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00:00 Vous écoutez le 6/9, France Bleu Normandie.
00:04 8h15, l'invité de France Bleu Normandie, il a 20 ans, il est étudiant en première année de droit.
00:10 Il vient de terminer un film documentaire sur le harcèlement qu'il a mis un an à réaliser.
00:15 Film en ligne sur Youtube intitulé "L'école de la peur".
00:19 Hugo Dutraire répond à vos questions, Marianne Laquet.
00:22 Bonjour Hugo Dutraire.
00:23 Bonjour.
00:24 Au début de votre documentaire, vous dites "on parle toujours des drames, des suicides
00:28 liés au harcèlement scolaire mais pas de ce qui se passe avant".
00:32 C'est ça le but de votre film, d'écortiquer tout cela ?
00:35 Ça c'est vraiment expliquer que c'est tout un système qui se met en place.
00:38 On a d'abord l'installation de ces violences, parfois ça peut être crescendo, parfois
00:41 au fur et à mesure on ne s'en rend pas forcément compte.
00:43 Effectivement il y a les conséquences dramatiques qui sont les suicides, les tentatives de suicide.
00:48 Mais il y a tout cet aspect psychologique qui dure pendant très longtemps avant et
00:53 après le harcèlement scolaire.
00:54 C'est-à-dire que même lorsque les violences sont terminées, on a des conséquences qui
00:58 peuvent parfois durer plusieurs années.
00:59 Vous parlez d'un système, pour vous c'est une machine incompréhensible qui se met en
01:04 place autour d'un enfant ?
01:06 Je pense que oui, il y a un mécanisme autour du harcèlement qui se met en place.
01:09 C'est-à-dire qu'on a un élève un peu isolé, différent, qui va avoir du mal à
01:12 répondre.
01:13 Vulnérable vous dites ?
01:14 Vulnérable, voilà, avec des facteurs qui pourraient montrer une pseudo-vulnérabilité
01:20 et qui seraient plus à même à rétarceler.
01:22 Dans votre documentaire, on voit l'impuissance des victimes à parler.
01:28 Lorsqu'elles essayent de libérer la parole, de raconter ce qui leur arrive, leur parole
01:33 est systématiquement niée.
01:34 C'est ça, oui, c'est vrai que c'est quelque chose qui a duré pendant plusieurs années.
01:38 Si on est honnête, je pense encore aujourd'hui que ça dure malgré les récentes avancées.
01:42 On a beaucoup de victimes qui nous ont raconté qu'elles ont essayé parfois même d'aller
01:45 expliquer ce qu'elles vivaient quotidiennement et qu'en fait elles ont été reçues sur
01:49 les chapeaux de roue en disant que c'était faux, que c'était pas vraiment du harcèlement,
01:53 que c'était des intimisations.
01:54 On a parfois le terme "déponge" aussi, on leur explique "mais t'es un peu différent,
01:57 faut que t'essayes de t'endurcir", alors qu'en réalité ce sont eux les victimes.
01:59 Vous avez un exemple concret à raconter aux auditeurs, un témoignage dans votre documentaire ?
02:05 Oui, on a par exemple Théo qui a été victime de harcèlement.
02:09 Alors lui, ce qui est incroyable, c'est qu'il a vécu une forme de harcèlement assez sévère.
02:12 Un calvaire, il a été menacé avec un couteau.
02:15 On a eu des histoires très impressionnantes et la CPE n'a strictement rien fait.
02:20 C'était le papa qui mentait, c'était Théo qui voulait être protégé, surprotégé
02:26 par ses parents et on niait totalement ce qui se passait au quotidien.
02:29 Alors vous parlez des parents, on les voit les parents dans votre documentaire.
02:33 Alors soit ils sont à côté de leurs enfants, ils ne disent rien mais ils assistent au récit
02:37 et à l'interview que vous faites, soit ce sont eux qui racontent comment ils ont appris,
02:43 comment ils ont essayé de comprendre ce qui se passait.
02:45 Vous aviez aussi envie de leur donner la parole aux parents ?
02:48 Évidemment, parce que ce sont les victimes collatérales et parfois même directes du
02:51 harcèlement scolaire, on l'oublie, mais les parents sont souvent sur la première
02:54 ligne quand leurs enfants sont harcelés et c'était super important pour nous de leur
02:58 donner la parole, parole qu'ils n'ont pas forcément eue avec l'établissement scolaire en question.
03:02 Et puis de ce poids, de savoir quoi faire, que dire à son enfant qui subit des harcèlements,
03:08 on sent un poids émotionnel immense.
03:12 C'est difficile pour les parents de voir leurs enfants quotidiennement s'amoindrir,
03:17 subir ces conséquences justement et c'est vrai que pour eux, on manque d'outils, de
03:22 formation, d'accompagnement et quand on n'est pas écouté, c'est encore plus difficile
03:26 puisqu'ils sont totalement désarmés.
03:29 Donc certains essayent de se tourner vers certaines associations mais ça reste très
03:32 compliqué pour eux.
03:33 France Bleu Normandie, 8h19, notre invité est Hugo Dutreil, il vient de sortir un film
03:38 documentaire sur le harcèlement scolaire.
03:40 Vous-même, vous avez été harcelé plus jeune, vous dites que les blessures restent,
03:46 vous les sentez encore aujourd'hui ?
03:47 Oui, c'est cicatrisé si vous voulez mais forcément on n'oublie pas, on apprend à
03:52 vivre avec, j'en ai fait une force aujourd'hui.
03:55 Ce documentaire c'est un peu une page qui se termine définitivement pour la blessure
04:00 mais il restera une cicatrice, il faut apprendre à vivre avec.
04:03 On peut en tirer des choses positives, forcément des choses négatives aussi restent mais il
04:07 faut vivre avec et avancer.
04:08 Est-ce qu'on a malgré tout toujours peur d'être harcelé à nouveau plus tard ?
04:13 Je vais vous confier quelque chose, j'ai été victime de harcèlement au début de
04:18 collège, j'ai arrêté de faire de la phobie scolaire fin du lycée.
04:21 J'ai quitté le lycée, je suis rentré à la fac, la première journée de la fac j'ai
04:24 ressenti cette boule et d'un coup tout a disparu puisque la fac, l'environnement est
04:28 totalement différent.
04:29 Ça a mis au total près de 6-7 ans, juste avant de perdre cette boule.
04:33 Donc il y a toujours la peur des autres, de certaines personnes ?
04:37 Oui, et puis ça s'étend aussi dans la vie sociale, c'est-à-dire que par exemple sortir
04:42 en boîte de nuit c'est compliqué, sortir dans la rue quand il y a beaucoup de gens
04:45 c'est aussi compliqué et je sais précisément que c'est à cause de ça.
04:48 La nouvelle ministre de l'éducation nationale, Nicole Belloubet, a redit que c'était une
04:53 priorité absolue en parlant de ce chiffre qui est un chiffre sous-évalué, plus d'un
04:57 élève par classe harcelé dit-elle.
04:59 Priorité absolue, vous y croyez ?
05:02 Oui, il est temps, de toute façon ça fait des années qu'on alerte, que les associations
05:06 alertent l'éducation nationale, qu'on a des drames tous les jours, tous les mois parfois,
05:11 tous les ans on a des enfants qui se suicident, qui sont victimes de harcèlement, qui tentent
05:14 de se suicider.
05:15 Les mesures qui ont été annoncées en septembre d'abord par Gabriel Attal et maintenant par
05:19 cette nouvelle ministre sont intéressantes parce que ça permet justement d'avancer sur
05:22 le sujet, il est temps, mais à voir ce que ça va donner vraiment dans les mois et les
05:26 années à venir.
05:27 J'ai une dernière question à vous poser, vous dites aussi également dans votre documentaire
05:30 que vous avez rencontré des difficultés, des obstacles pour le faire, avec des interviews
05:35 que vous avez dû supprimer, pourquoi c'est si difficile de s'attaquer au harcèlement ?
05:40 Je pense que l'éducation nationale a un sérieux problème d'honnêteté sur le harcèlement
05:46 scolaire, notamment quand on parle de ces sujets-là, je tairai évidemment le nom de
05:49 l'académie en question, mais si vous voulez, moi j'aime pas avoir un chargeur derrière
05:54 la tête quand je fais un documentaire, quand je fais une enquête, donc on a préféré
05:59 supprimer ces interviews dites pour éviter tout souci avec la justice.
06:04 Parce qu'on vous demandait de les réécouter ?
06:06 C'est ça, il y avait un regard de surveillance qui pesait un peu aussi sur l'équipe et sur
06:12 mon travail journalistique, et on n'a pas besoin de ça en fait pour faire des journées
06:15 enquêtes.
06:16 Merci beaucoup Hugo Dutray, auteur de ce documentaire "L'école de la peur" que vous pouvez voir
06:21 en ligne sur Youtube, on vous mettra évidemment le lien sur francebleu.fr, bonne journée
06:26 à vous.
06:27 Hugo Dutray, 20 ans, auteur de ce documentaire à voir en ligne, "L'école de la peur", en
06:34 fac de droit, avocat peut-être demain de ses jeunes et de ses familles, en tout cas vous
06:40 faites déjà un travail d'avocat avec ce film aujourd'hui, il est 8h22.

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