• il y a 10 mois
Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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Transcription
00:00 Dans "A Man" de Kei Ishikawa, un avocat est engagé par une femme pour découvrir la véritable identité de son mari après sa mort.
00:08 Et ce drame familial est traité comme un thriller, Frédéric.
00:10 Oui, alors il faut savoir que c'est le grand succès du cinéma japonais.
00:13 C'est un film qui a reçu huit récompenses, à l'équivalent des Oscars ou des Césars au Japon actuellement.
00:18 C'est un cinéaste qui a déjà tourné, qui avait commencé sous la houlette, notamment dans un film collectif de Kore-eda.
00:24 J'y reviendrai parce que je pense que ça donne peut-être quelque chose de l'ancrage social du film.
00:29 En tout cas sur la société japonaise.
00:31 Et ce que vous racontez, vous parlez d'un thriller.
00:33 Oui, effectivement, une femme épouse un homme et puis elle se rend compte que ce n'est pas le bon.
00:37 Et le film va se mettre à mener une enquête.
00:40 Et c'est à la fois une enquête sur le Japon et une enquête évidemment sur ses choix.
00:45 Et tout le monde a quelque chose à cacher dans cette histoire.
00:47 Tout le monde a quelque chose à cacher ou à se reprocher.
00:49 Et c'est donc un miroir tendu au Japon d'aujourd'hui.
00:52 Alors vous allez voir un extrait qui se situe dans la meilleure partie du film, qui est la première partie du film.
00:55 Je vais vous montrer ça.
00:59 Regardez où ils sont dans la voiture et cet homme mystérieux et cette femme vont évidemment aller l'un vers l'autre.
01:06 C'est comme une chorégraphie de visage.
01:08 Gêné, embarrassé, pour faire le premier pas, pour franchir le premier pas.
01:14 Et vous voyez ce baiser qui...
01:16 Et au moment où il va l'embrasser, il voit ce reflet.
01:18 Reflet déformant, reflet grossissant.
01:20 Qui évidemment, comme une sorte de dysmorphophobie, reflète à cet homme son âme peut-être.
01:26 Ce qu'il pense être, ce qu'il croit être.
01:28 Et d'ailleurs, vous voyez cette réaction ensuite.
01:30 Cette réaction qui est, je dirais, qui est disproportionnée.
01:34 Elle ne sait pas quoi faire parce qu'au moment où il est l'embrassé, il est pris comme une sorte de malaise.
01:39 Et c'est ce malaise que le film va explorer pendant deux heures à travers de nombreux personnages
01:44 pour essayer de comprendre qui est cet homme.
01:47 Mais pas simplement qui est cet homme, mais aussi qui sont la plupart des protagonistes.
01:51 Et c'est un miroir d'un Japon qui effectivement s'interroge sur son passé, son héritage et ce qu'il est en train de devenir.
01:59 Et le film commence d'ailleurs avec la reproduction interdite de Magritte.
02:03 C'est un film qui vous a parlé...
02:05 Pas du tout. Je trouve le film lisse comme une patinoire.
02:07 C'est vraiment... C'est-à-dire que c'est des ressorts presque de soap opéra et surtout de sujets très pontifiants.
02:15 Avec identité, avec un grand "I", Japon, avec un grand "J".
02:19 Je trouve vraiment que... J'ai vraiment l'impression de voir un générateur de films japonais comme ça, sans supplément d'âme à chaque fois.
02:26 Je suis désolée d'être aussi sévère parce que le film...
02:28 Mais je n'arrive pas à y trouver des qualités en dehors de ce qu'on s'imagine être un film japonais.
02:33 Je ne vois pas. Je ne vois même pas de cinéaste derrière.
02:35 Il y a un truc un peu cruel, c'est il faut se demander si ça se passait à Courbevoie, est-ce que ce serait supportable ?
02:40 Et en fait non, parce qu'effectivement...
02:41 Tu sais que je viens de Courbevoie ?
02:43 On ne peut pas tirer aussi bas.
02:45 Tu connais le côté insupportable.
02:47 Donc tu sais de quoi je parle.
02:48 Exactement.
02:49 Ce que je veux dire, c'est que moi j'ai beau trouver les thèmes assez passionnants parce que mine de rien,
02:54 on ne voit pas si souvent le Japon et les Japonais représentés se posant ces questions-là.
02:58 Il n'y a que les créeins du Japon.
03:00 Oui, mais ça je trouve intéressant le souci, c'est que le premier plan du film, c'est donc effectivement la reproduction impossible de Magritte,
03:05 un homme de dos regardant un reflet qui en fait n'est pas le reflet qui est le sien de dos.
03:08 Et que tu retrouves dans le film.
03:09 Lorsque le héros apparaît, il est en train de parler avec son beau-père, il fait "Oh, fichu coréen qu'on ne peut pas intégrer" et lui il est là.
03:15 C'est vraiment sursignifiant.
03:17 C'est difficile de faire du sursignifiant.
03:19 Je vous trouve très dur avec le film parce qu'au-delà de l'ancrage social, de la question de l'identité, etc.,
03:25 je trouve quand même que c'est un premier film et qu'il y a déjà un talent de mise en scène quand même.
03:29 Il y a une scène qui est au début, qui est d'après toi la meilleure partie du film, je ne sais pas,
03:33 parce que pour moi tout le film est assez bon.
03:35 Mais au début, il y a une scène où Rie et Daisuke viennent de se rencontrer.
03:39 Ils déjeunent ensemble face à face, agenouillés.
03:41 On est sur un cadre fixe, plan large, on se croirait chez Ozu.
03:44 C'est très simple, très sobre.
03:45 C'est neuf quoi.
03:46 Et il lui demande...
03:47 Ils sont très malveillés en paradis avec lui, Arthur.
03:49 #Ozu pendant tout le film.
03:51 J'entends et je retiens.
03:52 Mais justement, en fait, on en part parce qu'il lui demande pourquoi elle s'est séparée de son premier mari.
03:56 Et elle se confie à lui en lui disant qu'ils ont perdu un enfant.
03:58 Et au moment où elle raconte cette histoire, elle se fait de plus en plus intime et de plus en plus vulnérable,
04:02 le plan avance tout doucement en travelling avant et se rapproche sur son visage.
04:05 Et je trouve que ce n'est pas ostentatoire, c'est sans effet de manche, c'est simple, c'est sobre.
04:10 Mais ça vient raconter quelque chose.
04:12 Moi, je trouve qu'il y a un talent et j'ai envie de voir ce qu'il va faire ensuite.
04:14 Marie, c'est #Ozu ou #NouvelleGénération qui nous intéresse ?
04:17 #NouvelleGénération à suivre en tout cas.
04:20 Je ne pense pas que le film soit parfait, mais je suis d'accord avec toi.
04:23 Je trouve que la première partie est formidable.
04:24 Déjà pourquoi ?
04:25 Parce qu'elle fait des ellipses démentes.
04:28 Il y a une ellipse formidable.
04:29 Il y a vraiment un côté gentil et un côté méchant sur cette scène.
04:31 Il y a une mort absurde.
04:34 Chut, je parle.
04:35 Juste après la scène que tu as brillamment décryptée,
04:40 il y a une ellipse incroyable à laquelle on ne s'attend pas du tout.
04:43 Le film rebat complètement les cartes.
04:45 Et par ailleurs, moi, j'aime beaucoup le personnage de l'avocat.
04:48 C'est un personnage qui est d'ascendance coréenne.
04:50 Ça fait trois générations qu'il est au Japon et on lui ressort encore qu'il est d'ascendance coréenne.
04:55 Et à mesure qu'il va enquêter, ça chamboule sa vie, ça chamboule les vies tout autour de lui.
04:59 Je trouve qu'il y a quelque chose, c'est plutôt captivant, cette espèce d'enquête sur un monsieur X.
05:05 Et vous êtes bien des mauvais coucheurs.
05:07 Et il y a Sakuramanga dans le film.
05:09 On vous laisse parler de la première partie qui est très réussie pour revenir sur les 100 minutes qui restent.

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