Oh, que cela fait du bien de retrouver notre chroniqueur, tellement occupé, Daniel Mangeas... il ne vous avait pas manqué, vous ? Le Tour des Flandres est désormais derrière nous... place maintenant à l'autre grand Monument pavé, Paris-Roubaix, où Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) aura l'occasion ce dimanche de rentrer encore un peu plus dans l'Histoire de son sport ! À quelques jours de la 121e édition de l'Enfer du Nord, Cyclism'Actu a évoqué cette course mythique avec l'un des historiens du cyclisme en France : Daniel Mangeas ! Avec ses 41 Paris-Roubaix au compteur, l'ancien speaker du Tour de France est extrêmement bien placé pour vous conter la petite histoire de cette épreuve emblématique du calendrier, mais encore plus pour parler du grand favori de la course et de sa relation fusionnelle avec feu son grand-père Raymond Poulidor, qu'il connaissait si bien...
Video : @Cyclismactu / @ParisRoubaix / DR
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00:00 Daniel Mangias, 121ème Paris-Roubaix ce dimanche, l'Enfer du Nord, une course mythique.
00:09 Qu'est-ce que tu évoques justement cette épreuve qu'on attend tous ?
00:12 Pour moi Paris-Roubaix c'est quelque chose de particulier parce qu'il y a vraiment une
00:19 solennité, un enjeu, un stress qui accompagne les coureurs dès la veille, enfin même bien
00:25 avant, mais quand on présente les coureurs la veille du départ de Paris-Roubaix, ils
00:30 sont déjà dans leur bulle, ils sont dans la compétition, c'est l'un des rares moments
00:34 où l'on voit cela parce qu'on sait que c'est une journée que l'on doit impérativement
00:37 réussir.
00:38 Sur le Tour de France, si on rate une étape, il y en a une vingtaine d'autres qui suivent,
00:43 alors que là ce n'est pas le cas du tout.
00:45 Et pour une catégorie de coureurs, c'est l'objectif de la saison.
00:48 On a vu Mathieu Van Der Poel gagner le Tour des Flandres pour la troisième fois, donc
00:54 je ne dirais pas qu'il arrivera décontracté, mais il aura un côté serein en ayant déjà
01:01 réussi son début de saison.
01:03 Mais c'est vrai qu'il y a un enjeu énorme sur Paris-Roubaix, tout est palpable.
01:07 On voit la tension chez le coureur, on le voit dans l'encadrement également, c'est
01:12 une course complètement différente des autres.
01:14 Si tu devais résumer en un mot l'enfer du Nord, tu le décrirais comment toi ?
01:18 Je mettrais deux mots, je mettrais chance et malchance.
01:22 Il est important de ne pas être victime de la malchance, il faut peut-être avoir une
01:27 part de chance pour faire la différence par rapport aux autres.
01:30 La course peut se jouer, se gagner à n'importe quel endroit, c'est une tension permanente
01:36 lorsque les coureurs arrivent sur le premier secteur pavé jusqu'à l'arrivée.
01:42 C'est vraiment une dramaturgie, un 5 étoiles que nous avons là parce que c'est une course,
01:50 d'ailleurs on le voit avec les audiences de télévision et avec les spectateurs sur
01:55 le bord des routes, c'est un monument.
01:58 Déjà pour un coureur, s'il sait qu'il ne va pas gagner Paris-Roubaix, terminer
02:04 Paris-Roubaix dans les délais est déjà une victoire.
02:07 Je me souviens d'un coureur, Rivalda Siscavicius, qui était entré sur le vélodrome, il est
02:13 ordolé, le vélodrome était fermé, il a dit "je reviendrai l'année d'après".
02:17 Il s'est préparé pour Paris-Roubaix, il est allé chercher une place de 9ème, ce
02:22 qui est quand même une sacrée performance.
02:23 C'est vraiment, je ne dirais pas comment expliquer, la tension est palpable dès un
02:31 coureur de Paris-Roubaix qui veut préparer Paris-Roubaix dès sa première course de
02:35 la saison cycliste, il est déjà par la pensée sur les secteurs pavés.
02:40 Évoquer Paris-Roubaix à Daniel Mangias, c'est évidemment évoquer énormément de
02:45 souvenirs, toi qui as commenté cette épreuve pendant de nombreuses années, est-ce que
02:48 tu devrais en retenir un qui t'a marqué, peut-être pas forcément le plus heureux,
02:52 le plus malheureux, mais un souvenir isolé que tu nous rappellerais à quelques jours
02:57 du grand départ ?
02:58 En tant que bon Français, je pense aux victoires de Gilbert Duclos-Lassalle et de Marc Madiot,
03:06 j'entends le public du vélodrome de Roubaix qui scandent "Madio, Madio" c'est quelque
03:13 chose, j'avais lancé cela, le public avait répondu et c'était des frissons en attendant
03:19 l'arrivée des coureurs, je pense qu'à 2-3 kilomètres de l'arrivée, que ce soit
03:22 Marc ou Gilbert, ils ont dû entendre le public, il y a une communion entre le coureur et le
03:27 public, il y a véritablement l'admiration qui part des tribunes pour envelopper le coureur
03:33 cycliste, chaque coureur qui termine Paris-Roubaix est un véritable héros et ce sont des souvenirs
03:39 qui m'ont marqué, autre souvenir également, la victoire de Dirk de Molen et de Thomas
03:45 Wegmuller, ce n'était pas sur le vélodrome, on arrivait devant les établissements La
03:49 Redoute et ils avaient mené une longue échappée et avaient piégé tous les favoris, ce sont,
03:55 puis j'ai en souvenir évidemment les moments de Francesco Moser, de Roger De Vlaminck,
04:03 mais mes souvenirs sont vraiment tricolores, j'ai dit avec Gilbert Duclos-Lassalle et
04:07 Marc Badiot et puis aussi de voir Bernard Hinault gagner avec le maillot de champion
04:12 du monde, on est en 1981 et cette année-là, il y a un spectateur qui est le plus prestigieux
04:19 des champions bretons, avant Bernard Hinault, c'est Louis-Zombobé qui a gagné Paris-Roubaix,
04:24 qui a gagné trois fois le Tour de France, oui trois fois le Tour de France, il devait
04:28 nous quitter quelques temps après et il assistait à la victoire de Bernard Hinault,
04:34 et lui, Louis-Zombobé qui regarde Bernard Hinault gagner Paris-Roubaix, c'est une image
04:40 que j'oublierai jamais.
04:41 La transition est toute faite, gagner avec le maillot de champion du monde c'est quelque
04:46 chose qu'on imagine plutôt facilement ce dimanche, tu en as parlé tout à l'heure,
04:50 Mathieu Van Der Poel, vainqueur du Tour des Flandres, impressionnant depuis le début
04:53 de saison, depuis plusieurs années, on a l'impression qu'avec l'abandon de Vondard, rien ne peut
04:58 l'empêcher de gagner l'enfer du Nord, quel regard tu jettes sur le coureur qui est Mathieu
05:05 Van Der Poel et ce qu'il peut faire ce dimanche ?
05:08 Je voyageais souvent avec Raymond, quel dommage qu'il soit parti trop tôt parce que je pense
05:15 que dimanche dernier il aurait été évidemment au comble du bonheur, troisième victoire
05:21 dans le groupe, troisième victoire dans le Tour des Flandres, et à ces victoires on
05:24 ajoute deux places de deuxième, c'est absolument phénoménal. Il a gagné Paris-Roubaix, il
05:30 a le maillot de champion du monde sur les épaules, je ne dirais pas qu'il va arriver
05:34 décontracté mais il va arriver avec un capital confiance exceptionnel parce qu'il a été
05:39 intraitable dimanche dernier donc je pense qu'il a évidemment, non seulement je pense,
05:45 je suis certain qu'il a évidemment l'envie d'aller gagner Paris-Roubaix, d'autant plus
05:50 que c'est une course à laquelle Raymond Poulidor était très attaché. Je rappellerai
05:54 également que le papa de Mathieu, Adrien Van Der Poel avait terminé troisième l'année
05:59 où Sean Kelly avait obtenu la victoire et Raymond Poulidor me disait toujours quand
06:04 on parlait de Paris-Roubaix, il me disait "le jour où je suis passé le plus près
06:08 de la victoire c'est mon dernier Paris-Roubaix". Il avait 41 ans, il avait dû terminer dixième
06:14 ou onzième, il avait été terrassé par de nombreuses crevaisons et il me disait
06:18 toujours "c'est une course que j'aurais dû gagner". Alors évidemment son petit
06:23 fils la gagne, on imagine s'il avait été témoin oculaire de cet événement, l'intense
06:30 moment qui aurait été le sien. Il était souvent avec nous au Grand Prix de Marseille,
06:34 Raymond, quand Mathieu devenait champion du monde de cyclocrosse, ils étaient fusionnels
06:40 l'un et l'autre, Raymond et Mathieu et obligatoirement Mathieu quand il gagne pense à son grand-père.
06:48 C'est extraordinaire d'avoir cette pensée du petit-fils vers celui qui a été le plus
06:55 populaire des champions français.
06:57 C'est une relation qui est fusionnelle et qui passionne le vélo et on a hâte de voir
07:05 dimanche si on pourra lui rendre un nouvel hommage à Raymond Poulidor, notre Poupou
07:09 national, en remportant un deuxième Paris-Roubaix.
07:12 Je pense qu'il va tout faire. Raymond m'avait parlé de Mathieu quand il avait une dizaine
07:19 d'années. Il me dit "je ne demande pas à vieillir mais tu verras j'ai un petit-fils,
07:23 il a un talent fou, c'est sûr que ça va être un champion". Il avait été visionnaire
07:28 parce qu'avec ce que l'on a vu dimanche dernier et peut-être ce que l'on verra dimanche
07:32 prochain, il ne s'était pas trompé. Paris-Roubaix évidemment c'est une course qui entre dans
07:39 tous les foyers. Le dernier podium français c'était Sébastien Turbot, on était en
07:44 2012, il avait fait deuxième. On a de bons coureurs. Gagné Paris-Roubaix, je ne sais
07:50 pas, mais on a des Florian Senechal, Adrien Petit, Rémi Cavagna qui sera là au départ
07:56 et puis Pierre Gautra ou encore Alexis Renard. On a une bonne génération de français qui
08:01 est peut-être là pour apprendre mais lorsque l'on apprend, parfois on réussit à conclure.
08:06 Pour conclure cette petite chronique sur Paris-Roubaix, le petit pronocycle, le petit grain de folie
08:14 que tu voudrais donner pour dimanche, un truc que tu aurais envie de voir au-delà de la
08:19 course, au-delà du résultat, quelque chose qui te ferait plaisir ?
08:22 Qu'il ferait plaisir et qui ferait surtout plaisir à tous les coureurs, du soleil, du
08:29 ciel bleu, un public en masse avec un côté 14 juillet, même si au vélodrome, 50% de
08:36 les spectateurs dans le vélodrome viennent de Belgique mais que nous vivions une bien
08:42 belle course. Je me souviens des soirées de réception qui suivaient l'arrivée de
08:47 Paris-Roubaix où on accueillait le vainqueur, c'était le cas de Francesco Moser, c'était
08:52 le cas de Tom Bohnen, c'était le cas de Roger Doblamin, d'Annie Berks et de Bernard
08:58 Rinault et moi je m'amusais à regarder le public, ça m'est resté. Il y avait vraiment
09:03 dans le regard du spectateur une admiration très profonde. Je ne dirais pas qu'il n'y
09:08 a que là que l'on voit cela mais j'ai quand même tendance à le penser.
09:12 Voilà et puis je termine juste pour dire qu'aujourd'hui il y a un Français qui a
09:17 gagné au régime Pélianou-Arthour, il s'appelle Ewen Costiou, il a 21 ans, c'est un superbe
09:23 rouleur donc on a toutes les raisons d'être optimiste et ambitieux en France.
09:29 Merci Daniel Mangias pour ta chronique sur ce Paris-Roubaix, c'est toujours un plaisir
09:33 de t'écouter et on te retrouve très prochainement sur Cyphie Cyprien.
09:35 [Musique]