Le 21 février dernier, 80 ans après l'exécution des 23 membres du groupe Manouchian au Mont Valérien, étaient panthéonisé Missak Manouchian ainsi que sa femme Mélinée. Le groupe Manouchian issu des unités de résistance intérieure française communiste FTP-MOI ont fait parti de la résistance étrangère face à l'occupant nazi. Longtemps passé sous silence, la panthéonisation de Missak Manouchian rétabli la question de la place des étrangers au sein de la résistance alors que les nazis ont tenté d'en faire des terroristes. Qui étaient-ils ? Qu'ont-ils symbolisé au sein de la résistance française sous l'occupation ?Pour en débattre, Denis Peschanski, historien, directeur de recherche émérite au CNRS, Helene Kosseian-Bairamian, journaliste et écrivaine et autrice et Didier Daenincks, écrivain, auteur de romans policiers, de nouvelles et d'essais.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous.
00:00:17 Le 21 février dernier, soit 80 ans après son exécution
00:00:21 aux Monts-Valériens, était panthéonisé
00:00:23 Missak Manouchian, accompagné de sa femme Méliné.
00:00:27 Qui était-il ? Qu'ont-ils symbolisé
00:00:29 au sein de la résistance française sous l'occupation ?
00:00:33 Vous allez le découvrir avec le documentaire
00:00:36 qui va suivre, "Les résistants de l'affiche rouge",
00:00:39 réalisé par Elisabeth Zigil Langoud.
00:00:42 Je vous laisse vous replonger dans cette page d'histoire
00:00:45 et je vous retrouverai juste après sur ce plateau
00:00:48 en compagnie de l'historien Denis Péchanski
00:00:50 et des écrivains Hélène Cosséillan-Béramian
00:00:54 et Didier Dalenks.
00:00:55 Nous nous interrogerons sur la place des étrangers
00:00:59 dans la résistance armée française face au régime d'Asie.
00:01:02 Bon d'ac.
00:01:04 Musique sombre
00:01:07 -Devant le mémorial de la France combattante
00:01:11 et au pied de la clairière sanglante
00:01:15 qui vit l'exécution de tant de résistants,
00:01:19 presque tous étrangers,
00:01:23 souvent nés en Europe de l'Est
00:01:26 et juifs pour beaucoup d'entre eux,
00:01:29 l'histoire et la République les avaient oubliés,
00:01:33 le président de la République a décidé,
00:01:38 80 ans après son exécution
00:01:42 et celle de ses compagnons,
00:01:46 l'entrée au Panthéon
00:01:50 de Missac-Manouchion.
00:01:53 ...
00:02:13 ...
00:02:23 ...
00:02:36 ...
00:02:46 ...
00:02:56 ...
00:03:06 -Les visages et les noms qui figurent sur l'affiche rouge
00:03:09 sont un témoignage du courage des résistants étrangers
00:03:13 et immigrés qui ont combattu les armes à la main
00:03:16 durant l'occupation.
00:03:17 Contrairement aux visées propagandistes
00:03:20 à l'origine de cette affiche, ces visages et ces noms
00:03:23 sont l'idée de la libération, de la lutte contre l'envahisseur.
00:03:27 ...
00:03:32 -Cette affiche rouge, c'est un chef-d'oeuvre de propagande,
00:03:36 c'est une des images iconiques de la Seconde Guerre mondiale
00:03:39 parce qu'elle symbolise à tous égards la propagande nazie.
00:03:43 -Il y a la fameuse affiche rouge sur les célibérateurs,
00:03:46 présentée des étrangers comme des terroristes,
00:03:49 en appuyant sur la logique du complot judéo-bolchevique
00:03:53 de l'étranger, etc.
00:03:55 -Tout le monde s'imagine que c'est une affiche en l'honneur
00:03:58 de ses combattants, mais pas du tout.
00:04:00 C'était une affiche, évidemment, placardée par les Allemands,
00:04:04 sauf qu'ils s'aperçoivent très vite que c'est retourné.
00:04:07 Ils ont voulu en faire des terroristes, des héros.
00:04:10 -L'affiche rouge, avec ses 10 visages qui sont dessus, etc.,
00:04:14 a évidemment été l'acte de naissance
00:04:18 de la légende de l'affiche rouge.
00:04:19 Il y a eu le poème d'Aragon, la chanson de Léo Ferré,
00:04:23 et c'est comme ça, petit à petit,
00:04:24 qu'on s'est rentré dans la légende,
00:04:26 qui sûrement n'aurait pas eu lieu à ce niveau-là
00:04:29 s'il n'y avait pas eu l'affiche.
00:04:31 -Vous aviez vos portraits
00:04:33 sur les murs de nos villes
00:04:36 ...
00:04:39 Noirs de barbe et de nuit,
00:04:42 irsutes menaçants
00:04:44 ...
00:04:46 L'affiche qui semblait une tache de sang
00:04:49 ...
00:04:51 Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles.
00:04:55 -Tous les étrangers n'étaient pas dans la résistance,
00:04:59 mais ils étaient surreprésentés
00:05:03 par rapport, par exemple, à la population française.
00:05:07 Ils étaient surreprésentés parce qu'ils venaient
00:05:10 avec leur histoire, avec leur engagement politique ancien,
00:05:13 avec la répression, la persécution qu'ils avaient vécue
00:05:17 avant la guerre, avec la persécution et la répression
00:05:21 qu'ils vivaient pendant la guerre.
00:05:23 Musique douce
00:05:25 -Celui qui est présenté dans l'affiche rouge
00:05:27 comme le chef de bande, Misak Manouchian,
00:05:30 est né en septembre 1906 à Adiyaman,
00:05:33 une ville du sud de l'actuelle Turquie,
00:05:36 alors rattachée à l'Empire ottoman.
00:05:38 Misak Manouchian est un rescapé
00:05:40 du génocide des Arméniens de 1915,
00:05:42 perpétré par le gouvernement jeune turc.
00:05:45 ...
00:05:47 -C'est un gars qui était un poète avant,
00:05:50 mais avant d'être poète, il était menuisier,
00:05:52 où il était les deux à la fois.
00:05:54 Bon, mais puis il a connu...
00:05:56 Il a perdu ses parents dans le génocide arménien.
00:06:00 Ca laisse des traces, ce genre d'expérience.
00:06:03 Et ensuite, il a atterri dans un orphelinat
00:06:06 entre Syrie et Liban,
00:06:09 donc sous protectorat français.
00:06:11 C'est comme ça qu'il va venir en France, en 1924.
00:06:14 Donc il est très marqué aussi par la violence,
00:06:17 par le génocide, par la mort.
00:06:20 Et d'une certaine façon, par la vengeance nécessaire.
00:06:23 Musique douce
00:06:25 -Misak Manouchian débarque à Marseille
00:06:28 le 16 septembre 1924.
00:06:30 Il travaille quelques mois
00:06:32 aux forges et chantiers de la Méditerranée.
00:06:35 Puis il rejoint Paris,
00:06:36 où il obtient une carte d'identité d'étranger,
00:06:39 en décembre 1925.
00:06:40 ...
00:06:42 Misak travaille comme ouvrier tourneur
00:06:44 dans les usines Citroën,
00:06:45 tout en fréquentant le milieu artistique de Montparnasse,
00:06:49 soit comme modèle.
00:06:50 ...
00:06:58 Après la dépression de 1930,
00:07:00 Misak perd son emploi
00:07:02 et doit gagner sa vie avec des petits travaux.
00:07:04 Il se rapproche du syndicat ouvrier CGT
00:07:08 et de l'organisation MOI, Main d'oeuvre immigrée,
00:07:11 une structure d'accueil et d'aide pour les travailleurs étrangers,
00:07:14 créée sous l'égide du Parti communiste.
00:07:17 C'est dans la section arménienne de la MOI
00:07:19 que Misak rencontre une jeune militante de Belleville,
00:07:22 Méline Asadourian, qui va devenir l'amour de sa vie.
00:07:25 -Marshan, c'était un homme très, très calme.
00:07:30 Il parlait très peu.
00:07:32 Il n'était pas brutal, même en donnant les ordres.
00:07:35 Il aimait beaucoup tous ses camarades
00:07:38 et tous ses camarades le respectaient.
00:07:40 ...
00:07:44 -Avec un ami arménien,
00:07:45 Misak suit en auditeur libre des cours de littérature à la Sorbonne.
00:07:49 ...
00:07:52 Ensemble, ils font d'une revue, "Tchank",
00:07:54 qui signifie "l'effort" en arménien,
00:07:57 où ils traduisent des poètes français,
00:07:59 Baudelaire, Verlaine, Rimbaud.
00:08:02 -La particularité de Manoukian, c'est que c'était un poète.
00:08:06 Ce qui l'intéressait, c'était la poésie,
00:08:08 c'était d'écrire des poèmes,
00:08:10 c'était toute sa vie avec sa femme Méline.
00:08:14 Mais malgré tout ça, ou à cause de tout ça,
00:08:17 il s'est lancé dans la lutte armée.
00:08:19 Il intègre le FTP Moët-Parisien.
00:08:23 Et c'est donc en août
00:08:24 qu'il devient le chef militaire de ce groupe.
00:08:28 C'est un personnage, évidemment, extrêmement attachant,
00:08:32 d'un immense courage.
00:08:35 C'est tout à fait typique
00:08:37 de ces immigrés morts pour la France.
00:08:42 -Pour beaucoup d'immigrés venus en France
00:08:45 après la Première Guerre mondiale,
00:08:47 le Parti communiste français apparaît dès les années 1920
00:08:50 comme un puissant vecteur d'intégration.
00:08:53 Une intégration qui respecte l'identité culturelle
00:08:56 de chaque communauté, organisée en sections,
00:08:59 réunissant ses travailleurs en groupes de langues.
00:09:02 -La France, pour se reconstruire,
00:09:04 au lendemain de la Première Guerre mondiale,
00:09:06 a fait appel à une main-d'oeuvre immigrée importante,
00:09:10 de ce fait que le Parti communiste,
00:09:12 pour étendre son audience dans le monde ouvrier,
00:09:14 s'intéresse aussi aux étrangers.
00:09:17 Alors, j'évoque les Italiens, mais ça peut être les Polonais.
00:09:20 Et puis, bien sûr, à partir des années 1930,
00:09:23 et du fait aussi des pogroms,
00:09:25 des réfugiés qui arrivent d'Europe centrale
00:09:28 et puis d'Allemagne nazie,
00:09:30 qui sont organisés au sein du Parti communiste.
00:09:34 Et ça, c'est cette MOI qui devient MOI en 1932.
00:09:37 C'est à ce moment-là qu'elle prend le nom de MOI.
00:09:40 Elle a un rôle aussi important dans la guerre civile espagnole,
00:09:43 puisqu'ils vont envoyer des interbrigadistes combattre
00:09:46 aux côtés des Républicains
00:09:49 et aux côtés des autres brigadistes venus du monde entier.
00:09:52 Musique douce
00:09:54 -Ce sont ces militants partis en Espagne
00:09:56 qui rejoignent le Parti communiste français
00:09:59 et la main-d'oeuvre immigrée,
00:10:01 qui vont bientôt être à la pointe de l'action résistante.
00:10:04 ...
00:10:08 -Comme Joseph Boksov, qui va organiser les premiers sabotages
00:10:11 de voies ferrées dans la région parisienne,
00:10:14 ou Joseph Epstein, qui va jouer un grand rôle
00:10:16 dans l'organisation des frontireurs et partisans.
00:10:19 ...
00:10:28 Le 23 août 1939, Hitler et Staline signent
00:10:32 le pacte germano-soviétique de non-agression.
00:10:34 Cette volte-face déstabilise les militants.
00:10:37 Avec l'entrée en guerre de la France contre l'Allemagne,
00:10:40 le 3 septembre 1939,
00:10:42 la première conséquence de ce pacte
00:10:44 est l'interdiction du Parti communiste français,
00:10:47 suivie d'un regain de répression à l'encontre des étrangers.
00:10:50 -Le pacte germano-soviétique,
00:10:53 c'est un choc pour la population adhérente au Parti communiste,
00:10:58 qui, dans sa grande majorité, ne comprend pas ce choix.
00:11:02 Il va être placé devant un espèce de dilemme,
00:11:04 qui est soit d'obéir à la ligne du Parti
00:11:07 et donc d'accepter cette espèce de neutralité
00:11:10 vis-à-vis de l'ennemi nazi,
00:11:12 soit d'entrer dans une forme de clandestinité
00:11:16 par rapport à son propre parti
00:11:18 et continuer à considérer le nazi comme un ennemi.
00:11:22 ...
00:11:26 -De nombreux militants immigrés se portent volontaires
00:11:29 en s'engageant dans les rangs de l'armée française,
00:11:32 comme le fait le président de la République,
00:11:34 Adolf Hitler.
00:11:35 Le 22 juin 1941, Hitler lance contre l'URSS
00:11:38 des forces armées considérables,
00:11:41 rassemblées pour l'opération Barbarossa.
00:11:44 Au lendemain de l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne,
00:11:47 les militants de l'armée française
00:11:50 se sont rassemblés à l'armée française
00:11:52 pour l'opération Barbarossa.
00:11:54 Le 22 juin 1941, Hitler lance contre l'URSS
00:11:57 des forces armées considérables,
00:11:59 les militants de l'armée française se sont rassemblés
00:12:02 à l'armée française pour l'opération Barbarossa.
00:12:05 Au lendemain de l'invasion de l'Union soviétique
00:12:07 par l'armée du Troisième Reich,
00:12:09 Staline opère un revirement stratégique complet.
00:12:12 Il accepte l'alliance avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
00:12:15 Ce que Staline avait déclaré être une guerre impérialiste
00:12:18 est requalifié par lui, pour l'URSS
00:12:20 comme pour tous les partis communistes d'Europe,
00:12:23 de guerre antifasciste et patriotique de libération.
00:12:26 Il sera l'ordre de Moscou d'organiser la lutte armée.
00:12:29 C'est vers la MOI, qui rassemble des militants motivés,
00:12:32 que se tournent les dirigeants du parti.
00:12:34 -Très vite, les communistes vont s'engager dans la lutte armée.
00:12:39 La lutte armée, ça voulait dire, sur place,
00:12:43 de lutter contre les forces d'occupation.
00:12:45 Mais encore, fallait-il des volontaires ?
00:12:48 Fallait-il des armes, des moyens ?
00:12:50 Et puis, en plus, avec une expérience
00:12:53 que certains avaient grâce à la guerre d'Espagne,
00:12:56 puisqu'ils avaient été volontaires dans les brigades internationales
00:12:59 entre fin 36 et 38-39,
00:13:02 mais la plupart, c'était des gamins ou des gamines qui arrivaient
00:13:06 et qui n'avaient aucune expérience de la lutte armée,
00:13:08 mais qui voulaient s'engager dans la lutte armée.
00:13:11 Musique intrigante
00:13:14 -Les premiers attentats contre des militaires allemands dans Paris
00:13:18 sont le fait de groupes armés dépendant directement du parti.
00:13:21 ...
00:13:24 Fin 1941 et début 1942,
00:13:27 une première vague d'arrestations brise l'élan de ces groupes.
00:13:31 ...
00:13:33 En avril 1942, les Allemands organisent trois procès,
00:13:36 dont celui de la maison de la Chimie,
00:13:38 suivi de l'exécution de la plupart des jeunes militants
00:13:41 impliqués dans ces attentats.
00:13:43 ...
00:13:49 ...
00:13:54 En riposte aux exécutions massives d'otages
00:13:56 et pour faire bouger l'opinion,
00:13:58 l'International communiste ordonne le renforcement de la lutte armée.
00:14:01 Le Parti communiste français décide, au printemps 1942,
00:14:06 la mise en place d'une organisation mieux structurée et élargie,
00:14:09 les Francs-tireurs et partisans.
00:14:12 ...
00:14:13 -Au niveau national, c'était les Francs-tireurs et partisans
00:14:16 qui avaient regroupé toutes les forces combattantes communistes
00:14:20 dans des petits groupes divers.
00:14:21 C'est devenu les FTP, sous commandement de Charles Tillon,
00:14:24 un vétéran de la lutte communiste.
00:14:26 Les immigrés, qui étaient regroupés dans la main-d'oeuvre immigrée,
00:14:30 MOI, ont créé leur propre structure,
00:14:33 FTP-MOI, structure de combat.
00:14:36 Et sur Paris, l'homme qui a créé le groupe,
00:14:40 c'était Boris Solban.
00:14:42 Et il a mis en place la structure militaire
00:14:45 de quelques dizaines de combattants.
00:14:48 Il a créé un service de renseignement
00:14:51 qui a été dirigé par Christina Boiko.
00:14:53 Et surtout, il a formé des combattants
00:14:55 et il a mis au point une stratégie militaire
00:14:58 qui était ce qu'il appelait lui-même l'attaque foudroyante.
00:15:03 -C'est-à-dire, la tactique consistait
00:15:07 à l'utilisation
00:15:10 des nombres, le plus moindre nombre de combattants
00:15:15 pour ne pas les exposer.
00:15:18 C'est-à-dire, maximum trois.
00:15:21 Un qui attaque, l'autre qui achève,
00:15:26 ce que le premier n'a pas fait,
00:15:29 et le troisième qui défend.
00:15:31 La retraite immédiate.
00:15:34 Éviter toute accroche avec les services de l'ordre,
00:15:38 soit français, soit allemand.
00:15:40 -Si les femmes n'intègrent pas les groupes de combat,
00:15:44 elles participent aux actions en prenant des risques.
00:15:47 Elles agissent comme agents de liaison,
00:15:49 lors de rendez-vous clandestins
00:15:50 où sont précisés les objectifs des missions
00:15:53 et où sont délivrés les armes, des grenades, des pistolets,
00:15:56 qu'elles récupèrent après un attentat.
00:15:58 -C'est le cas de Mylinée Manoukian,
00:16:00 qui, dans son sac à dos, un jour avait des armes
00:16:03 lorsqu'elle a été arrêtée par un policier à Paris
00:16:05 qui lui a demandé ce qu'il avait dans son sac.
00:16:07 Elle a répondu "J'ai des pistolets".
00:16:09 Il a cru qu'elle blaguait, il l'a laissé partir.
00:16:12 Mais du coup, cette invraisemblance
00:16:15 permet aux femmes de passer entre les mailles
00:16:18 et de faire un tas d'actions
00:16:20 qui seraient plus compliquées pour des hommes.
00:16:23 Et ce faisant, elles sont à leur façon de véritables héroïnes.
00:16:26 -Olga Bansik est l'une d'elles,
00:16:30 agent de liaison responsable de l'armement.
00:16:32 Et Christina Boiko,
00:16:35 qui dirige l'équipe chargée du renseignement.
00:16:37 -Christina Boiko se baladait dans Paris,
00:16:42 repérait une cible,
00:16:44 un hôtel où il y avait des Allemands,
00:16:47 un café, une terrasse, une patrouille
00:16:49 qui passait toujours à la même heure.
00:16:51 Olban venait repérer les lieux,
00:16:53 il préparait l'action, et l'action avait lieu.
00:16:55 -On notait la possibilité de l'attaque,
00:16:59 c'est-à-dire avec quelles armes on pouvait effectuer l'attaque.
00:17:03 On notait également
00:17:05 l'heure la meilleure, la plus propice pour l'attaque,
00:17:10 et en même temps, les conditions du repli.
00:17:13 Cela était très important,
00:17:14 parce que l'attaque se passait vite.
00:17:17 -Boris Olban met en place de nouvelles unités de combat,
00:17:23 structurées en quatre détachements,
00:17:25 reflétant l'organisation de la MOI par groupe de langues.
00:17:29 -Le premier détachement, c'est là où se trouvaient
00:17:32 les Arméniens, les Bulgares, les Roumains, etc.
00:17:35 En fait, les Arméniens et tous les Juifs
00:17:38 qui n'étaient pas yiddischophones,
00:17:40 qui ne parlaient pas le yiddish, qui n'étaient pas de Pologne.
00:17:43 Le deuxième détachement,
00:17:44 c'était le groupe juif polonais.
00:17:47 Le troisième détachement, c'était le groupe italien.
00:17:51 Et il y avait un quatrième détachement,
00:17:54 qui a été dirigé par Botshof,
00:17:56 et puis a été mise en place une équipe spéciale.
00:17:59 Une équipe spéciale de cinq, six personnes
00:18:02 qui vont se rajouter
00:18:04 pour mener les actions les plus spectaculaires.
00:18:07 -Dans l'équipe spéciale se trouve Marcel Reymann,
00:18:12 dont les parents, polonais et juifs,
00:18:14 se sont installés rue des Immeubles industriels,
00:18:17 dans le 11e arrondissement de Paris.
00:18:19 -Ils sont venus chez nous,
00:18:23 ils ont demandé à mon père de s'habiller,
00:18:26 de partir avec eux,
00:18:29 et mon frère s'est proposé
00:18:32 pour qu'on l'emmène, lui, à la place de mon père,
00:18:36 et il y a rien eu à faire.
00:18:37 Et cette raf, je crois, a été
00:18:40 le détonateur pour mon frère,
00:18:44 où il a pris une haine
00:18:46 contre les Allemands.
00:18:49 Musique pesante
00:18:52 ...
00:19:03 -Pour beaucoup d'entre eux, ils étaient juifs,
00:19:05 et ils jouaient leur peau dans cette histoire,
00:19:08 parce qu'ils avaient vu leur père, leur mère arrêtés,
00:19:11 et qu'ils savaient que tout ce qu'ils pouvaient faire,
00:19:14 c'était de choisir leur mort.
00:19:16 Ils ont choisi de mourir en combattant,
00:19:18 de mourir sur le pavé, un flingue à la main,
00:19:21 plutôt que d'être déportés à Auschwitz.
00:19:25 Musique pesante
00:19:27 -A partir de l'été 1942,
00:19:29 les FTP-MOI multiplient les attentats.
00:19:32 Grenadage de détachement de la Wehrmacht,
00:19:36 pose de bombes à retardement dans des lieux fréquentés
00:19:38 par les Allemands, ou encore de nombreux déraillements
00:19:41 de convois ferrés militaires.
00:19:43 -Ca a une importance d'abord politique
00:19:47 avant d'avoir une importance militaire.
00:19:49 Ils vont tuer peu de monde,
00:19:51 mais pour les Allemands, c'était insupportable
00:19:55 qu'ils ne puissent pas circuler librement à Paris.
00:19:59 C'était insupportable.
00:20:01 Et surtout, l'enjeu, c'était de montrer à la société
00:20:06 dans son ensemble que le combat continuait
00:20:09 et dans sa forme extrême, qui était le combat armé.
00:20:12 Musique pesante
00:20:15 -Face aux attentats qui se multiplient à Paris
00:20:18 et dans la région parisienne, la police de Vichy,
00:20:21 à la demande des autorités allemandes,
00:20:23 met rapidement en place une brigade spéciale,
00:20:26 qui était chargée dès mars 1940
00:20:28 de la répression anticommuniste.
00:20:30 Cette brigade spéciale est réactivée
00:20:33 avec la nomination de Fernand David en août 1941
00:20:37 et dédoublée en janvier 1942
00:20:39 avec la BS2, dirigée par Jean Hénocq.
00:20:42 Sa mission ? Intercepter ceux qui sont qualifiés de terroristes.
00:20:46 -La SS, dans sa politique répressive en France,
00:20:51 a tous les pouvoirs, mais néanmoins,
00:20:54 pour la mise en oeuvre de cette politique,
00:20:56 elle a besoin de gens qui vont l'aider dans cette tâche.
00:20:59 Et ces gens-là, ce sont les policiers français,
00:21:02 qui ont cette expérience depuis des années.
00:21:05 N'oublions pas qu'en plus, c'est la police de Vichy,
00:21:08 et les intérêts conjoints de Vichy et des Allemands
00:21:11 se rejoignent sur un certain nombre de points,
00:21:14 par exemple la répression contre les communistes,
00:21:17 qui sont également les ennemis du régime de Vichy,
00:21:20 ou la répression contre les Juifs.
00:21:22 -La collaboration de la police de Vichy
00:21:26 avec la police allemande prend un tour nouveau,
00:21:29 le 2 juillet 1942.
00:21:32 René Bousquet, le secrétaire général à la police
00:21:35 pour les territoires occupés, conclut un accord
00:21:38 avec le commandant supérieur des SS de la police allemande,
00:21:41 Karl Auberg.
00:21:42 -Les accords Bousquet-Auberg,
00:21:45 qu'on pourrait traduire par "on laisse la police française
00:21:49 "s'occuper de la répression".
00:21:51 En gros, ils font le boulot, ils savent faire le boulot,
00:21:55 on vous fait confiance, on vous laisse faire.
00:21:57 -Les briades spéciales, c'était spécial.
00:22:00 C'était très spécial.
00:22:01 Ils étaient là pour casser du Juif,
00:22:05 casser du communiste, casser du terroriste,
00:22:08 souvent les trois ensembles, d'ailleurs,
00:22:10 et d'avoir des résultats.
00:22:13 Et leurs chefs, d'ailleurs, ont été exécutés
00:22:17 à la Libération, et c'était quand même David,
00:22:20 c'était quand même un boucher.
00:22:22 Voilà. Bon, c'était pas des enfants de coeur.
00:22:25 -La surveillance, mise en place sur le terrain par la BS2,
00:22:29 se révèle très vite d'une redoutable efficacité.
00:22:31 Les inspecteurs rédigent des rapports journaliers
00:22:34 et téléphonent quotidiennement à leurs chefs de groupe
00:22:37 pour rendre compte des filatures.
00:22:39 Un des objectifs prioritaires est de repérer les planques des suspects.
00:22:44 -Le résistant savait qu'il était filé,
00:22:46 mais en particulier ceux qui n'avaient pas l'expérience
00:22:49 de la clandestinité.
00:22:51 Il y a une sorte de mythe du cocon.
00:22:56 Le cocon, c'est la planque.
00:22:59 Alors qu'à partir du moment où les policiers repèrent la planque,
00:23:02 c'est fini.
00:23:04 Même si on le perd, parce qu'il a repéré qu'on le suivait,
00:23:08 le lendemain matin, on va le récupérer chez lui.
00:23:11 Musique pesante
00:23:14 -A partir des portraits des personnes suivies,
00:23:17 les chefs d'équipe reconstituent dans un organigramme
00:23:20 un schéma des contacts qui permet d'orienter la surveillance
00:23:23 et d'étendre le champ de la filature.
00:23:25 Musique pesante
00:23:27 -Les gens qui étaient filés,
00:23:29 comme c'était, par exemple, avec les Raimans,
00:23:33 on les perdait de vue.
00:23:36 À la moindre manifestation d'imprudence,
00:23:40 au moindre retournement de tête en arrière,
00:23:44 la police disperaissait.
00:23:46 Mais elle les retrouvait
00:23:49 parce qu'ils fréquentaient les mêmes endroits.
00:23:52 Musique pesante
00:23:53 Et puis, il y avait aussi un facteur,
00:23:56 un facteur de nature,
00:23:58 de nature psychologique,
00:24:01 parce que cette tension,
00:24:04 cette inquiétude,
00:24:07 cette perte du jour du demain
00:24:10 a fait un peu aussi baisser
00:24:14 la vigilance.
00:24:15 Musique pesante
00:24:17 -C'est très dur, la clandestinité.
00:24:20 Ils ont 20, 21, 22 ans,
00:24:23 ils vivent en basse-clos, il n'y a pas de contact, c'est la solitude.
00:24:26 Bon, ils essayent de respecter au maximum les consignes,
00:24:29 mais en même temps, ils veulent continuer à vivre.
00:24:32 -Marcel Raiman était très sportif,
00:24:34 donc il nageait beaucoup,
00:24:35 il continuait à fréquenter la piscine des Tourelles.
00:24:39 Et donc, les policiers français
00:24:41 ont commencé à roder dans ces endroits.
00:24:44 Musique pesante
00:24:47 -Moi aussi, je vivais dans une situation de clandestinité,
00:24:52 mais j'étais quand même une femme, c'était plus facile.
00:24:56 Ca attirait moins l'attention.
00:24:59 L'attention, je parlais relativement bien le français.
00:25:04 Donc...
00:25:06 Et puis, quelqu'un devait le faire.
00:25:08 Musique pesante
00:25:12 ...
00:25:18 -A partir de la fin de 1942, la guerre bascule.
00:25:22 La victoire soviétique à Stalingrad, le 2 février 1943,
00:25:26 donne un nouvel élan à la résistance.
00:25:28 ...
00:25:30 En France, le gouvernement Laval devient très impopulaire,
00:25:34 avec l'instauration, le 21 février 1943,
00:25:37 du Service du travail obligatoire, le STO,
00:25:41 contraignant tous les jeunes de 18 à 21 ans
00:25:43 à travailler en Allemagne.
00:25:45 ...
00:25:46 Parmi les jeunes que les réquisitions poussent
00:25:49 dans la clandestinité, un espoir du football,
00:25:51 d'origine italienne, Rino Dell'Anegra,
00:25:54 s'engage à son tour dans la lutte armée.
00:25:56 ...
00:25:58 -Il y avait peut-être une insouciance de la jeunesse
00:26:01 qui leur permettait, pour Rino, de jouer au football.
00:26:04 C'était quelqu'un qui était l'étoile montante,
00:26:06 véritablement, du Red Star,
00:26:08 et puis qui, de l'autre côté,
00:26:10 eh bien, participait aux attentats,
00:26:13 avait cette double vie.
00:26:14 Et puis, pour Rino aussi, il est réfractaire
00:26:17 au Service du travail obligatoire,
00:26:19 il refuse de partir travailler en Allemagne,
00:26:22 et puis, il devient un, je dirais, un partisan de choc.
00:26:26 Il participe, entre le printemps 1943 et l'automne 1943,
00:26:30 il a arrêté, à plus de 15...
00:26:32 attaques ou commandos
00:26:35 qui participent à harceler
00:26:38 les nazis, les Allemands,
00:26:40 mais aussi le parti fasciste italien,
00:26:43 mais aussi des collaborationnistes sur Paris.
00:26:45 ...
00:26:49 -Dans ce contexte où la résistance est à l'offensive,
00:26:51 seule l'organisation militaire immigrée des FTP-MOI
00:26:55 mène le combat dans Paris.
00:26:56 Les troupes d'occupation évoluent désormais
00:26:59 dans un climat de tension permanente.
00:27:01 Les patrouilles allemandes sont encadrées.
00:27:04 Des cordons de sécurité sont déployés
00:27:06 à la sortie des cinémas et des théâtres,
00:27:08 dans un rayon de 50 m.
00:27:10 Pour contrer cette montée en puissance des attentats,
00:27:14 les brigades spéciales
00:27:15 lancent une série de filatures d'envergure.
00:27:19 -A la mi-43,
00:27:20 le Parti communiste a intégré la France combattante,
00:27:23 a rallié De Gaulle,
00:27:25 et dans cette stratégie,
00:27:28 qui est la sienne,
00:27:29 de préparer l'insurrection nationale
00:27:32 pour montrer que c'est le peuple français
00:27:34 qui se lève et qui libère le pays
00:27:37 avant les alliés ou sans les alliés,
00:27:39 il est évident que la lutte armée,
00:27:41 et montrer qu'il est le meilleur dans la lutte armée,
00:27:44 est très important.
00:27:46 ...
00:27:47 -Boris Holban reçoit l'ordre d'Henri Roltangui,
00:27:50 responsable militaire des francs-tireurs et partisans
00:27:53 de la région parisienne,
00:27:54 d'intensifier la lutte armée.
00:27:56 Il faut élargir les objectifs
00:27:59 et avec des unités combattantes plus nombreuses.
00:28:02 -Holban a totalement refusé,
00:28:05 parce que, justement, soucieux de la vie de ses combattants,
00:28:09 il pensait que c'était prendre des risques,
00:28:12 que plus on augmentait le nombre de combattants sur une action,
00:28:15 plus il y avait de risques dans la fuite, dans le repli, etc.
00:28:18 Il y ait des pertes.
00:28:21 Donc, il a été remplacé par Missak Manouchian
00:28:24 en août 1943.
00:28:25 -Manouchian,
00:28:27 militant MOI de base,
00:28:30 puis il rentre dans les FTP-MOI,
00:28:33 il devient, au bout de quelque temps,
00:28:36 chef du 1er détachement,
00:28:38 arrive, juillet 1943,
00:28:40 il rentre dans le triangle de direction
00:28:42 des FTP-MOI de la région parisienne
00:28:45 et Holban étant mis sur la touche,
00:28:48 renvoyé dans le nord, il est remplacé,
00:28:51 Holban, par Manouchian, comme commissaire militaire.
00:28:54 Musique pesante
00:28:56 ...
00:29:00 -En août 1943,
00:29:02 Missak Manouchian prend la direction militaire des FTP-MOI.
00:29:06 Les actions sont alors menées à un rythme accru,
00:29:09 mais avec des effectifs réduits.
00:29:11 -Manouchian m'a annoncé qu'il fallait combattre avec les armes.
00:29:15 Je lui ai posé la question avec "mais quelles armes ?"
00:29:18 On n'a rien, à part les couteaux.
00:29:20 Justement, c'est avec les couteaux de cuisine,
00:29:23 on doit attendre dans un coin de rue,
00:29:26 attaquer un soldat allemand ou un officier,
00:29:29 lui prendre le revolver, sa baïonnette,
00:29:31 et avec ça, recommencer pour essayer de récupérer les armes.
00:29:34 -Avant son départ, Boris Holban a eu le temps de préparer,
00:29:39 avec Christina Boyko, un attentat à haut risque
00:29:42 que Missak Manouchian va superviser.
00:29:45 -Le 28 septembre 1943,
00:29:49 il y a eu un attentat contre Julius Ritter.
00:29:53 Ce fameux Julius Ritter,
00:29:54 qui était le ministre de la Main-Dev'étrangère
00:29:58 pour envoyer les travailleurs français vers l'Allemagne.
00:30:02 -Christina Boyko,
00:30:05 qui a repéré ce haut fonctionnaire allemand depuis des mois,
00:30:08 commence à le suivre et localise sa résidence,
00:30:11 aux 18 rues Pétrarque.
00:30:14 -Il se rendait d'habitude au Trocadéro.
00:30:18 C'était pas possible pour une action,
00:30:22 parce que c'était trop militarisé.
00:30:24 On a décidé que l'endroit le plus correspondant,
00:30:28 c'est à son domicile.
00:30:30 Marcel Raimann était au coin de la rue,
00:30:38 en regardant le moment où il sortait.
00:30:41 Alfonso était derrière,
00:30:45 et c'est au moment où il sortait qu'il se dirigeait vers lui.
00:30:49 Une fois exécuté,
00:30:51 il continuait sa route,
00:30:53 sans tourner la tête,
00:30:55 sans s'intéresser aux résultats de son action.
00:30:59 C'était la première défense
00:31:04 qui achevait ce qu'il n'a pas pu faire.
00:31:07 Et c'est la troisième
00:31:09 qui le suivait et était prête à intervenir
00:31:13 contre toute réaction de l'extérieur.
00:31:16 -L'action s'est déroulée exactement comme ça avait été préparé,
00:31:25 comme au cinéma, qui était très spectaculaire.
00:31:28 Ils ne savaient pas du tout qui avait descendu.
00:31:32 Ils savaient que c'était un officier important.
00:31:34 Et le lendemain, ils ont vu dans la presse
00:31:38 que Julius Ritter avait été descendu.
00:31:42 Et ils étaient assez contents d'eux, quand même.
00:31:45 -On venait de faire un grand coup au coeur des proches d'Hitler,
00:31:55 puisque Hitler a décrété un jour de deuil national
00:31:58 pour Julius Ritter.
00:31:59 On se sentait maître de Paris, à un moment donné.
00:32:02 Et les Allemands, eux, le contraire.
00:32:05 Au début, ils se croyaient le maître, et ils se camouflaient.
00:32:07 Ils mettaient des grillages à leur autocar.
00:32:09 Ils regardaient quand les colons passaient,
00:32:11 avec des mitraillettes de chaque côté,
00:32:13 dans les couronnes de rue.
00:32:15 Ils tremblaient, vraiment.
00:32:16 -Malgré plusieurs actions retentissantes,
00:32:22 l'intensification de la lutte armée,
00:32:24 voulue par la direction du parti,
00:32:26 va se heurter aux filatures menées méthodiquement
00:32:28 par les inspecteurs de la BS2.
00:32:30 C'est en suivant Léon Goldberg,
00:32:37 l'un des dérailleurs,
00:32:38 que les policiers vont remonter tout le réseau.
00:32:41 -On va avoir trois filatures successives.
00:32:45 Ces trois filatures qui vont casser
00:32:48 et la MOI et les FTP-MOI de la région parisienne.
00:32:52 -J'ai trouvé le dossier de Davidovitch.
00:33:07 Et là, j'ai, dans l'EBS,
00:33:09 l'affaire Epstein avec les filatures
00:33:11 de la porte, Emmerich-Glass,
00:33:14 de Léon Goldberg,
00:33:18 alias Legris.
00:33:19 Viens voir.
00:33:21 On a les rapports de filature là.
00:33:25 C'est-à-dire que si on suit son PV...
00:33:27 -Ah, Goldberg. -Voilà.
00:33:28 Legris et Léon Goldberg,
00:33:30 qui est pris en filature le 8 septembre 1943,
00:33:33 qui mène à Emmerich-Glass, la porte.
00:33:36 -D'accord.
00:33:37 -Qui mène lui-même, toujours les agents des brigades spéciales,
00:33:41 à Ivry, qui n'est autre que Joseph Boxor,
00:33:44 et qui mènera à Bourg, c'est-à-dire Misak Manoutian.
00:33:47 Et c'est le même Ivry, on le voit sur le schéma,
00:33:50 qui mène à Dupont, puis à...
00:33:53 Je le trouve pas. Dupont-Kiev-Davidovitch.
00:33:56 On a le dossier en face. -D'accord.
00:33:58 Et comment ils arrivent ?
00:34:00 -En fait, ils les suivent.
00:34:01 C'est les dates des filatures, les heures des filatures.
00:34:05 C'est l'endroit où les gens suivent les mènes.
00:34:07 Ils les interrogent, évidemment,
00:34:09 et ils essaient de mettre sur des surnoms des noms.
00:34:12 Musique pesante
00:34:14 -Qu'est-ce que c'est, Bourg ?
00:34:17 C'est simplement parce qu'en septembre 1943,
00:34:21 deux mois avant d'être arrêté,
00:34:23 Misak Manoutian est repéré à un rendez-vous
00:34:27 avec un certain Ivry,
00:34:29 ou ça, à la gare de Bourg-la-Reine.
00:34:32 Comme on n'a pas encore son nom,
00:34:34 on va mettre une fiche, on va l'appeler Bourg.
00:34:36 Et comme on n'a pas encore le nom de Botsov,
00:34:40 on l'avait repéré juste avant à la mairie d'Ivry,
00:34:43 et ben, on va l'appeler Ivry.
00:34:45 Donc on a Bourg, un peu plus loin Ivry,
00:34:49 et ainsi de suite.
00:34:50 C'est toute la stratégie policière,
00:34:52 de mener des filatures au long cours,
00:34:56 et en plus, de repérer très vite la planque
00:35:00 et enfin de se dire,
00:35:02 "Attention, il faut pas griller nos filatures."
00:35:07 Ca veut dire qu'on va assister à des actions
00:35:10 et qu'on va les laisser faire.
00:35:12 Musique sombre
00:35:15 ...
00:35:19 -Les policiers de la BS2 finissent par repérer
00:35:22 le responsable politique des FTP MOI,
00:35:24 Joseph Davidovitch, qui est arrêté le 26 octobre.
00:35:28 Interrogé, Davidovitch parle.
00:35:32 Et donne des noms.
00:35:34 -Cet homme, qui était un communiste dur,
00:35:36 qui avait fait la guerre d'Espagne,
00:35:38 a été repéré par les policiers,
00:35:41 et ils ont arrêté sa femme,
00:35:43 ils ont menacé de torturer sa femme devant lui.
00:35:47 Il a craqué, il a même pas été torturé,
00:35:49 il a craqué, il a accepté,
00:35:51 et du coup, son rôle, ça a été quoi ?
00:35:55 C'était tout cet organigramme mis au point par les policiers.
00:35:59 Lui, ça a permis qu'ils complètent l'organigramme,
00:36:03 qu'ils mettent qui est responsable de quoi,
00:36:06 comment il s'appelle, qui il voit, etc.
00:36:08 Donc, ça a été évidemment une aide très importante
00:36:11 pour les policiers français.
00:36:13 Musique sombre
00:36:16 ...
00:36:21 -A partir du moment où Davidovitch a été arrêté,
00:36:24 la psychologie de Manouchian avait changé.
00:36:27 -J'avais le sentiment qu'il était vraiment inquiet.
00:36:32 J'avais le sentiment qu'il était vraiment...
00:36:35 qu'il vivait une grande inquiétude.
00:36:38 C'est pour ça, d'ailleurs, que je lui ai proposé,
00:36:40 à un moment donné, une planque.
00:36:42 Je lui ai pas dit où,
00:36:43 j'ai dit "je peux avoir une ou deux planques provisoires,
00:36:47 où tu serais en grande et parfaite sécurité."
00:36:50 Il m'a dit "non, il n'en a pas besoin."
00:36:52 ...
00:36:57 -Les documents retrouvés dans la planque de Davidovitch
00:37:00 et ses déclarations permettent d'identifier les combattants.
00:37:03 Ils donnent des indications sur un agenda de rendez-vous
00:37:06 et d'actions prévues.
00:37:07 La BS2 accentue sa surveillance sur Manouchian.
00:37:11 Par Davidovitch, les inspecteurs des BS2
00:37:15 savent qu'ils rencontrent tous les mardis
00:37:18 son supérieur direct, Joseph Epstein.
00:37:20 La menace plane surtout le groupe.
00:37:23 Les renseignements donnés par Davidovitch
00:37:26 précipitent la chute du groupe conduit par Missak Manouchian.
00:37:29 Manouchian est arrêté en même temps que Joseph Epstein,
00:37:33 le 16 novembre 1943.
00:37:35 -Je fais téléphoner à une personne
00:37:38 qui était en contact avec moi.
00:37:40 Je lui ai téléphoné et j'ai dit "il faut venir tout de suite."
00:37:44 Il est venu et j'ai dit "avertissez à tout le monde,
00:37:47 Manouchian et les autres sont arrêtés."
00:37:49 -Sur les 35 partisans repérés pendant la filature,
00:37:53 seuls 5 échappent aux arrestations.
00:37:55 Au total, 68 personnes sont arrêtées.
00:37:59 C'est l'ensemble du réseau FTP-MOI de la région parisienne
00:38:02 qui est démantelé.
00:38:04 Tous les membres des FTP-MOI interpellés
00:38:06 entre la fin octobre et la mi-novembre 1943
00:38:10 sont interrogés dans les locaux des brigades spéciales
00:38:12 de la préfecture.
00:38:14 -Aux brigades spéciales,
00:38:18 j'étais dans la même pièce que Manouchian,
00:38:22 j'étais dans la même pièce que Origabenci,
00:38:25 j'étais dans la même pièce qu'Alfonso,
00:38:28 c'est là que j'ai appris que Davidovitch avait tout donné.
00:38:32 C'est Alfonso qui, un jour,
00:38:35 revenant d'un interrogatoire, m'a dit
00:38:39 "tu sais, toi, j'ai confiance,
00:38:43 "tu es le frère de Marcel.
00:38:45 "Maintenant, pour moi, c'est fini.
00:38:49 "Pour moi, c'est terminé.
00:38:51 "Je peux plus m'en sortir.
00:38:53 "On a un de nos chefs qui vient de mettre un nom
00:38:58 "sur tous les numéros de matricule
00:39:01 "qu'il avait sur lui,
00:39:03 "les listes des actions qui ont été faites
00:39:06 "par les franc-tireurs MOI,
00:39:08 "et les gars, ils n'ont pu qu'à lire
00:39:11 "numéro untel dont toi, tu as fait ça, ça, ça, ça et ça."
00:39:15 Musique sombre
00:39:19 Dito arrivait aux brigades spéciales
00:39:22 en passant dans le couloir.
00:39:24 J'ai vu mon frère sur un tabouret,
00:39:27 les menottes aux mains, les chaînes aux pieds,
00:39:31 dans une pièce où il était tout seul.
00:39:33 C'était les coups de poing, les coups de pied,
00:39:36 les coups de poing dans le vent,
00:39:38 et surtout, les séances de merdeux.
00:39:41 Ils se sont mis à cinq sur moi,
00:39:43 et je suppose que mon frère, ils ne lui ont pas fait de cadeau,
00:39:46 parce qu'après, je l'ai perdu.
00:39:48 Musique sombre
00:39:51 ...
00:39:57 -Manouchian aurait pu faire arrêter
00:39:59 tous les Arméniens de toute la France,
00:40:02 tous ceux de la Résistance.
00:40:03 Il aurait pu faire arrêter
00:40:05 tous les dirigeants communistes arméniens de Paris.
00:40:08 Ils connaissaient leurs adresses, leurs noms et tout.
00:40:11 Ils connaissaient toute la direction de la MOI.
00:40:14 Ils connaissaient pas mal d'adresses.
00:40:16 Eh bien, sous la torture, ils n'ont pas parlé.
00:40:18 Et moi, si je suis vivant,
00:40:21 je le dois à Arpentavitian, à Manouchian,
00:40:25 et surtout à Rayman.
00:40:28 ...
00:40:43 -Ils sont arrêtés en novembre 1943.
00:40:45 Donc, ils se retrouvent à la prison de Fresnes.
00:40:48 Eh bien, entre novembre et février,
00:40:51 ils attendent leur procès.
00:40:53 ...
00:40:55 -Le procès des 23 résistants des FTP et MOI
00:40:59 se déroule du 15 au 19 février 1944,
00:41:02 dans les murs de l'hôtel Continental,
00:41:04 devant une cour martiale allemande.
00:41:06 ...
00:41:09 Durant ce simulacre de procès,
00:41:10 Misak Manouchian assume son engagement au combat,
00:41:13 sans plaider la contrainte.
00:41:15 Marcel Rayman,
00:41:17 Celestino Alfonso,
00:41:18 Spartaco Fontano,
00:41:20 Joseph Boksov,
00:41:22 Olga Bansig et leurs camarades
00:41:24 font preuve d'un même courage devant leurs accusateurs.
00:41:28 La délibération a lieu le 19 février,
00:41:31 à l'issue de laquelle la cour martiale
00:41:33 procède à 23 condamnations à mort.
00:41:35 -Alors, il y a un épisode absolument extraordinaire
00:41:39 dans cette histoire des FTP et MOI.
00:41:42 C'est, une fois arrêtés, le jugement.
00:41:46 -Donc, ils ont été des résistants étrangers
00:41:49 qui combattent pour la libération du territoire national français
00:41:53 et qui sont arrêtés par la police française,
00:41:56 qui combat au service de l'occupant allemand.
00:41:59 Ils étaient arrêtés par la police française.
00:42:01 Ils sont donnés aux Allemands,
00:42:03 qui vont orchestrer une grande campagne
00:42:07 de propagande antisémite, anticommuniste.
00:42:11 -Ils voulaient faire de la propagande
00:42:14 pour montrer qu'en fait, ceux qu'on appelait la résistance,
00:42:17 ce que Londres appelait la résistance,
00:42:19 c'était des étrangers, des Juifs, des Roumains,
00:42:22 des Rois, des Tchèques et tout ça,
00:42:24 qui venaient semer la pagaille.
00:42:27 ...
00:42:51 -Dans l'un des rapports faits par les Allemands,
00:42:54 sont rajoutés à la main un cas devant lui,
00:42:56 un cas communiste, en tout cas perçu comme tel par les Allemands.
00:43:00 Pour d'autres, on rajoute le "J", c'est-à-dire "Jew", "Juif".
00:43:03 Et dans ce procès, on voit bien ce qui marque véritablement
00:43:08 les enjeux de la répression, c'est le complot judéo-bolchévique,
00:43:12 qui est... On dénonce, bien sûr, l'étranger,
00:43:16 on dénonce ceux qui travaillent pour l'Union soviétique,
00:43:19 ceux qui travaillent pour la Grande-Bretagne.
00:43:21 On est au coeur de cette propagande de 1943.
00:43:24 ...
00:43:28 -Sur les 23 condamnés, 22 sont fusillés
00:43:31 le 21 février 1944, au Mont-Valérien.
00:43:34 Seule Olga Bansik sera exécutée plus tard.
00:43:39 Le matin même de leur exécution,
00:43:42 plusieurs d'entre eux ont écrit une dernière lettre à leurs proches.
00:43:46 ...
00:44:01 -Ce que disait Guy Crivopisco sur ces dernières lettres,
00:44:04 c'est la vie à en mourir, c'est-à-dire des lettres
00:44:07 qui montrent tous les enjeux du sacrifice total
00:44:11 de cette jeunesse.
00:44:12 "Petit frère, je veux t'envoyer un dernier petit mot
00:44:15 "pour que tu réconfortes de ton mieux maman et papa.
00:44:18 "Tu peux me faire plaisir en te sachant toujours auprès d'eux
00:44:21 "et de toujours les aider de ton mieux.
00:44:23 "Je finis en t'embrassant bien fort et courage,
00:44:26 "ton grand frère qui t'aime toujours, Rino."
00:44:28 ...
00:44:30 -Ma chère Méguinet, ma petite orpheline bien-aimée,
00:44:34 dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde.
00:44:37 On va être fusillés cet après-midi à 15h.
00:44:40 Cela m'arrive comme un accident dans ma vie,
00:44:42 je n'y crois pas,
00:44:44 mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais.
00:44:47 ...
00:44:48 Je suis sûr que le peuple français
00:44:50 et tous les combattants de la liberté
00:44:52 sauront honorer notre mémoire dignement.
00:44:54 ...
00:45:06 -Depuis la prison de Freyne, le 21 février 1944,
00:45:09 les membres du groupe Manouchion vont être emmenés
00:45:12 au Mont-Valérien par camion,
00:45:14 et les camions cellulaires vont s'arrêter à peu près
00:45:17 à cet endroit.
00:45:18 ...
00:45:22 Mais quatre d'entre eux vont emprunter ce chemin,
00:45:25 qu'on appelle aujourd'hui le parcours des fusillés,
00:45:27 qui est un chemin de quelques mètres
00:45:29 qui mène un tout petit peu plus loin,
00:45:31 au lieu d'exécution.
00:45:33 Ils sont encadrés par des soldats de l'armée allemande,
00:45:36 ils ont les mains menottées,
00:45:37 et ils peuvent avoir, pour certains,
00:45:39 une fois au poteau, les yeux bandés.
00:45:41 Après quelques mètres parcourus sur ce chemin,
00:45:45 ils descendent quelques mètres plus bas,
00:45:47 dans ce lieu d'exécution,
00:45:48 que l'on appelle aujourd'hui la clairière des fusillés,
00:45:51 puisque c'est une clairière qui est enclavée, encaissée,
00:45:55 et qui ne laisse pas passer le bruit.
00:45:57 C'est un lieu discret, parfait pour des exécutions.
00:46:00 ...
00:46:06 Lorsqu'ils arrivent dans la clairière,
00:46:08 ils vont être attachés au poteau d'exécution
00:46:11 qui se trouve de ce côté-ci,
00:46:12 qui sont espacés d'environ 1,50 m.
00:46:14 ...
00:46:16 Et en face d'eux se trouve le peloton d'exécution,
00:46:19 donc la dizaine de soldats,
00:46:21 mais dans le cas du groupe Manouchan,
00:46:23 ils étaient une quarantaine.
00:46:25 L'officiel allemand va lire la sentence,
00:46:27 en l'occurrence, pour le groupe Manouchan,
00:46:29 il va lire leur condamnation à mort,
00:46:31 puis ce sera la mise à feu.
00:46:33 Le médecin militaire va constater le décès,
00:46:35 et si la mort n'est pas effective, c'est le coup de grâce.
00:46:39 ...
00:47:05 ...
00:47:11 -En mars 1944,
00:47:13 les francs-tireurs partisans et les rares survivants des FTP-MOI
00:47:17 fusionnent à Paris avec les troupes de l'armée secrète,
00:47:20 commandées par le général König.
00:47:22 Le 1er juin 1944,
00:47:24 Henri Roll Tanguy, à la tête des FFI de la région parisienne,
00:47:28 prépare l'insurrection de la capitale,
00:47:31 qui débute avec la prise de la préfecture, le 19 août.
00:47:34 ...
00:47:37 -19 août 1944.
00:47:39 Les voitures allemandes s'agitent.
00:47:41 Les Allemands partent.
00:47:43 Sur ces avenues vides,
00:47:45 Paris sent que quelque chose se prépare.
00:47:47 Et soudain, claque le 1er coup de feu.
00:47:50 ...
00:47:54 Paris a compris que la libération est proche
00:47:56 et que c'est lui-même qui doit la conquérir.
00:47:59 -Tout le monde pense à ce qui se passe à la libération
00:48:01 et se dit, effectivement,
00:48:03 qu'à la libération, il y avait ce souvenir de ces combattants
00:48:06 qui avaient les armes à la main,
00:48:08 dans des conditions autrement plus dangereuses,
00:48:12 puisque les troupes allemandes n'étaient pas en train de...
00:48:16 en déroute, en quelque sorte,
00:48:19 mais même si c'était un combat qui a été un combat héroïque.
00:48:23 Et ça a dû servir d'exemple.
00:48:25 À la libération, pour toute une série de jeunes
00:48:30 qui ont dit, "Ils l'ont fait, pourquoi pas nous ?"
00:48:33 ...
00:48:37 -Après la victoire alliée sur l'Allemagne nazie,
00:48:40 la population se range presque unanimement
00:48:43 derrière la figure du général de Gaulle,
00:48:45 celui grâce à qui la France, à l'issue de la guerre,
00:48:48 fait partie du camp des vainqueurs.
00:48:50 Alors que les proches de Misak Manouchian
00:48:53 et de ses camarades
00:48:54 leur rendent hommage au cimetière d'Ivry en février 1945
00:48:58 et dans les années suivantes,
00:49:00 le rôle des étrangers dans la résistance armée
00:49:03 n'a pas mis en avant.
00:49:04 ...
00:49:13 -Mais voilà, arrive Aragon.
00:49:15 Aragon écrit un poème,
00:49:17 reprenant la dernière lettre
00:49:20 écrite par Manouchian à Méliné.
00:49:22 Et puis, en 59, Léo Ferré va prendre le poème
00:49:26 et va le mettre en musique.
00:49:28 Ça va être un succès monumental,
00:49:31 alors qu'on est dans une période
00:49:33 où, si je reprenais l'échemme, je devrais vous dire
00:49:36 que non seulement on a oublié la résistance,
00:49:39 mais en particulier les résistants étrangers.
00:49:41 Ça colle pas pour Manouchian.
00:49:43 ...
00:49:47 -Ils étaient 23
00:49:49 Quand les fusils fleurirent
00:49:52 ...
00:49:55 23 qui donnaient leur coeur
00:49:58 Avant le temps
00:50:00 23 étrangers
00:50:02 Et nos frères, pourtant
00:50:05 23 amoureux
00:50:07 De vivre à en mourir
00:50:10 23 qui criaient la France
00:50:13 En s'abattant
00:50:15 ...
00:50:17 -C'étaient tous des personnages absolument extraordinaires,
00:50:21 des personnes extraordinaires,
00:50:23 et donc ils méritent tous d'entrer au Panthéon.
00:50:25 Et j'espère, je pense qu'avec Manouchian,
00:50:28 il y a tout le cortège de ces combattants,
00:50:31 les Moïe FTP, qui vont rentrer au Panthéon.
00:50:34 ...
00:50:40 -Avec l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian,
00:50:43 accompagnée de sa femme Méliné,
00:50:45 résistants étrangers et communistes,
00:50:47 c'est l'esprit universaliste de la résistance
00:50:50 qui est célébré.
00:50:51 ...
00:50:55 Ce sont aussi les noms des combattants de l'affiche rouge.
00:50:58 Et ceux de l'ensemble des résistants des FTP-Moïe,
00:51:01 qui s'inscrivent dans la grande histoire
00:51:03 des combats pour la liberté.
00:51:05 Leur amour pour la France,
00:51:07 leur engagement,
00:51:09 leur lutte et leur sacrifice
00:51:12 resteront dans la mémoire de la résistance.
00:51:14 ...
00:51:28 ...
00:51:58 ...
00:52:11 -Le 21 février dernier, soit 80 ans après son exécution
00:52:16 au Mont-Valérien, aux côtés de 21 de ses camarades
00:52:20 était donc panthéonisé Missak Manouchian,
00:52:23 accompagné de sa femme Méliné.
00:52:26 Vous venez de le voir avec ce documentaire,
00:52:28 avec l'affiche rouge.
00:52:30 La propagande nazie voulait en faire des terroristes.
00:52:33 Ils en auront fait en réalité des héros.
00:52:35 Nous allons y revenir,
00:52:36 avec nos invités présents aujourd'hui
00:52:39 sur ce plateau de débats d'octobre.
00:52:41 Denis Péchanski, bienvenue.
00:52:43 On vous a vu et longuement entendu,
00:52:45 d'ailleurs, dans ce documentaire.
00:52:47 Vous êtes historien, directeur de recherche et mérite au CNRS.
00:52:50 Vous avez longtemps milité au sein du Parti communiste français,
00:52:54 depuis 1981, et votre dernier ouvrage s'intitule
00:52:57 "Missak et Méliné Manouchian,
00:52:59 "deux orphelins du génocide arménien
00:53:02 "engagés dans la résistance française".
00:53:04 Un ouvrage publié aux éditions textuelles
00:53:06 que vous avez coécrit.
00:53:08 On va peut-être citer, si vous en êtes d'accord,
00:53:10 vos coauteurs sur ce livre. -Bien entendu.
00:53:13 Astrigat Amian et Claire Mouradian.
00:53:15 -Hélène Cosséillon, Bére Amian est également avec nous.
00:53:18 Bienvenue. Vous êtes journaliste et écrivaine,
00:53:21 autrice, avec Arsène Tchakarian,
00:53:24 qu'on a vu dans ce documentaire.
00:53:26 -Exactement. -Il était lui aussi membre
00:53:28 de ce fameux groupe Manouchian.
00:53:30 Ce livre, "Les commandos de l'affiche rouge",
00:53:33 disponible aux éditions du Rocher.
00:53:35 Et puis enfin... -Eco-auteur, également,
00:53:38 d'un documentaire d'occu-fiction en cours de tournage,
00:53:42 "Les Aznavour dans la résistance".
00:53:44 Comme les Aznavour étaient très proches de Missak Manouchian,
00:53:47 avec Micha Aznavour, entre autres, dans le projet,
00:53:50 c'est un ami réalisateur. C'est en cours de tournage.
00:53:53 C'était une histoire croisée, très proche.
00:53:56 -D'ailleurs, Mélinée, la femme, bien entendu, de Missak Manouchian,
00:53:59 doit l'aviser sans doute en partie
00:54:02 par le fait qu'elle avait été réfugiée
00:54:04 au moment de l'arrestation de son mari
00:54:06 chez la mère de Charles Aznavour, à l'époque.
00:54:10 Enfin avec nous, Didier Danynx.
00:54:13 Bienvenue. Vous êtes écrivain,
00:54:15 auteur de romans policiers, de nouvelles, d'essais.
00:54:18 Vous vous définissez comme communiste libertaire.
00:54:22 Et vous êtes aussi scénariste de bandes dessinées,
00:54:25 comme ici avec Missak Manouchian,
00:54:28 "Une vie héroïque", au dessin Mako.
00:54:31 Et cet ouvrage est publié aux éditions Les Arènes.
00:54:35 Peut-être un tout petit mot sur l'affiche rouge,
00:54:38 parce que l'affiche rouge, finalement,
00:54:41 c'est ce qui a rendu célèbre le groupe Manouchian.
00:54:44 Ces dix personnages tirés de ce groupe
00:54:48 sur cette affiche, il faut redire sans doute
00:54:51 que c'est une propagande nazie.
00:54:54 Cette affiche rouge, ce n'est pas une affiche
00:54:58 vantant l'héroïsme
00:55:01 de ce groupe.
00:55:03 -C'est intéressant, ce que vous dites,
00:55:05 parce que dans les décennies suivantes,
00:55:08 il y a eu une telle inversion de la propagande allemande,
00:55:11 qui manque son objectif,
00:55:13 en février 44,
00:55:16 qu'effectivement, beaucoup de monde
00:55:18 est convaincu que cette affiche est une affiche de la Résistance,
00:55:22 alors que c'est une opération de propagande.
00:55:26 Il y a l'affiche, il y a les brochures,
00:55:29 il y a un documentaire, il y a des actualités,
00:55:31 des choses qui se sont diffusées dans les salles de cinéma
00:55:35 juste avant le grand film, pour dénoncer les Juifs,
00:55:38 les étrangers, les métecs, les communistes,
00:55:41 qui sont derrière la Résistance, l'armée du crime.
00:55:44 C'est bien le coeur de cette affiche.
00:55:47 Il y a 23 condamnés à mort
00:55:50 lors de ce procès des FTP-MOI,
00:55:53 des Francs-Tireurs Partisans de la Main-d'oeuvre Immigrée,
00:55:56 entre eux, ils sont jugés le 15 au 18 février 1944,
00:56:00 exécutés le 21 février.
00:56:04 Et accompagnant ce procès,
00:56:07 il y a toute une campagne pour dire
00:56:09 que la Résistance, ce sont des truands,
00:56:13 des Juifs, des communistes, des étrangers.
00:56:16 -C'était le fameux complot judéo-bolchévique
00:56:20 de l'étranger, mis en scène par la propagande nazie.
00:56:24 Vous l'avez dit, il y a 15 000 exemplaires de cette affiche
00:56:27 qui ont été placardées partout dans Paris,
00:56:30 dans le métro, à l'époque, par les Allemands.
00:56:34 -15 000, on n'a pas le chiffre exact.
00:56:37 -C'est le chiffre dont je dispose.
00:56:39 -C'est le chiffre qui circule.
00:56:41 Pour l'instant, on n'a rien trouvé dans les archives,
00:56:44 mais c'est plusieurs milliers. -Quelques milliers.
00:56:47 -Il y en a à Paris, il y en a dans nombreuses villes,
00:56:50 y compris dans le sud.
00:56:53 Là, il y a une convergence entre Vichy et les Allemands,
00:56:58 même si c'est un procès qui est allemand.
00:57:00 Il ne faut pas oublier que c'est un procès allemand
00:57:03 à l'issue d'une traque menée par la police parisienne
00:57:07 au nom de la collaboration voulue par qui ?
00:57:09 Par le régime de Vichy.
00:57:11 -Procès mis en scène par les Allemands
00:57:13 à l'hôtel Continental en février 1944.
00:57:17 On va voir juste un extrait du film.
00:57:19 On va commencer par Misak Manouchian.
00:57:21 Il vient d'être panthéonisé.
00:57:23 On retrouve ses origines dans ce documentaire.
00:57:26 -Celui qui est présenté dans l'affiche rouge
00:57:29 comme le chef de bande, Misak Manouchian,
00:57:31 est né en septembre 1906, à Adiyaman,
00:57:34 une ville du sud de l'actuelle Turquie,
00:57:37 alors rattachée à l'Empire ottoman.
00:57:39 -Misak Manouchian est un rescapé
00:57:41 du génocide des Arméniens de 1915,
00:57:43 perpétré par le gouvernement jeune turc.
00:57:45 -Ca aide à comprendre beaucoup de choses
00:57:48 dans ce qui a été le parcours de Misak Manouchian.
00:57:51 -Oui, ensuite, il va se retrouver
00:57:53 dans un orphelinat,
00:57:55 à Jounier, au Liban,
00:57:58 et là, avec son frère,
00:58:02 il va apprendre la muniserie,
00:58:05 il va fréquenter la bibliothèque de l'orphelinat,
00:58:09 et il va commencer à écrire des petits poèmes satiriques
00:58:12 sur le directeur,
00:58:14 et le directeur trouve que cet enfant
00:58:16 a un caractère déjà très fort,
00:58:18 presque à la limite un peu têtu,
00:58:20 c'est un enfant studieux, travailleur,
00:58:24 il commence à écrire ses premiers poèmes
00:58:26 à l'âge de 11-12 ans.
00:58:27 Donc, toute sa vie, il s'est construit
00:58:30 en travaillant, en étudiant,
00:58:32 c'est vraiment un intellectuel.
00:58:34 Et donc, après, en 1924,
00:58:36 il va débarquer avec un contrat d'embauche,
00:58:39 et avec son frère, ensuite, il va monter sur Paris,
00:58:44 il va perdre son frère en 1927,
00:58:46 il va être dévasté par la perte de son frère,
00:58:50 et ensuite, il va fréquenter
00:58:54 le milieu artistique de Montparnasse,
00:58:57 il va poser pour des sculpteurs,
00:58:59 en fait, toute sa vie, si vous voulez,
00:59:01 il a cherché à... Il se bat,
00:59:04 il se bat pour vivre, tout simplement,
00:59:08 et puis, il a envie d'apprendre.
00:59:10 -Cet enfant rescapé du génocide arménien,
00:59:13 ça justifie pour beaucoup
00:59:15 ce qu'aurait été son engagement par la suite ?
00:59:18 -Il y a une chose, c'est que la mort
00:59:21 n'a cessé de l'accompagner.
00:59:22 Son père meurt les armes à la main
00:59:24 contre l'armée turque,
00:59:26 sa mère meurt quelques temps après
00:59:29 des sévices, des marches forcées,
00:59:32 son frère meurt, donc il y a véritablement
00:59:35 cet accompagnement. On a découvert aussi
00:59:37 qu'il avait un deuxième frère, Haïk,
00:59:39 qui, lui, meurt aussi en 1939.
00:59:42 Donc, il y a vraiment la fatalité,
00:59:44 le destin qui pèse sur lui,
00:59:47 et pourtant, c'est quelqu'un qui est tout le temps
00:59:50 tourné vers la connaissance,
00:59:51 tourné vers l'avenir,
00:59:53 tourné vers la beauté des choses,
00:59:55 mais il y a vraiment ce poids.
00:59:57 Il veut faire de sa vie quelque chose,
00:59:59 mais il n'a pas envie de finir comme martyr.
01:00:02 Sa vie, c'est véritablement l'expression des émotions,
01:00:06 c'est la beauté du monde.
01:00:07 Et il va se heurter une nouvelle fois
01:00:10 au mâchoire de l'histoire,
01:00:11 avec l'arrivée du fascisme et du nazisme,
01:00:14 et d'un seul coup, son rêve de mots
01:00:17 qui éclairent le monde est totalement battu en brèche
01:00:21 par la violence, les livres qu'on brûle
01:00:24 à Berlin, et donc, pour lui,
01:00:26 la chose la plus importante,
01:00:28 c'est de faire un monde où la poésie existe encore.
01:00:31 Et donc, l'urgence, c'est le combat contre le fascisme,
01:00:35 le combat contre le nazisme.
01:00:37 La ligne de vie de Manouchian,
01:00:39 j'ai l'impression qu'elle est celle-là.
01:00:41 -Pour ce combat, il choisit le Parti communiste
01:00:44 et le MOI, la MEI.
01:00:46 -Oui.
01:00:47 -C'est pas par hasard,
01:00:49 c'est le mouvement des ouvriers immigrés,
01:00:51 érigés par le PCF, à l'époque.
01:00:54 -Il y avait avant, comme nom, la main d'oeuvre étrangère,
01:00:58 mais c'est quelque chose qu'a mis en place le Parti communiste
01:01:01 à la suite de la Première Guerre mondiale,
01:01:04 parce que c'est un pays qui a été saigné
01:01:06 par la Première Guerre mondiale,
01:01:08 donc ils ont besoin de main-d'oeuvre,
01:01:10 ce qui fait qu'on va chercher des immigrés partout en Europe,
01:01:14 y compris dans cette zone
01:01:18 qui est, en fait, depuis 1918 sous mandat français.
01:01:21 On va chercher de la main-d'oeuvre dans les orphelins.
01:01:26 -D'abord les Italiens, les Polonais.
01:01:28 -Oui, massivement. -On voit ensuite arriver
01:01:30 toutes celles qui sont déjà victimes
01:01:32 des premières persécutions du côté de...
01:01:35 -C'est très important, cette distinction.
01:01:38 Tout à fait, cette distinction entre l'immigration économique,
01:01:41 qui vient pour aider à reconstruire,
01:01:44 et des gens qui peuvent aussi avoir, évidemment,
01:01:47 une fibre antifasciste, je pense au père de Rino De Lanegra,
01:01:52 qui vient pour reconstruire dans le Nord,
01:01:55 depuis le Frioul,
01:01:57 et qui est profondément antifasciste
01:02:00 quand Mussolini marche sur Rome en 1922,
01:02:03 prend le pouvoir et instaure le fascisme.
01:02:06 On a plusieurs cas, mais globalement,
01:02:08 il y a les immigrés et puis il y a les réfugiés.
01:02:11 Et ces réfugiés, on a l'exemple de Manouchian,
01:02:14 bien sûr réfugié,
01:02:15 orphelin du génocide des Arméniens,
01:02:19 mais on a tous les persécutés,
01:02:22 ou ceux qui subissent la répression,
01:02:25 dans les pays autoritaires de l'Europe de l'Est.
01:02:28 Ils ont les pogroms, ils ont les arrestations.
01:02:32 Je pense à ceux qu'on va retrouver dans ces combattants,
01:02:35 Holban, Epstein,
01:02:37 Gédoldisch, il y a toute une série de personnalités,
01:02:44 des femmes comme Kristina Bojko ou Golda Bandtschik,
01:02:47 qui se sont construites d'abord dans leur pays d'origine,
01:02:51 en Roumanie, en Hongrie,
01:02:53 et qui ont été confrontées déjà à la prison
01:02:59 et ont l'expérience de la clandestinité,
01:03:02 quelquefois, pour ceux qui sont engagés en Espagne,
01:03:05 aux côtés de la République espagnole,
01:03:07 menacés... -C'est bien dit,
01:03:09 dans le film. -Menacés par Franco
01:03:12 et malheureusement abattus par Franco,
01:03:15 l'expérience du combat.
01:03:16 Ca forme, en quelque sorte,
01:03:18 une sorte de premier groupe dans ces combattants.
01:03:22 Ca va donner les cadres qui ont l'expérience.
01:03:26 Et puis on aura à côté les gamins,
01:03:29 qui ont entre 17 et 22 ans.
01:03:31 -Mystère de Manouchian, c'est dit dans ce film,
01:03:34 se porte volontaire en octobre 1939
01:03:36 pour intégrer l'armée française
01:03:39 dans le cadre, évidemment, de la drôle de guerre, à l'époque.
01:03:43 On n'en dit pas plus, dans ce documentaire.
01:03:46 Quelle est la suite de cet engagement militaire
01:03:49 au tout début de la guerre ?
01:03:51 -Il y a une chose, c'est que Mystère de Manouchian,
01:03:53 s'il vient en France, c'est l'amour de la poésie et de la littérature,
01:03:57 mais aussi c'est l'image universaliste
01:04:00 de la Révolution française.
01:04:02 Donc, ça, il y a véritablement un amour de ce pays
01:04:05 qui s'est adressé de manière universelle au monde.
01:04:08 Et quand il s'engage, comme en 1939,
01:04:11 il s'engage pour aller se battre
01:04:14 contre les Allemands.
01:04:17 Et dans le même temps, quelques mois après,
01:04:20 il va faire une demande de naturalisation.
01:04:22 -Une première demande de naturalisation.
01:04:25 -La première, en 1932. -On lui refusera, d'ailleurs.
01:04:28 -Il y a un refus. La deuxième,
01:04:30 il y a la guerre qui suit, donc il n'y a pas de refus.
01:04:33 Mais le geste de Manouchian,
01:04:36 c'est de défendre ce pays qu'il a choisi
01:04:38 pour ce qu'exprime ce pays
01:04:41 au point de vue littéraire et politique.
01:04:44 -Il sera démobilisé ?
01:04:45 Qu'est-ce qui se passe pour Mystère de Manouchian ?
01:04:48 -Quand il est démobilisé, la première fois, vous le dire.
01:04:51 Il est démobilisé
01:04:54 et il va être envoyé ensuite
01:04:58 à l'usine Gnome et Rôme du Mans.
01:05:01 Voilà.
01:05:02 Et ensuite, il va revenir à Paris, en 1941.
01:05:06 Et il va commencer, il va essayer
01:05:09 de reprendre contact avec ses anciens amis
01:05:12 du journal Zangou.
01:05:16 En fait, ce journal, c'était un journal
01:05:18 qui était adossé à l'Union...
01:05:23 Un comité de secours pour l'Arménie,
01:05:26 qui était dissous.
01:05:28 Ce comité de secours pour l'Arménie,
01:05:30 il y avait beaucoup de membres
01:05:32 qui étaient issus de l'AMOI et du Parti communiste.
01:05:35 Donc, il va renouer avec ces gens-là
01:05:38 pour essayer de... Il veut se battre,
01:05:40 il veut rentrer, si vous voulez, en résistance,
01:05:43 il veut faire...
01:05:46 Il veut faire quelque chose.
01:05:47 -Donc, il y a deux années, 40-41,
01:05:49 où il n'est pas encore en résistance active,
01:05:52 on ne peut pas dire les choses comme ça,
01:05:54 mais 42, cette fois-là, il intègre le FTP.
01:05:57 -Il y a quand même... -Les francs-tireurs,
01:06:00 les partisans, etc.
01:06:01 -Un peu plus loin, un peu plus tard,
01:06:03 il ne faut pas négliger quand même le combat politique,
01:06:06 parce qu'on se dit que les seuls vrais résistants,
01:06:09 c'est ceux qui ont les armes à la main.
01:06:12 Les groupes politiques qui font des journaux clandestins,
01:06:15 qui font des tracts, qui vont aussi chercher des armes,
01:06:18 qui...
01:06:20 Ils jouent leur peau, hein.
01:06:21 C'est pas...
01:06:22 Il ne faut pas imaginer que là, c'est du menu frottin.
01:06:26 Et lui, il est chef du groupe arménien,
01:06:29 puisqu'on retrouve la structure mise en place dès avant la guerre
01:06:33 d'organisation de ces immigrés par le Parti communiste,
01:06:36 avec des groupes de langues, comme on disait,
01:06:39 le groupe de langues bulgares, le groupe de langues hongrois,
01:06:44 le groupe de langues italiens, le groupe de langues arménien.
01:06:47 En fait, il y avait deux principales sources
01:06:51 de combattants résistants,
01:06:55 et en particulier, après, dans la lutte armée,
01:06:59 ce sont les Juifs d'Europe centrale et orientale
01:07:01 et les Italiens, qu'on oublie souvent,
01:07:04 et qui sont très nombreux, et bien sûr,
01:07:06 le groupe des Arméniens.
01:07:08 Et quand Missak,
01:07:09 euh...
01:07:10 Bon.
01:07:11 Poussé par le Parti communiste,
01:07:14 et aussi parce qu'il voyait, chute après chute,
01:07:17 qu'on avait besoin de renforcer la lutte armée,
01:07:20 comme chef politique du groupe de langues arménien,
01:07:24 eh bien, il décide de rentrer dans les FTP et MOI
01:07:28 pour montrer l'exemple, en quelque sorte,
01:07:30 et de fait, il y a plusieurs Arméniens
01:07:33 qui vont le suivre, qui vont l'accompagner
01:07:35 dans ce combat, c'est début 43,
01:07:37 et il va avoir cette action extraordinaire
01:07:41 du 17 mars 43 à Levallois.
01:07:45 Je veux dire, il faut avoir un peu de colonne vertébrale
01:07:48 pour balancer une grenade au milieu d'un groupe d'Allemands
01:07:52 qui sort de leur caserne.
01:07:56 Euh...
01:07:58 Levallois, un matin,
01:08:00 il est avec Reimann, c'est intéressant,
01:08:02 un Juif polonais, tout jeune, qui était là,
01:08:05 et il balance sa grenade,
01:08:09 et on a Tchakarian, en protection, un peu plus loin.
01:08:12 Voilà, c'est le dispositif qui se met en place,
01:08:15 et au fur et à mesure,
01:08:17 il va prendre des responsabilités.
01:08:20 C'est pas venu par hasard, quand il devient chef militaire
01:08:23 des FTP, MOI, les Fronts tireurs partisans
01:08:26 de la main-d'oeuvre immigrée,
01:08:27 donc dans l'opérationnel militaire.
01:08:30 -On est en août 1943. -On est en début août.
01:08:32 Fin juillet, début août, il prend la place d'Olban,
01:08:35 mais il est déjà dans le triangle de direction
01:08:38 de la MOI, donc il y a rien de surprenant.
01:08:41 -Il y a un avant et un après
01:08:44 assassinat de Julius Fritter.
01:08:47 -C'est pas un assassinat.
01:08:49 -C'est une exécution. -Une exécution.
01:08:52 -Non, là, comment ?
01:08:54 Quand Manouchian, juillet-août,
01:08:57 prend la direction militaire,
01:08:59 Olban est déjà sur une affaire
01:09:03 qui a été trouvée par Cristina Boico,
01:09:06 c'est-à-dire qu'elle a vu un officiel allemand,
01:09:09 un militaire de très haut grade,
01:09:12 et pendant des semaines et des semaines,
01:09:14 elle va essayer de savoir d'où est partie la voiture
01:09:17 tous les matins, de gagner de 100 m en 100 m,
01:09:21 et c'est Misak Manouchian, qui a la direction militaire,
01:09:25 et qui décide de l'opération,
01:09:26 quand la source a été trouvée,
01:09:28 rue Petrarque, dans le quartier du Trocadéro,
01:09:31 et là, il y a un groupe de trois FTP, MOI,
01:09:36 qui vont exécuter un inconnu de haut rang.
01:09:39 Le lendemain, dans la presse, c'est Julius Ritter,
01:09:42 qui n'est pas n'importe qui,
01:09:43 c'est le responsable pour la France
01:09:45 du service du travail obligatoire,
01:09:48 c'est-à-dire l'esclavage pour des dizaines et des dizaines
01:09:51 de milliers de jeunes hommes français
01:09:53 qui sont envoyés en Allemagne pour travailler
01:09:56 dans les usines d'armement.
01:09:57 Là, il va y avoir un écho extraordinaire
01:10:00 de l'exécution d'un des principaux personnages,
01:10:04 qui, en plus, est un ami personnel d'Hitler.
01:10:07 -On parle d'une trentaine d'opérations
01:10:09 entre août 1943
01:10:12 et le fameux 16 novembre 1943,
01:10:17 qui verra l'arrestation de Misak Manouchian
01:10:19 et des autres membres du groupe.
01:10:22 On a un témoignage de cette époque.
01:10:25 Il a senti l'étau se resserrer considérablement.
01:10:28 Sa femme Méliné aussi.
01:10:31 -Tout à fait. Il sentait qu'il était finé,
01:10:34 et la veille de l'arrestation,
01:10:36 il était vraiment dans un état, raconte Méliné,
01:10:39 dans un état d'excitation.
01:10:41 Elle le voyait, qu'il était différent des autres jours.
01:10:45 Il était très, très tassiturne,
01:10:48 il parlait peu...
01:10:49 Elle sentait qu'il y avait quelque chose,
01:10:52 et elle voulait pas qu'il quitte l'appartement,
01:10:55 mais le matin, il est parti,
01:10:57 et elle sentait vraiment qu'il y avait quelque chose
01:11:00 qui allait se passer.
01:11:02 -On va revoir ce fameux jour de l'arrestation
01:11:05 à travers un autre extrait du documentaire.
01:11:08 -Sur les 35 partisans repérés pendant la filature,
01:11:13 seuls 5 échappent aux arrestations.
01:11:15 Au total, 68 personnes sont arrêtées.
01:11:19 C'est l'ensemble du réseau FTP-MOI de la région parisienne
01:11:22 qui est démantelé.
01:11:24 Tous les membres des FTP-MOI interpellés
01:11:26 entre la fin octobre et la mi-novembre 1943
01:11:30 sont interrogés dans les locaux des brigades spéciales
01:11:33 de la préfecture.
01:11:34 -Il y a une question qui taraude beaucoup d'historiens,
01:11:38 aujourd'hui encore, hommes et femmes qui écrivent,
01:11:41 qui s'intéressent à cette histoire,
01:11:44 c'est qui a dénoncé...
01:11:46 Qui a trahi Manouchian ?
01:11:48 Il y a une piste qui est évoquée,
01:11:50 celle qui est évoquée un peu partout,
01:11:52 qui est Davinovitch, dans ce film que nous avons vu.
01:11:55 Qui a trahi Manouchian ?
01:11:57 On a une réponse, aujourd'hui ?
01:11:59 -La question est claire. Les historiens sont d'accord
01:12:02 sur la façon... On ne comprend rien à l'arrestation
01:12:06 si on ne sait pas qu'il y a trois filatures
01:12:09 qui s'enchaînent de janvier à novembre 1943.
01:12:13 Trois filatures.
01:12:15 Au fur et à mesure, menées par la brigade spéciale numéro 2
01:12:18 des renseignements généraux,
01:12:20 la police parisienne, française, donc,
01:12:23 et qui, tous les trois ou quatre mois,
01:12:25 hop, on arrête une bonne partie des personnes
01:12:28 qu'on avait repérées, mais on en laisse toujours
01:12:31 passer dans les mailles du filet,
01:12:33 au travers des mailles du filet,
01:12:35 on laisse passer deux, trois résistants
01:12:38 qui, bien entendu, ne savent pas qu'on a fait exprès
01:12:41 de les laisser partir, mais qui passent comme ça,
01:12:44 et ce sont des gens qu'on va reprendre après
01:12:46 et on tire les fils jusqu'au moment où arrive
01:12:49 la fin de la troisième filature et la chute.
01:12:52 Il faut comprendre que le 16 novembre,
01:12:54 là, ça s'est accéléré, sans doute parce que les Allemands
01:12:58 ont modérément apprécié l'exécution de Ritter,
01:13:01 dont on doit vraiment mesurer l'importance,
01:13:03 parce que tous les Français étaient traumatisés
01:13:06 par le service du travail obligatoire.
01:13:09 On déportait leurs gamins,
01:13:10 nés en 21, 22, 23, on les envoyait en Allemagne,
01:13:13 on remplaçait les Allemands qui étaient envoyés
01:13:16 sur le front russe, et là, on leur dit,
01:13:20 "mais oui, il y a le patron du STO en France
01:13:24 "qui a été exécuté par un groupe de résistants."
01:13:27 J'imagine, ça a dû être...
01:13:29 Chapeau, quand même, bravo.
01:13:31 Ce que je veux dire, simplement,
01:13:33 c'est que là, dans les 15 derniers jours,
01:13:35 il y a eu plusieurs arrestations.
01:13:38 Ils étaient tous déjà repérés, tous filés.
01:13:40 Malheureusement, on avait aussi leur planque,
01:13:43 ce qui rendait la situation beaucoup plus compliquée
01:13:46 pour eux et beaucoup plus facile pour les policiers.
01:13:49 Et donc, Davidovich, lui, est arrêté le 26 octobre.
01:13:52 C'est celui qui a énormément parlé,
01:13:56 et qui allait bien au-delà de ce qu'on lui demandait.
01:14:00 -C'est ce qu'il nous dit.
01:14:01 -C'est le commissaire politique dans le triangle de direction.
01:14:05 Alors... -Alors, Olivier Holbal,
01:14:08 Olivier Holbal, désigné comme un de ceux
01:14:10 qui auraient trahi par Méliné Manouchian.
01:14:13 -Là, c'était un problème, on pourra en reparler,
01:14:16 mais c'est un problème qui est, à mon avis,
01:14:19 lié tout simplement au fait qu'Holban a été remplacé
01:14:22 par Manouchian, qui a eu donc un désaccord sur la tactique,
01:14:27 et après, ça s'est emmêlé comme ça.
01:14:29 -Il y a la lettre de Missak, déjà,
01:14:32 mais il y a aussi une autre lettre d'un certain Thomasina,
01:14:36 qui est reprise, c'est Méliné qui reprend la lettre,
01:14:39 où le Thomasina en question était dans la même cellule
01:14:42 que Manouchian à Fresnes,
01:14:45 et il désigne, enfin, il insiste sur le commissaire politique,
01:14:50 mais le certain Roger, d'Hillbank,
01:14:52 il aurait forcé l'autre à donner les noms,
01:14:57 les adresses, ce qui ne se faisait pas du tout,
01:14:59 et Manouchian ne voulait pas travailler
01:15:04 avec David de Vich,
01:15:06 mais l'autre aurait insisté pour qu'il travaille.
01:15:09 Disons, cette lettre, on n'en parle pas beaucoup, mais...
01:15:12 -Méliné Manouchian met aussi en cause le Parti communiste.
01:15:18 -Mais ça tient pas, tout ça. -Ca tient pas.
01:15:21 Quand Missak Manouchian est arrêté,
01:15:24 il est arrêté avec Joseph Epstein.
01:15:27 Joseph Epstein, c'est véritablement la clé
01:15:29 pour le triangle de direction de toute la résistance communiste
01:15:34 sur le pays entier, Duclos, Frachon et Charles Tillon.
01:15:37 Si jamais le Parti communiste avait livré Manouchian,
01:15:41 ils se livraient eux-mêmes.
01:15:43 Ca aurait été un suicide, ça tient pas.
01:15:46 Et dans la lettre de Missak,
01:15:48 il pardonna tous, sauf à ceux qui nous ont trahis...
01:15:53 -Et à ceux qui nous ont vus. -Ceux qui nous ont trahis.
01:15:56 -C'est David de Vich. -Ceux qui nous ont vendus.
01:15:58 -Ceux qui nous ont vendus, c'est d'évidence
01:16:01 le régime de Vichy, la collaboration,
01:16:04 les Français qui l'ont arrêté, qui l'ont filé.
01:16:07 Sinon, il aurait dit qu'il y avait une troisième personne
01:16:10 ou une troisième entité à qui il ne pardonnait pas.
01:16:13 -Avant même d'aller dans les archives,
01:16:16 il faut réfléchir.
01:16:17 Si ceux qui les ont vendus,
01:16:19 l'expression habituelle pour désigner les collabos,
01:16:22 soyons clairs,
01:16:23 mais si ceux qui les ont vendus,
01:16:25 c'est Holban, c'est le PC, c'est je ne sais quoi,
01:16:28 mais dans ces cas-là, comme il a dit avant,
01:16:31 qu'il pardonnait à tout le monde,
01:16:33 ça veut dire qu'il pardonne à Vichy,
01:16:35 à la police parisienne ? C'est absurde.
01:16:37 Rien qu'en partant de sa lettre, il y a quelque chose qui va pas.
01:16:41 Je sais pas ce qu'il y avait derrière.
01:16:43 J'ai bien vu la lettre de Massime.
01:16:45 Il y a quelque chose qui vient,
01:16:47 et d'autant plus qu'Holban n'était pas en responsabilité.
01:16:51 Holban a été, justement, envoyé dans le Nord
01:16:55 parce qu'il n'était pas d'accord
01:16:57 avec la tactique militaire résistante, la stratégie,
01:17:01 et il est remplacé par Manouchian, point.
01:17:04 Mais quand se font les arrestations,
01:17:07 il n'est pas là.
01:17:09 Il va revenir après.
01:17:10 C'est lui, d'ailleurs, qui va exécuter les Davidovichs.
01:17:14 -On en a dit un mot au tout début de cette émission.
01:17:17 Méliné, quant à elle, échappera à l'arrestation
01:17:20 en se réfugiant chez la mère de Charles Aznavour.
01:17:23 -Exactement. -Qu'elle y recevra la vie.
01:17:25 -Oui, tout à fait.
01:17:27 Déjà, elle avait une petite planque rue de Louvois
01:17:31 sur le même palier que l'oncle, un séropé papassion,
01:17:35 qui était l'oncle de la maman de Charles Aznavour.
01:17:38 Là, elle y entreposait de la littérature clandestine,
01:17:42 les activités, les comptes rendus.
01:17:44 Et donc, quand il y a eu l'arrestation
01:17:46 de Misak Manouchian,
01:17:48 ils sont allés à la rue des Plantes,
01:17:50 mais aussi à la rue de Louvois.
01:17:52 Donc...
01:17:53 -Rue de Plaisance, hein. -Oui, pardon.
01:17:55 Tout à fait, oui. -Vous avez raison,
01:17:57 il était avant rue des Plantes. -Oui, oui.
01:18:00 -C'était son domicile, bien qu'il n'était pas clandestin.
01:18:03 -Exact. -Mais en 41, ils sont allés...
01:18:05 -Ils ont déménagé, oui. -Rue de Louvois,
01:18:07 c'est un truc très intéressant, ça,
01:18:10 parce qu'on se dit, quand on lit le PV d'interrogatoire
01:18:13 de Manouchian, assez rapidement, il dit,
01:18:15 "Ma compagne, qui ne sait rien, en l'occurrence,
01:18:18 "habite rue de Louvois."
01:18:20 Donc, on se dit, il balance la rue de Louvois,
01:18:22 mais c'est plus intéressant, il n'y a personne à l'arrivée.
01:18:26 Ca veut dire qu'il y avait eu avant un accord
01:18:28 entre elle et lui, manifestement, je ne sais pas à quelle heure
01:18:32 il devait rentrer, donner des informations,
01:18:34 elles ne viennent pas, et elle,
01:18:36 alors que normalement, elle aurait dû rester rue de Louvois,
01:18:40 elle est exfiltrée et elle va chez les Assez-Navourriens.
01:18:43 C'est fondamental, parce que ça montre bien
01:18:45 que quand on lit les lettres, les PV d'interrogatoire,
01:18:51 il faut bien décortiquer pour comprendre exactement
01:18:55 ce qu'ils balancent ou ce qu'ils ne balancent pas.
01:18:58 On a l'impression qu'ils balancent sa compagne,
01:19:01 ce serait un peu lourd, alors qu'en fait, pas du tout.
01:19:04 C'était de commun accord.
01:19:06 En plus, ce qui est très intéressant,
01:19:08 c'est qu'ils étaient à la rue de Louvois
01:19:10 et qu'ils étaient aussi rue de plaisance.
01:19:14 Ca veut dire qu'en raison des contraintes
01:19:17 de la clandestinité, ils avaient prévu
01:19:19 qu'elle soit rue de Louvois pour ne pas qu'il y ait
01:19:22 deux militants arrêtés, suivis, planqués, tous les deux.
01:19:26 -Ensuite viendra le procès pour 23 d'entre eux,
01:19:29 une femme, 22 hommes.
01:19:31 L'exécution, 21 février 1944.
01:19:35 Et juste avant cette exécution,
01:19:39 Misak Manouchian envoie une lettre à sa femme, extrait.
01:19:44 -"Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
01:19:47 "dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde.
01:19:50 "On va être fusillés cet après-midi à 15h.
01:19:53 "Cela m'arrive comme un accident dans ma vie,
01:19:56 "je n'y crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais.
01:20:00 "Je suis sûr que le peuple français
01:20:02 "et tous les combattants de la liberté
01:20:05 "seront honorés notre mémoire dignement."
01:20:08 -On a honoré la mémoire de ces combattants.
01:20:11 C'est pas seulement Misak Manouchian qu'on a panthéonisé.
01:20:15 C'est l'affiche rouge qu'on a panthéonisé.
01:20:18 C'est tous ceux qui ont résisté au sein de FTP-Moi.
01:20:22 C'est ça, le symbole de cette panthéonisation, aujourd'hui.
01:20:25 -Bien sûr, Misak est rentré au Panthéon,
01:20:29 accompagné de Méviné
01:20:31 et avec tous les condamnés du procès de février 1944,
01:20:37 et aussi Joseph Epstein, qui n'est pas condamné,
01:20:40 mais qui va être condamné deux mois plus tard et fusillé.
01:20:43 Donc, il y a tous ceux-là qui rentrent.
01:20:46 Et en même temps, il y a eu tout un travail
01:20:48 qui a été fait sous la direction de Denis Péchanski
01:20:52 pour voir un petit peu, au Mont-Valérien,
01:20:55 s'il n'y avait pas d'autres étrangers
01:20:57 qui méritaient d'être distingués.
01:20:59 Les historiens se sont aperçus
01:21:01 qu'une centaine d'étrangers morts pour la France,
01:21:04 fusillés au Mont-Valérien,
01:21:06 n'étaient pas élevés à la dignité de morts pour la France.
01:21:10 Donc, ça a été fait en même temps que la panthéonisation.
01:21:13 Donc, c'est véritablement Missak Manouchian
01:21:16 qui rentre avec l'ensemble des étrangers,
01:21:19 des immigrés qui se sont battus pour la liberté de ce pays,
01:21:23 contre l'armée nazie et contre les gens de Vichy.
01:21:27 -Missak Manouchian était reconnu mort pour la France,
01:21:30 c'est la formule. En 1971, il a fallu...
01:21:33 Attends, on aurait énormément de temps.
01:21:35 -C'est terrible. -À l'occasion
01:21:37 de la demande de panthéonisation,
01:21:39 j'étais dans le comité de soutien dirigé par Jean-Pierre Saccoun,
01:21:44 de l'unité laïque, et on se retrouve,
01:21:47 et puis, petite anecdote, à l'issue de la première rencontre
01:21:51 à l'Elysée avec les conseillers,
01:21:53 Bruno Roger-Petit me dit, "Si vous pouviez me trouver..."
01:21:56 -Les conseillers auprès du président.
01:21:59 -Tout à fait, auprès du président.
01:22:01 Ca s'était très bien passé, on voyait bien que c'était réglé.
01:22:05 30 mars 2022, il me dit, "Si vous pouvez me trouver
01:22:08 "des anciens qu'on pourrait encore décorer,
01:22:11 "Légion d'honneur."
01:22:12 Je lui dis, 80 ans après, ça va être compliqué.
01:22:15 Je cherche, un premier coup de fil,
01:22:17 deuxième coup de fil, troisième coup de fil.
01:22:20 "Tu sais, Denis, le problème, c'est pas ça, pour nous,
01:22:23 "c'est la reconnaissance mort pour la France."
01:22:25 Et là, je tombe de l'armoire, littéralement.
01:22:28 Pourquoi ? Parce que je m'aperçois
01:22:30 que plein d'étrangers n'ont pas été reconnus
01:22:33 morts pour la France, parce que c'est une décision
01:22:36 qui a été prise, une loi qui a été promulguée en 1915,
01:22:39 et que Première Guerre mondiale, armée contre armée régulière,
01:22:43 pas de problème. Deuxième Guerre mondiale,
01:22:45 c'est des armées irrégulières, et puis plein d'étrangers.
01:22:49 Et donc, après, l'administration,
01:22:52 elle godille, elle donne à certains,
01:22:54 pas d'autres, Einstein l'a eu tout de suite,
01:22:57 Manouchian, il rentre dans la mémoire collective
01:22:59 à la fin des années 50,
01:23:01 et il est reconnu mort pour la France en 71,
01:23:04 comme vous l'avez noté.
01:23:05 Enfin, c'est de la folie.
01:23:07 Ce qui fait qu'il y a un vrai tournant mémoriel
01:23:10 qui s'est opéré à l'annonce de la panthéonisation,
01:23:13 parce qu'il y a eu aussi cette reconnaissance
01:23:16 des morts pour la France, qui continue,
01:23:18 parce que c'est un énorme travail à faire.
01:23:20 Et...
01:23:21 Il faut...
01:23:23 Il faut bien mesurer que,
01:23:25 puisque vous avez vu le...
01:23:27 les images de la panthéonisation,
01:23:31 il y a quand même,
01:23:32 à côté du caveau 13,
01:23:34 vous avez vu,
01:23:35 il y a la liste des noms de tous les 23,
01:23:39 plus d'Einstein.
01:23:40 Ce qui veut dire que, non seulement,
01:23:43 ils sont honorés symboliquement par l'entrée de Manouchian,
01:23:47 mais ils sont honorés,
01:23:48 inscrits au coeur même du panthéon.
01:23:51 Tous les visiteurs vont voir les noms de ces combattants.
01:23:54 Et ça, c'est fondamental
01:23:57 pour comprendre que...
01:24:00 Oui, c'est quand même la première fois
01:24:02 qu'un résistant étranger entre au panthéon.
01:24:05 Ce sera le mot de la fin. -Oui.
01:24:09 Dans la dernière lettre de M. Manouchian,
01:24:11 juste avant de signer, il signe "Michel".
01:24:14 Il y a un petit mot qui est gribouillé.
01:24:16 J'ai demandé à Katia Giragosian, la petite nièce de Méliné,
01:24:19 "C'est quoi, ça ?" Elle me dit "C'est Jadnik".
01:24:22 Je dis "C'est quoi ?" Elle me dit "C'est un mot arménien,
01:24:25 "ça veut dire 'Ton chéri'".
01:24:26 Il faut savoir que la dernière lettre
01:24:29 est obligatoirement écrite en français.
01:24:31 Jusqu'au bout, il résiste.
01:24:32 Et juste avant de signer, puis de mourir et tout,
01:24:36 son dernier mot écrit, c'est un mot arménien.
01:24:38 Ca symbolise vraiment le personnage.
01:24:40 -Ca vous fait sourire. -Oui, effectivement.
01:24:43 C'est un nom très courant, Jadnik,
01:24:45 qui est très courant, qui est usité par les Arméniens.
01:24:48 C'est un petit mot très tendre et affectueux.
01:24:51 -Ca sera la fin de cette émission.
01:24:53 Un grand merci à tous les trois d'avoir évoqué,
01:24:55 à l'occasion de ce débat,
01:24:57 la panthéonisation de Missak Manouchian
01:25:01 et de l'affiche rouge,
01:25:03 qui est avec lui rentrée dans ce montant de mots,
01:25:06 cette fameuse affiche rouge,
01:25:08 objet de propagande nazie, rappelons-le,
01:25:10 ce n'était pas de la propagande issue de la Résistance,
01:25:14 cette affiche rouge.
01:25:15 On a commencé par là, tout à l'heure, Denis Péchanski.
01:25:18 Merci encore. Vos réactions, ce sera sur #DébatDoc.
01:25:21 Merci à Selma Sally, Sarah Udlin,
01:25:23 qui m'a aidée, comme elle a coutumé,
01:25:26 à préparer cette émission.
01:25:27 Rendez-vous pour un prochain "DébatDoc",
01:25:30 avec son documentaire et son débat.
01:25:32 A très bientôt.
01:25:33 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:25:35 Générique
01:25:37 ...