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Le sondage Ifop révélé par «Libération» montre une baisse d’appétit sexuel en France, mais celle-ci révèle-t-elle une lassitude pour le plaisir de la chair ou simplement une évolution de notre regard sur l’intimité ?

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00:00:00 Plus ça avance, plus je réfléchis vraiment à la notion de qu'est-ce que le sexe,
00:00:04 qu'est-ce que le désir et qu'est-ce que l'échange intime.
00:00:06 Les français font de moins en moins l'amour.
00:00:08 C'est le résultat d'une étude IFOP qu'on a publiée à Libération.
00:00:11 Il explique qu'en fait les années 80-90, voire jusqu'aux années 2000,
00:00:14 étaient en réalité une époque d'hypersexualisation.
00:00:17 C'était vraiment le "je baisse donc je suis".
00:00:19 Alors avec Anna Mangeau, militante asexuelle.
00:00:21 Je ne ressens aucune attirance sexuelle en aucune circonstance.
00:00:24 Et auteur de ce livre.
00:00:25 C'est le livre asexuel d'Anna Mangeau.
00:00:27 Et Kim Hulot-Guillot, chef adjointe du service mode de vie.
00:00:30 Franchement, le nombre de femmes qui ont joué pour la première fois avec un sextoy.
00:00:33 On s'est posé autour d'une table et on s'est demandé
00:00:35 c'est quoi faire l'amour, c'est quoi le plaisir, c'est quoi le désir, à quoi ça ressemble,
00:00:38 est-ce que c'est normal ou pas ?
00:00:39 Si les français font moins l'amour.
00:00:41 Est-ce que c'est si grave que ça ?
00:00:43 Je préfère quatre fois, encore une fois, passer toute une soirée à faire des câlins
00:00:47 plutôt que de coucher ensemble 15 minutes pour avoir un orgasme.
00:00:50 Le taux d'activité sexuelle en France n'a jamais été aussi bas depuis les années 1970.
00:00:57 Comment est-ce que vous avez reçu cette nouvelle ?
00:01:01 Donc toi Kim, quand t'as reçu le dossier, toi quand tu l'as lu,
00:01:04 est-ce que ça vous a étonné ? Kim, pour commencer.
00:01:05 Oui, alors déjà pour préciser, quand on parle du taux d'activité sexuelle,
00:01:08 on parle à la fois de la fréquence et aussi de la...
00:01:13 Enfin, on va dire qu'en fait, il y a de plus en plus de gens
00:01:16 qui n'ont pas fait l'amour du tout l'année précédente,
00:01:19 mais ceux aussi qui le font, le font moins souvent.
00:01:21 Donc il y a quand même ces deux dimensions-là.
00:01:23 Oui, a priori, ça paraît hyper étonnant.
00:01:25 On n'a quasiment jamais eu autant de possibilités de refaire des rencontres,
00:01:30 aussi bien, comme on l'écrit dans le dossier,
00:01:32 aussi bien par les appli que par le fait que pour les jeunes,
00:01:35 la pilule, la capote sont gratuites jusqu'à 25 ans,
00:01:39 que l'accès à l'IVG est quand même pas trop mauvais,
00:01:43 et qu'il y a, à part dans les milieux très traditionnels,
00:01:45 assez peu de stigmates sur l'idée de coucher avant le mariage, etc.
00:01:49 Ou en dehors d'une relation.
00:01:50 Après, là où ce n'est pas très étonnant en réalité,
00:01:53 c'est que cette baisse de la quantité se fait donc au profit de la qualité.
00:01:56 Or, la question qu'on peut se poser,
00:01:57 c'est que dans toutes ces périodes où on a beaucoup fait l'amour,
00:02:01 où ça a été quelque chose presque d'identitaire,
00:02:04 c'est ce qu'explique François Croce, le responsable du département
00:02:09 qui s'occupe des questions de sexualité à l'IFOP.
00:02:14 Il explique qu'en fait, les années 80-90, voire jusqu'aux années 2000,
00:02:17 étaient en réalité une époque d'hyper sexualisation.
00:02:21 C'était vraiment le "je baisse donc je suis".
00:02:23 Donc, il y a un truc contre-cyclique historique assez classique.
00:02:28 Ce qu'une génération fait à l'excès,
00:02:30 ou en tout cas beaucoup, la génération suivante généralement le fait moins.
00:02:34 Et par ailleurs, je reviens sur cette histoire de qualité et de quantité,
00:02:37 en fait, quand il y a une injonction à baiser autant que possible,
00:02:42 à la moindre occasion, etc.,
00:02:43 en fait, la question qu'on peut se poser,
00:02:45 c'est en fait, elle se fait au profit de qui, cette sexualité ?
00:02:48 Souvent, dans la conception un peu classique de "tu commences,
00:02:52 tu fais deux-trois trucs, le mec éjacule, c'est fini",
00:02:54 je parle des rapports hétérosexuels,
00:02:56 je peux comprendre qu'il y a plein de femmes
00:02:58 qui se soient un petit peu désengagées de cette sexualité-là,
00:03:03 sachant qu'en plus, à chaque fois que tu fais un rencard, une rencontre, etc.,
00:03:06 tu as une grosse charge de séduction,
00:03:08 il faut se préparer, il faut s'épiler, etc.,
00:03:10 se maquiller, tout ça, en plus,
00:03:12 pour rencontrer quelqu'un qu'on ne connaît pas nécessairement,
00:03:15 qui peut éventuellement nous mettre en danger.
00:03:18 Et comme, en parallèle, il y a une grosse augmentation,
00:03:23 on a beaucoup parlé de sex-toy récemment dans les médias ces dernières années,
00:03:27 je pense qu'il y a une redécouverte aussi du plaisir
00:03:30 pour certaines femmes qui se rendent compte qu'en fait,
00:03:32 toutes seules avec leur womanizer,
00:03:34 pour ne pas citer de marques, mais bon, c'est quand même le plus connu,
00:03:36 et bien, en fait, c'est moins d'efforts et c'est plus de plaisir.
00:03:40 Donc non, en fait, ce n'est pas si étonnant.
00:03:42 - Toi, Anna, est-ce que toi, ça t'a étonnée, ces données-là ?
00:03:49 - À la fois oui et non.
00:03:51 Ça m'a étonnée, ça ne m'a pas étonnée,
00:03:53 parce qu'en tant que personne asexuelle qui en parle publiquement sur mes réseaux,
00:03:57 j'ai énormément échangé quotidiennement avec des gens comme moi,
00:04:01 et en fait, parce que l'étude, en l'occurrence,
00:04:04 surtout je m'arrête sur un chiffre qui dit que ce serait 12% des Français
00:04:07 qui se revendiqueraient, se considèreraient comme étant asexuels,
00:04:12 en sachant que ces personnes, on leur a donné une définition de la sexualité.
00:04:16 Ce n'est pas juste qu'on leur a demandé s'ils couchaient ou pas,
00:04:18 mais ils ont eu vraiment la définition et ils ont dit "oui, je me reconnais là-dedans".
00:04:22 Et en fait, avant ces 12%, là, on avait un sondage qui datait,
00:04:26 je n'ai pas fait mes devoirs d'ailleurs, je n'ai pas vérifié les chiffres,
00:04:28 mais il me semble bien qu'il datait des années 2000,
00:04:30 qui avait été fait sur un panel de 100 personnes,
00:04:32 et tout était basé sur ce sondage-là,
00:04:36 qui disait que 1% de la population était asexuelle,
00:04:38 ne ressentait pas le besoin de faire l'amour comme une nécessité à son bonheur.
00:04:43 Et on passe de ces 1% qu'on nous rabâchait sans cesse, à 12%,
00:04:48 qui pour moi, rien qu'en voyant mon entourage à partir du moment où ma parole s'est débloquée,
00:04:54 me semble hyper viable, et très raccord avec ce que je vis au quotidien.
00:04:59 Encore une fois, c'est toujours...
00:05:00 Tout est subjectif parce que notre réalité dépend des personnes dont on s'entoure,
00:05:04 et forcément, je vais m'entourer de personnes qui me ressemblent.
00:05:07 Donc ma réalité à moi, on est même à bien plus que 12%.
00:05:11 Ce que je sais maintenant, c'est que...
00:05:15 En fait, l'impact qu'a eu ma prise de parole,
00:05:17 donc moi, j'ai commencé à parler sur mes réseaux il y a 4 ans,
00:05:20 et l'impact qu'a eu ma prise de parole à ce moment-là,
00:05:22 elle était représentative de bien plus qu'1% de la société.
00:05:27 Et c'est en ça que les 12% ne m'ont pas tant étonnée,
00:05:29 on s'est juste tous dit "Ah ben enfin".
00:05:32 En fait, on a tous eu, je dis "tous",
00:05:34 je veux pas parler au nom de tous les asexuels,
00:05:36 mais en tout cas les personnes avec qui j'échange, et moi,
00:05:38 ce sentiment de "enfin, on a un droit d'exister, notre parole est légitime",
00:05:45 parce qu'on passe de quelque chose vraiment d'hors-norme,
00:05:48 d'un 1% minuscule, à un dixième de la société.
00:05:52 - Toi Kim, quand on parlait de ce chiffre,
00:05:55 tu m'en disais un peu plus sur comment est-ce que ce sondage a été fait ?
00:05:59 - Il n'est pas impossible du tout, me disait François Croce de l'IFOP,
00:06:02 qu'il y ait des personnes qui se soient déclarées comme asexuelles,
00:06:06 alors qu'en fait, c'est pas tellement une identité...
00:06:08 Après, il y a des identités qui sont transitoires,
00:06:10 qui sont juste un moment de ta vie,
00:06:12 mais qui ne sont pas des personnes qui sont toute leur vie asexuelles,
00:06:15 ça peut être aussi des personnes qui,
00:06:17 peut-être pendant deux ans de leur vie, six mois,
00:06:19 n'ont pas ressenti d'attirance sexuelle.
00:06:22 Après, ça peut être pour des raisons,
00:06:23 moi je veux pas pathologiser du tout, c'est pas ça,
00:06:25 mais je pense qu'il y a effectivement des gens qui ont connu le désir et l'attirance,
00:06:29 et qui peut-être pour des raisons qui sont les leurs,
00:06:33 ou qui peuvent être des raisons de fatigue, d'épuisement, de plein de trucs,
00:06:36 et qui se sont donc classées dans les asexuelles,
00:06:38 alors qu'en réalité, c'est un chiffre qu'il faut prendre avec un peu plus de pincettes.
00:06:41 - De toute façon, dès qu'on parle d'asexualité aujourd'hui,
00:06:44 on a un tel manque de chiffres et d'études que tout est à prendre avec des pincettes.
00:06:49 Donc nous, ces 12%, c'est vrai qu'aujourd'hui, on les célèbre en ayant bien en tête
00:06:53 parce qu'il y a quand même une zone de flou et de questionnement,
00:06:56 et que c'est pas 12%…
00:06:57 sachant qu'en plus, on ne parle que de "1911 personnes",
00:07:01 donc on va pas tout centrer sur ces 12%-là,
00:07:06 on en profite juste pour respirer un petit peu.
00:07:08 Mais après, effectivement, ce qui est chouette,
00:07:11 c'est que ça permet d'ouvrir la porte justement
00:07:13 à ce que d'autres personnes nous prennent au sérieux et s'y intéressent.
00:07:15 Et c'est vraiment ça qui est crucial.
00:07:17 - Ça, c'est peut-être un truc qui m'a marqué,
00:07:19 c'est que la sexualité est quand même présente dans le sondage,
00:07:22 quoi qu'il arrive.
00:07:23 Et ça montre une forme de…
00:07:25 à quel point on le prend en compte, c'est représenté.
00:07:28 Est-ce qu'il y a une importance de la représentation de ces sujets
00:07:32 pour expliquer cette statistique,
00:07:35 comme quoi les Français font moins l'amour ?
00:07:37 - Disons que moi, ma priorité, ce serait pas d'expliquer aux gens
00:07:40 pourquoi les Français font moins l'amour,
00:07:42 mais de m'adresser directement à ceux qui font moins l'amour
00:07:44 et qui se sentent en marge de la société.
00:07:46 Et cette représentation, elle est au-delà de nécessaire,
00:07:49 pour moi, vitale,
00:07:51 puisque j'en ai fait les frais de ce manque de représentation.
00:07:54 J'ai failli attenter à ma vie plusieurs fois
00:07:57 parce que j'ai évolué, j'ai grandi,
00:07:59 en me sentant complètement en marge,
00:08:01 en cherchant la source de ce qui faisait de moi
00:08:05 un humain mal fonctionnant ou dysfonctionnant,
00:08:08 dénué de tout désir et attirance dans une société
00:08:10 où tout le monde est censé en avoir,
00:08:12 et plus encore, c'est au cœur du marketing d'absolument tout.
00:08:15 Donc pour moi, cette représentation, elle est absolument vitale
00:08:18 parce qu'à partir du moment où on a un mot,
00:08:20 ça cristallise ce que l'on est, ça le rend légitime,
00:08:23 ça donne un droit à vivre,
00:08:24 et on accède à des ressources, des communautés,
00:08:27 d'autres témoignages,
00:08:28 et plein de choses qui nous permettent d'être plus heureux.
00:08:31 - C'est sûr que plus il y a une représentation variée,
00:08:34 plus c'est...
00:08:36 Comment dire ?
00:08:37 Plus simplement, quand on explique des trucs aux gens,
00:08:40 ils connaissent quelqu'un, ils voient, voilà.
00:08:43 Évidemment que la représentation, c'est hyper important
00:08:45 parce qu'en fait, oui,
00:08:46 tous les types de sexualité existent dans la société,
00:08:49 c'est ton voisin, c'est toi, c'est moi, c'est n'importe qui.
00:08:52 Par contre, après, la question de l'asexualité,
00:08:54 elle n'est pas...
00:08:56 En fait, je ne pense pas qu'elle soit complètement centrale
00:08:58 dans pourquoi les Français font moins l'amour.
00:09:00 Je pense qu'il y a beaucoup d'autres...
00:09:02 Alors, de toute façon, les personnes qui sont asexuelles,
00:09:05 elles ne faisaient déjà pas l'amour avant.
00:09:07 Moi, ce qui m'intéresse, c'est les gens qui le font moins maintenant aussi.
00:09:10 Enfin, en tout cas, elles le faisaient peut-être de façon forcée,
00:09:11 et tant mieux que du coup, elles se sentent représentées
00:09:13 et qu'elles n'aient pas à subir ces violences-là,
00:09:15 parce que c'est extrêmement violent de s'imposer, j'imagine,
00:09:17 un rapport sexuel dont tu n'as pas envie.
00:09:20 Mais non, après, il y a aussi beaucoup d'autres choses,
00:09:23 je pense, qui expliquent que les Français fassent moins l'amour.
00:09:25 Et je pense qu'on va revenir sur cette idée de partage du plaisir
00:09:28 et aussi d'influence du féminisme,
00:09:32 qui fait que, par exemple, les femmes, maintenant,
00:09:36 elles n'ont plus besoin de leur mari pour ouvrir un compte en banque.
00:09:40 Bon, ça, ça fait depuis les années 70,
00:09:41 mais elles sont beaucoup moins dépendantes financièrement de leur mari,
00:09:44 elles sont beaucoup plus au fond de leur compagnon, etc.
00:09:46 Elles ont une indépendance économique
00:09:49 qui fait que, du coup, elles n'ont plus à s'imposer.
00:09:51 Il n'y a plus ce deal-là de "OK, je paie le loyer,
00:09:55 mais bon, quand même, il faut qu'on baisse deux fois par semaine".
00:09:59 Donc déjà, il y a ça en moins.
00:10:01 Il y a aussi le fait que, forcément,
00:10:03 les femmes qui parlent plus de leur plaisir, qui le prennent plus en main,
00:10:07 ça crée aussi des dialogues différents avec leurs mecs et leurs compagnes.
00:10:12 Mais bon, la question des lesbiennes est un peu différente,
00:10:13 parce que, même s'il n'y a pas vraiment d'études qui le détaillent scientifiquement,
00:10:17 ce que me disait, encore une fois, François Croce de l'IFOP,
00:10:20 c'est que dans toutes les études,
00:10:22 ça revient qu'en fait, le problème du plaisir féminin,
00:10:25 il ne se pose pas tellement chez les lesbiennes.
00:10:27 Il se pose beaucoup plus dans les relations hétérosexuelles.
00:10:30 Donc oui, je pense que la question de la représentation de la sexualité,
00:10:36 ça me paraît être plutôt mineur, en fait, pour expliquer...
00:10:40 - En fait, ce que j'ai l'impression que ça marque,
00:10:41 c'est qu'il y a cette représentation de la sexualité,
00:10:43 mais pour moi, c'est plus aussi une question globale, entre guillemets,
00:10:45 de la représentation des questionnements qu'on a sur la sexualité de manière générale.
00:10:49 Je prends par exemple une expérience personnelle, en tant que jeune adulte,
00:10:51 je me suis posé des questions sur mon rapport à la sexualité,
00:10:55 mais si je me suis posé ces questions, c'est parce qu'avant,
00:10:57 j'ai été exposé à ce genre de trucs.
00:10:59 Et c'est ça qui m'a amené à ça.
00:11:02 Et donc, du coup, ça joue aussi sur le fait, par ailleurs,
00:11:05 que peut-être les jeunes, en particulier, font moins l'amour.
00:11:10 C'est une des données qui est dans l'étude, non ?
00:11:13 - Les 18-24 ans, ils font moins l'amour.
00:11:18 Mais parce que justement, il y a un double truc,
00:11:20 c'est que, comme on disait encore une fois,
00:11:22 je pense qu'on va vraiment beaucoup retomber là-dessus,
00:11:24 c'est une question de qualité contre la quantité.
00:11:27 Je pense qu'ils n'ont simplement pas été éduqués dans l'idée que...
00:11:31 Enfin, je ne sais pas, moi, ma génération, je suis née à la fin des années 80,
00:11:34 c'était Sex and the City, c'était hyper cool,
00:11:39 c'était célibataire,
00:11:42 il fallait montrer que tu étais une vraie femme en ayant une vie un peu débridée.
00:11:45 Je pense que ce stéréotype-là, il est peut-être moins existant, maintenant,
00:11:50 quoique je ne suis pas sûre, mais...
00:11:53 Non, en fait, ce n'est pas vrai ce que je dis,
00:11:55 parce qu'avec la libération des femmes,
00:11:59 il y a en réalité aussi une espèce de notion de quelle aussi elle doit être performante.
00:12:04 Je pense, comme elles sont censées être libres,
00:12:07 et bien du coup, je ne dis pas qu'elles doivent faire toujours que des actrices porno et tout,
00:12:11 mais voilà.
00:12:13 - Non, je pense que c'est trouver notre indépendance au travers de notre expression sexuelle.
00:12:17 - C'est exactement ça.
00:12:19 Voire prouver, dès que tu essaies de prouver un truc,
00:12:22 par définition, tu n'es pas dans la liberté.
00:12:25 Mais c'est bien que tu dises le mot injonction, parce que ça me permet de retomber sur mes pattes.
00:12:28 Je pense que c'est surtout des jeunes générations qui en ont ras-le-bol
00:12:33 qu'on leur fasse des injonctions sur ce qui se passe dans leur lit,
00:12:36 ou dans leur lit ou ailleurs, mais dans leur chambre à coucher en tout cas.
00:12:40 - De toute façon, le sujet est tellement vaste et il y a tellement de choses à dire,
00:12:45 mais parce que je pense que je fais partie justement de cette jeunesse,
00:12:48 j'ai 25 ans, donc je sors tout juste d'adolescence,
00:12:51 construction de ma vie et tout, je suis en couple,
00:12:55 et mon copain d'ailleurs a 10 ans de plus, donc on voit la différence entre nous deux.
00:13:00 Encore une fois, je peux parler de moi, mais comme je suis asexuelle,
00:13:03 souvent on ne me donne pas trop le droit à la parole là-dessus,
00:13:05 parce que je suis censée être celle qui ne couche pas et qui est hors sujet.
00:13:08 Mais j'ai beaucoup d'amis, on en parle, j'ai eu une sexualité avant,
00:13:12 même si elle était à moitié forcée, je baigne dedans quand même.
00:13:15 Et je ne me souviens plus ce que je voulais dire.
00:13:18 Mais c'est un peu le problème, c'est qu'en fait j'ai tendance à tergiverser quand je parle,
00:13:21 et du coup pour contextualiser, et après du coup je me perds en route.
00:13:25 - Non mais c'est vrai qu'en fait je pense qu'à force d'en parler tellement tout le temps,
00:13:29 peut-être que... Je suis pas sûre, ce que je te disais l'autre fois,
00:13:32 je suis pas sûre que dans les années 60-70, t'arrivais au café,
00:13:35 il y avait des gens que tu ne connaissais pas, tu te mettais à raconter ton dernier hangar et ta dernière baise.
00:13:39 Maintenant franchement, ça choque personne que les gens que tu ne connais pas,
00:13:42 tu leur racontes, enfin, plus ou moins quoi.
00:13:45 Mais ça fait un peu, voilà, tu fais un peu l'animation, etc.
00:13:48 Et en plus si t'es célibataire, c'est un peu ce qu'on attend de toi.
00:13:50 - Oui, non, et... Pardon.
00:13:53 - Et donc je pense qu'en fait, quand il y a trop de paroles, trop d'images, trop de tout,
00:13:56 en fait au bout d'un moment peut-être qu'il y a un côté un peu...
00:13:58 - Et en fait, non, et oui, je me souviens de ce que je voulais dire par rapport au rapport quantité-qualité,
00:14:03 je me disais aussi, on n'en avait pas parlé quand on était en préparant,
00:14:05 mais qu'il y a aussi un truc, par exemple, ma génération, c'est vraiment les mecs,
00:14:10 enfin on va dire la génération des jeunes qui commencent à être adultes,
00:14:15 donc de 18 à 35, on va dire,
00:14:18 c'est quand même vraiment la génération qui a grandi avec le porno un peu bas de gamme,
00:14:22 vraiment même bas de gamme.
00:14:24 Et de ce fait, moi je pense qu'il y a aussi un truc de la sexualité qu'ils ont développée
00:14:30 et leur rapport au corps, en fait, clairement, elle est beaucoup moins qualitative, naturelle, intimiste
00:14:37 que ça pouvait être peut-être dans les années 70, 80, 90, 2000,
00:14:42 et après ça va décréchendo avec l'essor justement de ce porno-là.
00:14:47 Et les femmes en face l'ont sûrement accepté un temps mélangé à cette histoire de féminisme libérateur, etc.
00:14:53 - Oui, parce qu'on a bien fait croire aussi que c'était féministe, de faire la triste porno.
00:14:58 - Et même d'être actrice porno, et là il y a tout ça, je pense, sur les TDL.
00:15:01 - Non, les actrices porno, Alphonse Kevel, mais une fille qui n'est pas actrice porno
00:15:04 se comporte comme dans un porno au lit, ça c'est une féminisme.
00:15:08 - Mais même, tu vois, Ovidie par exemple, on en a discuté quand on a fait l'interview ensemble pour Libé,
00:15:13 justement de son passif en tant qu'actrice porno et tout,
00:15:16 et en fait, rien n'est péjoratif, il n'y a pas d'erreur,
00:15:19 parce que c'est un parcours et on fait en fonction de la société,
00:15:21 et moi de toute façon je pense que pour qu'il y ait des changements,
00:15:23 il faut toujours passer par des phases un petit peu extrêmes.
00:15:25 Donc il y a eu cette phase de libération un peu extrême,
00:15:28 on passe dans une phase de non très fort,
00:15:31 pour après peut-être retrouver un rapport à l'autre, ambigu, intime,
00:15:35 fait de petits tout, de petits rien, de balancement et tout.
00:15:38 Mais je trouve que ce rapport serait au porno et tout.
00:15:41 - Dans l'étude, il y a ce rapport au porno qui est mis en avant ?
00:15:46 - Oui, alors en fait, de différentes façons, le porno il a plusieurs influences.
00:15:50 Il a d'abord une influence, souvent c'est plutôt chez les garçons quand même,
00:15:54 et c'est souvent chez les mecs qui sont incels,
00:15:57 donc des célibataires subifs, des gens qui sont célibataires
00:16:00 pas par volonté de l'être, mais parce qu'ils n'arrivent pas à trouver une copine.
00:16:05 Il y a quand même des garçons que ça a beaucoup,
00:16:09 pas traumatisé, mais on veut dire,
00:16:10 à qui ça a du coup donné une idée que la sexualité c'est forcément hardcore,
00:16:14 c'est forcément selon tel ou tel type de scénario,
00:16:17 et qui ont du mal à en sortir.
00:16:18 Ça c'est évident.
00:16:20 - Et les femmes aussi dans l'autre sens,
00:16:21 je pense, se sont mis en tête que c'était ça qu'elles devaient vivre.
00:16:25 Qu'elles devaient être à quatre pattes,
00:16:26 c'est ce qu'on leur disait.
00:16:27 - Oui, complètement, parce que, évidemment,
00:16:29 c'est un peu toute l'instrumentalisation du féminisme
00:16:33 et de la libération de la femme,
00:16:35 sous un espèce de male gaze total.
00:16:37 - Et je peux juste en proposer un tout petit truc,
00:16:39 c'est que ce dont on ne parle jamais,
00:16:41 c'est que moi je pense qu'en plus, l'imaginaire collectif et le fantasme,
00:16:45 en fait, il s'est calqué sur ces modèles-là,
00:16:47 et que c'est pour ça qu'on est des générations où je vois,
00:16:50 pour en parler avec des amis,
00:16:51 les hommes, ils aiment le sexe assez brutal,
00:16:53 dans un rapport de domination-soumission,
00:16:55 où un des fils de moins en moins,
00:16:57 ce qu'on appelle le "vanilla sex",
00:16:58 donc genre être en missionnaire et se faire des bisous,
00:17:00 c'est en fait, les gens le cherchent de moins en moins.
00:17:03 - Ouais, enfin non, ils disent qu'ils le cherchent de moins en moins.
00:17:05 Moi je ne suis pas sûre qu'entre les discours publics
00:17:11 et dans l'intimité,
00:17:12 en fait, il y a forcément,
00:17:13 enfin c'est forcément un peu moins quoi, mais...
00:17:15 - Peut-être que j'étais qu'avec des gars
00:17:17 qui aimaient être un petit peu autoritaires au lit,
00:17:20 mais vraiment de tout ce que j'ai autour de moi,
00:17:23 il y a vraiment un truc de...
00:17:25 Ou même du coup, le désir, il a du mal à se créer,
00:17:27 parce que ça ne suffit plus d'être dans un truc super doux et tout.
00:17:31 Et typiquement avec mon copain,
00:17:33 il a fallu vraiment un peu lui réapprendre à trouver une intimité,
00:17:37 genre de juste être au contact l'un d'autre,
00:17:40 de mélanger nos souffles,
00:17:41 de se renifler le cou,
00:17:43 de comment est-ce que le désir,
00:17:44 il peut se développer au-delà de quelque chose de violent
00:17:48 que son imaginaire avait absorbé avec le temps.
00:17:51 - Ouais, tu as raison, je pense qu'il y a clairement une question de...
00:17:55 On est tellement inondé d'images en plus, etc.,
00:17:57 que pour certaines personnes,
00:17:58 c'est difficile d'être stimulé sans avoir
00:18:00 toute cette surstimulation visuelle.
00:18:02 Il y a aussi un autre truc sur le porno,
00:18:04 c'est que, en fait,
00:18:06 pareil, c'est ce qu'on explique dans le papier,
00:18:08 auparavant, pour découvrir le corps de l'autre ou de ton partenaire,
00:18:12 il fallait communiquer quoi.
00:18:14 Là, maintenant, c'est presque comme si tu savais déjà tout,
00:18:16 et en plus, t'es presque un peu...
00:18:19 Quoi ? T'as 25 ans et t'as jamais fait telle ou telle pratique ?
00:18:23 Comme si t'étais en retard, etc.
00:18:26 Ça crée des attentes qui sont très hautes,
00:18:28 et qui fait que...
00:18:29 Et c'est probablement pas pour rien aussi que, de plus en plus,
00:18:32 les femmes disent "Bon écoute, moi franchement,
00:18:33 ça m'irait très bien une masturbation au lit,
00:18:36 parce qu'au moins là, je suis maîtresse de mon plaisir
00:18:38 et je ne suis pas dans des scénarios
00:18:40 que je crois devoir désirer, en fait."
00:18:42 Je pense que ça a un peu...
00:18:43 Probablement un peu foutu en l'air...
00:18:45 Enfin, foutu en l'air...
00:18:46 Ça a probablement un peu perturbé des gens sur ce qu'était...
00:18:49 La notion de ce qu'ils désiraient réellement,
00:18:51 et ça, en fait, c'est que dans la vie que tu peux le savoir ou pas,
00:18:55 et ce qu'ils croyaient devoir désirer pour être des gens modernes, etc.
00:18:58 Ça met en avant le fait qu'on a un autre rapport à l'asexualité,
00:19:01 qu'on cherche peut-être des nouvelles manières de faire l'amour,
00:19:05 et toi, notamment, Anna, quand on en parlait,
00:19:07 c'est aussi un des trucs que tu m'as dit,
00:19:09 c'est que ton asexualité t'a permis
00:19:11 de trouver de nouvelles manières d'avoir des rapports physiques avec ton mec
00:19:16 qui ne sont pas liés à de la pénétration ou des choses comme ça.
00:19:18 Oui, absolument.
00:19:20 Souvent, on s'imagine que parce que je suis asexuelle avec mon mec,
00:19:24 on n'a aucun rapport intime, voire sexuel, alors qu'on en a.
00:19:29 Si on part vraiment de rapports sexuels normés,
00:19:33 en gros, pénétration, ça va être deux à trois fois par an.
00:19:36 Après, on a tout un rituel "érotique" intime
00:19:41 qu'on développe quotidiennement.
00:19:44 En fait, plus ça avance, plus je réfléchis vraiment à la notion
00:19:49 de qu'est-ce que le sexe, qu'est-ce que le désir et qu'est-ce que l'échange intime ?
00:19:52 À quel moment ça commence ? À quel moment ça s'arrête ?
00:19:54 Est-ce qu'il faut forcément qu'il y ait stimulation des parties génitales
00:19:59 pour que ce soit du sexe ?
00:20:00 Est-ce qu'en définitive, juste, encore une fois,
00:20:03 passer 15 minutes à se serrer l'un contre l'autre,
00:20:08 à vraiment être concentrée, presque comme quand on médite,
00:20:11 où qu'il n'y ait plus que l'autre qui nous habite
00:20:14 et son odeur et le contact de sa peau et ses doigts sur mon dos
00:20:17 et les miennes sur sa nuque, et s'embrasser, tout ça ?
00:20:20 Est-ce qu'en définitive, ce ne serait pas une forme de sexualité ?
00:20:23 Et c'est un peu ce que je défends.
00:20:24 Et c'est pour ça, d'ailleurs, l'étude qui a un peu un flou
00:20:27 de à quel moment on parle de sexualité.
00:20:29 Parce que si c'est se faire des câlins et s'étreindre
00:20:33 et passer 15 minutes, justement, à mélanger nos fluides corporels
00:20:37 sans qu'il ne s'agisse de nos fluides, encore une fois, d'entre les jambes,
00:20:40 dans ce cas-là, mon mec, on couche quatre fois par jour ensemble.
00:20:43 C'est vraiment tout ça que j'interroge aussi dans mon livre et tout,
00:20:47 et que je trouve passionnant.
00:20:48 Et c'est pour ça qu'à partir du moment où on commence à s'intéresser
00:20:50 à l'asexualité, à l'apostrophe asexualité,
00:20:53 ça ouvre vraiment des pistes de réflexion quant à soi,
00:20:57 quant à l'autre, quant à son rapport à son désir et au désir de l'autre.
00:21:00 Et moi, je trouve ça mériterait en tout cas d'être plus interrogé.
00:21:03 Je vois un commentaire qui est intéressant,
00:21:05 monsieur Chapois, qui nous dit qu'à l'université, donc 18-25 ans,
00:21:09 j'ai l'impression que chez les hommes, en tout cas,
00:21:10 il y a beaucoup moins, voire il y a beaucoup moins de personnes
00:21:14 qui ont des plans cul, voire plus du tout.
00:21:17 Ça dépend des études qu'on fait,
00:21:19 puisque personnellement, j'étais en école d'art.
00:21:20 Donc comment vous dire que c'était plus que des plans cul, c'était des orgies ?
00:21:26 Ça dépend vraiment où est-ce qu'on va.
00:21:29 Mais moi, c'était la grosse débandade, vraiment.
00:21:33 Moi, j'ai quitté l'université depuis un peu trop longtemps pour te répondre.
00:21:35 Mais non, en fait, ça ne m'étonne pas ce que dit cette personne,
00:21:39 parce que ça revient en fait à tout ce qu'on dit depuis le début.
00:21:42 Ce que les aînés ont beaucoup fait,
00:21:44 peut-être que les plus jeunes n'y voient pas l'intérêt.
00:21:46 Et puis, ce qu'expliquait François Cource aussi,
00:21:47 c'est que c'était probablement une génération,
00:21:50 les 18-25 ans, qui avaient été souvent très habités par les divorces de leurs parents
00:21:54 et qui peut-être avaient envie de retrouver un peu de sens dans leur sexualité,
00:21:58 dans le fait d'être avec une personne.
00:22:01 En fait, c'est rigolo parce que chez les jeunes, tu as deux tendances.
00:22:03 Tu as à la fois un truc dont on pourrait penser,
00:22:06 voilà, ils sont hyper libres, c'est la fête, pas d'attache, etc.
00:22:09 Et à la fois, il y a parfois un espèce,
00:22:11 je ne sais pas que les jeunes sont réac du tout,
00:22:13 mais il peut y avoir parfois un attachement à certaines valeurs traditionnelles.
00:22:16 Mais encore une fois, c'est une histoire de cycle historique et de contre-cycle.
00:22:18 C'est de la même façon que, comme on disait l'autre fois,
00:22:22 probablement que la plupart des enfants de hippies n'ont pas été hippies.
00:22:24 Donc non, je ne trouve pas ça étonnant.
00:22:28 Je pense qu'il y a peut-être une lassitude.
00:22:29 On parle beaucoup de "dating fatigue".
00:22:32 C'est un terme qui est à la mode.
00:22:35 Mais du coup, "dating fatigue", ça fait le lien avec le fait que ça peut être étonnant
00:22:40 que les Français fassent moins l'amour, notamment la génération 18-25,
00:22:44 parce qu'il y a l'accès aux applications de rencontres,
00:22:46 qu'on se dit qu'on peut rencontrer énormément de gens.
00:22:50 Et en fait, du coup, il y a ce concept de "dating fatigue",
00:22:52 la fatigue du rendez-vous, qui rentre en compte et dont on parle beaucoup.
00:22:57 Oui, mais comme on parle beaucoup en ce moment de fatigue informationnelle,
00:23:01 ou de... En fait, les gens ont un peu le ras-le-bol d'être...
00:23:04 C'est comme s'il y avait...
00:23:05 Beaucoup de gens qui sont sur les applis disent qu'il y a presque trop d'options
00:23:07 et que du coup, tu ne sais plus ce que tu es en train de faire,
00:23:10 tu ne sais plus à qui tu parles.
00:23:11 Tu as l'impression que tu as envoyé 15 fois le même message à des personnes
00:23:13 dont tu ne sais plus lequel t'a dit quoi.
00:23:16 Et je pense que, oui, l'opulence, c'est comme aller...
00:23:19 Moi, je n'aime pas trop l'image du supermarché pour parler des applis de rencontre
00:23:22 parce que je trouve que c'est un peu réducteur,
00:23:24 mais en fait, quand tu vas dans un supermarché
00:23:26 et que tu as 42 marques différentes de jus d'orange,
00:23:28 franchement, tu as la flemme.
00:23:29 Là, tu as juste envie d'aller chez l'épicier,
00:23:31 qui en est deux, et hop, tu choisis parmi les deux.
00:23:33 Bon, je pense qu'il y a un peu de cet ordre-là aussi chez les jeunes.
00:23:37 En fait, ils le peuvent, ce n'est plus un truc à conquérir.
00:23:39 Par contre, maintenant, il y a un truc à conquérir, c'est l'intimité.
00:23:42 Et en fait, le truc, je pense aussi que les gens ont très vite compris que
00:23:46 ce n'est pas parce que tu fais une rencontre que tu rencontres les gens.
00:23:48 Tu peux faire un date,
00:23:50 pour autant, tu peux même coucher avec quelqu'un sans jamais vraiment le rencontrer.
00:23:54 Et donc, à partir de là, je pense qu'il y a probablement une lassitude
00:23:57 de se rendre compte qu'encore une fois, qualité, quantité, etc.
00:24:00 - Oui, plusieurs choses déjà, encore une fois, en tant que jeune,
00:24:05 dont on parle, effectivement, moi, je me rends compte qu'autour de moi,
00:24:07 les gens, en tout cas, je parle de mon entourage,
00:24:10 de mes proches, de mes amis, de mes collègues,
00:24:13 ils n'aiment pas tant que ça les applications de rencontre.
00:24:15 Ils y vont parce qu'ils ont l'impression de ne pas avoir le choix
00:24:18 et que c'est de toute façon, dans la société, c'est comme ça que ça fonctionne.
00:24:22 Et qu'en fait, ça n'arrivera jamais que de trouver quelqu'un dans la vraie vie.
00:24:27 Et c'est vrai qu'en définitive, les couples que je connais,
00:24:28 qui ont fini par se former, c'est des couples de la vraie vie.
00:24:31 - Oui, alors après, moi, je connais beaucoup de gens qui se sont rencontrés sur les appli
00:24:34 et qui se sont mariés après, qui ont eu des moments de couple.
00:24:36 - Ah oui, non, mais c'est plus...
00:24:36 Non, non, moi, je ne doute pas des applications de rencontre et je ne le remets pas en cause.
00:24:39 Je dis juste qu'en définitive, j'ai l'impression que la recherche,
00:24:42 elle se porte de plus en plus sur quelque chose de vu,
00:24:45 de considéré comme étant plus authentique.
00:24:47 Après, j'ai daté sur des applications de rencontre dans ma vie plus jeune
00:24:52 et je me suis fait des amis que j'ai encore aujourd'hui.
00:24:55 Et donc, ça, je ne le remets absolument pas en question du tout.
00:24:58 - Non, mais je pense qu'il y a aussi un truc
00:25:00 qui est qu'à la fois, il n'y a plus tellement l'attraction de la nouveauté.
00:25:02 Au début, c'était "Waouh, c'était dingue".
00:25:04 Tu pouvais quand même rencontrer des gens que tu aurais justement.
00:25:06 La promesse, c'est ça, de rencontrer des gens que tu n'allais jamais rencontrer dans ta vraie vie
00:25:10 parce qu'ils ne faisaient pas partie.
00:25:10 Alors, en fait, finalement, tu te rends compte quand même que si,
00:25:13 que les profils que tu matches,
00:25:16 en fait, souvent, il y a quand même, pas tout le temps,
00:25:18 mais il y a quand même souvent une endogamie ou un homogamie.
00:25:21 En tout cas, c'est souvent quand même des gens
00:25:23 que potentiellement, tu aurais pu rencontrer dans la vie.
00:25:25 Et oui, je pense que les gens se rendent compte aussi que
00:25:28 on se rend bien compte que les applis, elles te matchent avec des gens,
00:25:31 leurs algorithmes sont hyper chelous.
00:25:33 Tu ne sais pas très bien avec qui tu es matché,
00:25:35 enfin, pas matché, mais avec quel profil on te propose pour que tu puisses les matcher.
00:25:38 Donc oui, je pense qu'on est un peu aussi dans un truc de...
00:25:43 Oui, c'est plus nouveau, c'est un peu...
00:25:45 Voilà, c'est un peu des gros groupes qui...
00:25:48 Tu vois, je pense qu'il y a un côté,
00:25:50 tu n'as pas envie que ce soit Facebook qui gère ta vie sentimentale.
00:25:54 Ils ont essayé de faire ça en plus, Facebook, ils ont créé une plateforme de rencontres.
00:25:58 - Oui, mais je crois qu'il n'y avait pas déjà ça.
00:26:00 Moi, je me souviens avoir vu ça il y a quelques temps, genre, en anglais.
00:26:03 - Ah oui, c'est en anglais sur Facebook, mais je veux dire, je dis ça comme ça.
00:26:06 Et je trouve ça trop bizarre parce que c'est juste à côté de l'onglet pour acheter des trucs.
00:26:10 C'est juste à côté de l'onglet, l'onglet "occasion".
00:26:13 - Oui, mais ça rejoint un peu ce truc, au-delà des applications de rencontres,
00:26:16 d'un sexe un peu consumériste,
00:26:19 vu et qu'on essaye de nous vendre, je trouve, d'une façon consumériste.
00:26:24 Alors qu'en définitive, je crois que vraiment, fondamentalement,
00:26:26 les gens sont à la recherche de quelque chose de beaucoup plus lent, de beaucoup plus proche.
00:26:29 Tu parlais de rencontrer vraiment les gens,
00:26:32 mais typiquement, ce genre de rapport dont je parlais,
00:26:34 qui va être de s'écouter, de se sentir, de se toucher,
00:26:37 sans chercher à tout prix à jouer 25 minutes,
00:26:39 en définitive, c'est ça rencontrer quelqu'un.
00:26:42 C'est vraiment se rapprocher.
00:26:44 Et vous savez, cette nuit qu'on a sûrement tous passée avec quelqu'un qu'on vient de rencontrer,
00:26:47 où en fait, plutôt que de coucher, on passe une nuit entière à parler.
00:26:50 Et au matin, on se sent genre "Waouh, c'est fou".
00:26:54 Et tout ça prend beaucoup plus de temps, en définitive, que d'avoir un plan Q
00:26:57 ou de baiser avec quelqu'un qu'on vient de rencontrer en boîte de nuit.
00:26:59 Donc c'est peut-être pour ça aussi que les gens ont moins de rapport.
00:27:02 Après, tu parlais de...
00:27:06 Moi, je ne suis pas sûre qu'en fait, les applis, elles aient vraiment créé des comportements.
00:27:11 En fait, avant, faire l'amour de façon consumériste, ça existait déjà,
00:27:16 seulement, tu devais un peu l'enrober.
00:27:18 Non, mais justement, je ne parle pas des applis,
00:27:19 je parle même du rapport des années 70, 80, 90,
00:27:23 de cette génération, de toutes ces époques,
00:27:27 où il suffit de regarder les films de l'époque,
00:27:29 et les films qui parlent de ces époques, de lire les livres,
00:27:31 de tout cet imaginaire de genre, le sexe, c'est le plus grand des plaisirs,
00:27:35 et en plus, il est gratuit, et on ne se prive pas pour baiser à tout vape,
00:27:39 parce qu'en vrai, c'est super.
00:27:40 Et ce n'est même pas qu'on ne se prive pas, c'est qu'on doit, en fait, ça devient une injonction.
00:27:43 Et je pense qu'au bout d'un moment, les gens en ont vraiment marre,
00:27:46 en fait, qu'on leur dise, s'il faut baiser, parce que sinon, tu n'es pas...
00:27:49 Mais...
00:27:51 Ce dont tu parles, sur l'injonction au sexe,
00:27:54 moi, c'est un truc que j'ai vécu, on est à peu près de la même génération,
00:27:57 au collège, au lycée, c'était ça,
00:28:00 il fallait, enfin, je ne dirais pas que toutes les conversations tournaient autour du sexe,
00:28:03 mais il fallait soit faire l'amour le plus tôt possible,
00:28:07 soit faire l'amour avec le plus de gens possible.
00:28:09 - Ça, c'est parce que tu es un garçon. - Ouais.
00:28:11 - Parce que les filles, c'est plus pervers que ça.
00:28:13 - Les filles, ouais.
00:28:13 - L'argent que tu prends, elle est en permanence contradictoire,
00:28:16 mais cela dit, en vrai, les garçons aussi subissent des injonctions contradictoires,
00:28:19 mais pour le coup, moi, je me rappelle d'un truc au collège,
00:28:23 au collège, ou au lycée, au collège,
00:28:25 d'un tag dans les toilettes, enfin, de filles dont on disait,
00:28:30 "Machine, elle s'est fait..." C'était horrible, en parlant pour le vocabulaire,
00:28:32 mais "Machine, elle s'est fait trouiller", quoi.
00:28:33 "Trouiller dans une cave, c'est une salope."
00:28:36 Moi, je me rappelle quand un garçon te demandait si tu pouvais sortir avec lui,
00:28:39 il fallait dire "Attends, je vais réfléchir",
00:28:40 parce que si tu disais oui trop vite, t'étais un peu une pute, quand même.
00:28:43 Donc, tu vois, il y a quand même un peu un double truc,
00:28:45 c'est-à-dire, il faut avoir un certain nombre de partenaires,
00:28:48 ça, c'est plus à l'âge adulte, mais quand même pas trop, quoi.
00:28:50 Il y a quand même encore des mythes que ton vagin, il se détendrait,
00:28:54 qu'il y aurait un...
00:28:56 - Le body count. - Ouais, exactement.
00:28:58 Des femmes qui seraient des salopes au bout d'un...
00:29:01 Et surtout, il ne faut absolument pas sortir avec une fille
00:29:03 quand tu es un garçon qui a eu plus de partenaires que toi.
00:29:07 Non, je pense qu'il y a un autre truc
00:29:09 qui, à mon avis, peut expliquer le fait qu'il y ait moins d'envie
00:29:12 de faire des plans cul, ou en tout cas de les revendiquer.
00:29:15 Il y a aussi le fait que les plus jeunes...
00:29:17 Alors, je ne dis pas que tous les jeunes sont féministes, l'on s'en fout,
00:29:20 mais que les plus jeunes, en fait, ils se rendent compte que c'est plus tellement valorisé.
00:29:23 Je ne suis pas sûre qu'ils soient autant valorisés socialement maintenant,
00:29:25 dans un groupe de potes mixtes, de dire "Je vais baiser plein de meufs à la chaîne".
00:29:31 Non, mais dans un groupe où il y a aussi des filles,
00:29:32 je ne suis pas sûre que ce soit aussi valorisé que ça a pu l'être avant.
00:29:36 - Je ne suis pas sûre. - En fait, quand je me trompe,
00:29:38 on voit leurs influenceurs et comment ils n'ont pas...
00:29:40 Non, c'est sûr, tu as raison.
00:29:42 C'est sûr, mais il y a, je pense, quand même des poches dans la société,
00:29:44 quand même des endroits où là,
00:29:46 il y a un mec qui va venir dire "Les meufs, elles sont toutes dégobées",
00:29:49 enfin, tu vois, des trucs un peu vulgaires comme ça.
00:29:51 Je ne suis pas sûre que ce soit autant valorisé qu'on n'en est pas.
00:29:53 Là où c'est plus vicieux que ça, c'est que parce que du coup,
00:29:56 quand moi, par exemple, j'étais au lycée, on en avait parlé, Corentin,
00:29:59 mais en fait, les mecs avaient des comportements, quand même, franchement limite.
00:30:04 Mais même nous, en tant que filles, ça ne nous choquait pas
00:30:07 parce qu'on rentrait dans ce jeu-là et il fallait...
00:30:09 Enfin, en fait, ça faisait partie d'un espèce de commun accord de la part de tout le monde
00:30:14 de qui franchira la limite entre winner et loser.
00:30:18 Et un peu comme quand il y a du harcèlement scolaire, il faut être du bon côté,
00:30:22 coucher, oui, il fallait le faire.
00:30:24 Et typiquement, dans mon livre, je raconte que moi,
00:30:26 le premier rapport que j'ai eu, j'avais 14 ans,
00:30:28 je n'en avais pas envie, j'ai dit non et on m'a forcée.
00:30:32 Et pendant que ça se passait, le seul truc, en fait,
00:30:35 le truc qui m'a fait relativiser, c'est de me dire "Bon, au final, ça va durer 15 minutes
00:30:39 et puis demain, lundi, je pourrai aller à l'école et dire que je l'ai fait."
00:30:43 Donc, en définitive, j'en sors gagnante.
00:30:46 Alors que je pleurais et que je n'en avais pas envie et machin.
00:30:49 Mais il y a un peu ce truc-là et le lundi, j'étais vraiment fière de l'avoir fait.
00:30:53 En fait, j'étais vraiment contente de moi.
00:30:55 Et au final, ça m'a fait oublier pendant des années que ce qui s'était passé,
00:30:59 c'était un viol parce que ce viol-là m'avait fait franchir la barrière entre winner et loser.
00:31:04 Et tout ça pour dire qu'en fait, en plus, je sais, pour avoir été une fille un peu toxique,
00:31:09 comme on peut dire, j'ai beaucoup joué ce jeu-là,
00:31:12 puisque c'était un accès trop facile aux sphères de la société adolescente.
00:31:17 - Mais oui, parce qu'on en revient à la question du male gaze aussi,
00:31:19 c'est-à-dire que pourquoi ça t'a permis, toi, d'avoir l'impression de monter un peu dans l'échelle sociale ?
00:31:25 Parce qu'en fait, c'est les garçons qui t'ont mis en tête, qui mettent en tête que c'est ça la norme.
00:31:30 Mais là, on parle presque du rite de passage, de la première fois.
00:31:35 Je trouve que ce n'est pas exactement la même question que l'accumulation des plans cul.
00:31:38 - Ouais, non. Et après, par contre, c'est ça.
00:31:41 Le truc, en fait, c'est que du coup, moi, j'étais...
00:31:44 En fait, en gros, mon livre, il parle des différentes relations amoureuses que j'ai eues
00:31:48 parce que je cherchais absolument celui qui pourrait créer du désir chez moi.
00:31:51 Donc, j'ai été en couple plein de fois, pour le contextualiser.
00:31:54 Et à force d'être en couple, qu'on me voit changer de mec tous les six mois,
00:31:58 quand bien même il ne se passait pas grand-chose au lit,
00:32:01 eh bien, a commencé à se répandre des rumeurs comme quoi j'étais la grosse pute.
00:32:05 Avec le sens péjoratif que ça avait à l'époque, je ne m'y associe pas.
00:32:09 Mais en fait, c'était vraiment continu.
00:32:12 Et typiquement, tout à l'heure, tu parlais de "elle s'est fait trouer dans les toilettes".
00:32:16 Moi, ma révée aux oreilles, mais même deux ans après, parce que les gens se le répétaient,
00:32:20 un jour, on est venu me dire "ah, c'est vrai que tu as sucé
00:32:23 genre cinq mecs dans la cave de ton ancienne école ?"
00:32:25 - Oui, évidemment.
00:32:26 - Mais parce que, simplement, j'avais été en couple plein de fois
00:32:29 et qu'à la fois, j'étais la meuf cool avec qui, justement, du côté des winners,
00:32:33 avec qui il était hyper bon de se faire prendre un selfie, d'aller en soirée, de machin et tout.
00:32:37 Et à la fois, j'étais la grosse pute et la meuf un peu cracra quand même.
00:32:41 - Mais oui.
00:32:42 Mais étonnamment, c'est toujours la meuf qui est cracra, c'est pas...
00:32:45 - Et cette question de...
00:32:49 En fait, ça me fait penser à ce que tu disais juste avant sur le fait que
00:32:52 peut-être qu'il y a des groupes de...
00:32:54 Maintenant, c'est peut-être plus y ancré que ça dans les groupes que
00:32:58 un mec va dire "ouais, j'ai baisé tant de meufs", encore et encore.
00:33:02 Mais je pense que ça dépend aussi, en tout cas de mes expériences perso,
00:33:06 de l'âge aussi, c'est-à-dire que quand on est au collège et au lycée,
00:33:10 moi, c'était hyper prenant.
00:33:13 Et en fait, du coup, ça fait écho à ce que vous racontez depuis tout à l'heure
00:33:16 sur nos expériences collège-lycée, c'est encore hyper prenant.
00:33:19 Et est-ce que c'est pas aussi pour ça que la baisse d'activité sexuelle est toujours particulière
00:33:22 les 18-25 ans ?
00:33:24 Mais en tout cas, le rapport au sexe des personnes qui sont avant,
00:33:27 je sais pas, 14, 15, 16, 17...
00:33:30 - Non, mais là où t'as raison, c'est que c'est vrai qu'au collège, au lycée,
00:33:33 on raconte des choses qu'on n'a pas faites, alors qu'après,
00:33:35 on ne raconte pas les choses qu'on a faites, ou moins.
00:33:38 Après, quand t'as 35, 40, 30 ans,
00:33:41 tu peux raconter des trucs, mais tu t'arrives pas à...
00:33:43 - Ça me va, aujourd'hui, je vais me désigner... - Oui, encore.
00:33:46 - Ah ouais ? - Ça dépend.
00:33:47 - Je dois avoir des amis un peu plus... - Ouais, mais après, encore une fois,
00:33:51 moi, je viens du milieu de l'art, de la mode et tout, et vraiment...
00:33:54 - Oui, non, mais après, je trouve que c'est pas pareil de raconter
00:33:57 une histoire marrante qui t'est arrivée et de venir valoriser le fait que
00:34:01 "Putain, t'as su le vers un certain...". - Oui, oui, encore une fois, je pense.
00:34:04 - Je dis ça, en fait, je viens d'avoir une anecdote, une contre-anecdote en tête,
00:34:07 donc non, en fait, c'est pas complètement vrai, mais...
00:34:10 - Si, mais en tout cas, c'est moins vu comme quelque chose de valorisant à la personne.
00:34:14 - Après, t'es adulte, c'est de valoriser par autre chose que...
00:34:17 Mais parce qu'en fait, c'est ça. - Ou alors, d'ailleurs, c'est mal vu.
00:34:20 - En fait, ça y est, t'es un vrai adulte.
00:34:24 C'est pas le fait de voter ou de payer des impôts qui va être valorisé.
00:34:26 De toute façon, ça, ça n'arrive qu'à un certain âge et t'as aucun impact dessus.
00:34:30 - En fait, ma question, c'est que je me demande si l'évolution de notre rapport au sexe,
00:34:36 il est notable pour les personnes de 18-25 ans
00:34:40 ou s'il existe déjà aujourd'hui pour les gens qui sont au collège et au lycée.
00:34:44 Et ça, je ne suis pas sûr.
00:34:45 Enfin, j'en sais rien, mais je me demande
00:34:47 s'il y a vraiment une évolution du rapport au sexe quand on est au collège et au lycée.
00:34:51 - Parce que collège-lycée, c'était pas dans l'étude, c'est ça ?
00:34:53 - Non, non, en fait, ils ont pris que les personnes majeures
00:34:57 qui avaient déjà été initiées sexuellement,
00:35:00 donc qui avaient déjà au moins une fois dans leur vie fait l'amour.
00:35:02 Parce que sinon, ça allait forcément, si tu prends les personnes qui sont encore vierges,
00:35:07 et bien ça a fausse l'étude.
00:35:08 Je sais pas, moi je pense que c'est vachement difficile à dire.
00:35:11 En plus, c'est pas...
00:35:12 Tu vois, j'ai essayé d'en parler avec ma nièce de 17 ans pour un peu voir,
00:35:15 mais bon, elle est dans un lycée à Paris,
00:35:17 c'est pas du tout pareil que si elle était, tu vois, dans une petite ville.
00:35:22 Je pense qu'il y a encore beaucoup de stigmates, de stigmatisation des filles qui couchent
00:35:27 et pas seulement dans les milieux dont on pourrait imaginer...
00:35:31 Enfin voilà, ça peut être aussi bien dans le 16e que...
00:35:34 Voilà, mais...
00:35:35 - Ah bon ? Est-ce qu'on peut...
00:35:36 - Par contre, ce qui est juste intéressant, c'est qu'en fait, là, on parle beaucoup des jeunes,
00:35:39 mais l'étude, elle montre aussi que les plus de 70 ans, et les femmes en particulier,
00:35:44 elles sortent un peu de ça aussi, elles se rendent compte que...
00:35:48 D'abord, c'est marrant parce que dans l'étude, il y a un chiffre qui montre
00:35:52 combien de personnes ont déjà refusé une relation sexuelle
00:35:57 pour plutôt se faire un porno à la place.
00:35:59 Et bien, très étonnamment, les femmes de plus de 70 ans
00:36:02 font partie des plus gros chiffres là-dessus.
00:36:05 Donc...
00:36:06 - Ça, moi, j'ai un avis très tranché dessus, mais...
00:36:09 Alors oui, d'ailleurs, ce que je précise jamais et dont je parle à peine dans le livre,
00:36:13 c'est que j'ai travaillé presque un an en sex shop.
00:36:17 Juste parce que vous vous demandez peut-être ce que fout une asexuelle dans un sex shop.
00:36:22 Ben disons que quand on ne comprend pas la chose,
00:36:24 on va essayer de s'en rapprocher le plus possible
00:36:26 pour vraiment essayer de décortiquer et de comprendre ce qui nous manque.
00:36:30 Et donc, j'ai pris le chemin le plus court, je suis allée travailler dans un sex shop
00:36:34 sans avoir conscience que j'étais asexuelle.
00:36:35 Et là-dedans, je me suis retrouvée face à des femmes de 30 à 70 voire 80 ans
00:36:42 qui n'avaient jamais eu d'orgasme de leur vie, alors qu'elles avaient eu des partenaires.
00:36:46 Et vraiment, j'en avais quasiment tous les deux jours
00:36:49 qui venaient entre copines, entre machins.
00:36:51 Et d'ailleurs, pour qui ça ne posait pas de problème ?
00:36:52 Et c'est en discutant que je me rendais compte, au fil de la conversation,
00:36:56 qu'elles n'avaient jamais eu d'orgasme et qu'elles ne savaient pas ce que c'était.
00:36:59 Et du coup, je leur conseillais des jouets, des choses et tout.
00:37:02 Je leur expliquais comment faire de manière hyper bienveillante.
00:37:05 Et très souvent, elles revenaient deux, trois jours plus tard et elles me disaient
00:37:08 "En fait, lors de toute ma vie, il aurait juste fallu qu'on m'explique
00:37:11 pour que je puisse avoir un orgasme."
00:37:13 Et de cette expérience-là, j'en ai retenu qu'effectivement,
00:37:16 il y avait vraiment un gros manque de connaissances,
00:37:19 mais juste d'explications techniques.
00:37:20 Et que typiquement, si on revient au couple et à la relation à deux,
00:37:24 nous, les femmes, on nous apprend très vite à faire des relations.
00:37:27 Et notamment, on s'explique entre nous comment faire.
00:37:30 - Mais parce qu'en plus, c'est extrêmement représenté dans les lingeries,
00:37:33 dans les lafics, etc. - Mais oui, bien sûr.
00:37:34 - Et en fait, on a une formation... - Sur la liste, ça change en ce moment.
00:37:36 - Mais on a quand même une formation technique très jeune
00:37:38 qu'on s'échange entre nous.
00:37:39 On va vraiment porter attention à comment techniquement on fait jouir un homme.
00:37:43 Alors que de l'autre côté, c'est une question qui ne se pose pas du tout chez les hommes,
00:37:45 ou du moins, extrêmement moins, si on veut être honnête.
00:37:48 Et je pense que vraiment, on arrive à un moment donné
00:37:50 où les femmes exigent peut-être un petit peu plus de connaissances,
00:37:55 un peu plus de technicité de la part de leurs partenaires.
00:37:59 Et ces derniers, soit se mettre au travail, je n'en sais rien,
00:38:03 soit effectivement, si on regarde l'étude,
00:38:05 préfèrent peut-être se masturber devant Yupa.
00:38:08 - Je voudrais, parce qu'on a une question en chat qui est intéressante,
00:38:11 Calistera, qui se demande,
00:38:13 qui ne comprend pas le sens d'asexuel.
00:38:16 - C'est vrai qu'on l'a défini une fois au début,
00:38:19 mais pour les gens qui nous rejoignent,
00:38:20 du coup, moi, je suis asexuelle, c'est mon orientation sexuelle.
00:38:24 Ça signifie que de la même façon qu'un homosexuel sera attiré
00:38:28 par les gens du même genre et un hétéro par les gens du genre différent,
00:38:31 moi, je ne suis attirée par aucun genre.
00:38:33 Donc, je ne ressens aucune attirance sexuelle en aucune circonstance.
00:38:38 - Merci beaucoup pour la précision.
00:38:40 Et du coup, pardon, ça m'a perdu, mais on était en fond de...
00:38:42 - Non, on parlait du plaisir féminin.
00:38:43 - Oui, pardon, merci.
00:38:44 - C'est vrai que tu as raison.
00:38:45 En fait, on a toujours vu des filles faire des fellations dans les films,
00:38:49 même les films en public, je veux dire.
00:38:51 En revanche, moi, je trouve que ça change beaucoup
00:38:53 parce que ces dernières années,
00:38:54 je trouve qu'il y a énormément de cunévingus au cinéma
00:38:56 et c'est une très bonne chose.
00:38:58 - Comme de représentation queer.
00:39:00 - Oui, exactement.
00:39:00 Mais je veux dire, sur la question,
00:39:02 en fait, c'est normaliser aussi le fait que la femme est désirante aussi.
00:39:05 Elle n'est pas là que parce qu'elle est une petite pipe et au lit
00:39:07 et parce que le mec a des besoins,
00:39:08 parce qu'il y a aussi un peu ce truc de le mec, il a des besoins
00:39:11 et la fille, elle n'aurait pas de besoins.
00:39:12 - Non, mais c'est ça.
00:39:12 Et puis, au-delà du besoin de simplement un truc très terre à terre,
00:39:16 que le corps fonctionne,
00:39:17 parce que typiquement, le mythe de la femme clitoridienne
00:39:20 et de la femme vaginale, ce mythe-là, il est appuyé.
00:39:23 Je ne sais pas comment il est appuyé,
00:39:25 mais typiquement, moi, quand j'étais en sex-shop,
00:39:27 trois quarts des femmes qui venaient me dire
00:39:28 "Ah, mais moi, je suis clitoridienne,
00:39:30 je n'ai jamais ressenti de plaisir vaginalement",
00:39:31 je faisais "Ah oui ? OK, alors vous allez faire ci, ça, ça."
00:39:34 - Tu vois à quel moment on a commencé à voir à quoi ça ressemblait un clitoris ?
00:39:37 - C'était quand moi, j'étais au lycée.
00:39:39 - Tu vois, moi, j'étais déjà adulte.
00:39:40 C'était la première fois que j'ai vu une représentation 3D d'un clitoris
00:39:43 et que j'ai compris que, en fait, oui, ça continue à l'intérieur.
00:39:46 C'est pour ça qu'il n'y a pas de vaginalité clitoridienne.
00:39:48 - Nous, au collège, on n'en avait pas encore.
00:39:49 - Je pense qu'il y a vraiment un truc aussi,
00:39:51 tu parlais en fait des mecs qui se mettent au travail ou pas.
00:39:54 Je pense que, alors, ça, c'est peut-être un truc que je dis comme ça,
00:39:58 mais en tout cas, c'est un truc que j'observe autour de moi.
00:40:00 Je pense qu'il y a beaucoup de femmes, en fait,
00:40:01 qui, comme tu dis, n'ont jamais eu d'orgasme,
00:40:03 donc ne savent pas jusqu'où leur corps peut aller.
00:40:05 Donc, ils ne savent pas comment, en fait, elles, elles prennent du plaisir.
00:40:08 Et il y a un truc hyper inhibant pour un mec, quand même,
00:40:10 de se dire, en plus, la fille, elle n'arrive même pas à m'aiguiller
00:40:13 parce que moi, je suis persuadée qu'il y a plein de femmes qui ne se connaissent pas.
00:40:15 Elles ne savent pas à quoi ça ressemble un clitoris.
00:40:17 Et on le sait très bien, je parlais du womanizer tout à l'heure,
00:40:20 mais il y a d'autres marques, mais on a beaucoup vu le rabitz,
00:40:22 par exemple, dans les années 2000, je dirais.
00:40:25 Et après, dans les années 2010, ça a été beaucoup le womanizer.
00:40:27 Et franchement, le nombre de femmes qui ont joué pour la première fois avec un sextoy,
00:40:32 mais parce que forcément, elles ont attendu jusqu'à ce que ça arrive.
00:40:36 Là où probablement que dans des relations sexuelles à deux,
00:40:38 il y a un moment où il y a un renoncement.
00:40:40 Tu te dis bon, il faut qu'ils finissent là parce que moi, je commence à avoir mal.
00:40:44 Enfin, je ne sais pas, mais...
00:40:46 - Oui, complètement.
00:40:47 - Je pense que l'appropriation,
00:40:51 l'empouvoirment des femmes de la connaissance de leur propre corps,
00:40:54 en fait, bénéficie aux deux aussi.
00:40:56 - Oui, et au-delà, encore plus même que le fait de se connaître,
00:40:59 il y a aussi l'envie d'en parler
00:41:01 parce qu'en fait, c'est tellement aujourd'hui...
00:41:03 En fait, en plus, c'est un gros contraste
00:41:04 parce qu'à la fois, tous les objets de plaisir sexuels et tout
00:41:08 sont principalement, existent quasiment que pour les femmes.
00:41:11 En fait, pour 50 modèles féminins, on va en avoir deux masculins
00:41:16 et grosso modo, pas hyper délirants ou imaginatifs.
00:41:19 Et pour autant, il y a vraiment tout un tabou qui entoure la masturbation féminine
00:41:23 qui fait aussi qu'une femme,
00:41:25 elle aura peut-être beaucoup plus de mal
00:41:28 ou ne se sentira pas à l'aise du fait d'expliquer à son partenaire comment faire.
00:41:33 Et ça, je vois ça beaucoup autour de mes copines
00:41:35 du fait de ma formation en sex shop, qui me demande des conseils et tout.
00:41:39 Assez rigolo.
00:41:40 Mais en fait, elles me disent "mais jamais de la vie,
00:41:44 je ne serais pas capable de le guider, de lui expliquer et tout".
00:41:48 - Mais elles arrivent à se masturber elles-mêmes ?
00:41:50 - Elles arrivent toutes seules, ouais, mais en fait, elles ont honte.
00:41:53 Elles ont vraiment un truc de honte.
00:41:54 - D'être une femme désirante ?
00:41:55 - Ouais, un truc qui est tellement dur à débloquer et qui est vraiment en elles.
00:42:01 Je vois qu'on a Calistéra qui pose des questions.
00:42:04 - Ouais.
00:42:05 Je vais les prendre.
00:42:06 Calistéra qui se demande sur la sexualité.
00:42:08 Elle te demande sur ton expérience à toi
00:42:12 si tu ne ressens aucune attirance sexuelle,
00:42:16 même pour toi-même, même dans le cadre de la masturbation par exemple ?
00:42:20 - Alors...
00:42:23 En fait, il y a beaucoup de personnes, les asexuels sont tous différents.
00:42:26 Et pour l'instant, encore une fois, il faut vraiment dire
00:42:28 que c'est un mot qui manque d'appui scientifique, sociologique et compagnie.
00:42:32 Donc, on en fait un peu ce qu'on veut de ce mot.
00:42:36 Mais c'est une orientation sexuelle à part entière, déjà,
00:42:38 parce que je vois le message qui est juste après.
00:42:43 Il y en a qui vont ressentir du désir lors de la masturbation.
00:42:46 Moi, je suis vraiment sur le pôle extrême.
00:42:48 Ça ne m'intéresse pas du tout et je ne ressens pas de désir,
00:42:51 genre en aucune circonstance.
00:42:53 Après, il peut y avoir des asexuels qui peuvent en ressentir
00:42:56 parce que, disons que ce n'est pas le corps de l'autre qui va les attirer,
00:42:59 mais ils vont plutôt projeter un fantasme sur la situation, le lieu,
00:43:03 l'échange qui va se faire, le contact physique ou la stimulation physique.
00:43:07 Mais ce n'est pas l'autre qui va créer cet espèce d'instinct primaire
00:43:12 que je ne connais pas perso.
00:43:14 - Vous avez parlé tout à l'heure de quelque chose.
00:43:16 Tu disais qu'on voit de plus en plus de cunningus au cinéma, des choses comme ça.
00:43:20 Ça me permet d'aborder un autre point dont je voulais parler,
00:43:23 c'est est-ce que l'évolution de notre rapport à la sexualité,
00:43:27 il se retranscrit aussi dans la pop culture,
00:43:31 dans nos séries, nos films, etc.
00:43:35 Est-ce qu'aujourd'hui...
00:43:36 - Non, mais tu vois, par exemple, un truc qui m'a vachement marqué,
00:43:38 c'est la série "Girls" de Lena Dunham,
00:43:40 où en fait, c'est la première fois que tu as un espèce de "Sex and the City",
00:43:44 mais où les meufs ne jouissent pas à chaque fois en deux secondes,
00:43:46 où tu as des situations où c'est des baises un peu minables,
00:43:49 avec des gens qui ne savent pas forcément bien se parler,
00:43:52 ou voilà, bref, peu importe, mais j'ai l'impression que oui,
00:43:55 on est plus dans des représentations de la sexualité,
00:44:00 qui sont plus réalistes.
00:44:03 Mais évidemment, je veux dire, ce n'est pas par hasard
00:44:06 que tout d'un coup, dans le film de Rebecca Zlotowski, par exemple,
00:44:10 avec Zaya, tu vois, un truc qui m'a vachement marqué,
00:44:12 il y a des scènes de cul entre Zaya et l'acteur qui joue
00:44:17 le mec avec qui elle sort à ce moment-là,
00:44:19 qui est un mec un peu plus vieux, qui lui fait des cadeaux et tout,
00:44:21 enfin voilà, c'est un peu ce rapport-là qu'ils ont,
00:44:23 et bien en fait, il n'y a pas de scène où elle lui tue à une pipe,
00:44:26 il y a une scène où lui, il lui fait un clini-lingus.
00:44:28 Et en plus, comme en plus, c'est dans un rapport où elle,
00:44:30 elle se fait quand même un peu offrir des trucs,
00:44:33 c'est un peu une mixto, donc bon,
00:44:36 ça m'avait vachement marqué, en fait, que ça puisse être...
00:44:39 Et oui, effectivement, je trouve qu'on en voit de plus en plus.
00:44:41 - Oui, et après, moi, j'ai plus une culture...
00:44:44 Enfin moi, j'aime bien regarder des trucs un peu cheap, perso,
00:44:47 et je joue beaucoup aux jeux vidéo,
00:44:49 mais typiquement, je pense à...
00:44:52 On l'a à "Baldur's Gate", où c'est tout con,
00:44:54 mais même de manière très générale, au-delà du rapport féminin et tout,
00:44:58 genre la représentation de queer dans "Baldur's Gate",
00:45:02 c'est, pour ceux qui connaissent pas, c'est un jeu avec...
00:45:06 Bref, un jeu vidéo où il faut se battre et voilà.
00:45:09 Et il y a des scènes de sexe,
00:45:11 je ne savais pas, ça m'avait beaucoup surpris,
00:45:13 et en fait, elles peuvent tout à fait être
00:45:15 homosexuelles, bisexuelles, pansexuelles, à trois, enfin...
00:45:18 Et ça, c'est un truc qui existait, mais pas du tout quand j'étais jeune,
00:45:23 de la même façon qu'il y a des séries comme "Foria",
00:45:26 "Sex Education", dont on a parlé, reparlé.
00:45:28 Après, moi, la représentation, en tout cas, de la sexualité,
00:45:31 elle a beaucoup de chemin à faire,
00:45:33 mais la représentation de la sexualité de manière générale, enfin...
00:45:37 - Oui, et puis de gens moins stéréotypés aussi,
00:45:38 qui ont accès à la sexualité,
00:45:40 parce que là, tu parles de "sex education",
00:45:42 tu as des gens qui sont en fauteuil roulant,
00:45:43 tu as des gens qui sont...
00:45:44 - Ouais, après, elle, c'est...
00:45:45 Elle est quand même...
00:45:46 "Sex Education", ça fait vraiment la Gen Z, vu par les boomers.
00:45:49 - Moi, je pense que ça fait un peu le catalogue.
00:45:51 - Je pense notamment que là, il y a une série que j'ai vue,
00:45:55 ça se trouve, c'est genre...
00:45:57 Tout le monde la connaît, j'en sais rien,
00:45:58 mais moi, j'ai découvert qu'elle s'appelle "Nudes",
00:45:59 elle est, mais incroyable !
00:46:01 Et pour moi, elle devrait être diffusée dans les écoles
00:46:04 pour, justement, apprendre, en l'occurrence, le consentement,
00:46:08 et d'un point de vue pédagogique,
00:46:10 et là, c'est vraiment porté sur le "revenge porn".
00:46:12 Mais typiquement, je n'y attendais pas,
00:46:15 et dedans, ils ont inclus un couple lesbien,
00:46:17 et plein de genres différents de sexualité,
00:46:20 et d'ailleurs, le couple lesbien, du coup,
00:46:22 ça se passe avec un cunnilingus,
00:46:23 et c'est un "revenge porn" avec un cunnilingus lesbien.
00:46:27 - D'accord.
00:46:27 - Et je ne sais pas, mais c'est vraiment un mindset
00:46:29 où tout d'un coup, et puis en fait, sur le coup,
00:46:31 ça ne m'a pas tant étonnée,
00:46:32 et ça apprend en y réfléchissant, parce que...
00:46:33 - Mais attends, celle qui est, du coup,
00:46:36 qui est la victime du "revenge porn",
00:46:37 c'est celle qui reçoit ou qui fait le cunnilingus ?
00:46:39 - Qui reçoit.
00:46:40 - D'accord.
00:46:41 - C'est celle qui reçoit.
00:46:42 - C'est d'autant plus intéressant, d'ailleurs, je trouve.
00:46:43 - Bah oui, mais après, je ne peux pas spoiler la série,
00:46:46 mais celle qui fait le cunnilingus
00:46:48 n'est pas l'auteur du "revenge porn".
00:46:51 En fait, les deux le subissent,
00:46:52 sauf qu'il y en a une dont on ne voit pas le visage
00:46:55 et qui est plus âgée,
00:46:56 donc qui n'est pas jugée comme telle,
00:46:58 et c'est celle qui reçoit le cunnilingus,
00:47:01 qui est un peu plus jeune,
00:47:02 qui va être "shamed",
00:47:03 "slot shamed" pour avoir reçu un cunnilingus.
00:47:06 Tandis que l'autre, on va plutôt la traiter en héroïne, en fait.
00:47:08 - Ah, c'est marrant.
00:47:09 - Non, franchement, c'est une série pépite
00:47:10 que je trouve hyper bien écrite.
00:47:12 - On a une question en chat que je trouve intéressante
00:47:14 parce que ça montre aussi tout le sens
00:47:16 de ce qu'on est en train de raconter depuis tout à l'heure,
00:47:18 qui nous demande, Calistéra,
00:47:19 est-ce qu'on a une définition de ce qu'est faire l'amour ?
00:47:21 Car de mon côté, j'éprouve plus de désir au long enlacement
00:47:25 plutôt qu'à l'acte en lui-même.
00:47:27 Et ça montre aussi ce questionnement qu'on a
00:47:30 en ce moment, notre génération, etc.
00:47:34 de c'est quoi faire l'amour ?
00:47:35 C'est quoi le plaisir ? C'est quoi le désir ?
00:47:36 À quoi ça ressemble ?
00:47:37 - C'est quoi l'érotisme, en fait ?
00:47:38 C'est ça, c'est en définitive.
00:47:40 Est-ce que l'érotisme et tout ce qui entoure le sexe
00:47:43 ne prévaut pas sur simplement une pénétration ?
00:47:47 Enfin, après, bon, je me prêche moi-même en tant que convaincue,
00:47:51 puisqu'encore une fois, le sexe, ce n'est pas trop mon délire.
00:47:53 Mais moi, je ne sais pas, je préfère quatre fois,
00:47:58 encore une fois, passer toute une soirée,
00:47:59 à faire des câlins et s'enlacer.
00:48:02 Et je reviens en boucle sur l'odeur, le contact,
00:48:05 se faire à manger ensemble et manger au lit.
00:48:07 Et puis après, je ne sais pas, se faire des massages
00:48:10 plutôt que de coucher ensemble 15 minutes pour avoir un orgasme.
00:48:13 - Ou pour que l'autre en ait un et ne pas avoir trop d'envie.
00:48:17 - Et puis après, être sûre de bien aller faire pipi juste après,
00:48:20 parce qu'on risque de se choper une soupe dite.
00:48:22 Et puis faire attention parce que s'il y a eu du sperme sur nous,
00:48:26 il faut bien se laver parce que sinon ça brûle,
00:48:27 ça peut créer de l'eczéma.
00:48:29 - Et tout ça à quoi ?
00:48:31 - Sur la question de la représentation,
00:48:34 on a beaucoup parlé du fait qu'il y a une évolution
00:48:37 de la représentation du sexe en lui-même,
00:48:39 de la sexualité, des cunilingus, etc.
00:48:41 Et moi, je me demande s'il y a une évolution
00:48:43 dans la représentation de la perception de la sexualité.
00:48:47 Est-ce qu'il y a une évolution dans le fait que,
00:48:50 voir des mecs pour qui la quantité,
00:48:54 ce n'est pas si important que ça ?
00:48:55 Genre en parler, etc.
00:48:57 - Il y a un truc qui m'a marqué récemment sur Netflix,
00:49:00 il y a cette télé-réalité qui s'appelle "Love is blind",
00:49:03 dont vous connaissez sans doute le principe.
00:49:05 L'idée, c'est que les gens se parlent à travers un mur,
00:49:08 et datent à travers un mur,
00:49:10 et parlent toute la journée ou le temps qu'ils veulent.
00:49:12 Et puis, évidemment, comme c'est un peu drama,
00:49:14 ils sont censés se demander en mariage dans cette revue, etc.
00:49:18 Et ça m'a vachement marqué parce que la saison 1
00:49:21 de la version américaine,
00:49:23 tu voyais beaucoup de mecs parler entre eux de
00:49:25 "Oh putain, mais elle, je la kiffe,
00:49:27 mais je ne sais pas si elle va me kiffer autant."
00:49:29 En tout cas, des mecs parlaient de leurs sentiments.
00:49:31 Et en parallèle, les filles, elles n'étaient même pas tant
00:49:33 dans la compète entre elles.
00:49:36 Parce que c'est quand même toujours ça, les mecs, c'est les gros,
00:49:38 voilà, tu vois, le plus, le mieux.
00:49:41 Et les filles, évidemment,
00:49:43 elles ne peuvent pas se blairer parce que
00:49:44 leur seul but dans la vie, c'est qu'un mec les choisisse.
00:49:49 Et j'ai trouvé que c'était assez intéressant.
00:49:51 Là, on n'est pas vraiment sur de la représentation de la sexualité,
00:49:53 puisque en plus, c'est un show américain,
00:49:54 donc on n'est clairement pas là-dessus,
00:49:55 mais on est sur des représentations de ce que c'est,
00:49:58 les rapports sentimentaux, etc.
00:50:00 Et franchement, ça m'avait vraiment beaucoup marqué
00:50:02 qu'on voit des mecs, enfin, parler de leurs sentiments,
00:50:05 se conseiller entre eux, etc.
00:50:07 Et c'était très mignon.
00:50:09 Et je trouve qu'on le voit de plus en plus, oui.
00:50:12 Je trouve que pareil chez les gamins.
00:50:13 Tu vois beaucoup aussi, voilà, l'éducation au consentement,
00:50:16 tout ça, elle fait aussi un peu son chemin.
00:50:20 Et des petits garçons qui me disent
00:50:23 "non, moi, je n'ai pas envie de sortir avec cette fille,
00:50:25 si elle veut, elle veut que je sois obligée de vouloir".
00:50:28 Parce qu'évidemment, on est quand même encore dans ces perceptions
00:50:29 que le mec, il voudrait tout le temps, tout, tu vois.
00:50:33 Après, je ne suis pas sûre que, par exemple,
00:50:35 un mec qui n'a pas envie,
00:50:36 je ne suis pas sûre que dans toutes les catégories de la population,
00:50:39 dans tous les âges, etc.,
00:50:40 un mec, le soir où il n'a pas envie de faire l'amour,
00:50:42 je ne suis pas sûre que ce soit très bien pris
00:50:44 par ses compagnes ou ses compagnons, encore.
00:50:47 Mais par contre, chez les jeunes, je pense qu'il y a une évolution.
00:50:49 C'est un peu le manque, je trouve.
00:50:51 Effectivement, le mec qui n'a pas envie
00:50:53 n'existe absolument pas dans l'imaginaire collectif.
00:50:56 Et d'ailleurs, on me demande souvent s'il existe des asexuels hommes.
00:50:59 Bien sûr que oui, simplement parce qu'ils n'ont aucun droit
00:51:02 d'exister dans l'imaginaire collectif.
00:51:03 Je pense qu'eux-mêmes ne se posent pas du tout la question.
00:51:08 Ils ne s'autorisent pas.
00:51:09 Je rebondis juste sur le contenu.
00:51:11 Moi, j'ai découvert "L'île de la tentation" dernièrement
00:51:13 et je dois dire que je suis une énorme fan.
00:51:16 Non, mais j'ai découvert "L'île de la tentation"
00:51:18 et justement, je trouve cette émission tellement érotique,
00:51:22 ça m'a presque fait de l'effet.
00:51:24 Mais tout le truc, c'est qu'en fait, ils sont ensemble.
00:51:27 Et là, notamment la dernière saison, il y a un couple
00:51:30 parce que du coup, ils sont sur une île
00:51:32 et avec des tentateurs et des tentatrices et ils n'ont pas le droit,
00:51:35 enfin, ils ne doivent pas avoir des rapports, s'embrasser, tout ça.
00:51:38 Et il y a un couple qui tombe vraiment amoureux
00:51:41 ou en tout cas, on dirait qu'ils sont hyper fusionnels.
00:51:44 On les sent super proches.
00:51:45 Non, non, non, mais j'ai rien.
00:51:47 Ils sont super proches et en fait, c'est juste que d'épisode en épisode,
00:51:50 ils se rapprochent, mais parce que la fille ne veut pas tromper son partenaire
00:51:55 qui est sur l'autre île, il ne se passe rien.
00:51:57 Et en fait, ça dure d'épisode en épisode et la manière dont c'est fini,
00:52:00 puisque c'est la télé, donc il y a un côté un peu voyeuriste et tout,
00:52:02 on sent vraiment cette tension entre eux
00:52:04 où à la fois, ils se cherchent, ils ne s'approchent pas et tout.
00:52:07 Et vraiment, je le regarde avec un plaisir,
00:52:10 un peu comme les mangas, mes shoujo quand j'étais adolescente,
00:52:13 ce truc de tension qui monte
00:52:15 et que je trouve incroyablement érotique et beau.
00:52:19 Et plus intéressant que ce qui peut se passer potentiellement après.
00:52:22 Oui, typiquement. Et pour autant, j'ai regardé tout Frenchy Shore,
00:52:24 j'ai aussi beaucoup aimé.
00:52:25 Mais là, vraiment, ni la tentation, j'ai eu un énorme coup de cœur.
00:52:29 Vous parliez tout à l'heure de
00:52:33 est-ce qu'il y a des mecs qui peuvent se demander si oui ou non,
00:52:37 ils ont plus ou moins envie de...
00:52:39 Ils peuvent accepter de ne pas avoir tout le temps envie de faire amour.
00:52:40 Je vais vous parler de l'expérience personnelle,
00:52:41 parce que moi, c'est ce que j'ai vécu.
00:52:43 Quand je parlais tout à l'heure du fait que
00:52:46 en tant que jeune adulte,
00:52:47 je me suis posé des questions sur la sexualité.
00:52:49 En fait, je me suis posé cette question là.
00:52:51 Il y a une période, genre 18, 19 ans, où je me disais,
00:52:54 mais en fait, moi, j'ai tout le temps envie de faire l'amour.
00:52:56 Vas-y, on peut y aller. C'est parti. T'inquiète pas, machin.
00:52:59 Et en fait, à un moment, je me suis dit,
00:53:01 bah en fait, est-ce que c'est vraiment vrai?
00:53:03 Est-ce que j'ai vraiment envie de tout le temps faire l'amour ou pas?
00:53:06 Et en fait, j'ai réussi à passer par-dessus ça.
00:53:08 Et aussi parce que j'ai pu me poser la question,
00:53:12 parce que c'est aussi des sujets dont on parle
00:53:14 et dans la société, dont on parle de plus en plus finalement.
00:53:18 - Et du coup, ce qui est intéressant, c'est pourquoi est-ce que t'avais cette envie de faire l'amour?
00:53:21 Est-ce que t'avais vraiment envie de ressentir le désir
00:53:23 et de jouer avec quelqu'un?
00:53:25 Ou est-ce que c'était autre chose qui te faisait faire cette recherche?
00:53:30 - C'est une bonne question.
00:53:31 Je pense qu'il y a une partie de ça qui vient du fait que
00:53:35 je viens de collège, lycée avec des bandes de potes
00:53:39 pour qui quantité, quantité, quantité, encore et encore, évidemment.
00:53:42 Voilà.
00:53:43 Et donc, il y a une partie de ça.
00:53:46 Et je pense que c'est aussi...
00:53:48 Je pense qu'il y a une forme d'ego aussi.
00:53:50 D'ego "masculin".
00:53:52 - De te confronter, de te normer aussi à ce que tu es censé désirer.
00:53:57 Mais d'ailleurs, c'est ce qu'on disait tout à l'heure quand on parlait du porno
00:54:00 qui te fait presque croire que tu désires ça.
00:54:04 Enfin, si tu es indépendant, si tu es libre, c'est ça que tu dois désirer.
00:54:08 Donc, en fait, oui, c'est toujours l'explication qui est importante.
00:54:10 - Mais donc, dans ce que tu racontes, il n'était pas...
00:54:12 Parce qu'encore une fois, moi, il faut dire que je regarde ça avec des yeux
00:54:14 qui sont totalement dénués de désir.
00:54:16 Donc, je ne peux pas capter de quoi tu parles exactement.
00:54:19 Mais donc là, le rapport, cette recherche que tu avais d'actes physiques
00:54:22 échangés avec quelqu'un, c'était pas driveé par une forme d'appétit?
00:54:27 - Alors, si, quand même.
00:54:28 - Si, quand même? - Si, quand même.
00:54:29 - Mais tu allais chercher cet appétit en allant rencontrer des filles tous les soirs, par exemple?
00:54:34 - Non, non, non, quand même pas.
00:54:35 J'étais en couple à ce moment-là.
00:54:36 Donc, c'était plutôt avec ma meuf.
00:54:39 Mais non, il y avait nécessairement le désir.
00:54:43 C'est une évidence.
00:54:45 Mais parfois, je pouvais être amené à provoquer le désir
00:54:49 parce que je viens de ce truc-là quand on est collège, lycée.
00:54:53 Et parce qu'il y a aussi...
00:54:54 C'est pour ça que je parlais d'ego, entre guillemets.
00:54:55 C'est qu'il y a le fait que pour être un vrai mec,
00:55:00 il faut avoir envie, tu vois?
00:55:01 Ce qui est con, ce qui est très con.
00:55:03 Et du coup, tu te mets une pression qui limite le plaisir.
00:55:06 Tu te fais en pression, plus de plaisir.
00:55:07 - On avait échangé à ce sujet de la différence du rapport au sexe entre homme et femme.
00:55:11 Quand définitivement, pour l'homme, le sexe est le levier de pouvoir,
00:55:14 tandis que la femme, c'est une façon de remplir son devoir.
00:55:18 Et qu'en définitive, un mec qui ne couche pas, c'est un mec qui est dépourvu de pouvoir,
00:55:22 qui est faible, tandis qu'une femme qui ne couche pas,
00:55:24 c'est une femme incapable d'accomplir son devoir
00:55:26 et donc, encore une fois, dysfonctionnante, mal fonctionnante.
00:55:29 Donc voilà, je tenais à rappeler parce qu'on l'avait dit, c'était assez intéressant.
00:55:33 - C'est très bon.
00:55:34 Mais d'ailleurs, juste pour rebondir sur cette histoire des femmes qui accomplissent leur devoir,
00:55:39 en fait, il y a un nouveau sondage qui est sorti il y a quelques jours.
00:55:43 C'est un sondage qui a été fait par Ipsos, je crois.
00:55:46 Non, ouais, Ipsos pour Durex,
00:55:48 qui montre qu'il y a encore presque une femme sur trois
00:55:51 qui lui arrive d'être en dette sexuelle, c'est-à-dire l'idée de penser que...
00:55:57 - Je l'ai vu passer.
00:55:58 - Et c'est quand même assez dingue de considérer que tu dois quelque chose
00:56:01 parce qu'il a payé le resto, parce que la veille tu l'as pas fait, donc quand même...
00:56:05 Et je pense que ce que tu racontes sur le fait que toi,
00:56:07 t'avais l'impression que tu devais, pour être un vrai mec,
00:56:11 avoir envie de ta copine tous les soirs,
00:56:13 j'imagine que si un jour tu le faisais pas,
00:56:15 ça te mettait encore plus la pression de te dire "Putain, hier on l'a pas fait, là, faut qu'on le..."
00:56:19 Non ? Je sais pas.
00:56:20 - Si, si, un peu.
00:56:21 Et c'est drôle parce que mon ex de l'époque avait aussi un peu ce truc-là,
00:56:26 tu vois, de se dire "Bah en fait..."
00:56:28 - Mais c'est quoi, c'est si on s'aime, on est censé avoir du désir en permanence ?
00:56:31 - Non, mais je saurais pas comment le dire, mais...
00:56:34 - Peut-être pour profiter de la relation, genre...
00:56:37 - Ouais, il y a...
00:56:38 - Notre bonheur à deux se joue sur le rapport qu'on a au sexe
00:56:43 et il doit être épanoui pour que notre couple soit épanoui.
00:56:45 - Ouais, je pense qu'il y avait un peu de ça, ouais.
00:56:47 Je pense qu'il y avait un peu de ça.
00:56:48 - Tu te retrouves énormément dans le plan de couple, là.
00:56:50 Et que d'ailleurs, c'est pour ça que se pose souvent la question de...
00:56:53 Une fois qu'on a plus de désir l'un pour l'autre,
00:56:55 parce que, passé un certain âge, parce que l'habitude,
00:56:57 parce que la monotonie du quotidien,
00:57:00 est-ce qu'on s'aime encore ?
00:57:01 Est-ce qu'on reste ensemble ?
00:57:02 Et moi, justement, mon livre, c'est de ça dont il parle.
00:57:04 C'est que oui, on reste ensemble si tout le reste de la relation suffit
00:57:09 et représente assez et est suffisamment jolie pour pallier à ce manque-là, quoi.
00:57:14 - Mais tu vois, on parlait des représentations culturelles,
00:57:18 tu vois encore beaucoup dans des films, des copains, des copines, en fait,
00:57:21 parce que c'est souvent plutôt les femmes qui se parlent entre elles de ça,
00:57:23 enfin, en tout cas, telle que c'est représentée.
00:57:26 Des couples, voilà, je sais pas, des femmes d'une cinquantaine ou d'une quarantaine d'années
00:57:29 qui disent à leurs copines,
00:57:30 "Ah mais toi, vous vous baisez combien de fois avec ton mec par semaine ?"
00:57:33 Et que ça te fout la pression parce que,
00:57:34 "toi, t'as peut-être que baisé une fois ou deux dans le mois,
00:57:36 et au fond, t'as autre chose à foutre."
00:57:37 - À qui le dis-tu ?
00:57:38 Je pense que c'est...
00:57:39 Moi, c'est le truc qui me fait le plus mal et qu'on me répète, genre,
00:57:43 tous les jours, surtout en ce moment,
00:57:45 c'est que mon mec, il est malheureux avec moi.
00:57:46 Et qu'en fait, ce truc d'aide sexuelle,
00:57:49 bah oui, effectivement, quand on a passé une très bonne journée,
00:57:51 et que j'imagine que je sens qu'il a envie,
00:57:54 et que s'il avait été avec une autre fille,
00:57:55 bah la soirée, ce serait fini, autrement qu'avec moi.
00:57:58 Je le ressens.
00:57:59 C'est pas une question de lui devoir quelque chose parce qu'il a fait ci ou ça,
00:58:02 mais que je dois ça au bonheur de notre couple.
00:58:04 Même, on a eu une discussion qui était hyper intéressante il y a pas longtemps,
00:58:09 où il me disait, ça concernait le fait de regarder ou pas du porno.
00:58:15 Et il me disait, parce que moi, je suis pas hyper à l'aise avec ça,
00:58:18 et lui, il a envie.
00:58:20 - Mais ensemble, c'est pas vraiment... - Désolée bébé, si tu nous regardes,
00:58:22 de parler de ça, je t'en ai pas parlé avant.
00:58:24 Je vais essayer de rester modeste dans les explications.
00:58:26 - Mais tu parles ensemble ou c'est pas vraiment... - Non, c'est pas vraiment.
00:58:28 Ou justement, où du coup, lui, il aurait une intimité à lui,
00:58:31 et c'est vraiment un truc qu'on est en train d'appréhender en ce moment,
00:58:33 qui est un peu difficile.
00:58:34 Et en gros, il me disait, bah oui, mais en fait,
00:58:38 en gros, comme t'es asexuel,
00:58:40 enfin, je sais pas comment dire,
00:58:42 mais c'est un peu genre, tu me dois de me laisser regarder du porno.
00:58:46 Genre, y a pas le choix.
00:58:48 Et en fait, moi, le truc, c'est que j'ai essayé de lui expliquer
00:58:50 que le fait que je sois asexuel,
00:58:52 c'est pas de ma faute et c'est pas un mal
00:58:54 que je fais volontairement à notre relation,
00:58:56 qui fait que j'aurai une dette envers lui de me blesser pour...
00:59:00 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:59:01 C'est compliqué à expliquer, mais y a vraiment eu un truc où
00:59:03 je lui ai dit, mais attends, en fait, moi,
00:59:05 je pourrais aussi vouloir être avec un mec qui regarde pas de porno,
00:59:07 qui est comme moi, et dans ce cas, je te quitte et je vais ailleurs.
00:59:09 De la même façon que toi, tu pourrais être,
00:59:10 vouloir être avec quelqu'un qui est comme toi
00:59:12 et me quitter et aller voir ailleurs.
00:59:13 Et y a vraiment ce truc continu, qu'on a du mal ensemble à déconstruire,
00:59:17 de, en définitive, c'est toujours moi qui suis déficiente dans notre couple.
00:59:20 - Oui, c'est-à-dire que tu pars un peu avec un...
00:59:22 - Un handicap. - Un handicap,
00:59:23 dans toute conversation sur le sujet.
00:59:25 - Ah oui, c'est ça, mais même dans la vie.
00:59:27 Et dès qu'il s'agit, genre, des gens,
00:59:29 je sais pas, des collègues de travail ou à mes amis, à ma mamie,
00:59:33 tout le monde, qui me dit "ah, le pauvre,
00:59:36 ah, je pourrais pas être à sa place".
00:59:38 Et...
00:59:39 - Oui, sans se préoccuper de toi,
00:59:41 si ce serait pas toi la pauvre, si tu devais te forcer.
00:59:43 - Merci.
00:59:44 Et c'est une question qu'on me pose jamais quand je fais des interviews.
00:59:47 - Mais parce que de toute façon, la question du désir des femmes,
00:59:49 elle est secondaire, généralement, quand même.
00:59:51 - Et toi, dans ton...
00:59:53 Comment tu te sens par rapport à cette question-là, tu vois,
00:59:57 du rapport à ton mec qui, lui, est sexuel,
01:00:00 et de ces questionnements ?
01:00:01 Comment est-ce que tu te places et comment est-ce que tu te sens par rapport à ça ?
01:00:04 - Bah, en fait, c'est complexe de répondre,
01:00:07 parce qu'à la fois, maintenant, ma voix, elle est un peu porteuse d'espoir,
01:00:10 donc je suis toujours attachée à ce truc de...
01:00:13 Mon couple, genre, il...
01:00:15 Ouais, il donne de l'espoir, en fait, à plein de gens,
01:00:17 parce que ça veut dire que ça peut marcher, et si ça peut marcher,
01:00:19 bah, c'est cool, quoi, on a accès au bonheur.
01:00:21 Mais c'est quand même dur au quotidien, parce que...
01:00:24 Moi, je me réveille en sachant qu'au fond, je serai jamais vraiment suffisante
01:00:27 et que ma simple présence, mon simple contact va le frustrer,
01:00:31 parce que...
01:00:32 Et c'est vraiment un travail de déconstruction personnelle à faire
01:00:36 que d'essayer justement ce que je voulais, de me dire que...
01:00:38 Non, je suis pas déficiente,
01:00:40 et qu'en définitive, on est sur un terrain d'égalité,
01:00:42 et juste, on est différents.
01:00:44 C'est pas moi qui suis moins normale que lui,
01:00:46 mais qu'on est différents.
01:00:48 - Mais c'est marrant que tu te poses cette question, parlant de...
01:00:51 Comme si tu le frustrais, parce qu'en fait,
01:00:53 à l'inverse, je veux pas regarder tout sous un...
01:00:55 Avoir un regard toujours féministe, surtout, d'analyser où il faut, mais...
01:00:59 De fait, on se pose jamais la question de si les femmes, elles sont frustrées dans leur couple,
01:01:02 alors que tout à l'heure, t'as bien parlé de femmes qui n'ont jamais eu l'orgasme de leur vie,
01:01:04 et pourtant, ces femmes, elles étaient pas forcément célibataires.
01:01:06 - Alors après, en l'occurrence, là où ça, y a pas trop de débat dans notre couple,
01:01:10 c'est qu'il est vraiment extrêmement fort, lui.
01:01:12 Justement parce qu'il a eu une très bonne formation,
01:01:15 donc... Mais c'est encore plus culpabilisant,
01:01:17 parce qu'il y a plein de fois où je me suis dit "c'est du gâchis, du coup".
01:01:20 Non mais vraiment, et sur le coup, j'en ai pleuré,
01:01:22 parce que... Parce que il est...
01:01:25 Euh... Je vais pas rentrer dans les détails, mais extrêmement compétent dans ce qu'il fait.
01:01:29 Moi aussi, mais en fait, c'est dans mon livre, mais...
01:01:31 Il est capable de donner un orgasme... 3 à 4 orgasmes en 5 minutes.
01:01:35 Donc on parle d'extrêmement compétent.
01:01:38 Et vraiment, y a des fois où, en fait, après qu'on ait couché ensemble,
01:01:42 j'ai pleuré, parce que je me suis dit "bah, c'est du gâchis, genre".
01:01:45 Les femmes, ça manque tellement aux femmes,
01:01:48 que je leur enlève ça, quoi.
01:01:50 Et c'est... Non mais ça paraît marrant, comme ça.
01:01:51 - Non, non, mais si, parce que ça me fait penser à l'épisode de "Sex and the City" où...
01:01:54 Charlotte rencontre un mec qui fait super bien les cunémingus,
01:01:58 et du coup, elle se convainc un peu qu'elle est amoureuse de lui,
01:02:01 alors que, bon, y a plein d'autres trucs qui vont pas dans leur histoire.
01:02:04 Et ses copines lui disent "non, non, non, mais attends,
01:02:07 ce mec-là, tu n'as pas le droit de le garder pour toi,
01:02:09 il te fait des cunémingus quelques fois,
01:02:11 et après tu le remets sur le marché, ça ne se fait pas, on ne fait pas ça aux autres femmes".
01:02:14 Je pensais que ça me fait marrer, ce que tu disais.
01:02:15 - Oui, mais oui, mais y a un peu ce truc-là de genre...
01:02:18 Après, bon, c'est pas grave, parce qu'avant lui, j'ai eu des ex,
01:02:21 je les ai aussi formées, ils sont dans la nature.
01:02:23 Donc qui veut leur réseau, vous me dites, je vous les envoie.
01:02:27 Mais...
01:02:29 Mais non, non, mais voilà, mais c'est par contre, c'est des questions
01:02:30 que j'ai rarement l'occasion d'aborder,
01:02:32 qui sont assez intimes, mais qui sont intéressantes quand même.
01:02:34 - Je trouve ça hyper intéressant que tu le racontes comme ça,
01:02:37 parce qu'en fait, tu dis, genre, il est capable de faire jouer une femme
01:02:40 en 4-5 fois, en 5 minutes, un truc comme ça.
01:02:42 - Ouais, 3-4 fois. - Ouais.
01:02:43 Et en fait, ça relie aussi à la pression que t'as dans le "sexe",
01:02:48 en fait, en quoi ce serait du gâchis,
01:02:51 parce qu'il est capable de faire jouer une femme X manière de fois.
01:02:55 Est-ce que c'est pas aussi une manière de voir...
01:02:57 C'est aussi un truc que tu racontais dans l'étude à un moment.
01:03:00 Tu vois le "sexe" comme une performance sportive, olympique, tu vois.
01:03:03 Et en fait, du coup, c'est pas ça le sens du plaisir,
01:03:06 c'est pas la performance, tu vois.
01:03:08 Et c'est marrant que tu le racontes comme ça.
01:03:09 - Oui, oui, oui, c'est vrai, mais parce qu'après, moi, j'ai aussi ce truc...
01:03:13 Comme je suis détachée du désir et tout, en définitive,
01:03:18 quand ça, typiquement, quand il va prendre soin de moi,
01:03:22 ça va juste être un truc...
01:03:23 Enfin, pour moi, en tout cas, c'est un peu genre mécanique ou libérateur et tout.
01:03:27 Mais parce que typiquement, je pense que je fais partie de ces femmes dont on parlait
01:03:31 où je suis pas à l'aise avec mon...
01:03:33 Enfin, moi, j'ai pas de désir, mais je suis pas à l'aise avec mon propre plaisir de mon corps.
01:03:37 C'est pas un truc que j'aime.
01:03:38 Et donc, parfois, oui, "why not ?" genre on le fait et tout.
01:03:44 Mais de manière générale, c'est pas trop un truc qui me botte.
01:03:48 Mais après, encore une fois, je suis un cas particulier puisque je suis asexuelle,
01:03:50 donc forcément, ça complexifie les choses, quoi.
01:03:54 Mais oui, effectivement.
01:03:55 Sans désir, du coup, ça devient un peu un truc spectif.
01:03:58 - Je voudrais revenir un tout petit peu en arrière.
01:03:59 On parlait de pop culture, de représentation du sexe.
01:04:01 Est-ce que toi, Anna, t'as la sensation que l'asexualité,
01:04:06 elle est représentée dans le monde de la pop culture ?
01:04:10 Donc l'asexualité, elle, appose-toi à l'asexualité.
01:04:12 Est-ce que tu vois des modèles ?
01:04:14 - Oui et non.
01:04:15 Il y a quatre ans, il y en avait vraiment aucun.
01:04:17 Il commence à y en avoir un ou deux qui fleurissent ici et là,
01:04:19 mais c'est encore vu, en tout cas pour moi,
01:04:23 toujours des personnes qui ne sont pas asexuelles.
01:04:25 Et quasiment à chaque fois, j'ai eu un espoir et je me suis retrouvée à pleurer,
01:04:29 ou à enrager.
01:04:30 On a, par exemple, le personnage de Ho dans "Sex Education"
01:04:33 qui a été co-écrit en plus par une asexuelle anglaise militante
01:04:38 et qui, après, a fait des posts pour dire que la plateforme de streaming
01:04:43 avait supprimé, en fait, beaucoup de son travail
01:04:46 et avait fait une représentation hyper réductrice du personnage qu'elle avait co-écrit.
01:04:51 On a dans "Heartstopper" un personnage asexuel qui est...
01:04:56 C'est donc des séries très adolescente, très teenage,
01:04:58 mais qui est ultra cliché.
01:05:01 Il parle à personne, c'est le moins fun de la bande,
01:05:03 on n'a pas du tout envie de communiquer avec lui.
01:05:06 Et après, souvent, c'est juste que...
01:05:09 Moi, j'en vois des personnages asexuels, mais ils ne sont pas dits comme tels.
01:05:14 Parce que je pense que s'il était écrit qu'il était asexuel,
01:05:17 les gens les aimeraient un peu moins.
01:05:18 Mais notamment le pirate préféré de tout le monde, bien sûr.
01:05:24 Ouais, "Monkey D. Luffy" dans "One Piece".
01:05:28 C'est évident.
01:05:28 C'est pas la moindre idée de ce dont vous parlez.
01:05:30 Alors bon...
01:05:31 Tu connais pas "One Piece" ?
01:05:33 Non, mais je...
01:05:34 En gros, le personnage principal s'appelle Luffy.
01:05:37 Et la caractéristique de ce personnage, c'est que...
01:05:41 Ça se voit qu'il ne ressent aucun désir.
01:05:44 Et pour...
01:05:45 Oui, ça se voit physiquement ?
01:05:46 Non, c'est juste dans l'histoire, dans le ressenti de ce qui se passe, etc.
01:05:50 Et c'est pour ça que toi, Anna, tu me disais au téléphone hier que...
01:05:54 C'est pour toi un personnage asexuel ?
01:05:56 Bah oui.
01:05:57 Et en fait, pour répondre à ça, j'expliquais notamment que dans la suite de l'histoire,
01:06:02 il y a un moment où il y a un personnage, une femme,
01:06:05 qui est considérée comme la femme la plus belle du monde.
01:06:08 Et tout le monde ressent du désir pour elle,
01:06:10 au point que ça en devient un pouvoir dont je vous épargne les détails.
01:06:13 Et en fait, Luffy est le seul perso du monde à ne ressentir aucun désir pour elle.
01:06:18 Ce qui me semble évident, mais les gens auront toujours des contre-arguments
01:06:22 et essaieront de négocier.
01:06:23 Et moi, quand j'en ai parlé, j'ai suggéré l'idée à des proches, des copains et tout.
01:06:28 Ils étaient là, mais genre...
01:06:29 Pas du tout, genre c'est impossible, comme si c'était quelque chose de mal
01:06:33 que de lui enlever son potentiel désirant.
01:06:39 Que tout d'un coup, ça en faisait quelqu'un d'ennuyeux, de moins fort, de faible.
01:06:44 Un loser, encore une fois.
01:06:45 Il passait la barrière, là, dont on parlait winner, loser,
01:06:48 il repassait du côté des losers.
01:06:50 Et de manière générale, je t'avais aussi parlé de l'exemple
01:06:53 où il y a eu un documentaire qui est sorti sur Karl Lagerfeld.
01:06:57 Je ne sais pas si j'ai besoin de le présenter, je ne suis pas sûre.
01:07:02 Et en fait, c'est en cinq épisodes, c'est une série,
01:07:06 et ils décryptent vraiment, ils n'arrêtent pas de dire que...
01:07:08 En fait, le sexe, ça ne l'intéressait pas du tout.
01:07:11 Il y a des passages de son entourage qui dit qu'en fait, il ne couchait jamais,
01:07:15 que même d'ailleurs, les personnes avec qui il couchait
01:07:16 disaient que c'était franchement pas terrible comme expérience.
01:07:19 Que lui-même, il y a des extraits où il en parle et il dit
01:07:21 "non, le sexe, ça ne m'a jamais intéressé, j'ai beaucoup mieux à faire,
01:07:25 travailler, dessiner, etc."
01:07:27 Et quand je vois ça, je me dis "bah, évidemment,
01:07:30 ta question ne se pose même pas".
01:07:32 Et simplement, le mot n'est pas posé.
01:07:34 Et c'est un peu le truc, c'est que des personnages asexuels,
01:07:36 quand on y réfléchit, dans l'histoire,
01:07:38 il y en a plein, des personnages aussi,
01:07:40 mais le mot n'est jamais posé.
01:07:42 Cette évolution de notre rapport au sexe,
01:07:45 est-ce qu'il est corrélé à l'évolution de notre rapport au bonheur
01:07:49 et au plaisir dans la vie ?
01:07:50 C'est ça, il y a probablement une espèce de brise de conscience que
01:07:55 boire un bon verre, après ça tout le monde le dit,
01:07:58 boire un verre d'un bon vin, c'est toujours mieux que
01:08:00 une jinguette de la bière dégueulasse.
01:08:03 Après, ça c'est des questions d'âge aussi et de culture, mais...
01:08:08 Oui, je pense qu'il y a clairement...
01:08:10 On n'est plus dans une société de l'opulence,
01:08:12 mais ça, ça va aussi avec...
01:08:14 On n'est plus dans une société de l'opulence,
01:08:16 je m'avance un peu en disant ça.
01:08:17 Mais en tout cas, il y a quand même des voix qui commencent un peu à se...
01:08:22 à dire que oui, t'es pas obligé d'accumuler des tas de fringues,
01:08:25 t'es pas obligé d'accumuler...
01:08:26 de sortir tous les soirs et de te mettre la mine ou la tête à l'envers.
01:08:31 Voilà, je pense qu'il y a peut-être un retour à une forme de sobriété,
01:08:34 mais la sobriété, ce n'est pas un gros mot,
01:08:36 ça ne veut pas dire rien du tout,
01:08:38 ça veut juste dire "moins, mais mieux".
01:08:40 Bon, de ce point de vue-là, franchement,
01:08:41 je ne vois pas très bien ce qu'on peut reprocher aux personnes
01:08:43 qui sont dans cette démarche-là.
01:08:46 J'aime énormément le parallèle avec les fringues,
01:08:48 puisque c'est mon métier, justement.
01:08:50 Moi, j'ai fait le choix de vendre des vêtements vintage
01:08:52 parce que ça me permet de vendre des vêtements "made in France",
01:08:55 extrêmement qualitatifs, en laine, en soie, en coton,
01:08:58 à des prix tout à fait corrects.
01:08:59 Et les gens, souvent, ne comprennent pas trop
01:09:02 l'essor de la seconde main et du vintage,
01:09:04 mais parce que c'est précisément ça,
01:09:06 c'est qu'on retourne à des vêtements
01:09:10 d'une qualité supérieure,
01:09:12 qui vont nous tenir plus longtemps,
01:09:13 qui vont nous tenir plus chaud,
01:09:14 dans lesquels on transpirera moins,
01:09:16 qui seront plus doux, qui sont, bref,
01:09:18 avec des styles intemporels.
01:09:19 Et c'est un peu de la même façon, effectivement,
01:09:21 je pense qu'on retourne, ce qu'on dit depuis le début,
01:09:24 une recherche peut-être de qualité sur la quantité
01:09:27 de quelque chose de plus rare,
01:09:29 mais de plus précieux, de plus personnel,
01:09:32 et du coup, qui dure dans les souvenirs,
01:09:36 comme sûrement sur le moment, plus longtemps.
01:09:38 - Et en plus, tu vois, là, peut-être que c'est des exemples
01:09:41 un peu précis, mais quand on parle des relations sexuelles
01:09:43 comme la fast fashion,
01:09:45 en fait, c'est aussi te positionner sur ta place dans le monde
01:09:48 et comment tu ne vas pas utiliser le monde
01:09:51 juste à ton propre profit,
01:09:53 le monde, les autres, la Terre, à ton propre profit,
01:09:55 mais peut-être essayer d'être dans un truc un peu plus...
01:09:59 pas holistique non plus, mais dans un truc un peu plus...
01:10:01 qui a un peu plus de sens.
01:10:02 Alors après, je dis ça, en vrai, les gens continuent tous
01:10:05 à prendre des vols pas chers pour aller à Barcelone,
01:10:08 mais parce qu'aussi, il n'y a pas nécessairement
01:10:10 de ligne de train, etc., d'autres solutions,
01:10:12 et que les gens n'ont pas forcément...
01:10:13 ont aussi peu d'argent, donc évidemment, ils sont...
01:10:15 Mais bon, bref, tout ça pour dire que, oui, je pense que,
01:10:18 clairement, la façon dont tu prends ton plaisir
01:10:22 et ton rapport aux autres dans ce truc-là,
01:10:25 peut-être que c'est des questions que les gens se posent un peu plus.
01:10:27 - Il y a un truc dont on a...
01:10:28 Je suis désolée, je vais essayer de faire très vite,
01:10:29 mais on n'en a pas du tout parlé.
01:10:31 Quand tu dis justement qu'il n'y a pas d'autres solutions
01:10:34 pour faire un pari Barcelone que l'avion pas cher,
01:10:37 il y a aussi un truc dans le sondage,
01:10:39 un truc qu'on peut questionner, c'est les néo-sexualités,
01:10:41 et c'est toute cette sexualité virtuelle qui existe
01:10:44 et qui a le mérite d'exister, qui n'est pas forcément plus mal.
01:10:46 Et en fait, toute cette nouvelle imaginaire érotique,
01:10:50 ces nouveaux...
01:10:52 que ce soit les sextos, les envois de photos,
01:10:53 le partage de regarder...
01:10:55 Il y a des gens qui regardent un porno ensemble,
01:10:58 à distance, via des applications.
01:11:00 Enfin, toute cette sexualité-là qui est en train de se développer,
01:11:03 qui existe, mais aussi d'ailleurs, j'y pense, la VR et tout,
01:11:06 et qui a le mérite d'exister.
01:11:08 - Et qui, d'une certaine manière, existait déjà avant.
01:11:10 Quand on discutait au téléphone, tu me parlais de quand tu étais au collège
01:11:13 ou au lycée, que tu te connectais sur Abo
01:11:14 et que tu voyais des gens faire l'amour dans une pièce.
01:11:17 - Oui, c'est vrai.
01:11:18 C'est vrai ce que je dis, mais typiquement, c'est le développement vraiment de ça.
01:11:22 Mais s'il y en a de ma génération dans le chat,
01:11:25 on est tous déjà entrés dans une pièce
01:11:27 et on a assisté à un rapport sexuel virtuel.
01:11:30 Non, c'était Abo, c'était un truc avec des salles où les gens discutaient,
01:11:33 t'avais des petits avatars.
01:11:34 Et en fait, les gens pouvaient chatter.
01:11:37 Le chat était visible par tout le monde,
01:11:38 il y avait des bulles autour de ton personnage et les gens couchaient.
01:11:40 - Ah, mais ils couchaient ensemble, virtuellement ?
01:11:41 - Oui, et du coup, ils décrivaient genre "je te fais ci, je te fais ça".
01:11:45 Et ils se mettaient, il y en avait un sur une chaise et l'autre sur le lit à côté,
01:11:47 les persos ne bougeaient pas et tout était au travers des mots.
01:11:50 Il y avait même des questions de désir,
01:11:51 parce que selon comment ton personnage était et tout,
01:11:53 moi je me sens, mon premier mec, il s'appelait Mickael,
01:11:56 il avait des cheveux bleus, il avait un pass VIP.
01:11:58 On est sortis ensemble genre trois mois sur Abo.
01:12:00 Et j'avais 12 ans, je crois.
01:12:02 Il était d'ailleurs beaucoup plus vieux,
01:12:04 mais ça, c'est un autre débat.
01:12:07 Mais voilà quoi.
01:12:08 - Merci beaucoup. Merci Anna.
01:12:10 Merci Kim d'avoir participé à cette discussion, c'était hyper intéressant.
01:12:12 Merci de l'avoir suivie.
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