01:07 Je ressentais qu'il y avait une différence avec ma mère.
01:10 On ne m'a jamais raconté que j'étais née de gestation pour autrui, mais durant
01:14 mon enfance, mon adolescence, et ensuite plus tard, quand j'étais jeune adulte, j'ai
01:20 eu beaucoup d'indices qui m'ont fait penser que j'étais née d'une gestation pour
01:26 autrui.
01:27 Sur mon certificat de naissance, je suis née de ma mère d'intention.
01:31 Il est décrit que ma mère d'intention est ma mère biologique.
01:34 Cependant, je suis née aux États-Unis.
01:36 Et il n'y avait pas à l'époque de raison pour que mes parents aillent aux États-Unis
01:42 et pour que ma mère accouche aux États-Unis.
01:44 J'ai découvert que j'étais née de gestation pour autrui en deux étapes.
01:47 La première étape, c'était aux alentours de 16 ans, 17 ans, où j'ai ouvert Google.
01:53 Je décide de faire mes recherches sur le Kentucky, sur le comté de Louisville, et
01:58 je vois là qu'il y a des centres de gestation pour autrui.
02:01 Et vraiment, tout s'enclique dans ma tête.
02:03 C'est comme si c'était une évidence.
02:05 C'était évident, c'était ça et rien d'autre.
02:09 Et puis un jour, ma belle-mère, la mère de mon mari, décide, pour mes 30 ans, de
02:15 m'offrir un test ADN.
02:17 Quand on ouvre ce test ADN, on voit nos origines ethniques.
02:20 Déjà, je vois que je n'ai pas 1% de français dans mon sang, zéro, et ma mère d'intention
02:26 est française.
02:27 Donc déjà, à ce moment-là, j'ai déjà une preuve irréputable que je ne suis pas
02:34 du tout née de ma mère.
02:36 Et je descends dans ce test et on peut voir nos correspondances ADN.
02:41 C'est-à-dire que le test ADN va prendre votre ADN et va le comparer avec une base
02:48 de données qu'ils ont.
02:49 Et puis ensuite, ils vont vous matcher avec des gens qui ont des correspondances ADN avec
02:55 votre ADN, tout simplement.
02:56 Et moi, j'ai dans cette correspondance ADN une cousine germaine qui est identifiée
03:04 dans la base de données.
03:05 Donc, qu'est-ce que je fais ? Je décide directement de contacter ma cousine pour avoir plus de
03:10 réponses.
03:11 Je lui demande si elle connaît quelqu'un dans la famille qui a fait l'acte d'être
03:17 mère porteuse.
03:18 Et de suite, elle me répond que oui et qu'elle va ainsi contacter les personnes qui sont
03:24 concernées pour pouvoir me mettre en contact avec elle.
03:27 J'avoue qu'à ce moment-là, j'ai été soulagée.
03:31 J'ai été soulagée à un poids parce que pendant très longtemps, je racontais ça
03:35 à tout le monde sans en avoir la preuve physique.
03:38 Et ce jour-là, j'ai enfin eu une preuve physique de toute mon existence, de 30 années
03:45 d'existence, de 30 années de doute, de 30 années aussi de mensonges.
03:49 Et ça m'a fait du bien.
03:51 C'était comme un soulagement.
03:53 J'étais heureuse.
03:54 J'étais vraiment sincèrement heureuse.
03:57 On ne peut pas se bâtir sans connaître ses origines.
04:00 C'est impossible.
04:01 On ne peut pas se construire si on ne sait pas d'où on vient.
04:03 Donc, oui, j'ai eu des troubles.
04:06 J'ai eu des troubles avec les addictions, avec l'alcool.
04:11 L'alcool, des fois, je me mettais toujours au bord du précipice pour avoir l'impression
04:18 d'être vivante.
04:19 J'ai développé aussi des troubles mentaux, dépressions, tentatives de suicide.
04:27 J'ai récemment été diagnostiquée avec un trouble de la bipolarité.
04:32 Donc, oui, c'est pas rien en tout cas.
04:37 C'est difficile de se construire en tant qu'enfant quand on ne sait pas d'où on
04:41 vient, quand on sait en plus que 50% de nous est quelque part dans le monde et qu'on ne
04:54 sait pas ce qu'est ces 50%.
04:57 C'est très difficile.
04:58 Pour moi, le plus traumatisant dans la gestation pour autrui et pour n'importe quel enfant,
05:05 c'est la séparation de la mère, la mère qui porte l'enfant pendant 9 mois et qui
05:15 va ensuite céder l'enfant.
05:18 J'avais besoin de savoir comment c'était passé et comment s'est déroulé cet instant-là.
05:24 Je ne sais pas pourquoi, mais c'était essentiel pour moi de le revivre par ses mots.
05:32 Même si moi, je ne peux pas le revivre dans ma tête, mais j'avais besoin que quelqu'un
05:38 me le raconte.
05:39 Comme mes parents n'intentionnent pas me le raconter, j'avais besoin qu'elle me
05:43 le raconte de sa perspective.
05:45 Elle m'a raconté, ma mère porteuse, ma mère biologique, qu'elle a eu une grossesse
05:50 qui s'est bien déroulée.
05:51 Elle me parlait beaucoup, que ce n'était pas facile pour elle.
06:03 C'est un peu toujours compliqué pour moi.
06:12 Elle m'a aussi parlé du moment de la séparation, c'est-à-dire quand je suis née.
06:19 L'accouchement s'est extrêmement bien passé.
06:22 J'ai été prévue un 10 décembre.
06:25 Quand je suis née, elle n'a pas pu me prendre dans les bras.
06:33 J'ai été directement donnée à mes parents d'intention.
06:38 Je pense que ça a été le premier traumatisme qui a malheureusement écrit le reste de ma
06:53 vie.
06:54 Je pense qu'il est toujours compliqué en tant qu'enfant de se dire qu'à un moment
07:00 donné, on a fait l'objet d'un contrat, on a été une chose, on a été vendu.
07:07 Et que la personne qui nous a fait grandir, qui nous a porté, qui nous a nourri pendant
07:15 9 mois, en qui on avait confiance, qu'on devait voir à la naissance, nous a vendu.
07:22 Nous a vendu à une autre famille.
07:25 C'est toujours compliqué pour moi de me dire que j'ai été un objet vendu, acheté,
07:33 acheté, acheté, acheté.
07:37 C'est pas simple.
07:40 Avec mes parents d'intention, aujourd'hui, j'ai des relations assez compliquées.
07:46 C'est vrai qu'aujourd'hui, ils savent que j'ai découvert ce secret qui a quand
07:52 même perduré 30 ans.
07:54 Ils ont été un peu mis à mal.
07:57 Donc, nos relations sont un petit peu tendues.
07:59 Cependant, il n'y a rien de méchant.
08:03 Ça reste cordial, mais tendu, très froid.
08:08 Dans les agences de gestation pour autrui à l'étranger, ces fameuses agences, ils
08:15 vendent des packages où on peut, dans certains cas, choisir la couleur des yeux d'un enfant,
08:22 le sexe, ce qui est pour moi de l'eugénisme, si je peux me permettre.
08:28 Ça s'apparente à la commercialisation d'enfants, parce que justement, un enfant,
08:33 dans ce cas précis de la gestation pour autrui, est littéralement l'objet d'un
08:37 contrat.
08:38 Donc, on le commercialise.
08:39 On l'achète parce que cet enfant a un prix.
08:42 De même qu'on commercialise le corps de la femme.
08:44 On va louer son utérus pendant 9 mois.
08:47 Ça aussi, ça fait l'objet d'un contrat.
08:49 Et ça aussi, ça a un prix.
08:51 Selon moi, la gestation pour autrui devrait juste être aboli.
08:54 Il n'y a pas de régulation possible à la traite d'être humain, à la vente d'enfants,
08:59 à l'utilisation du corps de la femme comme incubateur.
09:04 Tout ça pour moi, c'est irréel.
09:06 J'ai l'impression d'être dans une science-fiction, à la limite.
09:10 Donc, l'abolir pour moi est la seule option.