Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 (Générique)
00:03 -Bonjour, Catherine Charrier. -Bonjour.
00:05 -Vous êtes auteur et vous publiez "Col rouge".
00:08 C'est l'incroyable histoire épopée d'une famille
00:11 au coeur de l'hôtel Drouot.
00:13 D'abord, qui sont ceux que l'on a appelés,
00:15 qu'on appelle peut-être toujours les Cols rouges ?
00:18 -C'est une confrérie assez mystérieuse
00:20 des commissionnaires de l'hôtel Drouot.
00:23 Et les commissionnaires, ils étaient en charge
00:25 de toute la logistique de l'hôtel Drouot,
00:28 ils avaient des millions d'objets qui passaient en vente,
00:31 entre leurs mains, saupage, exposition,
00:33 dans les salles, etc.
00:35 Voilà, donc ça, c'était leur métier.
00:37 Et ils étaient tous savoyards,
00:40 ils avaient un monopole, et ils étaient 110.
00:43 Et ils se sont occupés de cet énorme flux d'objets
00:48 pendant plus d'un siècle et demi.
00:50 -Alors, comment vous avez découvert, vous,
00:53 cette confrérie ? Qu'est-ce qui vous a motivé
00:55 à lire sur leur histoire, c'est assez romanesque ?
00:58 -Oui, tout à fait. En fait, d'abord,
01:00 le point de départ, c'est une histoire familiale.
01:03 Donc moi, je connaissais intimement
01:05 une famille de commissionnaires
01:07 où on était Cols rouges de père en fils.
01:09 Et en fait, je me suis lancée
01:11 dans l'écriture de cette histoire
01:13 parce qu'elle n'avait jamais été racontée de l'intérieur.
01:16 Le point de vue des commissionnaires eux-mêmes,
01:19 ces travailleurs de l'ombre,
01:20 parce qu'il faut bien les appeler comme ça,
01:23 ils étaient dans les coulisses de Drouot,
01:25 ils faisaient fonctionner l'ensemble de la machine Drouot,
01:28 mais on les voyait assez peu, dans les salles...
01:31 -On les repérait facilement. -Oui.
01:33 -Ils avaient le corps rouge. -Exactement.
01:36 Et donc, en fait, bien sûr, j'ai demandé l'autorisation
01:39 pour écrire cette histoire,
01:42 et je me suis, en fait, glissée à la fois dans leur récit,
01:45 dans leurs souvenirs, dans ces espaces libres,
01:48 parce que c'est de la fiction,
01:51 mais en tout cas, il y avait une base très intéressante.
01:54 -C'est un roman, oui, mais c'est là que ça se corse un peu.
01:58 L'histoire est réelle, y compris la mauvaise tournure,
02:01 y compris les événements dont on va vous parler maintenant.
02:05 -Alors... -C'est vrai que c'est
02:06 une histoire vraie, mais c'est un roman.
02:09 Vous avez mélangé les deux. -C'est un roman.
02:11 Donc, en fait, les deux premières parties
02:15 sont entièrement fictives, même si elles sont documentées,
02:18 et ça, c'est à peu près jusqu'en 1930,
02:22 de 1860 à 1930-50,
02:25 et à partir de 1950, j'ai beaucoup plus d'éléments de réalité
02:29 entre lesquels j'ai tissé du récit, en fait.
02:35 Voilà. Une trame narrative,
02:37 et en fait, on en arrive à cette histoire
02:42 qui est assez incroyable de la yap, en fait.
02:46 -Alors, qu'est-ce que c'est ?
02:48 Il faut peut-être expliquer ce que vous appelez ça.
02:50 Vous allez voir à quoi ça correspond,
02:53 la yap, Y-A-P-E.
02:56 Regardez bien ce mot, yap, Y-A-P-E,
02:58 et puis mettez-le à l'envers.
03:00 -Alors, à l'envers, en verlan, ça donne la paye.
03:03 -En verlan, ça donne la paye.
03:05 -Qu'est-ce que c'est que la yap ?
03:07 En fait, ce sont ces menus prélèvements
03:09 qui venaient la plupart du temps des appartements en succession
03:13 ou des maisons en succession.
03:15 Qu'est-ce qui se passe quand il y a une succession ?
03:18 Les héritiers demandent la vente,
03:20 le commissaire priseur établit avec ses clercs
03:22 une liste de ce qui doit passer en vente,
03:25 et en toute logique, le reste, c'est du débarras.
03:27 -Ah !
03:29 -En fait, ça a l'air très clair comme ça,
03:31 et c'est une zone grise, en fait.
03:34 C'est une zone grise pratiquement depuis le début,
03:37 mais pendant des années, des décennies,
03:39 les prélèvements que l'école rouge pouvait faire
03:42 étaient tout à fait mineurs.
03:44 On parle de quoi ? On parlait d'une pile de torchons oubliées.
03:47 -Oui, un chandelier, une coupe...
03:49 -Un chandelier dépareillé, etc.
03:52 Et donc, c'était pas du tout systématique
03:54 et pas du tout, on va dire, important
03:58 pendant des années.
04:00 -Mais c'était régulier. -C'était régulier.
04:02 Ce qui m'a intéressée,
04:04 c'est en fait la dimension psychologique de tout ça,
04:08 comment un collectif d'honnêtes hommes
04:11 peut fonctionner très bien et se laisser glisser
04:14 sur une pente un peu dangereuse.
04:16 -Et comment ils voyaient ça à l'intérieur ?
04:18 Ils étaient tous d'accord ?
04:20 Il y avait comme une zone où on se taisait.
04:23 On n'en parle pas.
04:24 -Alors, ils étaient...
04:25 D'abord, ils avaient absolument pas l'idée
04:28 qu'ils étaient des voleurs.
04:30 C'est pas du tout l'histoire.
04:32 Ils pensaient aussi que c'étaient des très gros travailleurs.
04:36 Ils travaillaient de 6h30 du matin
04:39 jusqu'à souvent 22h, parfois 22h30,
04:42 souvent le samedi.
04:43 Donc, en fait, ils considéraient aussi un peu ça
04:47 comme... C'est presque une logique
04:49 de pourboire de compensation.
04:51 -Un peu ? -Un peu, un peu.
04:52 -Mais ça sortait du circuit normal.
04:55 -Et ça sortait... -Qu'est-ce qui s'est passé ?
04:57 Un jour, on a découvert un tableau.
05:00 Pas n'importe quoi. C'est pas une croûte.
05:02 -C'est génial. -Non.
05:03 -On a découvert un courbet au domicile
05:06 d'un des commissionnaires.
05:08 En fait, vous savez, sur une confrérie comme ça,
05:10 qui est une société en réduction,
05:12 c'est un peu comme dans toute société.
05:15 Il y a une frange de gens qui peuvent être des viants.
05:18 C'est quand même autour de ça que ça s'est passé,
05:20 que l'histoire du courbet est arrivée
05:23 et que l'Office central de lutte contre le trafic
05:25 des biens culturels s'est intéressé à cette confrérie.
05:28 -Il y a eu un procès, un certain nombre de condamnations,
05:32 pas tous, bien sûr, mais venons-en à la fin.
05:34 Est-ce que la corporation a été dissoute ?
05:37 Est-ce qu'il y a un autre système pour recruter des commissionnaires ?
05:40 -Oui, exactement. La confrérie a été dissoute.
05:44 Et en fait, il y a eu des appels d'offres
05:47 pour s'occuper de cette logistique.
05:49 Une première société a été désignée,
05:52 qui a oeuvré pendant plusieurs années.
05:54 Maintenant, il y en a d'autres.
05:56 C'est un marché privé, on va dire. Voilà.
05:58 -Si vous voulez en savoir plus de cette histoire étrange
06:01 et du pouvoir qu'avaient ces hommes-là,
06:04 ça s'appelle "Col rouge, l'incroyable épopée
06:06 d'une famille au coeur de l'hôtel Drouot",
06:09 c'est publié chez Calmain de Lévis,
06:11 et c'est écrit par Catherine Charrier, notre invitée.
06:14 -Merci, William.
06:16 [Musique]