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00:00 Les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 La présidentielle américaine suscite doutes et inquiétudes.
00:10 Doutes parce que Joe Biden semble aujourd'hui désorienté parfois sur certaines vidéos
00:18 et dès lors la question de l'âge du capitaine se pose.
00:22 Inquiétudes parce que Donald Trump est l'auteur de déclarations qui sont en tout point conformes
00:29 au style de Donald Trump comme récemment au sujet de l'OTAN.
00:32 On vient de l'entendre dans la revue de presse internationale.
00:35 Bonjour Roger Cohen.
00:36 Bonjour Guillaume.
00:37 Vous êtes correspondant en chef à Paris du New York Times.
00:41 Est-ce que vous avez plutôt des doutes ou des inquiétudes ?
00:44 Pas plutôt des inquiétudes.
00:46 Les doutes sur Joe Biden, vous venez de l'évoquer, il a 81 ans, il a les trous de mémoire, il
00:53 pense avoir rencontré le président Mitterrand et le chancelier Kohl il y a trois ans.
01:00 Or on sait très bien que les deux étaient morts à l'époque et qui parfois semble
01:07 chancelant, semble, il montre le fait qu'il a cet âge-là.
01:11 Ceci dit, il a quand même eu une présidence assez solide et il n'a pas à mon avis assez
01:17 de crédit pour ce qu'il a fait du point de vue de l'économie, sa gestion de la
01:21 guerre en Ukraine, etc. rétablissant la réputation des États-Unis au niveau international après
01:26 Donald Trump.
01:27 De l'autre côté, oui, des sévères inquiétudes sur Donald Trump qui, comme on vient de l'évoquer,
01:34 n'hésite pas, si c'est vrai, si ça a bien eu lieu, on ne sait jamais avec Donald
01:39 Trump si c'est vrai ou si c'est un mensonge, s'il l'a inventé, s'il a pensé à ça
01:42 dans son réveillon, mais il dit qu'il a dit à un allié que s'il ne paye pas, bon,
01:49 il dit à la Russie, allez-y, oui, vous pouvez bien envahir ce pays.
01:54 De l'autre côté aussi, qui a essayé bien sûr de renverser la démocratie américaine.
02:00 Ce n'est pas rien du tout, renverser la démocratie américaine en disant que l'élection
02:05 de 2020 a été truquée, en encourageant cet assaut au Capitole.
02:10 On va parler tout d'abord de Joe Biden, Roger Cohen.
02:15 La question, c'est de savoir s'il est raisonnable pour le parti démocrate de présenter
02:21 un candidat pour sa réélection, alors que si c'était, je ne sais pas, notre père
02:27 par exemple, on lui conseillerait de ne plus conduire, on lui piquerait les clés de sa voiture.
02:31 Ce n'est pas tellement si c'est raisonnable ou pas maintenant, parce que je crois que
02:38 c'est inévitable maintenant.
02:39 Joe Biden va être, à moins qu'il y ait une grosse surprise, le candidat.
02:45 Ceci dit, oui, c'est vrai que parfois il semble agile, parfois il répond d'une façon
02:54 très précise à des questions même assez compliquées, parfois beaucoup moins.
02:59 Parfois il a des, comme on vient de le dire, des trous de mémoire.
03:02 Donc non, ce n'est pas idéal.
03:03 Ce n'est pas idéal.
03:05 L'âge de Biden, c'est plus que l'âge du premier ministre Gabriel Attal et du président
03:11 Macron combinés.
03:13 Donc, où on peut demander l'époque de Kennedy ou de Clinton, où on avait quand même des
03:20 présidents qui étaient dans la quarantaine.
03:22 Mais comme on voit aussi en France, où on a deux fois eu l'élection Macron-Le Pen,
03:28 il semblerait que c'est difficile pour d'autres gens, d'autres possibilités de surgir.
03:34 Et là, encouragé par sa femme Jill, qui est une force, Joe Biden a bien décidé de
03:42 tenter sa chance encore une fois.
03:44 Ce qui veut dire que ce processus, il est impossible aujourd'hui à empêcher, Roger
03:49 Cohen ?
03:50 Ce n'est pas impossible.
03:51 Joe Biden a le choix.
03:53 Il peut se retirer.
03:55 S'il conclut que vraiment son état mental n'est pas adéquat pour être le job le
04:01 plus dur au monde, on voit avec Obama, il rentre tout jeune, il sort tout gris.
04:07 C'est pesant.
04:08 Tout le monde suit cette élection.
04:11 Il y a une élection en Inde, très important.
04:14 Mais le monde pense encore, même si on parle beaucoup du déclin américain, on pense aux
04:20 États-Unis comme étant un peu la clé.
04:22 Donc, qui est le président est très, très important.
04:25 Surtout à un moment où, à la différence de 2016, on a deux guerres.
04:29 Une guerre au Moyen-Orient, une guerre en Europe.
04:32 Mais si Joe Biden ne décide pas de se retirer de lui-même, il n'est pas possible pour
04:39 le Parti démocrate, par exemple, d'imposer un autre candidat, d'imposer des primaires
04:44 ou bien il n'y a pas de procédure médicale qui pourrait conduire à douter finalement
04:52 de ses capacités à gouverner le pays ?
04:54 Je pense qu'il faudrait qu'il y ait un incident vraiment, disons, grave qui met vraiment
05:01 en question son état mental.
05:03 Et là, il y a des procédures, même constitutionnelles, par lesquelles on pourrait faire en sorte
05:10 qu'il ne puisse pas se présenter.
05:12 Mais on parle là de quelque chose qui, à mon avis, à ce stade, est improbable.
05:20 Pourquoi le Parti démocrate n'est-il pas capable, en apparence peut-être que ce n'est
05:25 pas votre point de vue Roger Cohen, de donner un autre candidat à ce parti, un autre gouvernement
05:35 possible, un autre président possible pour les États-Unis ?
05:38 On a parlé d'autres candidats possibles, comme le gouverneur de Californie Gary Newsom.
05:46 Mais je pense qu'il y a un respect pour Joe Biden, il y a un respect pour ce qu'il a réussi
05:52 à faire comme président.
05:53 Il y a beaucoup, et je me compte parmi ces gens, qui pensent que sa présidence, par
05:59 plusieurs aspects, était meilleure que d'Obama.
06:04 Donc, étant donné qu'il y a ce respect pour lui, étant donné qu'il veut se présenter,
06:11 étant donné que personne n'a encore surgi, voilà la situation où on se trouve.
06:17 On peut le regretter.
06:18 On le décrit comme étant finalement une manière aussi pour les démocrates d'être dans une
06:26 sorte de pacte de non-agression, puisque tout autre candidat pourrait relancer un combat
06:33 entre frères, mais un combat d'autant plus violent qu'il serait entre frères.
06:37 Ça c'est certain, oui, si le parti démocrate, qui est déjà divisé entre l'aile progressive
06:44 et le centre que représente Joe Biden, si vraiment il y avait une espèce de combat
06:50 là pour la nomination, ça déchirerait le parti à un moment où la possibilité que
06:57 Donald Trump retourne à la Maison-Blanche est réelle.
07:00 Et il y a énormément de démocrates qui pensent que celui qui est le plus adapté
07:05 pour battre Trump, comme il l'a fait déjà une fois, c'est bien Joe Biden.
07:11 Et la peur, la grosse peur des démocrates aux États-Unis, c'est justement le retour
07:17 de Donald Trump, qui semblerait impensable, mais qui ne l'est plus.
07:22 Vous l'avez dit, Roger Cohen, pour beaucoup, la présidence de Joe Biden a été une grande
07:28 présidence, mais…
07:30 Une bonne présidence.
07:31 Bonne, grande, pour vous ?
07:33 Ça me semble peut-être trop.
07:36 Ce n'est pas Lincoln, ce n'est pas Roosevelt, mais une bonne présidence.
07:41 Solide, je dirais.
07:43 Bon, on peut parler de comment les États-Unis s'est retiré de l'Afghanistan.
07:48 C'était chaotique, mais c'est fait.
07:51 Mais sur l'Ukraine, sur l'économie, sur des réformes aux États-Unis, l'infrastructure,
08:00 etc., je pense qu'il a été solide.
08:02 Et à la différence d'Obama, il a su faire des coalitions pour faire passer des lois.
08:09 Et là encore, on voit les Républicains divisés sur…
08:12 Justement, on a beaucoup parlé du fait que l'Amérique ne va plus soutenir l'Ukraine.
08:18 Or, on voit que, comme souvent avec les États-Unis, c'est un peu plus compliqué qu'on ne le pense.
08:24 L'économie va très bien ?
08:26 Va bien.
08:27 Oui, va bien.
08:29 L'inflation baisse, très peu de chômage.
08:34 Vous savez, c'est toujours…
08:38 J'ai déjà un certain âge.
08:40 On a parlé tant de fois du déclin inévitable des États-Unis.
08:43 Mais il n'y a aucun pays au monde qui a la capacité de se renouveler qu'à les États-Unis.
08:51 Et donc, c'est toujours un peu dangereux de dire, voilà, maintenant, c'est l'époque
08:55 de la Chine.
08:56 Il faut se méfier, un peu, de l'Amérique.
08:59 De penser que, voilà, les États-Unis, c'est le passé.
09:02 Bien sûr, Roger Cohen.
09:04 Mais le problème, c'est que même si cette présidence est considérée comme une bonne
09:10 présidence avec un certain nombre de résultats, beaucoup d'Américains en doutent.
09:14 Oui, ils doutent.
09:16 Ils doutent parce que pour quelqu'un de 25 ans, ce vieillard, voilà, il se sent assez
09:25 aliéné de cette…
09:26 Enfin, tous les développements technologiques.
09:29 Je suis loin d'être sûr que le président Biden comprend comment exactement fonctionne
09:35 le monde aujourd'hui.
09:36 Moi-même, j'étais éditorialiste pendant 13 ans du New York Times.
09:40 Et à un moment donné, je me suis rendu compte que pour comprendre le monde de quelqu'un
09:44 de moins de 30 ans, j'avais pas tellement…
09:48 C'était pas mon monde, quoi.
09:50 Donc, je pense que pour Biden, oui, il y a ça.
09:52 Bon, c'est quoi la politique aujourd'hui ? C'est la politique de l'émotion.
09:58 C'est la politique de la distraction.
10:00 C'est la politique de la communication.
10:02 Gabriel Attal le sait très bien.
10:05 Or, Biden, comme personnalité publique de cette manière-là, c'est quelqu'un qui
10:13 a des stratégies.
10:14 Il n'a pas tellement la tactique de chaque jour que demande sur les réseaux sociaux
10:20 le monde d'aujourd'hui.
10:21 Donc, c'est quelqu'un de lointain, de trop conservateur, souvent, pour les jeunes,
10:27 de distant.
10:28 Et en le regardant, on s'amuse pas autant qu'on s'amuse en regardant Donald Trump.
10:34 Est-ce que vous n'êtes pas certain que lorsqu'on a Donald Trump à la Maison-Blanche,
10:39 on s'amuse véritablement ? Je sais pas, je vous pose la question, Roger Cohen.
10:44 On s'amuse et on va vers le précipice.
10:47 Je veux dire, Donald Trump a maîtrisé, comprend très bien le fait que s'il y a une avalanche
10:55 d'informations, de trucs, moi-même, je me souviens, j'avais du mal, vendredi, de me
11:01 souvenir ce qu'il y avait qu'il avait dit qui m'avait fâché ou trancé le mardi.
11:10 C'était impossible.
11:11 C'était impossible avec Trump.
11:13 J'ai regardé ce matin les titres du New York Times.
11:16 Il y en avait huit, je crois.
11:18 Les premiers, tous, avec ce nombre de cinq lettres, T-R-U-M-P.
11:23 C'est partout.
11:24 On est bombardé.
11:25 Il a été formidable pour votre journal.
11:26 Et donc, il réussit là où Biden ne réussit pas.
11:30 Il a été formidable pour votre journal.
11:32 Il a relancé la presse américaine.
11:34 Non, c'est un nom pour nous.
11:35 Aussi pour le Washington Post qui a eu beaucoup de mal.
11:38 Au moins, nous, parce que nos subscriptions vont très bien, on a survécu à la fin du
11:45 Trump bump, comme on disait.
11:47 Mais pour beaucoup de journaux, ça a été difficile.
11:49 Oui, les gens sont fascinés.
11:51 Les gens sont hypnotisés.
11:53 Mais il faut dire qu'on a eu de la chance, je pense, entre 2016 et 2020.
12:01 Là, il y a deux guerres.
12:02 Là, c'est extrêmement dangereux.
12:04 En plus, maintenant, avec une cour suprême, une cour suprême qui est dans sa poche, avec
12:11 un ego, s'il est réélu, il dirait « bon, ils ont essayé avec mal de procès, mais
12:15 je suis retourné ».
12:16 Il n'avait déjà pas beaucoup de difficultés dans ce domaine-là.
12:18 Oui, encore plus dangereux, à mon avis.
12:20 On se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:22 Roger Cohen, je rappelle que vous êtes correspondant en chef à Paris du New York Times.
12:26 Vous serez rejoint par Alexandra Dehoop-Scheffer, senior vice-president pour les questions géopolitiques
12:32 au German Marshall Fund.
12:34 Et on reviendra notamment sur les dernières déclarations de Donald Trump au sujet de
12:39 l'OTAN, 7h56.
12:41 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
12:48 Et nous évoquons la présidentielle américaine d'août et inquiétude, doute sur l'état
12:54 de santé de Joe Biden, sa capacité à gouverner le pays.
12:58 Inquiétude sur le retour de Donald Trump en compagnie d'Alexandra Dehoop-Scheffer.
13:03 Bonjour.
13:04 Bonjour.
13:05 Vous êtes senior vice-président pour les questions géopolitiques au German Marshall
13:09 Fund.
13:10 Et nous sommes en compagnie de Roger Cohen, correspondant en chef à Paris du New York
13:14 Times.
13:15 Une réaction à ce que vient de dire mon camarade Jean Lemari sur ses 12 milliards
13:19 d'euros.
13:20 Vous trouvez plus facilement de l'argent, Roger Cohen, aux États-Unis ?
13:27 Oui, on a eu le quoi qu'il en coûte du président Macron au moment de la Covid.
13:34 Après, Bruno Le Maire lui-même a voulu absolument protéger les familles françaises contre
13:42 les coûts de l'adaptation énergétique énorme face à la guerre en Ukraine.
13:48 Maintenant, les agriculteurs.
13:49 Donc, on dépense, on dépense, on dépense et on ne réfléchit pas trop à comment payer
13:57 tout ça.
13:58 Donc, je souhaite bonne chance au premier ministre État.
14:02 Si vraiment, il veut faire une réforme de l'assurance chômage.
14:09 On a bien vu que quand on a voulu passer de 62 ans à 64 ans, quand le reste de l'Europe
14:14 est à 67 ans environ pour la retraite, on ne peut pas dire que la France a très bien
14:19 réagi.
14:20 Donc, ma réaction fondamentale, c'est vive la France.
14:23 Alors ça, c'est pas du jeu, Roger Cohen, parce que j'ai sous les yeux le Wall Street
14:27 Journal.
14:28 Le New York Times, qui explique le coût des mesures écologiques de Joe Biden s'envole.
14:33 Rien que pour l'acte, l'Inflation Reduction Act, l'IRA a adopté en 2022 271 milliards
14:42 de dollars de réduction d'impôts.
14:44 Oui, je pense que plus sérieusement, et on le voit en Europe aussi, il y a une tension
14:51 forte entre le besoin des réformes écologiques, les réformes dites verts, et puis le coût
15:00 pour les gens.
15:02 Et en France, on vit ça actuellement très difficilement parce que ces adaptations, la
15:08 voiture électrique par exemple, même avec les subventions de l'État, c'est cher.
15:12 Oui, évidemment, c'est cher.
15:15 Et donc, on voit à quel point ces investissements aujourd'hui sont nécessaires.
15:20 Des investissements aussi dans le domaine de la défense.
15:22 Et là, je me tourne plutôt vers vous Alexandra Dehoubcheffer.
15:26 Les déclarations de Donald Trump, qui évoquait une conversation avec le président d'un
15:33 pays qui semble-t-il rechignait à payer la facture de l'adhésion à l'OTAN.
15:39 Quel président d'après vous ?
15:40 Écoutez, moi j'ai une hypothèse, je pense que c'était potentiellement Angela Merkel.
15:48 Mais au-delà de ça, les déclarations de Trump ne m'ont pas du tout surprise.
15:54 C'est dans la parfaite continuité de ce qu'il a toujours dit sur l'alliance atlantique.
15:58 C'est-à-dire qu'il a une vision purement transactionnelle de l'alliance.
16:03 Il voit avant tout ce que l'alliance coûte aux États-Unis et pas ce dont les États-Unis
16:08 bénéficient que d'être membre de cette alliance.
16:11 Moi, ce qui m'a gênée dans cet épisode, c'est la réaction européenne.
16:17 Quand on est face à quelqu'un comme Trump, c'est-à-dire un harceleur, un bully, comme
16:24 on dit aux États-Unis, la meilleure réaction c'est la non-réaction.
16:29 Là, ce qu'on a vu, c'est un déferlement de réactions allemande, Scholz, en France,
16:36 ici, la Commission européenne, Borrell, le secrétaire général de l'OTAN.
16:41 Tout ça en n'étant pas du tout organisé ni coordonné, ce n'est pas une surprise.
16:45 Mais je pense qu'au contraire, il ne faut pas réagir parce que c'est ce qu'il attend.
16:49 Pour lui, c'est exactement ce qu'il attend, c'est un effet de panique.
16:53 Donc, je pense qu'il faut se retenir.
16:55 Et surtout, là, typiquement, je pense que la réunion tripartite entre la France, la
17:01 Pologne et l'Allemagne, hier et aujourd'hui, c'est exactement ce qu'il faut faire.
17:05 C'est-à-dire vraiment parler moins et faire beaucoup plus en européen et préparer un
17:11 potentiel scénario Trump.
17:12 Et alors, comment interpréter cette saillie de Trump ?
17:17 Est-ce qu'il faut imaginer qu'il veut en avoir pour son argent ?
17:20 Et donc, c'est un principe comptable.
17:22 Les adhérents à l'OTAN doivent régler leurs cotisations ou bien c'est en fait le signe
17:28 que Trump pense qu'il faudrait dissoudre l'OTAN ?
17:30 C'est avant tout de la tactique.
17:32 C'est de la pure tactique.
17:33 C'est une stratégie de déstabilisation des Européens.
17:35 Et d'ailleurs, ça a fonctionné sous son précédent mandat, c'est-à-dire que sous
17:41 sa présidence, les Européens ont effectivement dépensé beaucoup plus sous la pression de
17:46 Donald Trump.
17:47 Donc, c'est une espèce de stratégie de chantage.
17:50 Le problème pour moi, en fait, quand il joue ce jeu-là au sein de l'Alliance Atlantique,
17:55 c'est qu'il remet en question le socle commun.
17:59 C'est-à-dire vraiment incarner par l'article 5 de la Défense collective le principe de
18:04 la solidarité.
18:05 C'est-à-dire qu'une alliance ne fonctionne que si le comportement de l'ensemble des
18:09 États membres est prévisible, et notamment en cas de guerre ou de conflit.
18:14 C'est-à-dire que tous les États s'engagent à venir au secours d'un État qui serait
18:18 attaqué par un autre.
18:20 Là, ce qu'il remet en question, c'est véritablement la fiabilité du leadership
18:25 américain.
18:26 Donc, la grande question qu'on se pose, c'est est-ce qu'on peut toujours compter
18:29 sur les États-Unis ? Et donc, ça, c'est un facteur de déstabilisation.
18:34 Il joue énormément là-dessus.
18:36 Mais encore une fois, on se rend compte en fait que la guerre en Ukraine nous a ramenés
18:42 en arrière par rapport à des efforts et des avancées qu'on avait faits en termes
18:46 de, je ne dirais pas d'autonomie stratégique, mais en tout cas de réfléchir entre Européens
18:51 à comment renforcer nos capacités de défense.
18:54 Cette guerre en Ukraine nous a rendus encore plus dépendants des États-Unis, de la garantie
18:59 de sécurité américaine et donc de l'Alliance Atlantique.
19:02 Et là, ce que l'on voit au cours de ces derniers mois, en amont d'un potentiel retour
19:07 de Trump, ce n'est non pas une coordination européenne pour vraiment réfléchir à comment
19:13 booster nos capacités de production et de projection de la force militaire, mais c'est
19:18 au contraire une course à des accords bilatéraux avec Washington en achetant des F-35.
19:23 Ça, c'est le cas des pays nordiques, baltes et de l'Est, et y compris de l'Allemagne.
19:29 C'est une espèce de concours de beauté pour montrer qu'on est un bon élève.
19:32 Et ça, pour moi, ce n'est pas du tout la bonne stratégie.
19:35 Et en ce sens-là, la position de la France, qui est de dire qu'il faut que nous, Européens,
19:42 on réfléchisse à nos priorités stratégiques et comment s'organiser entre Européens,
19:47 pour le moment ne résonne pas beaucoup à travers l'Europe.
19:49 Roger Cohen, c'est une mauvaise nouvelle pour les Européens, ce type de commentaire,
19:55 ou si l'homme qui les a formulés devient président des États-Unis.
19:59 C'est une bonne nouvelle pour les États-Unis parce que finalement cet homme protège votre
20:03 pays ? Non, ce n'est pas une bonne nouvelle du
20:06 tout.
20:07 Ce n'est absolument pas une bonne nouvelle.
20:08 M.
20:09 Trump, il ne comprend absolument pas le rôle essentiel, primordial que l'Alliance Atlantique
20:17 a joué dans la paix et la prospérité américaine et européenne de l'après-guerre.
20:25 C'est quelqu'un qui a plusieurs propriétés à New York et ailleurs.
20:29 Il traite l'OTAN comme s'il y avait un locataire qui ne paye pas à la fin du mois.
20:34 Allez-vous-en ou il invite quelqu'un d'autre à faire un assaut à cette pauvre personne
20:39 et prendre de l'appartement.
20:41 On parlait tout à l'heure du fait que le président Biden a évoqué Mitterrand et
20:48 Kohl et s'est trompé sur le fait qu'il ne les a pas évidemment rencontrés en 2021.
20:54 Alors Trump, vous pensez qu'il sait qui est Mitterrand ou qui est Kohl ? Non, il n'a
21:02 absolument aucune idée de qui c'est.
21:04 Il n'a aucun sens historique.
21:06 Donc défaire l'Alliance, qui d'ailleurs ne serait pas du tout simple, ce n'est pas
21:12 que M.
21:13 Trump peut se réveiller un jour et dire non, on se retire.
21:14 Ça ne se passe pas comme ça.
21:17 Mais c'est quelque chose d'une extrême gravité.
21:21 Alexandra Dehoupe Schaeffer, est-ce qu'il voudrait maintenir l'Alliance avec d'autres
21:27 règles de fonctionnement ? Est-ce qu'il est véritablement aussi menaçant qu'il
21:33 y paraît ? Parce que finalement, si on fait un bilan de la politique extérieure de Donald
21:38 Trump, est-ce qu'il a véritablement créé des dommages ou alors des dommages plus importants
21:43 que ce que fait Joe Biden, puisqu'il y a eu le retrait d'Irak qui a été fait
21:51 de manière extrêmement chaotique ? Il y a la guerre au Proche-Orient qui n'est
21:56 pas arrêtée par les États-Unis.
21:58 Bref, là aussi, qu'en dire ?
22:00 Alors moi, je pense très sincèrement que Trump ne retirera pas les États-Unis de
22:09 l'OTAN, qu'il ne se retirera pas non plus des enjeux de sécurité et de défense européenne.
22:15 D'ailleurs, factuellement, il faut reprendre les faits, sous son mandat, c'est sous son
22:21 mandat que les États-Unis ont augmenté le plus la présence des troupes américaines
22:25 sur le sol européen, en renforçant notamment la présence en Pologne et sur le flanc Est.
22:30 Donc dans les faits, il a même renforcé la présence militaire américaine en Europe
22:35 sous son mandat.
22:36 Mais…
22:37 L'Afghanistan ?
22:38 L'Afghanistan, oui.
22:40 Alors effectivement, ça, je pense qu'il y avait en fait un accord bipartisan entre
22:44 démocrate et républicain, qu'il fallait fermer ce chapitre de la guerre contre le
22:48 terrorisme après 20 ans d'opérations qui, en fait, ont été totalement désastreuses.
22:53 Mais pour l'Alliance Atlantique, ce qui est intéressant de voir, c'est que cette
22:57 fois-ci, on se prépare plus ou moins.
23:00 Et notamment, le Congrès américain, de manière bipartisane, a fait passer une loi courant
23:08 en décembre qui ne permettrait à aucun futur président américain de retirer les États-Unis
23:13 de l'Alliance Atlantique sans avoir obtenu la majorité des deux tiers au Sénat ou passant
23:18 par une loi.
23:19 Donc il y a déjà ces barrières législatives qui ont été mises en place.
23:22 Et puis très sincèrement, je pense que l'OTAN, pour les États-Unis, que ce soit sous Trump
23:29 ou Biden, est en fait un instrument idéal pour assurer, pour affirmer la puissance et
23:37 les intérêts stratégiques américains.
23:39 Et n'oublions pas aussi que l'Europe, c'est un énorme marché pour vendre les équipements
23:44 militaires américains.
23:46 Donc en fait, la dimension aussi business est prépondérante dans le logiciel Trump.
23:52 Donc je dirais, mettons un peu de côté sa rhétorique et n'alimentons pas cet espèce
23:59 d'effet de panique qu'il recherche parmi nous, Européens.
24:03 Et au contraire, affirmons-nous par des initiatives qui montrent que nous savons prendre en charge
24:09 aussi nos propres enjeux de sécurité et de défense.
24:12 Roger Cohen, parmi les décisions de Donald Trump, les décisions importantes et spectaculaires,
24:18 il y a eu une montée en pression avec la Chine qui a été significative.
24:23 Et celle-ci a été saluée, y compris dans les colonnes de votre journal, le New York
24:28 Times, ce qui signifie que cette décision-là, finalement, elle est très consensuelle aux
24:31 États-Unis.
24:32 Ça c'est vrai et je suis d'accord avec Alexandre, je ne pense pas qu'un futur président Trump
24:39 retirerait les États-Unis de l'OTAN.
24:43 Ceci dit, je pense sincèrement qu'à un moment de grande tension mondiale, différent de
24:50 ce qu'il y avait en 2016, c'est un homme dangereux pour mettre à la maison blanche.
24:56 Prenons la Russie.
24:58 Donald Trump n'a jamais montré, je ne connais pas la raison, je ne sais pas s'il y a un
25:03 compromis, mais devant Poutine, il n'a jamais voulu le confronter de quelque manière que
25:09 ce soit.
25:10 Donc sur l'Ukraine, je ne pense pas que les États-Unis avec Trump seraient assez fermes,
25:19 aussi fermes que maintenant avec Joe Biden.
25:24 Et ces décisions sont complètement imprévisibles.
25:27 La décision qu'il a prise vis-à-vis de l'Iran de retirer les États-Unis de l'accord
25:32 nucléaire avec l'Iran, c'était tout à fait négatif.
25:35 L'Iran aujourd'hui est beaucoup plus proche d'une bombe qu'il ne l'était avant.
25:39 Et il a un effet déstabilisant qu'un moment déjà instable pourrait être très grave
25:47 pour le monde.
25:48 Alexandra Dehoop-Scheffer, sur l'Ukraine.
25:51 Sur l'Ukraine, alors Trump, effectivement, alors moi, j'ai une vision en fait de son
25:57 premier déplacement.
25:58 S'il était élu président ou réélu en novembre prochain, je pense que dans les 48
26:05 heures qui suit son élection, il se rendra à Moscou.
26:08 Il serra la main de Poutine et puis il ressortira en disant j'ai signé un deal.
26:13 C'est possible.
26:14 Parce que quand il dit je peux régler la guerre en 24 heures, je sais bien ça fait
26:22 peur.
26:23 Même pour Trump, aller tout de suite à Moscou.
26:25 Je pense qu'il en est tout à fait capable.
26:27 Et quand il dit je peux régler.
26:29 Qu'est-il d'accord ?
26:30 Écoutez, je pense qu'on est en train.
26:32 Sans l'Ukraine ?
26:33 Sur l'Ukraine, oui.
26:34 Sans l'Ukraine ?
26:35 Sans l'Ukraine et sans les Européens.
26:37 C'est ça qui est terrible.
26:39 L'Ukraine est quand même acteur de cette guerre.
26:41 Complètement.
26:42 Pour lui, en fait, moi je le vois tout à fait faire ça.
26:45 Et quand il dit je suis capable de régler la guerre en Ukraine en 24 heures, il faut
26:50 en fait le croire.
26:52 Mais ça se ferait en sacrifiant.
26:53 Effectivement, parce que les Ukrainiens ne seraient probablement pas d'accord avec
26:56 un peu l'Ukraine.
26:57 Bien sûr, bien sûr.
26:58 Mais dans ces conditions.
27:00 Dans ces conditions, c'est un accord bilatéral.
27:02 Je suis d'accord avec M.
27:03 Poutine.
27:04 L'Ukraine ne devrait pas exister.
27:05 Non, je pense que le scénario vers lequel nous allons, c'est en fait un conflit gelé
27:15 avec en fait la région du Donbass, le Crimée, c'est à dire à peu près 20% du territoire
27:21 ukrainien qui resterait sous "contrôle russe".
27:24 D'ailleurs, on voit qu'en ce moment à Washington et dans certaines capitales européennes,
27:30 on est en train de discuter, une forme de négociation sur ces principes-là.
27:34 Ce n'est pas non plus quelque chose de totalement fou.
27:38 Mais ça, ce serait l'objectif de Trump.
27:40 Et pour la raison que Roger Cohen vient d'annoncer, c'est qu'avec la continuité de la guerre
27:48 Israël-Hamas, avec effectivement les tensions avec la Chine, la guerre en Ukraine, etc.,
27:56 les États-Unis vont devoir prioriser leurs engagements à l'international.
28:00 Donc sur l'Ukraine, moi ce que je vois, et on le voit déjà avec les blocages au congrès
28:06 américain qui ne font pas passer les paquets d'aides à l'Ukraine, alors là où le
28:10 Sénat, ça semble se débloquer, mais à la Chambre des représentants avec notamment
28:17 un chef républicain trumpiste, ça va être très difficile de le faire passer.
28:21 Donc de toute façon, on est aujourd'hui dans une situation où les États-Unis vont
28:26 de facto réduire leur aide à l'Ukraine.
28:29 Et donc les conséquences, ça retombe sur nous, Européens, on va devoir être beaucoup
28:34 plus impliqués, présents, y compris financièrement.
28:39 Roger Cohen, j'ai une question provocatrice à vous poser.
28:43 Si vous deviez évoquer les mesures les plus scandaleuses à vos yeux prises par Donald
28:50 Trump, je ne parle pas de ses propos, parce qu'il y a eu beaucoup de propos, mais de
28:54 la politique effective qu'il a menée sur le plan intérieur, que diriez-vous ?
28:59 Sur le plan intérieur ?
29:01 Domestique, vous voulez dire ?
29:03 Oui.
29:04 Je pense que sur le Covid, il a été absolument désastreux au début.
29:16 Il voulait cacher ce qui se passait parce qu'il voulait absolument que Wall Street
29:22 arrive à 36 000 ou 3 000 000 à l'époque.
29:27 Il s'est rattrapé en finançant les vaccins ?
29:30 Oui, il s'est rattrapé.
29:32 Mais est-ce qu'on serait arrivé à une telle crise s'il n'aurait pas, pendant
29:37 quatre mois, cinq mois, fait en gros rien du tout ?
29:41 Ça, pour moi, c'est grave.
29:44 En plus, je pense qu'à la frontière avec la Mexique, ce qu'il a fait en séparant
29:51 les enfants des parents, une politique très divisive.
29:58 Je suis un Américain naturalisé.
30:04 Donc, pour moi, l'Amérique, quand même, c'est l'accueil.
30:09 On ne peut pas admettre tout le monde, mais c'est un pays d'immigration.
30:13 Or, Président Trump a trahi les valeurs fondamentales du pays dans ce domaine et beaucoup d'autres.
30:19 Est-ce que les démocrates font mieux dans ce domaine ?
30:21 Ils essaient, au moins.
30:25 8 millions d'immigrés ont passé la frontière, dix ans, les derniers quatre ans.
30:30 La plupart illégalement.
30:34 Aucun pays ne peut vivre éternellement avec cette situation.
30:40 L'administration Biden n'a pas réussi à résoudre ce problème, ça c'est sûr.
30:46 Ce qui est intéressant, c'est dans l'interview de Vladimir Poutine par Tucker Carlson.
30:54 Le passage qui était pour moi le plus saisissant, c'est quand il s'est adressé à l'Amérique,
31:01 Poutine, et il a dit "Est-ce que vous avez vraiment un intérêt à protéger, à soutenir
31:06 l'Ukraine ? Regardez ce qui se passe à votre frontière avec le Mexique, etc."
31:11 Ce lien entre la politique intérieure américaine et la politique extérieure résonne de plus
31:18 en plus aux États-Unis.
31:19 D'ailleurs, le slogan anti-Biden de Trump, c'est de dire "la politique de Biden aujourd'hui
31:27 c'est Ukraine first, America last".
31:30 C'est l'Ukraine d'abord et l'Amérique en dernier.
31:33 Et ça, ça résonne parmi un électorat américain qui se pose effectivement des questions sur
31:39 la soutenabilité de cette aide américaine à l'Ukraine et puis bien sûr les enjeux
31:45 de politique intérieure qui inquiètent beaucoup les Américains.
31:49 Et ce lien-là est vraiment articulé aujourd'hui par Trump, les trumpistes.
31:56 Et on voit d'ailleurs que le paquet de l'aide américaine à l'Ukraine est pris en otage
32:01 par la question de la frontière avec le Mexique.
32:04 Roger Cohen, est-ce que l'élection de Donald Trump aujourd'hui, elle vous paraît possible,
32:10 probable ?
32:11 C'est certainement possible.
32:14 Il y a une possibilité réelle.
32:16 Ça ne me semble pas probable.
32:18 J'ai peut-être des illusions sur les Américains, mais à un moment où il y a 91, je crois,
32:28 accusations devant la justice de diverses formes réelles à quelqu'un qui a essayé
32:35 de renverser la démocratie américaine en envoyant, en encourageant des gens à l'assaut
32:41 du Capitole.
32:42 À la fin, à la fin, à la fin, je n'y crois pas.
32:46 Alexandra Dehoop, Chef, même question.
32:49 Est-ce que vous pensez aujourd'hui que cette éventualité est une éventualité à écarter,
32:56 possible ?
32:57 Bref, comment la qualifieriez-vous ?
32:59 Je pense qu'il faut qu'on réalise que Trump et le trumpisme, ce n'était pas une parenthèse.
33:06 Et ça nous saute aux yeux dans le cadre de cette campagne où c'est vraiment Trump
33:11 qui aujourd'hui, vraiment, donne le la dans le débat sur tous les sujets de politique
33:16 intérieure et de politique extérieure.
33:18 Donc, il faut qu'on intègre aussi que l'Amérique, en fait, sur beaucoup de sujets, est en train
33:22 aussi de changer.
33:23 Après 20 ans de guerre contre le terrorisme désastreuse, elle n'a plus envie d'être
33:29 impliquée à l'international, comme cela a été le cas au cours de ces dernières
33:32 années.
33:33 Il y a une volonté de se recentrer aussi sur la réindustrialisation du pays, réinvestir
33:38 dans les infrastructures américaines.
33:40 Donc, il y a tout un change, je dirais, de sujet qui est aussi en train de refaçonner
33:45 la classe politique, l'opinion publique américaine.
33:47 Et Trump représente, en quelque sorte, ces tendances plus profondes que nous, Européens,
33:53 on doit, en fait, intégrer.
33:54 Un mot de conclusion, Roger Cohen.
33:56 Je suis d'accord, le trumpisme existe, tout comme l'eupénisme, ou le meloniisme en Italie,
34:02 ou le wilderisme aux Pays-Bas.
34:04 On vit un moment où il y a une réaction à la globalisation, où il y a une tendance
34:10 vers le nationalisme autoritaire.
34:13 Et on le voit un peu partout.
34:14 Et il faut qu'on aille loin en essayant de comprendre ce phénomène et ne pas dire à
34:19 ces gens, ils ne comprennent rien du tout.
34:20 Non, ils comprennent beaucoup de choses.
34:22 Ils réagissent à des faits dans leur vie.
34:24 Et pour réagir contre, il faut les comprendre.
34:27 Roger Cohen, on vous lit dans les colonnes du New York Times.
34:32 Alexandra De Hoopscheffer, vous représentiez ici le German Marshall Foon.
34:37 Merci à tous les deux.

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