INVITE : Alain Reynes, de l'association Pays de l'ours - Adet
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00:00 On se pose, on prend cinq minutes ce matin avec le directeur de l'association pays de l'ours à dette.
00:04 Il y a 83 ours qui ont été comptabilisés l'an dernier dans nos Pyrénées, Clémence.
00:09 Oui, bonjour Alain Rennes.
00:10 Bonjour.
00:11 Ce chiffre c'est l'Office français de la biodiversité et le réseau source brun qui l'a dévoilé dans son bilan 2023.
00:18 16 ours sont nés aussi l'année dernière. C'est une bonne nouvelle pour vous ?
00:23 Alors c'est une bonne nouvelle oui, du point de vue démographique.
00:26 Ça veut dire que la population se développe, se développe normalement avec un taux de croissance normal.
00:31 Et donc ça c'est quelque chose de tout à fait rassurant vis-à-vis de la capacité des Pyrénées à prêter une population d'ours.
00:37 Le fait que les ours se soient bien adaptés dans les Pyrénées.
00:40 Mais malheureusement on reste un petit peu et même beaucoup mitigés par rapport à ça.
00:45 Pourquoi ?
00:46 Parce qu'il y a d'un côté l'aspect quantitatif, le nombre d'ours.
00:49 Et puis de l'autre côté il y a l'aspect qualitatif qui est symbolisé par la génétique.
00:53 Et là par contre on a un gros problème.
00:55 C'est que 90% de cette population d'ours ne procède que de 3 individus.
01:00 De deux femelles et un mâle.
01:02 Et donc évidemment ils se reproduisent entre eux, parfois entre père et fille,
01:06 ou entre frères et sœurs, ou entre cousins, etc.
01:09 Et évidemment ça amène de la consanguinité et ça c'est pas bon pour l'avenir de la population.
01:13 Et pourquoi très concrètement c'est pas bon la consanguinité ?
01:15 C'est pas bon parce que ça affaiblit le patrimoine génétique.
01:20 Et l'affaiblissance a deux conséquences principales.
01:23 La première c'est une sensibilité aux maladies.
01:26 C'est-à-dire que s'il apparaissait une maladie au sein de la population,
01:28 tous les ours étant très proches les uns des autres,
01:30 ils pourraient tous en être atteints d'un coup.
01:32 Et donc on pourrait avoir un gros problème à ce moment-là.
01:35 Et puis le deuxième symptôme, le deuxième problème, c'est les performances de reproduction.
01:40 C'est-à-dire que des animaux qui sont consanguins se reproduisent de moins en moins,
01:44 avec moins de portée, moins de petits par portée, moins de taux de survie sur les portées.
01:49 Et la population finit par décliner.
01:51 C'est ce qui est arrivé à la population pyrénéenne d'ours d'origine.
01:55 Moins d'individus qui se reproduisaient entre eux,
01:57 elle a fini par quasiment s'éteindre.
01:59 Donc j'imagine que vous dites que la solution c'est de réintroduire des ours.
02:02 Je crois que la dernière réintroduction c'était en 2018.
02:04 Sauf qu'Emmanuel Macron en dit à 2020,
02:06 "les réintroductions c'est terminé, Alain Reynes".
02:09 Emmanuel Macron effectivement a pu dire ça.
02:12 Sauf que deux choses.
02:14 La première c'est qu'il y a une directive européenne
02:16 qui impose aux États membres, dont la France,
02:19 de restaurer des populations viables d'ours en Europe.
02:22 Et donc on a cette obligation et on ne peut pas s'y soustraire.
02:25 D'une part. Et d'autre part, Emmanuel Macron avait dit pas de nouvelle réintroduction.
02:29 Mais il s'était quand même engagé à remplacer les ours qui seraient morts de cause humaine.
02:34 Or il y en a plusieurs qui sont effectivement morts de cause humaine,
02:38 qui ont pu être empoisonnés par exemple en Espagne,
02:41 ou qui ont pu être tués par balles comme en Ariège en 2020,
02:44 ou comme la femelle Caramel en 2021.
02:46 Donc il y a plusieurs ours comme ça qui auraient dû être remplacés et qui ne l'ont pas été.
02:50 Et donc vous allez attaquer l'État en justice par exemple pour ce non-rapplacement d'ours ?
02:55 Il y a déjà des procédures en cours bien entendu.
02:58 Et si nécessaire, d'autres seront introduites.
03:02 Le bilan dit aussi qu'il y a un peu plus d'attaques,
03:05 mais un peu moins d'animaux tués ou blessés dans les cheptels.
03:08 C'est quand même 552 animaux concernés.
03:11 Vous dites quoi ? C'est le prix à payer ?
03:13 Non, ce n'est pas du tout ce qu'on dit.
03:16 Ce qu'on dit c'est qu'on peut largement encore diminuer ces chiffres
03:20 en généralisant et en optimisant la protection des troupeaux.
03:24 Ce qui est fait dans certaines parties des Pyrénées.
03:26 On peut prendre deux exemples simples.
03:28 D'une part en Catalogne, en Espagne, ils ont généralisé la protection
03:32 et pendant que la prédation augmentait en France,
03:36 elle diminuait en Espagne alors qu'il y a autant d'ours en Espagne qu'en France.
03:41 Deuxième exemple, c'est le Béarn, les Pyrénées Atlantiques,
03:45 où il y a maintenant une petite dizaine d'ours et quasiment pas d'attaques
03:49 parce que tous les troupeaux sont protégés.
03:51 On dit qu'il n'y a pas de fatalité à avoir des dégâts qui augmentent
03:56 avec le nombre d'ours.
03:57 D'ailleurs, il n'y a pas de corrélation entre les deux.
03:59 Il y a surtout une corrélation avec les pratiques de protection
04:02 et là on peut encore mieux faire.
04:03 Encore faut-il accompagner les éleveurs à bien les connaître ces pratiques-là, Alain Rennes.
04:07 Tout à fait, mais alors ça, il y a un programme de l'État qui est en place.
04:11 A savoir qu'en 2023, par exemple, c'est 12 millions d'euros
04:15 qui ont été consacrés à ce programme d'accompagnement et de protection.
04:20 Donc les moyens sont là.
04:22 Par contre, tout n'est pas fait pour que ça aille dans le bon sens
04:26 en termes d'obligation, de mise en œuvre des moyens de protection, par exemple.
04:32 On est un peu laxiste et ça mène encore malheureusement à des dégâts.
04:36 Vous avez parlé des ours tués par les hommes et de caramels tués par un chasseur en novembre 2021
04:42 près de Sexe en Ariège qui va être exposé au muséum.
04:45 Est-ce que ça c'est une bonne chose de voir des ours naturalisés pour le grand public ?
04:50 Malheureusement, vous savez, on voit peu d'ours dans la nature.
04:56 Donc pour sensibiliser le public, soit il faut aller voir des animaux qui sont en captivité,
05:02 soit parfois des animaux comme ceux-là qui sont des animaux...
05:04 Il y a aussi Canel qui est au muséum d'histoire naturelle à Toulouse,
05:08 qui sont naturalisés.
05:10 Nous, je ne cache pas qu'on les préfère vivants.
05:12 Mais une fois qu'ils sont morts, s'ils peuvent servir à sensibiliser la population, faisons-le.
05:20 Merci beaucoup Alain Rennes.
05:22 Vous êtes le directeur de l'association Payez de l'Ours à dette.
05:25 Vous avez passé cinq minutes avec nous sur France Bleu et France 3.
05:28 Oxytanie, bonne journée à vous.