• il y a 7 mois

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00:00 Pourquoi c'est moi, pas quelqu'un d'autre ? C'est trop bizarre.
00:02 T'as un peu le syndrome d'un imposteur, tu fais "non mais j'ai vraiment gagné ou pas ?"
00:05 Mohamed, check.
00:07 -Ouah... -Facile.
00:09 -Combien de points t'avais de celle-là ? -Déjà toi c'est la deuxième.
00:11 Parce que j'ai déjà interview pour ceux qui ne savent pas.
00:14 -Bah merci d'être là, c'est cool. -Merci à toi, grand plaisir.
00:17 Merci aussi pour ce super documentaire que tu nous as offert, "L'arabe dans le poste".
00:21 Oui, ça fait plaisir. Toi c'est "L'arabe dans la cuisine" entre guillemets.
00:24 Tiens déjà, les dates, si on devait faire un plat original, qu'est-ce que tu me proposerais ?
00:30 -Alors là tu m'as pris au pire. -Ouais, entre plein de cerfs.
00:32 Je sais que ça reste quand même assez sucré, donc tu vas pas forcément l'utiliser pleinement dans une recette.
00:36 Ça va plus être un condiment ou quoi. Moi par exemple j'aime bien la faire un peu bouillir et la vexer.
00:40 J'aime bien mettre avec du poisson, tu vois typiquement avec un panais.
00:43 J'ai fait un cabillaud par exemple, mariné dans du café, avec une mousseline de panais, panais rôti,
00:47 et un petit condiment de date, tu vois ça marche bien, ça met une petite sucrosité.
00:51 -Poisson au date, c'est pas mal ça ? -Ouais ça marche très bien.
00:53 On s'était vu l'année dernière pour ce documentaire, tu m'avais reçu au golfe de Saint-Tropez c'est ça ?
00:58 -Exactement. -C'était magnifique.
01:00 Et c'était bien, t'as été bien accueilli à Saint-Tropez là-bas ?
01:02 -Eh ben écoute, je n'ai eu aucun problème, franchement, ça s'est super bien passé.
01:06 On a eu une très très belle fréquentation, une très belle clientèle, les gens étaient ravis de me voir sur place.
01:12 Il y a eu deux trois remarques sur le concept, tu sais comme il était pas mal un peu nomade,
01:17 un peu tiré sur, écouteur un peu berbère nomade etc.
01:21 Mais sinon dans l'ensemble franchement, très très bien.
01:23 -Ce que moi j'ai goûté, c'était bon va.
01:25 -L'idée c'est de, ma cuisine elle est comme je dis elle est méditerranéenne,
01:29 l'idée c'est de reprendre un peu tout ce bassin, en commençant évidemment par la France.
01:32 -T'es vraiment un enfant de la Méditerranée toi. -Ouais c'est pas mal là.
01:35 -C'est bien, on aime bien, il y a pire comme lieu là. -Du coup je suis nagé.
01:39 -Tiens est-ce que tu pourrais avoir un bouillon au resto Franchouillard, purement Franchouillard,
01:44 où t'as toujours besoin de mettre tes influences dans ta cuisine ?
01:47 -Je pourrais par contre il y a des conditions.
01:50 Je pourrais pas servir d'andoillettes ou de boudin quoi tu vois, mais bien sûr que je pourrais.
01:55 Avant tout ma cuisine elle est française, ça c'est important de le dire.
01:58 J'ai travaillé avec les plus grands chefs français, ceux qui m'ont appris et partagé leur savoir.
02:02 Et après j'ai mis un peu de moi dans cette cuisine, mais au contraire c'est un atout pour moi.
02:08 Les gens c'est ce qu'ils attendent, tu sais dans mes restaurants, je fais des tests aussi,
02:11 c'est-à-dire que je propose des recettes un peu plus tirées sur la mélodie zaranée que d'autres.
02:15 Et je me rends compte que c'est ceux-là qui m'en font plus.
02:17 Donc à un moment donné quand tu fais un établissement aussi c'est pour qu'il fonctionne.
02:20 Le couscous c'est le plat préféré du conseil quoi.
02:22 -Eh oui, extrait de "Roi de Bonsoir".
02:24 T'as cette image de mec sympa, alors que l'image qu'on peut avoir dans les brigades de cuisine,
02:30 les chefs ils sont durs, ils sont autoritaires, c'est un peu l'armée.
02:33 -Bah j'espère l'être, après c'est difficile de se faire son auto critique tu vois,
02:36 mais j'en parlais encore il y a avec ma femme, la cuisine c'est un métier qui descend du milieu militaire.
02:41 Même si je suis cool, il y a un moment pour tout, tu vois, le service c'est un combat,
02:44 c'est un match à chaque fois qu'on doit remporter.
02:46 Donc moi je suis le capitaine, j'ai une équipe sans qui je ne peux rien faire.
02:50 On le fait ensemble, on a un combat, quand il y a des querelles c'est à moi aussi de les régler etc.
02:54 Et t'es obligé aussi d'avoir un toit un peu ferme parce que c'est comme ça que ça fonctionne.
02:57 -D'ailleurs tout le monde t'appelle chef.
02:59 -Les gens t'appellent comme ça, ça crée aussi une forme de respect, ça garde une barrière entre les...
03:02 -Et les enfants ils t'appellent... T'as des enfants qui te disent "chef papa" ?
03:06 -Non, non, non, d'ailleurs j'ai demandé à mon fils hier, je lui ai dit "mais c'est qui Mohamed ?"
03:09 Il me dit "c'est papa" et il se trouvait ça drôle.
03:11 -Qui t'a donné envie de faire de la cuisine ?
03:13 -C'était moi. J'ai partagé énormément avec ma grand-mère en cuisine et tout.
03:17 -T'as ta grand-mère d'ailleurs.
03:18 -C'est un peu une fusion on va dire entre... Tu sais moi je suis le jeune où la cuisine télévisée était un peu à la mode.
03:25 J'avais Maïté, Jean-Pierre Coffre, Joël Robuchon et puis après Cyril Lignac avec l'émission "Oui Chef"
03:32 avec des jeunes issus un peu de quartier etc. où je m'étais vachement identifié.
03:36 C'est ça que je veux faire.
03:37 -Est-ce que tes potes ils te disaient "ah tu vas être cuisinier" ou ils se moquaient un peu ?
03:40 -Ah non ils se moquaient.
03:41 -Ah ouais ?
03:42 -Ils se moquaient, je me rappelle j'avais une mallette en plastique qui était bleue avec des fermetures jaunes.
03:45 Je voulais te ramballer ça, j'étais en costard.
03:47 Donc déjà quand t'as 15 ans et que tu mets un costard ça fait rire les gens.
03:49 C'est pour les débilos la cuisine tu vois.
03:52 Aujourd'hui c'est un peu à la mode.
03:55 Mes potes au début ils rigolaient etc.
03:56 Ils s'en sont rendus compte quand j'étais chef au Drugstore sur les Champs Elysées.
03:59 J'avais 40 cuisiniers avec moi.
04:01 Et ils m'ont dit genre "c'est toi le boss de tout le monde là,
04:04 mais tu peux dire un truc pour voir si ils disent "Oui Chef" ?
04:06 -Je te rappelle ?
04:07 -Ouais.
04:08 Et je me rappelle donc j'ai dit, j'aurais demandé un truc.
04:10 Ils m'ont dit "Oui Chef" et c'était surpris.
04:11 Ils ont dit franchement "bravo parce que on s'est tous moqué de toi et tout
04:15 et t'as été au bout de ton truc".
04:17 Et alors quand j'ai gagné le Top Chef je te raconte même pas,
04:19 c'est quand même très très fort.
04:20 Tu te dis que t'es un exemple aussi quand même pour pas mal de gens.
04:23 Donc c'est cool.
04:25 -Quand tu as gagné tu y crois pas ?
04:26 T'as un peu le syndrome d'un imposteur, tu fais "Non mais j'ai vraiment gagné ou pas ?"
04:29 -Ouais bah écoute je suis avec ma famille, mes proches,
04:31 et du coup je tire le couteau, je vois qu'il n'y a pas du coup la lame orange
04:34 qui veut dire que j'ai gagné.
04:35 Donc tout le monde saute de joie etc.
04:36 Et moi je pose le couteau du coup et il y a un espèce de moment d'absence.
04:41 Mais la productrice elle me dit "Attends, ça va pas du tout,
04:44 t'as été super pendant toutes les missions
04:46 et là tu nous fais une victoire sans émotion quoi."
04:48 Donc je vais voir le directeur du programme, je lui dis "Ecoutez,
04:51 est-ce que vous m'avez fait gagner ou est-ce que j'ai gagné ?"
04:53 On s'entendait super bien, il me dit "Mec t'as gagné ta gueule,
04:55 lève ton truc, souris, kiffe et voilà."
04:57 Et après c'est vrai que je me suis remis un peu dans tout le truc,
05:00 je me suis dit "Bon bah..."
05:01 C'est vrai que surtout sur les dernières épreuves, ça a été clair.
05:05 Mais toujours ce petit gêne de se dire "Bon pourquoi c'est moi, pas quelqu'un d'autre,
05:11 c'est trop bizarre."
05:12 Mais je l'accepte aujourd'hui, j'en suis très fier, je suis très content.
05:15 Toujours avec beaucoup de retenue.
05:17 - Il y a un jour où t'as eu du mal à prendre du recul,
05:19 j'imagine quand l'Elysée te dit "Suivez-nous monsieur Mohamed Chir dans l'avion présidentielle
05:23 pour un voyage en Algérie pour aller voir le président algérien."
05:26 T'as Emmanuel Macron qui est pour le président algérien
05:28 qui dit "Je vous présente notre réussite française."
05:30 Un peu ça ?
05:31 - Exactement.
05:32 - C'était un moment un peu hors du temps, je me suis dit "Mais ouah..."
05:35 Je me suis dit "Mais je crois que je peux pas faire plus que ça."
05:38 Je ne peux pas faire plus que ça qu'à être représenté par le président de la République française
05:42 au président de la République algérienne.
05:44 En termes de fierté, j'étais au Graal, soit pour moi ou pour mes parents et mon entourage.
05:49 - C'est qui ton maître en cuisine ?
05:51 - C'est facile pour moi, c'est Jérôme Banquetel.
05:54 C'est le premier, c'est lui qui m'a mis le pied à l'étrier, qui m'a donné mon opportunité
05:58 et qui a d'ailleurs bouclé la boucle en m'offrant l'opportunité de prendre un des deux restaurants
06:04 en résidence à la réserve.
06:06 - Ah oui ?
06:07 - Une très très grande personne, un très grand monsieur
06:09 que j'ai beaucoup de respect et d'admiration.
06:11 C'est bien d'avoir comme ça un inspirateur, une personne qui a pu nous donner des repères, des principes.
06:18 - Tu sais quand tu as 18 balais, que tu viens d'un quartier et que tu arrives dans un deux étoiles Michelin,
06:23 tu as un chef un peu sérieux en face, il sert un peu les boulons.
06:26 - Oui, le coco c'est en milieu du quartier.
06:28 - Ça te fait un peu bizarre, tu vois.
06:29 Bon, tu as déjà ton père à la maison, tu vois, mais tu en as un deuxième en fait en cuisine.
06:32 Donc tu as un peu un père, on va dire un peu, qui contribue aussi un peu à ton éducation quand même
06:36 quand tu es jeune, tu vois, mine de rien, et qui t'apprend aussi la cuisine.
06:39 Donc naturellement, tu as un lien qui est fort, qui se crée.
06:41 - Pour finir, est-ce que la mayonnaise, elle est bien prise entre nous ?
06:44 - Elle est pas mal cette mayonnaise.
06:46 - Elle est pas mal, hein ?
06:47 - Carrément.
06:48 - Merci.
06:49 - Merci beaucoup.
06:50 - Merci à toi.

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