Marie Portolano reçoit Diane Diakité. Elle nous raconte son combat pour sa fille Shiloh, décédée à 13 ans d'un cancer du sein qui n'a pas été soigné suffisamment tôt.
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00:00 Bonjour, merci infiniment d'avoir accepté de venir nous parler ce matin dans Télématins.
00:06 Vous venez nous parler de votre fille Chilo, décédée à 13 ans d'un cancer du sein,
00:11 qui n'a pas été soignée, en tout cas suffisamment tôt.
00:14 C'était il y a un peu plus de deux ans.
00:16 Aujourd'hui, avec le recul, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé ?
00:20 C'est une histoire tout à fait ordinaire.
00:25 Des parents qui se rapprochent de professionnels de santé quand leur enfant est malade.
00:31 On se voit confronter un scénario qu'on ne s'y attend pas.
00:37 À l'époque, quand ça arrive, le médecin traitant constate la rougeur sur le sein de notre fille.
00:44 Rouge, chaud, enduré, dur.
00:46 Mais je ne pense pas au cancer du sein. Je n'y pense pas à ce moment-là.
00:51 Vous-même, vous n'y pensez pas ?
00:52 Non, je n'y pense pas. Je suis inquiète, mais comme elle a l'habitude de se peigner,
00:56 de prendre des bains avec des tas de cochonneries de boules,
00:59 là, je ne suis pas vraiment inquiète. Je me suis dit que c'est peut-être une allergie.
01:03 Et le temps qu'on a le rendez-vous pour l'échographie, il y a une évolution très vite.
01:08 Une éruption de boutons en bouquet, un bouton corail avec une sphère autour, tout ça.
01:15 C'est très vite l'évolution. Je m'alarme, je cherche sur Internet, je m'informe.
01:21 Et l'évolution, une grande vergeture qui monte jusqu'en haut de ses seins, tout ça,
01:26 son état de santé, le père, le sourire, tout.
01:28 Elle n'est pas bien, je ne reconnais plus ma fille.
01:30 Elle est vraiment... Déjà, c'était des mois en arrière qu'elle n'était pas bien.
01:33 Plus d'un an, un an et demi en arrière que j'alertais.
01:36 Et à quel moment vous avez compris que c'était un cancer du sein ?
01:39 Eh bien, là, pendant l'attente de l'échographie, je suis bien déterminée
01:44 que quand je me rends au centre d'imagerie de la femme,
01:47 je vais leur dire que c'est un cancer du sein.
01:50 J'informe le papa avant, je le mets à la page, je lui dis "tu sais, c'est un cancer du sein".
01:54 Avec vos recherches à vous, vous trouvez que ça ressemble quand même...
01:57 - Ah, c'est clairement un cancer du sein. - Non, c'est tous les symptômes.
02:00 - C'est tous les symptômes. - C'est tous les symptômes.
02:02 Et personne ne l'auscule, personne ne regarde son sein ?
02:04 - Elle n'aura jamais d'examen clinique. - Jamais ?
02:07 - Jamais. - Comment c'est possible ?
02:10 Dites-moi-le, oui, comment c'est possible ?
02:12 - Personne n'auscule son sein, personne ne la palpera ? - Personne ne la palpera.
02:15 - Et pourquoi ? - Deux gynécologues dans des urgences du Val-d'Oise
02:18 ne s'approcheront pas d'elle, ne la palperont pas,
02:21 ne s'approcheront pas d'elle, ils n'entendront pas le son de sa voix,
02:24 qui fait partie de l'examen clinique, qu'est-ce qui t'arrive, dis-nous.
02:27 - Et on ne la palpe pas parce que les médecins pensent qu'elle est trop jeune
02:30 et que ça ne peut pas être un cancer, c'est ça ?
02:32 - Non, non, on est face à... Je ne ressens pas que je suis face à des soignants.
02:38 Je ne ressens pas que je suis face à des soignants.
02:41 - Qu'est-ce qu'ils vous disent quand ils la voient ?
02:43 Quand ils voient qu'effectivement... - Ils sont choqués, ils sont choqués,
02:46 mais quand moi je vois qu'ils sont choqués, je leur dis que c'est un cancer du sein.
02:52 Voilà, j'ai le cœur qui est là, les regards méprisants, violents.
02:59 - Et comment vous voulez expliquer ça ? - Je n'en ai aucune idée.
03:03 C'est une succession, c'est incroyable mais vrai, c'est vrai.
03:07 On a subi une succession de violences les unes après les autres,
03:11 avec des comportements haineux.
03:15 - Est-ce qu'ils trouvaient que vous insistiez trop ?
03:17 - Non, je n'insistais pas, je le disais une ou deux fois.
03:20 - Et encore une fois, vous avez le droit d'insister.
03:22 - Oui, oui, devant l'état d'urgence.
03:25 Elle est arrivée aux urgences de l'hôpital d'Aubonne,
03:28 elle ne tenait pas sur ses jambes, les deux gynécologues.
03:32 En arrivant aux urgences d'Aubonne, au service pédiatrie,
03:35 les soignants sont très gentils en pédiatrie, et ils me disent
03:38 "Excusez-moi madame, ça n'enlève pas de la pédiatrie."
03:41 - Oui c'est ça, il ne faut pas qu'elle soit soignée en pédiatrie.
03:43 - "Je vous envoie aux urgences gynéco."
03:45 Et là, les deux gynécologues, le premier restera derrière son bureau,
03:50 et le deuxième me regardera, quand je le vois entrer,
03:55 il ne resseule pas de la porte, il est pourtant plus haut
03:58 que son médecin qui est là, l'autre médecin qui est là,
04:01 il ne resseule pas de la porte et il me regardera avec mépris,
04:04 avec violence, il regardera le sein de Chilot, il est choqué.
04:07 Je lui dis "C'est un cancer du sein, madame, le cancer du sein,
04:10 ça n'existe pas chez les enfants."
04:12 Et d'un air de dire qu'il y a autre chose.
04:15 - Vous avez des nouvelles de cette personne ?
04:18 - Non, je n'ai pas eu de nouvelles.
04:21 - Qu'est-ce qu'ils vous ont dit quand ils ont enfin réalisé que c'était ça ?
04:23 - À l'époque, j'ai eu un retour des journalistes, par le premier avocat
04:27 qu'on a eu, qui ont dit qu'un des gynécologues à Aubonne a pleuré,
04:31 et qu'aux urgences d'Argenteuil, ils nous ont dit que si je savais
04:35 qu'elle avait un cancer du sein, je n'aurais pas dû venir chez eux.
04:38 - Vous dites que les médecins sont coupables de délit de maltraitance.
04:42 - Oui. Ma fille, du début jusqu'à la fin, a été violentée, maltraitée.
04:47 On l'a déshumanisée.
04:51 C'est une jeune fille de 12 ans, 9 mois au moment des faits,
04:55 après 13 ans, qui est en détresse médicale.
04:58 Elle se verra humiliée, déshumanisée.
05:01 On ne s'approchera jamais d'elle pour l'entendre.
05:03 Nos communications sont erronées.
05:06 On la violentera, on la laissera en souffrance.
05:09 On sera séquestrées pendant 9 jours dans un hôpital du Val d'Oise.
05:13 On nous humiliera, moi et le papa.
05:15 On nous dira que notre histoire est abracadabrante.
05:18 - Quand vous dites "séquestrée", ça veut dire quoi ?
05:21 - On voit que notre fille n'est pas prise en charge, et que c'est urgent.
05:24 Elle est en souffrance. On me voit toutes les 15 minutes
05:26 aller mettre une poche au micro-ondes pour lui mettre dessus.
05:29 Elle est en douleur, mais non, les médecins restent à l'écart.
05:32 Ils restent sur le pas de la porte. Ils n'examineront pas.
05:35 On donnera un traitement à ma fille en visio.
05:38 On prendra son sein en photo, et on lui donnera un traitement d'augmentin en visio.
05:42 Et je crie que non, je veux pas, mais on me menace d'un signalement.
05:46 Si je veux partir, on me menace d'un signalement.
05:49 - Donc on vous dit "vous restez", mais on ne sait pas comment la traiter.
05:52 - Non, ils ne nous disent pas... Pour eux, il n'y a pas.
05:55 - Pour eux, il n'y a pas de cancer. Ils posent un diagnostic qui n'est pas le bon.
05:58 - Ils posent un diagnostic, le cancer du sein n'existe pas.
06:01 - Fermant les portes à toute investigation.
06:04 Pourtant, c'est la seule cause au sein qu'on peut poser un diagnostic.
06:08 C'est là qu'on peut poser un diagnostic. Il faut l'écarter,
06:11 puisque son sein, cliniquement, présente tous les symptômes d'un cancer du sein.
06:15 Ce serait moins à sa place. Voilà.
06:18 - Oui, c'est ce que vous dites. Vous auriez été à sa place, on vous aurait tout de suite pris en charge.
06:21 - Oui, mais il n'y avait aucune différence. C'était une jeune femme qui avait devant eux 1,64 m, 1,70 m, 1,76 m à son décès.
06:27 - C'est votre combat aujourd'hui, c'est justement d'encourager les médecins à regarder les enfants,
06:31 les jeunes adolescents, comme des adultes.
06:33 - Il y a un problème, oui. Il y a eu un problème à Fiasco sur la prise en charge de ma fille.
06:38 Elle se retrouve en pédiatrie à cancer du sein, là où on dit que le cancer du sein n'existe pas.
06:46 - Vous avez, vous, aujourd'hui, déposé plusieurs plaintes. Il y en a 41 en tout.
06:51 Vous n'avez pas été contactée par le ministère de la Santé.
06:54 Justement, vous voudriez lui passer un appel.
06:57 - C'est le mépris, le silence du ministère de la Santé. Pourtant, il y a une pétition qui est en ligne.
07:04 Avec 38 000 signatures, j'ai le soutien de l'opinion. C'est le silence du gouvernement.
07:11 Je demande aujourd'hui au gouvernement, au ministère de la Santé, de prendre ses responsabilités face à ce drame,
07:18 à cette tragédie abominable qui s'est passée dans mon pays, de nous recevoir.
07:24 Et s'ils refusent de prendre ces responsabilités, je demanderai à la communauté européenne, à l'Europe,
07:30 de les obliger à prendre leurs responsabilités. C'est abominable ce qui est arrivé à cette jeune fille.
07:36 Elle avait le droit, ce n'est pas juste, elle avait le droit aux bons soins, aux bons traitements,
07:41 elle avait le droit au diagnostic, elle avait le droit et on nous dit que l'issue aurait été la même.
07:49 Non, je réponds à ce médecin expert, l'issue n'aurait pas été la même.
07:53 - Elle aurait été prise en charge suffisamment. - Elle aurait été prise en charge, opérée.
07:57 Et si elle avait 15 ans à vivre, elle avait le droit de les vivre. Et l'issue, personne n'en sait rien.
08:01 - Merci beaucoup. Votre appel en tout cas est passé. Merci, Diane Bacchetti, d'avoir accepté de venir.
08:06 - Merci à vous, merci à vous, merci à vous, Marie.
08:09 Merci à toutes les deux.