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00:00 Et l'actu ce mardi, c'est ce nouveau procès.
00:03 11 ans après un accident mortel du travail, un incendie survenu à la poudrerie de Saint-Médard-Angèle,
00:08 condamné en première instance pour homicide et blessures involontaires, l'entreprise jugée coupable.
00:12 Saffran, Ceramics et ex-Héraclès devenus Ariane Group a fait appel.
00:17 Et pour en parler, nous recevons le père de Benjamin, l'ouvrier mort ce jour-là dans l'atroce souffrance.
00:22 Elle répond à vos questions, Marie Rouarche.
00:24 Bonjour Alain Payet.
00:25 Bonjour.
00:26 Est-ce que vous pouvez revenir pour nous sur cette journée où tout a démarré,
00:31 toute cette affaire a démarré ce 5 décembre 2013 ?
00:34 Ça a semblé être une bonne journée puisque à la porte, un ancien collègue a sonné.
00:43 J'étais déjà à la retraite donc j'étais content de le revoir.
00:47 Mais tout de suite il m'a dit "Viens, rentre et appelle ta femme avant de me dire autre chose".
00:53 Et là il nous a annoncé l'accident qui avait eu lieu à la poudrerie et que Benjamin avait
01:00 été transporté à l'hôpital.
01:03 Et il m'a demandé de prendre des nouvelles de lui, moi-même, auprès du médecin de l'hôpital.
01:13 Et je l'ai eu et c'est là que le médecin m'a répondu très laconiquement "Mais vous
01:19 savez il est brûlé à 90%.
01:21 Il n'a aucune chance de survie".
01:24 Vous prenez ça dans la figure instantanément alors que je ne savais pas l'ampleur du tout
01:31 à ce moment-là de l'accident.
01:33 Et effectivement on a pris un taxi qu'on a eu du mal à trouver.
01:40 Je ne voulais pas prendre le risque de conduire moi-même avec nos émotions.
01:45 Donc avec mon fils et ma femme nous sommes partis à l'hôpital.
01:48 Et là nous n'avons pu apercevoir Benjamin qu'à travers un petit hublot.
01:54 Mais Benjamin c'était un morceau de bande de lettres.
02:00 On a vu que ça.
02:01 Il était tout enmitouflé tellement il était brûlé.
02:04 Ce n'était pas supportable de pouvoir avoir cette image sous les yeux.
02:08 Donc on ne l'a vu que de loin.
02:10 Dernière image gravée à jamais dans notre esprit.
02:14 - Et un long combat qui s'est engagé ce jour-là.
02:18 Qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là ce 5 décembre au sein de l'usine ?
02:21 Vous le disiez, vous étiez déjà retraité mais vous travaillez vous-même au sein de
02:25 la poudrerie.
02:26 - Oui j'ai travaillé 25 ans donc je connais tous les process.
02:28 Les gens aussi, ce qui n'est pas négligeable.
02:32 Et ce jour-là ils faisaient une opération habituelle.
02:39 Mais ça s'est mal passé pour une raison à ce jour encore inconnue.
02:45 Puisque la société a lancé des essais pour trouver les causes de l'accident.
02:53 Donc ils ont choisi une démarche et cette démarche a été longue et totalement infractueuse.
03:00 Et lors de la présentation de ces essais qu'ils nous ont fait à ma femme, moi et mon fils,
03:09 j'ai entendu dire "ah on n'a rien trouvé mais on est extrêmement satisfaits".
03:14 Parce qu'on voit qu'on travaille avec des marges de sécurité très grandes.
03:20 Donc on est fiers de nous.
03:23 Et là Julien a poussé un cri venant du plus profond de son cœur.
03:29 "Il n'est pas mort alors mon frère ?" C'est atroce de s'entendre dire ça directement
03:36 les yeux dans les yeux.
03:37 C'était la directrice et le responsable de la sécurité qui exprimait ça.
03:41 - Donc ça fait 10 ans que vous vous battez depuis ce mois de décembre 2013.
03:46 Safran Ceramics a été condamné en juin dernier pour homicide et blessures involontaires.
03:52 Avant de revenir sur ce procès en appel aujourd'hui, qu'est-ce que ça a représenté pour vous
03:56 au mois de juin dernier quand il y a eu une condamnation ?
03:58 - Pour moi ça a été un grand pas.
04:00 Parce qu'après des péripéties juridiques et des non-lieux sur lesquels on a fait appel,
04:08 on a réussi à avoir une condamnation de la société avec des motifs clairs, avec un
04:15 président du tribunal qui était très très bien, qui avait bien compris les choses.
04:20 Et malgré, une procureure qui assumait totalement la défense de Safran Ceramics.
04:32 Vraiment c'était une opposante qu'on avait envers nous autant que les avocats de Safran Ceramics.
04:41 - 7h48 sur France Bleu Gironde, Alain Payet, le père de Benjamin Loury est mort dans l'accident
04:45 du travail à la poudrerie de Saint-Médard-en-Gelle avant le procès en appel de l'entreprise
04:49 Safran Ceramics.
04:50 - Oui, Safran Ceramics qui a donc fait appel de cette décision du mois de juin dernier.
04:54 Dans quel état d'esprit vous allez vous présenter aujourd'hui à la cour d'appel de Bordeaux ?
04:58 - Alors, moi je dirais que le bon droit semble être de notre côté.
05:08 Nous, je dis nous, partie civile.
05:10 Ce qui correspond à moi et mon fils, mais aussi les deux autres victimes et le syndicat
05:18 Sud auquel je veux adresser un très très grand merci parce que le syndicat Sud, c'est
05:24 pas un syndicat, c'est deux personnes.
05:26 Deux personnes magnifiques que je connaissais avant mon départ en retraite, mais qui sont
05:34 des vrais amis maintenant.
05:35 Ils ont choisi de faire de cette cause leur cause.
05:40 - Et vous êtes toujours aussi déterminé, il n'y a pas une forme de lassitude de ce
05:45 très très long combat judiciaire ?
05:47 - Moi je ne suis pas lassé.
05:49 Et le rôle des avocats de la défense, c'est surtout de faire traîner le plus possible
05:57 parce que l'image de la société est importante, donc plus elle sera ternie dans longtemps,
06:04 moins ça sera évident.
06:05 Mais moi je suis inépuisable pour deux raisons.
06:10 Pour mon fils et pour ma femme.
06:14 - Oui parce que votre femme n'est plus là aujourd'hui, Alain Payet.
06:18 - Non, il y a deux ans elle est décédée.
06:19 Elle était convaincue dans son esprit, je luttais contre cela, qu'un tel choc, surtout
06:27 pour une mère, ne pouvait entraîner que des maladies graves.
06:32 Je crois qu'elle a eu raison finalement.
06:35 Donc elle est partie avec une haine au cœur.
06:40 Et donc moi cette haine que je n'avais pas, je l'ai prise.
06:46 Et c'est ce qui me motive pour combattre cette société.
06:52 Les principaux fautifs, je dirais, je les connais, personnellement.
07:00 J'ai travaillé avec eux, je sais ce qu'ils ont fait, je sais les décisions qu'ils ont
07:05 prises, et je peux citer les noms, mais peut-être qu'il ne faut pas.
07:10 - Et c'est quoi que vous demandez aujourd'hui ? La justice pour votre fils Benjamin, une
07:15 forme de reconnaissance ? Est-ce qu'il y a des mots particuliers que vous attendez aujourd'hui
07:19 ? - Je veux simplement la condamnation de sa
07:23 France céramique.
07:24 Tout le reste m'a échappé avec les montages financiers, la vie des sociétés, mais donc
07:30 il ne me reste plus que ça, sachant que la vérité sur la raison de la prise en feu
07:36 a jamais été cachée.
07:39 Par volonté, peut-être, par mauvaise recherche, sûrement, mais on n'aura jamais la vérité.
07:49 - Merci beaucoup Alain Payet d'être venu témoigner ce matin sur France Bleu Gironde
07:54 alors que se tient aujourd'hui le procès en appel de cet incendie à la poudrerie de
07:59 Saint-Médard-en-Jalle dans lequel votre fils Benjamin est mort il y a 10 ans maintenant.
08:03 Merci beaucoup à vous.
08:04 - Merci.