Émilie Tran Nguyen reçoit dans l'interview d'actualité Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT pour la sortie de son livre Dans les coulisses des JO.
Category
📺
TVTranscription
00:00 - Émilie, vous recevez ce matin Bernard Thibault.
00:03 - Bonjour Bernard Thibault. - Bonjour.
00:04 - Tous les Français vous connaissent bien, vous avez été secrétaire général de la CGT pendant 14 ans,
00:08 mais ça fait longtemps qu'on ne vous n'ait pas vu sur un plateau télé, donc on est très content de vous recevoir.
00:13 - Merci.
00:13 - Vous venez nous parler de votre nouvelle mission, que vous détaillez d'ailleurs dans ce livre,
00:17 "Dans les coulisses des JO, mon engagement pour des jeux socialement exemplaires",
00:20 c'est aux éditions de l'atelier, parce qu'en fait peu de gens le savent,
00:24 mais depuis 7 ans vous œuvrez en coulisses dans les JO,
00:27 co-président du comité de suivi de la Charte sociale adoptée pour les JO et Paris Olympique de Paris.
00:33 Si je résume en gros, vous occupez des syndicats pour les JO de Paris.
00:37 - Des conditions sociales de tous ceux qui préparent les JO depuis le début du processus,
00:42 alors vous l'avez dit, peu de gens connaissent cette mission,
00:46 c'est aussi l'objet de ce livre, c'est à la fois un témoignage...
00:48 - C'est la première fois que ça existe en fait, que c'est créé.
00:50 - C'est la première fois dans l'histoire des JO que le pays organisateur implique officiellement
00:54 les syndicats du pays organisateur pour s'intéresser aux conditions sociales
00:59 dans lesquelles on prépare les jeux, on va les organiser
01:03 et s'intéresse aussi à l'impact social plus durable après les JO.
01:07 C'est la mission que j'ai au titre des cinq confédérations syndicales du pays.
01:11 - Post-cré et sur mesure, pour vous, c'est pas que de la communication,
01:15 c'est vraiment pour que les JO soient socialement exemplaires ?
01:20 - Oui, on a déjà une première étape qui fait la démonstration de l'efficacité de ce dispositif,
01:25 la manière dont les chantiers de construction se sont déroulés.
01:29 Tous les syndicats sont plutôt satisfaits de la coopération que nous avons pu avoir
01:33 avec la Solidéo, avec des objectifs en matière de sécurité,
01:37 en matière de lutte contre le travail illégal, en matière d'action d'insertion,
01:42 plus de 3 800 chômeurs de longue durée ont pu accéder à l'emploi à l'occasion de ces chantiers,
01:48 alors l'enjeu, naturellement, c'est de savoir si ces emplois vont être pérennes.
01:52 - Justement, parce que ce qu'il faut dire, c'est que les JO, ça brasse énormément d'emplois.
01:56 Quand on regarde 181 000 emplois pour ces JO, ça a été revu à la hausse,
02:01 c'est ce qu'on appelle l'effet JO, et c'est ce que vous disiez,
02:04 est-ce que ce sont des emplois qui vont être pérennes ?
02:06 Dès que les JO seront terminés, est-ce que ces emplois vont pouvoir tenir ?
02:10 - Il y a une partie des emplois nécessaires à l'organisation des JO qui existe déjà.
02:13 Il y en a une autre qui est créée parce qu'il y a les JO.
02:17 Et ceux-là, notamment, vont peut-être disparaître après les JO.
02:22 Ce qui est important en termes d'enjeu, si je peux dire,
02:25 c'est que ce rendez-vous soit un tremplin professionnel
02:28 pour des personnes qui, notamment des jeunes, sont en recherche de devenir
02:33 et puissent à l'occasion découvrir des emplois au travers des besoins liés aux JO.
02:38 Et ce qui nous intéresse, c'est donc la qualité des emplois,
02:41 les conditions dans lesquelles les personnels vont travailler.
02:43 De ce point de vue-là, on a encore beaucoup de problèmes à régler
02:46 pour faire en sorte que ce soit socialement responsable,
02:49 à contrôler la manière dont les prestataires vont assumer leurs responsabilités.
02:54 On sait qu'on a des déficits d'emplois dans certaines filières.
02:57 Je pense à la sécurité privée.
02:59 - Justement, il y a des déficits.
03:00 Ce sont des emplois, on a dit, beaucoup d'emplois, mais il faut les pourvoir.
03:03 Et quand on regarde, en fait, les besoins, c'est dans la restauration, la sécurité.
03:07 Vous le disiez, ça veut dire que la sécurité, tous les emplois ne sont pas encore pourvus.
03:11 Il nous faudrait 26 000 emplois, je crois, dans la sécurité privée.
03:14 - Encore, on ne parle que des périmètres liés aux épreuves elles-mêmes.
03:17 On n'évoque pas par ce chiffre les initiatives que pourraient prendre les villes
03:22 en organisant des fan zones, un certain nombre de cérémonies festives.
03:25 - Alors que la sécurité, c'est quelque chose qui inquiète.
03:28 - Mais ça fait des années que l'on alerte sur la précarité de cette filière.
03:31 Les gens qui travaillent dans la sécurité privée n'y restent pas durablement
03:35 parce que c'est trop peu payé, à des horaires terribles.
03:38 Il y a un turnover considérable, des changements d'effectifs tous les ans.
03:42 Et c'est ce qui nous rend un peu pessimistes quant à notre capacité nationale
03:46 à fournir les effectifs suffisants.
03:48 - Mais vous, là, qui travaillez dans les coulisses des JO, côté social,
03:52 vous êtes inquiet pour la sécurité ?
03:54 - Je pense qu'il n'y aura pas les effectifs attendus en matière de sécurité privée.
03:58 D'ailleurs, les pouvoirs publics en ont pris conscience
04:00 et sont, chacun le sait maintenant, en train de réfléchir aux dispositifs
04:04 qui amèneront sans doute les forces armées à jouer un rôle plus important
04:07 que ce qui était initialement prévu.
04:08 - Donc, comme dans les JO de Londres en 2012,
04:11 on pourrait avoir recours à l'armée pour assurer la sécurité pendant le jour ?
04:13 - Oui, au JO de Londres, il y avait une faillite totale de l'entreprise privée
04:17 qui était chargée de la sécurité et qui n'a pas pu du tout
04:20 fournir les effectifs correspondant à la sécurité.
04:22 - Et c'est ce que vous craignez pour la France.
04:23 Des jeux socialement exemplaires et pourtant, en décembre dernier,
04:25 on regarde des travailleurs sans papiers.
04:27 On fait éruption sur le chantier de la future aréna de la Porte de Chapelle,
04:30 à Paris, qui doit accueillir des épreuves olympiques et paralympiques,
04:34 des ouvriers qui veulent leur régularisation, qui la demandent.
04:38 - Des travailleurs immigrés sans papiers, même pour les JO,
04:42 ça c'est un sujet sensible pour vous ?
04:44 - Oui, mais en même temps, le dispositif que nous avions mis en place
04:46 pour justement surveiller l'attitude des majors du BTP sur les chantiers olympiques
04:50 nous a permis de réagir très rapidement, d'intervenir auprès des pouvoirs publics
04:54 et plusieurs dizaines de travailleurs sans papiers détectés ont été régularisés.
04:58 - Mais ça veut dire qu'on ne peut pas passer à côté de ça.
05:01 On a besoin des travailleurs sans papiers, même pour les JO ?
05:04 - Mais évidemment, évidemment.
05:05 Et c'est une hypocrisie terrible dans notre pays,
05:08 notamment avec cette polémique politique qui n'a pas grand sens.
05:11 - Qu'on va être quoi, la loi immigration ?
05:13 - Oui, d'ignorer qu'il y a 700 à 800 000 travailleurs immigrés
05:17 qui pour la plupart travaillent et font fonctionner des secteurs entiers.
05:20 C'est vrai à propos de la préparation des jeux,
05:22 comme de l'activité économique en général, dans le secteur de la propreté, du bâtiment,
05:26 dans le secteur même des transports, des soins à la personne.
05:30 De plus en plus de secteurs professionnels sont concernés par ce genre d'attitude
05:35 et notre rôle de syndicat, c'est naturellement de défendre les droits de ces travailleurs
05:39 qui doivent être reconnus comme tout travailleur à part entière.
05:42 - D'ailleurs pour pallier aux emplois, aux besoins d'emploi pendant les JO,
05:44 on sait qu'il y aura besoin de 45 000 volontaires.
05:47 On dit même que sans volontaires, il n'y aura pas de jeu.
05:50 Les volontaires par définition, ce sont des travailleurs qui vont venir qui ne seront pas payés.
05:54 Vous êtes en accord avec ça, syndicaliste ?
05:56 - Oui, les bénévoles, ça c'est un des piliers sur lequel les activités sportives reposent.
06:01 Je rappelle qu'il y a plusieurs millions de bénévoles dans notre pays, dans différents domaines.
06:06 La moitié d'entre eux exercent d'ailleurs dans les activités sportives.
06:09 - Donc vous êtes d'accord, c'est normal qu'il y ait des bénévoles ?
06:12 - Oui, dès lors que ça repose, et c'est la première fois d'ailleurs avec la charte sur le bénévolat,
06:16 qu'il y a un encadrement d'ailleurs sur les horaires pratiqués par les bénévoles,
06:19 la nature des tâches qui doivent être faites.
06:22 Il y a une clarification pour que ça ne se substitue pas à des métiers réputés.
06:28 Donc c'est encadré et il serait d'ailleurs utile qu'à l'avenir,
06:32 l'ensemble du bénévolat dans le domaine sportif s'inspire de cette charte.
06:35 - Je ne peux pas ne pas vous parler de ça en ce jour-là,
06:38 qui doit d'ailleurs vous rappeler de vieux souvenirs d'actualité avec la grève des contrôleurs à la SNCF.
06:43 Petite question là-dessus, mais d'abord, ça c'est la grande menace pour les Jeux olympiques.
06:46 Est-ce que vous, vous pouvez nous garantir qu'il y aura des moyens de transport,
06:49 qu'on pourra se déplacer facilement pendant les Jeux olympiques ?
06:51 - Moi, je ne peux rien garantir du tout.
06:53 Ce que je sais dans le domaine des transports, c'est que ça fait partie des secteurs
06:57 qui subissent des sous-effectifs, des sous-investissements depuis des années.
07:00 Et chacun le sait, il y a un vrai défi, avoir des réseaux de transport en capacité
07:05 de répondre aux capacités, aux besoins que vont générer les Jeux olympiques.
07:10 Il y a une forme d'incertitude, comme dans d'autres secteurs publics.
07:14 Nous n'avons pas, je profite de votre invitation pour le dire aujourd'hui,
07:17 les négociations à la hauteur avec les représentants de l'État
07:21 pour définir la présence et les modalités de cette présence des différents agents
07:25 de la fonction publique sur lesquels on compte pour répondre aux besoins des Jeux olympiques.
07:30 – Merci beaucoup Bernard Thibault dans les coulisses des Jeux olympiques
07:33 pour l'engagement pour des Jeux socialement exemplaires.
07:35 On a retenu quand même votre inquiétude pour la sécurité des Jeux olympiques
07:38 et on ne sait pas s'il y aura grève ou pas.
07:40 Merci beaucoup. – Merci à vous.
07:41 – Merci à tous les deux.