L'avis de Daniel Riolo, journaliste, chroniqueur et blogueur sportif franco-italien.
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00:00 En France, tous les débats de société s'articulent désormais de cette façon.
00:04 Intersectionnalité, essentialisation des individus.
00:09 À chaque fois, tu stigmatises, tu renvoies...
00:12 Non, on ne peut pas dire juste qu'on a envie qu'il y ait plus de sécurité,
00:16 qu'on a envie que les gens se comportent bien et qu'on n'en ait rien à foutre de leur tronche.
00:19 Qu'il est jaune, blanc, noir, machin, on s'en fout.
00:22 Et s'il y a un problème, comme au SADF, de migrants en France, qu'on le dise.
00:27 Est-ce qu'on arrive à les accueillir ? Est-ce qu'on en a trop ?
00:31 Est-ce que...
00:33 Parce que le risque, ce n'est pas de stigmatiser une population, justement.
00:35 Oui, mais est-ce qu'accueillir des migrants, ça veut dire les laisser sous des ponts au port de la Chapelle ?
00:40 C'est quoi l'intérêt, en fait ?
00:41 C'est quoi l'intérêt ? France, terre d'accueil, machin, sous les ponts au port de la Chapelle ?
00:45 Soit on est capable d'en accueillir, et on les accueille comme il faut,
00:48 et on voit de quelle façon on accueille les gens.
00:52 Soit on n'est pas capable.
00:53 Si c'est pour qu'ils viennent et restent dans des camps,
00:58 et derrière, dans une détresse sociale et dans la misère, se transforment en délinquants,
01:04 la France aura rempli son rôle de terre d'accueil, non ?
01:09 Bon, on a le droit quand même de se poser cette question.
01:12 Il se trouve que là, elle a éclaté sous nos yeux,
01:15 parce qu'autour du SADF, il y avait plein de migrantes sans papier.
01:19 Franchement, c'est un choc dur.
01:21 Tu te dis "putain, merde, pour tous ceux qui disent "migrants, il faut accueillir",
01:25 encore faut-il le faire correctement.
01:27 Si c'est pour les laisser crever sous les ponts, je vois pas l'intérêt.
01:30 Ce que tu disais sur le procès du tweet raciste,
01:34 et donc le fait de se focaliser sur les identités,
01:37 c'est ce que tu dis aussi dans un de tes articles dans la revue After Food,
01:40 sur l'islam et le football.
01:42 Et tu cites le politologue Olivier Costa,
01:45 qui dit qu'aujourd'hui, on se focalise justement sur les identités,
01:47 et plus sur les opinions.
01:49 Et puis sur la... Je sais plus exactement comment tu le formules,
01:52 mais tu dis...
01:53 D'où parles-tu, camarade ? La phrase de Marx ?
01:56 Exactement.
01:57 Voilà, c'est...
01:58 Est-ce qu'aujourd'hui, c'est propre au foot, c'est propre à la France ?
02:02 C'est propre à...
02:03 Chacun s'enferme dans sa chapelle, dans son identité.
02:06 Moi, qui supporte pas ça, je sais pas,
02:09 je vais pas défendre Verratti, parce qu'il est italien.
02:11 Je vais pas défendre... Alors, je suis sicilien, donc t'imagines ?
02:14 Ah, putain...
02:15 Je vais défendre même les mafieux, alors, s'ils sont siciliens comme moi.
02:19 C'est des gens formidables.
02:20 Et si demain, on vient me dire...
02:22 "Je suis pas un sicilien, c'est un mafieux."
02:25 Non, on l'est pas tous.
02:28 Stigmatiser, ça veut dire qu'ils le sont tous.
02:30 Mais en revanche, si on dit "il y en a",
02:32 bah oui, tu es bien obligé de dire "il y en a".
02:34 C'est vrai, il y en a, il y en a, des mafieux en Sicile.
02:36 Ça existe encore.
02:37 Pas que là-bas, mais il y en a.
02:39 Donc il faut être capable de reconnaître les choses,
02:41 de dire ce qui se passe,
02:42 et de pas avoir sans arrêt, d'être là à guetter de la stigmatisation.
02:47 Évidemment qu'il y en a qui en font.
02:50 Bien sûr qu'il y en a qui doivent dire
02:51 "Tous les migrants sont des délinquants."
02:54 Peut-être, mais le problème, c'est que...
02:58 entre ceux qui le font et ceux qui ne veulent pas le faire,
03:00 et qui veulent juste parler de sécurité,
03:01 et qui veulent juste pointer du doigt certaines carences dans la police,
03:07 dans le fait de régner l'ordre, comme autour du Stade de France,
03:10 on n'a pas forcément envie d'être assimilés à ceux qui font les amalgames.
03:15 On peut également être entre les deux.
03:17 On peut également avoir un discours mesuré.
03:19 Mais aujourd'hui, c'est très compliqué.
03:21 Parce que chacun s'enferme dans ses chapelles,
03:23 dans ses partis politiques, dans ses opinions.
03:25 Et c'est très dur de...
03:26 À quoi c'est dur ?
03:27 C'est dur de transcender.
03:28 Je ne sais pas comment on en est arrivé là dans notre société.
03:32 Le communautarisme est très présent.
03:34 C'est là où je voulais en venir,
03:37 parce que justement, ton article...
03:38 Ça existe.
03:40 Oui, c'est vrai que pendant...
03:43 Quand tu prends des coups de fil de joueurs qui te disent...
03:46 Tu m'as critiqué, en l'occurrence,
03:49 ça devait être Kazri, Boudbouz,
03:51 tu m'as critiqué parce que je suis arabe.
03:52 J'ai dit "Ah d'accord, ok."
03:53 Et Verratti, qui j'en remets une chaque semaine.
03:56 Ça se passe comment ?
03:58 Ça n'a pas de sens en fait.
04:00 Et les joueurs français alors ?
04:02 Parce que je suis également français, je ne suis pas qu'italien.
04:04 Donc quand je critique des joueurs français,
04:06 c'est quoi le problème alors ?
04:08 Ça n'a pas de sens en fait.
04:10 Ça n'a pas de sens que des mecs défendent des gens
04:12 uniquement parce qu'ils sont de la même origine
04:15 ou ils sont comme eux et tout.
04:16 On devrait s'en foutre de ça.
04:18 On devrait s'en foutre.
04:19 Mon discours est en permanence de juger les gens
04:21 pour ce qu'ils font, pas pour ce qu'ils sont.
04:23 On s'en fout de ce qu'ils sont.
04:25 Moi je trouve que c'est même très sympa de parler des origines.
04:28 Je ne sais pas, imagine que toi tu es normand.
04:29 Moi ça m'intéresse.
04:30 Si tu es normand, que tu me racontes ta région avec passion,
04:33 que tu me dises "On fait un super camembert."
04:35 "Nos yaourts sont les meilleurs."
04:37 Je suis très content que tu me dises ça moi.
04:39 Je suis très content.
04:40 C'est bien que chacun revendique ses origines,
04:42 tout c'est chouette,
04:42 mais que tu dises que tout est formidable
04:44 ou que tu te sens agressé
04:45 si on fait une critique sur un normand
04:47 juste parce que toi tu es normand,
04:48 je ne comprendrais pas si je te dis
04:50 "Il pleut tout le temps au Normandie"
04:51 et que tu fais la gueule à cause de ça.
04:52 Je dirais "Merde quoi."
04:53 Mais est-ce que le fait de ce qu'ils sont,
04:55 typiquement si je suis normand,
04:57 mais si je suis aussi noir, d'origine arabe, etc.
05:01 Est-ce que le fait que je sois en minorité
05:03 sur le territoire français,
05:04 je peux me sentir beaucoup plus acculé
05:06 par d'autres populations ?
05:07 Je ne sais pas pourquoi moi.
05:08 C'est quoi la génération des offensés ?
05:11 Je ne sais pas pourquoi en fait.
05:13 Pourquoi tu te sentiras...
05:16 Tu trouves qu'on est vraiment dans une société
05:18 où personne n'a sa chance ?
05:20 Ou...
05:20 Quand je viens d'un milieu défavorisé,
05:21 quand je viens de...
05:22 Bah donc dans ces cas-là,
05:23 c'est la même chose pour le milieu défavorisé.
05:25 Ou les fils de profs.
05:26 Les fils de profs,
05:26 ils réussissent tous mieux à l'école que les autres.
05:29 Bah donc qu'est-ce qu'on fait alors ?
05:31 On interdit aux fils de profs d'aller à l'école
05:32 s'ils ont des meilleures notes que les autres ?
05:35 Bah tu...
05:37 Le rôle d'un État, le rôle de la politique,
05:39 c'est d'entretenir l'égalité des chances.
05:40 Et donc de faire en sorte que
05:41 quand tu viens d'un milieu défavorisé,
05:43 tu puisses avoir les mêmes chances
05:46 pour t'en sortir.
05:46 L'égalité à la ligne de départ.
05:48 Moi, je viens d'un milieu...
05:50 Bah pas du tout aisé
05:51 puisque je suis enfant d'immigrés,
05:52 de première génération.
05:53 Quand tu sais, les gens qui arrivent et qui n'ont rien.
05:55 Bah tu vas à l'école et puis voilà.
05:57 Est-ce que la machine n'est pas rouillée aujourd'hui ?
05:59 Ah !
06:00 Elle est certainement...
06:01 Elle fonctionne...
06:05 C'est... Franchement, ça...
06:07 Toutes les études ne montrent pas ça.
06:09 Il y a encore...
06:09 On est encore dans des pays où...
06:12 Où ça fonctionne mieux qu'ailleurs quand même.
06:14 On a...
06:15 Faut pas non plus tout...
06:19 Tout critiquer de la France quand même
06:20 dans ce secteur-là.
06:21 Mais effectivement, il y a peut-être...
06:23 Il y a peut-être moins de débouchés aujourd'hui.
06:27 Et l'ascenseur social marche peut-être moins...
06:30 Bah déjà...
06:31 Tu sais, je dis ça, mais à mon époque,
06:32 déjà, on disait que c'était moins...
06:34 Le mieux réussir que tes parents.
06:37 Déjà, ma génération, on disait
06:38 "Ah non, c'est ceux qui sont arrivés avant,
06:40 qui ont tout eu, à qui on a tout donné."
06:43 À chaque génération, on le dit.
06:48 Alors, j'ai pas de certitude absolue
06:50 sur le fait que l'ascenseur soit complètement cassé.
06:53 Ce qui le casse peut-être, c'est aussi
06:55 le fait d'entretenir les gens
06:57 dans leur identité, dans leur communauté,
06:59 dans leur communautarisme.
07:00 Et le fait de les entretenir dans le fait que c'est pas possible.
07:03 On leur dit que c'est pas possible aujourd'hui ?
07:05 L'ambiance globale donne le sentiment que
07:10 "Ah, vous êtes schématisés, on vous attaque,
07:12 on vous donne pas l'opportunité de vous en sortir,
07:15 on vous tape dessus, la police est contre vous."
07:17 Il y a des gens qui se servent de ça,
07:19 il y a des partis politiques qui sont forts pour faire ça.
07:22 Et qui donnent l'impression,
07:23 et qu'on a l'impression qu'ils veulent maintenir
07:27 certaines personnes dans l'idée que l'État est contre eux.
07:31 Il suffit de regarder les discours de l'extrême gauche, c'est cet entretien là.