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Julien Quéré (Salarié agricole dans une exploitation de pommes en Corrèze) s'exprime sur la colère et les revendications des agriculteurs

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Transcription
00:00 On est avec Julien Quierre, producteur de Pommes.
00:02 Alors vous, ce qui est intéressant, c'est que vous n'êtes pas syndiqué et vous avez 22 ans.
00:06 Vous êtes très jeune, justement.
00:07 Comment est-ce que d'abord vous percevez ces tensions très fortes à ce salon ?
00:11 Forcément, c'était attendu, c'était obligé.
00:13 Il y a tellement de misère, on crème sur le terrain et dans nos campagnes.
00:17 Le président était attendu au tournant.
00:18 Voilà, c'était obligé.
00:20 De toute façon, il fallait qu'il fasse par là.
00:22 Est-ce que vous comprenez sa volonté, malgré tout, après le débat de ce matin,
00:26 d'aller en plus faire une déambulation cet après-midi où ça vous paraît incongru et bizarre de sa part ?
00:31 C'est lui qui juge, c'est sa décision.
00:33 Après, est-ce que c'est judicieux ? Je ne sais pas.
00:35 Il y a tellement de mouvements et de colères qui sont présents dans nos campagnes.
00:41 Est-ce qu'il faut passer par là en même temps pour s'exprimer ?
00:44 C'est peut-être nécessaire, malheureusement. C'est même sûr.
00:46 Vous, vous avez 22 ans, vous êtes très jeune.
00:47 Vous faites partie, justement, de cette nouvelle génération dont a parlé le président
00:51 et également aussi tous ces agriculteurs qui se sont mobilisés.
00:54 Il y a ce droit à l'erreur, ce droit aux agriculteurs, aux jeunes agriculteurs de s'installer.
00:59 Ce qui a été proposé par le président, c'est quand même une avancée importante.
01:02 Tout à l'heure, il parlait des prix planchers au niveau européen.
01:05 C'est quand même une avancée.
01:06 Oui, c'est sûr qu'il y a des choses qui sont faites.
01:08 Mais je pense que le président ne se rend pas compte de ce qui se joue dans nos campagnes.
01:12 Nous, on n'a pas encore démarré notre vie d'agriculteur, vraiment.
01:15 Et pourtant, on crève déjà sur le terrain.
01:17 Moi, si je veux reprendre l'exploitation, il me faut plus d'un million d'euros pour reprendre.
01:20 C'est des sommes absolument gigantesques.
01:22 Un million d'euros pour faire quoi ? Pour faire des travaux ?
01:25 Moi, actuellement, je suis producteur de pommes.
01:27 Et pour reprendre l'exploitation, pour acheter l'eau foncière, les plantations, les bâtiments et le matériel,
01:31 voilà, c'est des sommes astronomiques.
01:34 Je n'ai même pas commencé à travailler que je vais devoir vivre sur le salaire de ma compagne pendant 10 ans, 15 ans,
01:38 sans au moins me pouvoir verser de salaire.
01:40 Je ne demande pas de partir trois semaines en vacances, juste vivre et survivre.
01:44 Et ça, malheureusement, ce n'est pas possible encore de nos jours.
01:46 Ça ne vous a pas découragé de vous lancer ?
01:49 Et comment est-ce qu'on vit au quotidien quand on a cette angoisse de ne pas survivre financièrement ?
01:53 Vous savez, c'est un métier de passion, franchement.
01:56 C'est quelque chose qu'on a à l'intérieur de nous au plus profond.
01:58 Donc oui, forcément, il y a des questions.
02:01 Et c'est pour ça que j'essaie d'intervenir dans les médias pour faire parler les jeunes,
02:04 parce que nombre d'entre nous sont présents dans la rue,
02:08 mais trop peu sont encore présents dans les télévisions.
02:11 Donc j'essaie de porter et de soutenir tous ceux qui s'installent pour le moment.
02:15 Le président est en train de déambuler actuellement dans les différentes allées du salon.
02:19 C'est une bonne chose quand même.
02:21 Il a tenu justement à aller, à continuer d'aller à la rencontre de ces agriculteurs,
02:24 malgré les tensions extrêmes depuis ce matin, il faut le dire.
02:27 Est-ce que c'est une bonne chose quand même ?
02:29 À quel prix ? À quel prix est-ce une bonne chose ?
02:31 Hier, j'ai été invité au débat qui aurait dû avoir lieu ce matin,
02:34 qui a finalement été annulé hier soir, pour être invité, mais bloqué par la sécurité.
02:39 Ça a été fait trop rapidement.
02:40 Ce sont des choses qui ne sont pas forcément réfléchies.
02:43 Il y a eu quand même pas mal d'erreurs de commise.
02:46 Faire le tour, oui. À quel prix ?
02:48 Est-il prêt à recevoir les huées, les sifflets des manifestants
02:53 et des colères qui se déroulent aujourd'hui dans notre campagne ?
02:55 – Vous avez fait d'autres salons avant, j'imagine.
02:58 Celui-ci, pour nous, il est vraiment différent.
03:00 On n'a jamais vu un tel niveau d'insultes, de colères, d'angoisse et de violence
03:06 à l'encontre du président.
03:08 Est-ce que vous sentez vraiment que c'est un salon à part, vous aussi ?
03:11 – Oui, bien sûr. Nous, on ne fait pas de grève assez régulièrement.
03:15 Quand on la fait, ça reste assez rare.
03:17 Et c'est parce qu'il y a des choses qui se déroulent.
03:20 Je vous dis, on meurt dans nos campagnes.
03:22 Et ça, ce n'est pas normal, aujourd'hui, de ne pas vivre de son travail.
03:24 Vous avez la chance d'en vivre.
03:26 C'est comme si à la fin de la journée, vous finissiez à moins de 10 euros chaque jour.
03:29 Mais oui, à la fin de l'année, on n'arrive pas à en vivre.
03:31 Et c'est ça qui est le plus dommage.
03:32 – Alors, pour parler concrètement, vous l'avez dit,
03:34 vous avez besoin d'un million d'euros.
03:36 Vous êtes allé voir les banques, vous leur avez demandé,
03:38 elles vous ont refusé votre crédit. Comment ça se passe ?
03:41 Comment concrètement, vous, tentez d'ouvrir votre exploitation ?
03:44 – Concrètement, les banques arrivent aujourd'hui à prêter.
03:48 Mais comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, à quel prix ?
03:51 Moi, faire un prêt, oui.
03:52 Mais ne pas vivre de mon travail pendant plusieurs dizaines d'années,
03:56 est-ce que c'est judicieux ?
03:57 C'est pour ça que j'ai monté, d'ailleurs, cette cagnotte
03:59 pour essayer de sensibiliser les Français à la reprise d'une exploitation.
04:02 Parce que trop peu ne se rendent pas compte des enjeux qui sont présents
04:05 et du prix que ça peut coûter, malheureusement.

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