Tiphaine Auzière ( Avocate, romancière, autrice de “Assises” aux Éditions Stock, Fille de Brigitte Macron) était l'invitée de BFMTV.
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00:00 - Bonjour Tiffany Ozière. - Bonjour.
00:01 - Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, on avance dans ce live.
00:04 Vous êtes avocate, vous êtes romancière, autrice de ce livre,
00:08 assise aux éditions Stock, fille de Brigitte Macron,
00:11 c'est aussi ce qu'on a écrit ce matin,
00:13 pour ceux à qui le visage dirait quelque chose,
00:15 le nom dirait aussi quelque chose.
00:17 On va parler de tout ça, je le disais,
00:19 ceci est votre premier roman assise,
00:21 donc l'histoire de Laura accusée d'avoir tué son mari violent,
00:25 de Jeanne, petite fille violée par son père,
00:27 de Karine que son mari fait tourner dans des films porno,
00:31 c'est très sombre, dit comme ça, c'est très très sombre,
00:34 ce sont des personnages que vous avez croisés dans votre vie d'avocate ?
00:38 - Alors dit comme ça, ça paraît très sombre,
00:40 mais c'est un roman qui vous amène avec les personnages
00:44 au travers de leur vie,
00:45 et l'idée c'est de se dire comment ces gens,
00:47 qui sont vous et moi, se retrouvent devant le tribunal,
00:49 comment ils y font face,
00:51 nous à leur place qu'est-ce qu'on aurait fait,
00:53 et surtout comment ils s'en sortent,
00:54 parce qu'il y a vraiment aussi une histoire de résilience,
00:56 et je me suis inspirée, effectivement je suis avocate,
00:59 de faits divers et de dossiers dans lesquels j'ai été,
01:02 soit côté de la victime, soit côté de l'accusée,
01:04 qui m'avaient énormément touchée,
01:06 parce qu'avant tout la justice elle est humaine,
01:07 et c'est ce que j'ai voulu retracer dans ce roman.
01:09 - On parle de femmes victimes ici,
01:11 je suis obligé de faire le lien avec ce dont on parlait juste avant,
01:13 Lina, là aussi une jeune femme victime,
01:17 dans votre vie d'avocate,
01:19 vous avez souvent eu à voir cette situation-là,
01:22 les femmes peuvent être victimes de mille manières différentes ?
01:25 - Elles peuvent être victimes de mille manières différentes,
01:27 et là ce qui est dramatique c'est qu'on l'entend,
01:29 elle dépose plainte pour vraiole,
01:30 et ensuite elle est harcelée,
01:32 et c'est là où on voit que c'est totalement affreux,
01:34 parce que c'est la double peine pour la victime,
01:37 et ce que j'ai essayé dans le livre c'est de dire,
01:39 comment une femme qui a une vie normale,
01:41 se retrouve à un moment percutée par la vie,
01:43 pourquoi elle va devant le tribunal,
01:45 et notamment cette femme qui va faire le choix,
01:46 parce qu'elle est percutée par des violences quotidiennes,
01:49 de passer de victime à bourreau en tuant son compagnon.
01:52 - En tuant son compagnon, c'est le procès qu'on suit,
01:54 parce que l'héroïne aussi de ce roman c'est une avocate,
01:56 c'est vous maître de l'oreille.
01:58 - C'est pas moi, je lui ai mis à disposition mon bagage juridique,
02:02 des années de pratique avec les clients,
02:05 parce que je voulais montrer au lecteur,
02:06 comment on crée un lien entre un avocat et son client,
02:08 parce qu'on rentre dans l'intimité de quelqu'un,
02:10 c'est quand même pas rien,
02:11 et comment ça se construit,
02:12 bien avant les audiences et pendant le tribunal,
02:15 et comment ça peut se passer entre les deux.
02:18 - Dit comme ça, quand je le résumais tout à l'heure,
02:20 avec toutes ces femmes victimes,
02:21 ça peut aussi donner le sentiment que rien n'a changé finalement,
02:24 que tout ce dont on parle depuis des années maintenant,
02:27 #MeToo, la libération de la parole,
02:29 la meilleure prise en compte des violences faites aux femmes, etc.,
02:31 que rien n'aurait changé,
02:32 que finalement, les femmes, beaucoup de femmes,
02:36 se retrouvent encore dans cette position-là de victimes du fait des hommes.
02:41 - Alors, je pense qu'il y a des choses qui ont changé,
02:43 en tout cas dans l'arsenal juridique, qui a été renforcé,
02:45 on a des téléphones grand danger dans les tribunaux,
02:48 il y a eu des places qui ont été ouvertes dans les centres d'hébergement,
02:50 les plaintes en ligne aussi,
02:51 parce qu'il y avait des gens qui n'osaient pas
02:53 brancher à la porte d'un commissariat.
02:55 Maintenant, il y a sans doute encore des choses à améliorer dans la justice,
02:58 je pense raccourcir, par exemple, les délais de procédure,
03:01 je parle de cette petite fille qui est victime d'inceste,
03:04 mais qui a un modèle, qui a une envie folle de s'en sortir,
03:07 - Elle est géniale !
03:07 - Voilà, qui transparaît, Jeanne,
03:09 et bien par exemple, ces enfants-là, quand ils sont au tribunal,
03:11 c'est sûr que 4 ou 5 ans de procédure, c'est trop long pour se reconstruire.
03:15 Donc, il y a nécessairement un renforcement de l'arsenal juridique,
03:18 et moi, je crois beaucoup à l'éducation,
03:19 à la manière dont on élève justement nos enfants,
03:21 moi j'ai une petite fille, un petit garçon,
03:23 et réfléchir sur ce rapport homme-femme très tôt,
03:26 et je pense que si on mise aussi là-dessus,
03:28 peut-être que les choses vont être amenées à changer.
03:29 - Mais comment vous, vos enfants, vous leur parlez de ça,
03:32 de ces rapports homme-femme ?
03:34 - Alors par exemple, la question de la violence,
03:37 déjà la question des violences faites aux enfants,
03:39 c'est-à-dire que si on est violent avec un enfant pour le punir,
03:42 c'est difficile après de lui dire de ne pas être violent,
03:44 donc déjà les bases, c'est tu respectes les autres,
03:47 et puis dans les rapports homme-femme,
03:48 moi j'aime beaucoup cette chanson dédiée de Préteau,
03:51 "Mon kidz, tu seras viril, mon kidz", voilà.
03:53 - Où il y a une injonction à la virilité.
03:55 - Voilà, exactement, et qui retravaille la question des stéréotypes,
03:58 et moi je sais que c'est vraiment quelque chose
04:00 qui, j'essaye en tout cas de la même manière d'élever les deux enfants.
04:04 - C'est un bouquin qui est politique aussi.
04:06 - Je ne sais pas, c'est surtout un roman,
04:08 moi j'avais en tout cas envie de montrer la justice
04:10 telle que je la vis, telle que je l'aime,
04:12 peut-être un peu idéaliste aussi,
04:14 mais qui est une justice profondément humaniste,
04:16 faite par des hommes.
04:17 - Je dis bouquin politique parce qu'il y a un côté manifeste dedans justement,
04:19 de combat, c'est un combat que vous portez là aussi,
04:22 certes c'est un roman, mais on sent que voilà,
04:25 ça vous touche tout particulièrement.
04:27 - En tout cas les faits sur lesquels je me suis inspirée,
04:29 notamment ce grand procès que vous suivez avec Laura,
04:33 c'est parfois j'étais du bon côté de la barre,
04:36 mais j'avais envie de défendre l'accusé, en l'occurrence une femme,
04:40 parce que je trouvais que la décision était légalement juste,
04:42 mais humainement discutable,
04:44 et c'est pour ça que c'est un sujet,
04:46 peut-être politique en tout cas, qui me prend aux tripes,
04:49 parce que la justice pour moi on ne juge pas des faits mais des hommes,
04:52 et c'est pour ça que c'était important de le traduire à travers ses personnages.
04:55 - Je suis obligé de vous poser la question, est-ce que le président l'a lu ?
04:57 Je sais que votre mère l'a lu, ça je le sais, elle l'a aimé, elle l'a dit.
05:00 Est-ce que le président de la République l'a lu ?
05:02 - Alors il l'a lu très récemment, parce que je lui ai amené très récemment,
05:05 et il a beaucoup aimé, à la fois il m'a félicité sur les qualités littéraires,
05:10 et il m'a dit qu'il avait été très touché par les sujets
05:12 sur lesquels il s'est engagé et qu'il le touche lui depuis qu'il a été élu.
05:16 - Mais vous, comment dire, vous l'embêtez sur ces sujets-là,
05:19 vous le poussez sur ces sujets-là justement,
05:22 à partir de ce livre-là en disant "regarde tout ce qu'il reste à faire" ?
05:25 - Alors je ne l'embête pas et je ne le pousse pas,
05:26 parce qu'on parle de beaucoup d'autres choses quand on est ensemble,
05:29 et puis je n'ai pas de leçon à donner,
05:30 parce que quand on n'est pas aux commandes c'est difficile,
05:33 enfin on a plein d'idées, mais après quand on y est c'est différent.
05:36 Après oui, c'est des sujets dont on parle avec une sensibilité différente,
05:41 et donc c'est toujours intéressant d'échanger là-dessus.
05:44 - Le président est féministe ?
05:46 - En tout cas, je pense qu'il s'est engagé pour un certain nombre de combats,
05:49 et là encore, par exemple pour l'IVG, c'était très important,
05:52 et ce qu'il a dit, de dire que la France doit être moteur
05:55 en constitutionnalisant l'IVG pour d'autres pays du monde,
05:58 où on voit qu'il y a un recul là-dessus,
06:00 donc c'est des sujets sur lesquels je crois qu'il se bat.
06:03 - Je vous posais la question parce qu'il y a à la fois effectivement l'IVG,
06:06 il y a à la fois ce que vous disiez sur les téléphones grave danger,
06:09 sur une meilleure prise en compte de la parole des femmes, etc.
06:11 Et puis il y a eu des sorties qui ont pu dérouter,
06:13 comme sur Gérard Depardieu, par exemple sa défense de Gérard Depardieu.
06:16 Vous disiez à l'instant, on n'a pas toujours la même vision des choses,
06:19 est-ce que là vous avez compris qu'il se mette à défendre Gérard Depardieu,
06:22 qui était, on le souvient, accusé d'avoir, notamment accusé de viol,
06:25 et puis accusé d'avoir eu des propos absolument terribles sur une enfant ?
06:29 - Oui, moi en tout cas à titre personnel,
06:31 je ne soutiens pas effectivement la question sur Gérard Depardieu,
06:37 et je pense qu'il faut vraiment mettre en lumière la parole des femmes.
06:40 Je pense en tout cas que sur les propos qu'il a tenus,
06:44 je ne suis pas convaincue qu'il défendait Gérard Depardieu,
06:46 pour moi il défendait la présomption d'innocence.
06:48 Et c'est deux choses différentes, c'est aussi pour moi quelque chose
06:51 auquel je suis attachée en tant qu'avocat,
06:52 parce que la présomption d'innocence est assez vite bafouée,
06:55 et pour moi les procès doivent se faire dans les tribunaux
06:58 et pas sur la place publique.
06:59 Et je pense que c'est ce qu'il avait voulu dire,
07:01 peut-être que ça a été interprété comme une défense de l'homme,
07:04 mais moi j'y vois une défense de la présomption.
07:06 Justement sur la présomption d'innocence, et ça résonne avec le livre,
07:09 comment vous vous positionnez par exemple quand une actrice
07:11 comme Judith Godrej prend la parole et accuse publiquement,
07:15 et porte plainte aussi, mais accuse publiquement un certain nombre de réalisateurs ?
07:19 Où est-ce que vous mettez la limite ?
07:21 Moi j'ai été très touchée par son témoignage,
07:23 et je pense qu'il contribue à éclairer notamment ce qui a pu se passer
07:27 dans un milieu à un moment donné,
07:28 parce que c'est vrai que quand on revoit à posteriori ces interviews,
07:31 elles sont effrayantes, parce qu'elles disaient
07:33 "mais on n'avait pas voulu entendre et comprendre ce qu'ils disaient".
07:38 Donc c'est sûr que ça permet de contribuer à la libération de la parole,
07:42 maintenant je pense qu'à partir du moment où les dossiers
07:44 sont instruits devant un tribunal, il faut laisser aux juges
07:48 la possibilité de faire leur travail,
07:51 et de le faire de manière le plus juste possible,
07:54 sans être perturbé par tous les événements extérieurs,
07:58 c'est le secret aussi de l'instruction.
08:01 Mais sans doute que si on raccourcissait les procédures,
08:04 on aurait aussi moins de procès médiatiques.
08:06 Je le disais tout à l'heure, et on le voit dans votre livre,
08:08 les femmes peuvent être victimes de mille manières différentes.
08:10 Votre mère a été victime aussi,
08:13 victime d'une fake news absolument dégueulasse,
08:17 on l'a tous en tête, on sait qu'Emmanuel Macron
08:19 s'était exprimé là-dessus aussi.
08:21 Comment est-ce qu'elle endure ça,
08:24 et accueille ça, et combat ça, et comment est-ce que vous, vous le vivez ?
08:28 Alors j'aurais du mal à répondre à sa place,
08:30 je laisserais, ce serait elle d'y répondre,
08:33 en tout cas moi en tant que proche,
08:35 je trouve ça grotesque, mais aussi grotesque
08:37 que toutes les autres théories du complot avec la terre qui plate,
08:41 Kate Middleton qui n'est pas Kate Middleton,
08:43 et je pense qu'elle a eu la meilleure des réactions,
08:45 c'est-à-dire qu'elle et son frère, mon oncle, ont déposé plainte,
08:49 et c'est la justice qui rendra sa décision,
08:52 et qui fera taire pour moi toutes les rumeurs,
08:55 et c'était la meilleure des réponses je crois.
08:56 Il y a eu une plainte, ça c'est l'avocat qui parle ou c'est la fille ?
08:59 Quand vous dites que c'est la meilleure des réponses.
09:00 Les deux, parce que je pense qu'à un moment,
09:03 il faut se saisir de ces sujets-là, il faut instruire la justice,
09:07 que ça s'arrête, parce que que ce soit ma mère comme n'importe qui dans la société,
09:10 ça peut faire énormément de tort,
09:13 et je pense justement que la justice, en tout cas j'y crois fondamentalement,
09:15 qu'il y a un pilier de la démocratie, peut mettre un terme à ces désinformations,
09:20 et condamner lourdement les auteurs,
09:22 parce que c'est une forme de harcèlement comme une autre.
09:24 On est plus fort que ça collectivement,
09:25 mais est-ce que individuellement, est-ce que vous par exemple,
09:27 ça vous touche quand il y a ces fake news-là qui circulent ?
09:31 Je sais par exemple très bien qu'en vous accueillant ce matin,
09:34 les trolls vont se déchaîner sur les réseaux sociaux après cette interview.
09:39 Est-ce que ça, ça vous atteint ?
09:41 Comme vous dites, c'est des trolls.
09:43 Donc en fait, moi ça ne m'atteint pas.
09:45 C'est quelque chose qui est totalement aberrant.
09:49 Je veux dire, au même titre qu'on soit gouverné par des reptiles,
09:51 moi je trouve ça juste dommage.
09:53 Et ça interpelle sur la...
09:56 J'en parle d'ailleurs à travers d'un personnage sur autre chose,
09:59 sur la déconstruction.
10:00 C'est-à-dire comment on peut se retrouver,
10:02 puisque moi je connais des gens qui ont basculé dans le complotisme,
10:05 qui avaient une vie totalement normale, un métier,
10:08 et qui se sont retrouvés vraiment isolés par ce phénomène-là,
10:12 sur cette déconstruction, c'est-à-dire une emprise, on croit à des choses.
10:16 Et je pense que vous, les journalistes, comme la justice,
10:18 on a un travail d'instruire, d'enquêter,
10:22 de démontrer que c'est faux, et de condamner le cas échéant,
10:26 parce qu'il y a des gens fragiles qui se retrouvent entraînés là-dedans.
10:28 J'ai le droit de donner le dernier mot du livre ?
10:30 Juste le dernier mot ?
10:31 Vous pouvez.
10:32 "Debout".
10:33 Le titre c'est "Assise", le dernier mot c'est "Debout".
10:35 Comment est-ce qu'on reste debout ?
10:37 Parce que je pense que voilà...
10:38 Comment est-ce qu'elle reste debout ?
10:39 C'est ce que vous disiez, ça peut paraître sombre,
10:41 et c'est léger dans le livre,
10:42 parce que c'est des sujets extrêmement denses, douloureux,
10:46 mais chez toutes les personnes que j'ai côtoyées,
10:49 il y a une forme de résilience incroyable,
10:51 et cette capacité à se relever, à se tenir debout,
10:54 et c'est vraiment ça, c'est ce que je voulais témoigner,
10:57 et à titre personnel, vous parliez de ma maman tout à l'heure,
11:00 c'est une femme debout.
11:01 C'est une femme debout, et vous aussi.
11:03 Tiffaine Ozière, "Assise", et puis il y a de l'amour dans le livre.
11:06 Evidemment.
11:08 Il y a une histoire d'amour dans le livre,
11:10 mais là non plus je ne peux rien dire, évidemment,
11:12 mais il y a une histoire d'amour au sein du tribunal,
11:14 je n'en dis pas plus, mais c'est à lire, "Assise" aux éditions Stock.
11:17 Merci beaucoup Tiffaine Ozière d'être venue ce matin,
11:19 en direct dans ce live sur BFM TV.