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Après l'accident qui a coûté la vie à un ouvrier sur le chantier de la ligne C du métro, Me Pascale Benhamou avocate en droit du travail à Toulouse nous en explique les enjeux juridiques.

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00:00 Ici, c'est le 6/9 France Bleu Occitanie.
00:03 7h45, vous en dites quoi ? Chaque matin, on vous fait réagir sur une info qui fait la
00:10 une de nos journaux.
00:11 Et ce matin, Jeanne-Marie, on revient sur l'accident mortel qui a eu lieu sur le chantier
00:15 de la ligne C du métro à la Belge.
00:17 N'hésitez pas effectivement à nous appeler au 05 34 43 31 31.
00:20 Et on essaie d'y voir plus clair ce matin avec une avocate en droit du travail à Toulouse.
00:24 Bonjour Maître Pascale Benhamou.
00:26 Bonjour.
00:27 Merci d'être avec nous sur France Bleu ce matin.
00:30 Vous n'êtes, il faut le dire, absolument pas impliqué dans ce dossier de la Belge.
00:34 Mais on a besoin de vous pour comprendre les conséquences d'un tel événement.
00:38 D'abord, un accident d'une telle ampleur sur un chantier à l'échelle d'une ville avec
00:43 un très gros constructeur comme Bouygues, c'est rarissime.
00:46 Vous le confirmez ça ?
00:47 C'est rarissime.
00:48 J'ai envie de vous dire qu'en fin de compte, si on lit le rapport de la quatrième aire
00:55 de l'assurance maladie rendue en début d'année, les accidents mortels du travail ne sont malheureusement
01:00 pas rarissimes.
01:01 Puisqu'en début d'année, on nous a annoncé qu'en France, on compte plus de 700 accidents
01:08 mortels du travail en France.
01:10 Et là, nous parlons des accidents mortels du travail déclarés.
01:13 Et plus de 600 000 accidents du travail déclarés.
01:17 Soit deux personnes par jour décèdent lors de l'exécution de leur travail en France.
01:23 Donc malheureusement, on ne peut pas considérer que les accidents mortels sont rarissimes
01:29 parce que ces chiffres font froid dans le dos.
01:31 Mais un tablier de pont qui s'effondre, c'est du jamais vu en France, nous a dit un expert.
01:37 C'est vrai que c'est particulièrement incroyable.
01:41 Et en plus, on peut d'autant plus s'interroger que sur un chantier d'une telle ampleur, on
01:47 pouvait imaginer que tous les moyens de prévention et de sécurité étaient mis en place.
01:53 Alors je ne suis absolument pas informée de ce dossier.
01:56 Mais ce que je peux vous dire, c'est que c'est à l'employeur d'être garant.
02:00 Et une des obligations principales d'un employeur, c'est d'assurer la santé et la sécurité
02:05 des salariés dans l'exercice de leurs fonctions.
02:08 Et pour ça, il a normalement des moyens pour pouvoir l'assurer.
02:15 L'inspection qu'on comprenne bien, l'inspection du travail, elle interroge qui sur place quand
02:19 elle arrive sur un accident d'une telle ampleur ?
02:21 Tout le monde.
02:22 Mais il n'y a pas que l'inspection du travail qui va interroger tout le monde.
02:25 Il y a une enquête de police ou de gendarmerie sous l'égide du procureur de la République
02:30 qui est menée.
02:31 Il y a l'inspection du travail qui est la personne dédiée qui va aussi mener son enquête.
02:36 Mais l'employeur et les employeurs des salariés sur le chantier doivent également immédiatement
02:45 informer le CSE, le comité social et économique.
02:49 Ils doivent les réunir en urgence et le CSE, c'est-à-dire les représentants du personnel
02:55 de la société, doivent aussi se déplacer immédiatement sur les lieux.
02:59 Une enquête doit aussi être menée dans l'entreprise pour essayer de comprendre l'enchaînement
03:04 des événements qui a conduit à cet accident dramatique.
03:09 Le Parquet Toulouse a ouvert une enquête pour remécier des blessures involontaires dans
03:14 le cadre du travail.
03:15 La justice va donc essayer de savoir qui est responsable de cet accident ?
03:18 Absolument.
03:19 La justice va essayer de savoir qui est responsable de cet accident.
03:23 L'enquête au sein de l'entreprise va également être menée pour essayer de comprendre l'enchaînement
03:35 des événements.
03:36 Mais aujourd'hui, ce qu'on peut aussi dire en France, et ça on le constate au quotidien
03:41 au sein de notre cabinet, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui sont abîmés, mutilés
03:47 par le travail, on en reçoit tous les jours.
03:49 Mais tout ça, il faut le mettre en lien avec un contexte aussi, qui est en France qu'on
03:54 a un manque cruel d'inspecteurs du travail, on a un manque d'admédecins du travail, on
03:59 a un manque de médecins inspecteurs du travail.
04:02 En 2020, on a supprimé...
04:03 Donc on pourrait imaginer, maître Benhamou, qu'il n'y a pas eu assez d'inspections sur
04:07 ce champ de clé de la troisième ligne du métro à Toulouse et à la Belge ?
04:11 Je ne sais pas.
04:12 Je ne sais pas.
04:13 Mais en tous les cas, on peut tout imaginer.
04:15 Parce que comme vous l'avez dit en introduction, c'est incroyable qu'aujourd'hui en France,
04:19 il y ait un tel accident d'une telle ampleur.
04:23 C'est incompréhensible.
04:24 Il faut également mettre ça dans un contexte où aujourd'hui, les protections...
04:33 Il existait jusqu'en 2020, au sein de chaque entreprise, un comité dédié à la prévention
04:43 des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail, qui était le comité
04:47 d'hygiène, de santé et de sécurité des conditions de travail.
04:50 Ce comité a été supprimé.
04:51 À partir de 2020, ça n'existe plus.
04:55 Et toutes ses attributions ont été confiées au comité social-économique, l'ancien comité
04:59 entreprise.
05:00 Mais les gens qui étaient les élus, les représentants du personnel qui étaient dans
05:04 ces comités, ils avaient une expertise.
05:07 Et cette expertise, c'était aussi la prévention.
05:09 Donc on est dans un contexte aussi, aujourd'hui, particulier où je pense qu'il faut quand
05:13 même qu'on s'interroge parce qu'il est tout à fait anormal qu'aujourd'hui, on soit face
05:19 à de tels accidents dramatiques.
05:21 - Donc depuis lundi, évidemment, le chantier de la ligne C est arrêté à La Bège.
05:25 Est-il suspendu, selon vous, tout le temps de la procédure ? Que dit la loi là-dessus ?
05:29 - Alors non, la loi ne dit rien là-dessus, sur le temps de suspension.
05:34 En revanche, ça sera à l'inspection du travail, ça sera au procureur de la République, eh
05:40 bien, d'indiquer qu'en texte, que le chantier pourra reprendre.
05:45 Et le chantier ne pourra reprendre que quand tout risque, tout danger sera écarté.
05:52 - Donc le chantier pourrait reprendre dans les prochains jours, même si les causes
05:56 de l'accident, les défaillances ne sont pas identifiées ?
05:58 - Absolument.
05:59 A condition qu'on ait écarté tout danger, tout risque pour les salariés.
06:06 - Et la justice peut imposer au constructeur Bouygues un renforcement des mesures de sécurité ?
06:10 - La justice, alors c'est la loi, c'est le code du travail.
06:14 On ne devrait pas aujourd'hui imposer un renforcement, on devrait appliquer ce qui
06:19 est prévu dans le code du travail, qui est de tout mettre en oeuvre, tous les moyens
06:23 pour prévenir la santé, la sécurité des salariés.
06:28 Et donc il va falloir que la justice, par contre, éclaire sur les défaillances qui
06:34 ont conduit à cet accident gravissime.
06:38 - Qui a coûté la vie à un ouvrier de 54 ans, originaire de la région parisienne.
06:41 Merci beaucoup pour votre éclairage très précieux, Maître Pascal Benhamou, avocate
06:45 en droit du travail à Toulouse.
06:47 Bonne journée.
06:48 - Bonne journée.
06:49 - Cette interview, vous la réécoutez sur francebleu.fr.

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