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00:00:00 La première question que je vais vous poser à tous les deux, et c'est Rachid Achachi qui va prendre la main.
00:00:04 Est-ce que le BRICS peut être une alternative crédible à l'Occident ?
00:00:09 Idriss Aberkhan plutôt favorable, toi un petit peu plus sceptique Rachid, dis-nous.
00:00:14 Sceptique pour des raisons qui me paraissent objectives.
00:00:17 J'aimerais bien que les BRICS puissent constituer une alternative.
00:00:20 Mais il y a quand même un certain nombre de problèmes, notamment un manque de cohérence civilisationnelle,
00:00:26 une forme de substrat qui permettrait d'avoir un même rapport au monde, un même logo, une même projection,
00:00:32 ce qui est le cas d'ailleurs d'une grande partie de l'Occident.
00:00:35 Car les siècles, notamment de la modernité, mais même avant il y a un imaginaire commun,
00:00:39 font que globalement, malgré les différences qu'on peut trouver entre le monde anglo-saxon, entre l'Europe continentale,
00:00:44 il y a quand même un fond commun, avec différents degrés, qui permet une action commune, une action collective,
00:00:50 et une projection commune sur le monde.
00:00:52 Ce qui n'est pas le cas du BRICS. Entre le Brésil, la Russie, la Chine et la Brique du Sud,
00:00:57 aujourd'hui avec les autres pays que l'on peut ajouter, il y a de vraies divergences.
00:01:03 Alors pour l'imaginaire, je me réfère notamment aux travaux de Gilbert Durand,
00:01:06 mais également de Carl Gustav Jung par rapport à l'inconscient collectif,
00:01:09 quand on voit les structurations des imaginaires, donc il y a des différences de fond.
00:01:14 Et puis au niveau d'une strat moins profonde, quand on travaille sur les systèmes familiaux traditionnels,
00:01:18 et là je fais référence aux travaux d'Emmanuel Todd, là encore il y a des différences de fond.
00:01:23 Donc à chaque strat, on trouve des différences fondamentales entre les différentes cultures qui constituent les BRICS,
00:01:32 et qui font qu'on a davantage une alliance, un rapprochement de circonstances,
00:01:38 ou du moins différent de moi par rapport au plus différent que moi, c'est-à-dire l'Occident,
00:01:44 davantage qu'un fond civilisationnel commun qui opère une intégration politique.
00:01:49 Et puis le deuxième élément, c'est qu'il y a un pivot d'instabilité qui traverse le continent eurasiatique,
00:01:54 qui est quand même le cœur des BRICS, c'est-à-dire l'Inde, la Chine, la Russie,
00:01:58 qui est ce qu'on appelle le Grand Tourane.
00:02:00 C'est ce continuum de steppes qui va de la Mongolie jusqu'à la Hongrie,
00:02:06 en traversant la Turquie, donc tout le monde turcophone, ou quasi-turcophone, ou paraturcophone,
00:02:12 qui est porteur d'un héritage nomadique,
00:02:16 et qui traverse au milieu toute l'Eurasie qui est sédentaire de part et d'autre.
00:02:21 On sait très bien que les imaginaires sédentaires et nomades sont fondamentalement antinomiques,
00:02:25 à différents niveaux, aussi bien au niveau de la définition des valeurs qui font du moral,
00:02:29 que dans le rapport à l'espace, le rapport aux politiques, etc.
00:02:32 D'ailleurs, vous pouvez même remarquer sur un quart du monde, là où il y a des nomades,
00:02:35 il y a des problèmes géopolitiques, qu'il s'agisse des Touaregs,
00:02:38 qu'il s'agisse de n'importe quel peuple nomade,
00:02:40 pour différentes raisons, peut-être qu'on va ou pas évoquer plus tardivement,
00:02:44 mais je n'y crois pas du tout.
00:02:46 Je pense que même les États qui font de l'ébriques n'y croient pas tellement,
00:02:49 et voient davantage la dimension opportuniste ou la dimension de la moindre différence,
00:02:53 par rapport au monde occidental, qui est radicalement différent, en termes anthropologiques.
00:02:58 D'ailleurs, quand on voit les idéologues du côté russe, par exemple,
00:03:01 on peut distinguer deux catégories majeures,
00:03:04 mis à part les libéraux pro-occidentaux qui en tous suit,
00:03:07 on a les Eurasiatiques, comme Alexandre Douguin, etc.,
00:03:11 qui partent de l'idée que malgré les différences qui séparent les différentes cultures asiatiques,
00:03:15 il y a quand même un dénominateur commun,
00:03:18 c'est que l'Eurasie est fondamentalement tellurique,
00:03:21 c'est-à-dire qu'il s'agit de civilisations et d'entités politiques
00:03:24 fondées culturellement, métaphysiquement, sur la Terre,
00:03:28 et qui doit, de par une destinée géopolitique, s'opposer à la dimension thalassocratique,
00:03:32 c'est-à-dire fondée sur la mer, du monde anglo-saxon et anglo-américain.
00:03:37 Ça, c'est une vision macro.
00:03:39 Mais après, il y a une autre école,
00:03:42 ce qu'on appelle les Slavophiles ou les Néoslavophiles,
00:03:45 qui parle davantage de monde russe, au lieu de parler d'Eurasie.
00:03:49 Et donc, le monde russe paraît plus homogène,
00:03:52 ethniquement et confessionnellement, c'est-à-dire le christianisme orthodoxe, etc.,
00:03:56 même s'il lui-même est traversé par plusieurs clivages,
00:03:58 comme on le voit actuellement, entre la partie ouest de l'Ukraine
00:04:02 et le reste du monde russe.
00:04:05 Donc voilà, là, j'ai rapidement énuméré un certain nombre de facteurs
00:04:08 qui me laissent un peu perplexe par rapport à cette possibilité-là.
00:04:12 Mais dans l'immédiateté, ça constitue quand même un moindre mal,
00:04:16 une forme de, pour reprendre un terme biblique, de kateron,
00:04:19 c'est-à-dire de retardateur de la venue de l'antéchrist,
00:04:23 mais pour parler de manière plus objective,
00:04:25 ce qui retarde le désordre mondial et l'inversion des valeurs.
00:04:28 Donc oui, les BRICS sont un kateron, mais ce n'est pas une alternative.
00:04:32 C'est ce qui retarde le désordre,
00:04:34 mais ce n'est pas ce qui permet de l'évacuer, de l'annihiler.
00:04:37 D'accord. Encore une question pour toi, Rachid.
00:04:39 Après, on va demander la version et le positionnement d'Idris.
00:04:42 Rachid, est-ce que tu trouves pas que c'est complètement contre-intuitif
00:04:46 pour un membre du BRICS d'être aussi, en parallèle, un membre de l'OTAN,
00:04:50 quand on voit la genèse des BRICS,
00:04:52 qui est là pour contre-carrer un petit peu le bloc ouest ?
00:04:55 Est-ce qu'on peut jouer sur les deux tableaux pour parler clairement ?
00:04:59 Mais je parle en l'occurrence de qui ? De la Turquie ? De qui ?
00:05:03 Par exemple, la Turquie ou l'Inde ?
00:05:06 Non, mais la Turquie, quand même porteuse d'une diplomatie très pragmatique,
00:05:10 qu'elle a d'ailleurs héritée d'une langue tradition ottomane,
00:05:12 c'est qu'elle cherche à obtenir le maximum avec le minimum.
00:05:15 Ce qui fait qu'elle est amenée à jouer sur différents tableaux.
00:05:17 Parce qu'il n'y a pas que les BRICS ou l'OTAN,
00:05:19 il y a également l'organisation de coopération de Shanghai,
00:05:21 que la Turquie voulait intégrer.
00:05:23 Je me souviens du rencontre avec Poutine à Istanbul,
00:05:25 où Erdogan l'avait ouvertement demandé.
00:05:27 Et Poutine avait répondu de manière très délicate en disant que
00:05:30 tant que la Turquie a une politique extérieure souveraine,
00:05:35 il n'y a aucun problème à le faire.
00:05:37 Autrement dit, si vous quittez l'OTAN, effectivement, vous pouvez nous rejoindre.
00:05:40 Donc on peut jouer sur les courriers d'air différents lièvres,
00:05:44 mais à la fin, on n'en attrape qu'un seul.
00:05:46 On ne peut pas avoir tous les lièvres.
00:05:48 Pour l'instant, la Turquie a parfaitement raison de ne pas mettre tous les œufs dans la même panier.
00:05:52 Elle voit bien que l'Occident est dans une perte d'hégémonie,
00:05:55 une perte relative d'hégémonie.
00:05:57 Il ne faut pas non plus fantasmer.
00:05:59 L'Occident, ou les États-Unis, qui sont le centre de gravité du monde occidental,
00:06:02 est encore hégémonique, mais c'est une hégémonie en déclin.
00:06:05 Et sur la longue durée, la Turquie prépare ce que Carl Schmitt appelle la transition hégémonique.
00:06:10 C'est-à-dire le déplacement du centre de gravité de l'Occident vers le continent asiatique,
00:06:16 vers la Chine, l'Inde, la Russie, d'un point de vue économique en tout cas.
00:06:20 Donc, jouer sur différents tableaux, c'est ce que fait le Maroc également.
00:06:23 Il a parfaitement raison de le faire.
00:06:25 En même temps, on garde un ancrage avec l'Occident, mais un autre Occident,
00:06:29 pas la France, c'est-à-dire les États-Unis.
00:06:31 Mais en même temps, ça ne nous empêche pas d'opérer des ouvertures stratégiques
00:06:35 avec des accords avec la Russie, avec l'Inde, avec la Chine.
00:06:38 On se souvient tous des différentes visites opérées par Sa Majesté le Roi à Moscou en 2016,
00:06:43 en Chine, à New Delhi, afin de préparer la transition hégémonique,
00:06:48 qui aura lieu peut-être dans 20 ans, dans 30 ans, peut-être même avant.
00:06:51 L'histoire demeure toujours ouverte.
00:06:53 Et dans ces perspectives, la Turquie ne peut pas se permettre le luxe de trancher maintenant,
00:06:58 de dire "je suis avec l'Eurasie intégralement et je quitte l'OTAN".
00:07:02 Elle ne peut pas se permettre de le faire.
00:07:04 Elle est tenue par différents rapports de force et ne peut pas non plus dire
00:07:07 "je suis pro-OTAN intégralement, je vais armer l'Ukraine, etc."
00:07:10 Donc elle joue avec les cartes qu'elle a et elle joue très bien pour l'instant.
00:07:13 Ok, même question pour Idrissa Berkane.
00:07:15 Les BRICS, pardon, une alternative crédible ou pas ?
00:07:19 C'est déjà le cas, c'est-à-dire qu'il n'y a plus vraiment de discussion.
00:07:22 On peut avoir un aspect un petit peu philosophique dessus,
00:07:28 pour lequel je veux bien apporter ma contribution dialectique.
00:07:31 Mais c'est raté l'enjeu même de l'existence des BRICS.
00:07:36 L'ontologie des BRICS, c'est au départ un club qui est créé par Goldman Sachs,
00:07:42 qui n'est pas créé politiquement, mais c'est un annuaire d'économie émergente.
00:07:47 Et c'est tout.
00:07:49 Et Goldman Sachs, comme toutes les autres banques qui ont besoin
00:07:52 de faire des mémorandums concis à leurs clients,
00:07:55 créé cet acronyme qui est très simple à retenir, qu'il y a du PEPS,
00:08:00 et qui dit "voilà, l'endroit où vous pourrez trouver du 4% de l'index,
00:08:04 ça va être le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud".
00:08:08 Et c'est tout.
00:08:09 On a une Chine qui rentre à l'Organisation mondiale du commerce en 2001,
00:08:13 et cette même Chine a repris le flambeau de la mondialisation aux Etats-Unis.
00:08:18 On le dirait, mon Haron, une grande puissance n'est servie,
00:08:23 n'est vraiment développée que quand elle sert une idée.
00:08:26 Pendant très longtemps, les Etats-Unis ont servi la mondialisation,
00:08:29 se sont représentés comme les ambassadeurs de la mondialisation.
00:08:32 C'était l'agenda de Clinton, par exemple.
00:08:35 C'est même à l'époque, Clinton qui avait de très bonnes relations avec Coffey-Hannan,
00:08:39 le dernier secrétaire général des Nations Unies, qui fut plus général que secrétaire.
00:08:42 Et bien, Coffey-Hannan disait "de nos jours, lutter contre la mondialisation,
00:08:46 c'est comme lutter contre les forces de la physique".
00:08:48 Sauf qu'entre-temps, la mondialisation a une règle très simple,
00:08:51 c'est celui qui a le plus gros marché intérieur qui gagne.
00:08:54 Et les Etats-Unis avaient le plus gros marché intérieur,
00:08:57 et puis ensuite, ça a été la Chine.
00:08:59 Entre-temps, l'Union Européenne avait un gros marché intérieur,
00:09:02 sauf que l'Union Européenne est inféodée diplomatiquement aux Etats-Unis,
00:09:06 en tout cas au moins depuis 2003,
00:09:09 où justement ces fameuses communautés d'idées qu'on aurait pu envisager,
00:09:12 dire que "est-ce que c'est vraiment l'inconscient qui détermine la géopolitique ?"
00:09:15 Si on veut faire se présupposer, on va se heurter à certaines réalités historiques,
00:09:20 qui sont que l'axe Paris-Berlin-Moscou contre la guerre en Irak
00:09:25 a émané de puissances qui partageaient le même inconscient et la même vision du monde
00:09:29 que les Etats-Unis, à certaines exceptions près qui en suffisent
00:09:33 pour créer cette opposition frontale à la guerre en Irak,
00:09:36 qui d'ailleurs en l'occurrence était juste, était légitime,
00:09:39 et est une des oppositions qui est citée aujourd'hui par les BRICS
00:09:42 comme celle qu'ils veulent pouvoir effectuer à l'avenir,
00:09:45 puisque les BRICS justifient de leur rôle dans les affaires internationales
00:09:50 par le double véto russo-chinois dans la guerre en Syrie, par exemple,
00:09:53 l'intervention américaine en Syrie.
00:09:55 Et donc en ce sens, Moscou et Pékin sont présentés comme c'était présenté
00:10:00 Paris-Berlin et Moscou pour la guerre en Irak.
00:10:03 Simplement, ce n'était pas un véto puisqu'il n'y a pas eu de vote des Nations Unies,
00:10:07 et l'intervention américaine en Irak qui a choqué le monde,
00:10:10 et dont on sait aujourd'hui qu'elle était aussi bien illégitime
00:10:14 que très fondamentalement néfaste, que ce soit les crimes de guerre
00:10:18 qui ont été rapportés par Julian Assange ou bien les iniquités autres,
00:10:23 et puis la déstabilisation fondamentale de la zone.
00:10:26 Les Irakiens, par exemple, eux, demandent
00:10:29 « Est-ce que vous pensez que les BRICS sont une alternative ? »
00:10:31 Oui, ils vous répondront oui.
00:10:32 Les Argentins, si vous leur demandez, ils vous répondront « C'est une donnée ».
00:10:35 Les Argentins vous répondront « Nous sommes très contents d'avoir la Chine
00:10:39 qui s'est présentée comme un FMI numéro 2,
00:10:41 et qui peut nous donner une alternative en ce moment,
00:10:44 et nous n'avons que faire de la tradition confucienne chinoise,
00:10:49 et les différences d'inconscients qui peuvent exister
00:10:53 entre le confucianisme et le catholicisme dominant en Argentine nous diffèrent.
00:10:59 Par ailleurs, il y a très nombreux, des histoires de conflits
00:11:03 où des pays qui partageaient rigoureusement le même inconscient
00:11:07 se sont fait la guerre avec la plus grande véhémence.
00:11:10 A commencer par aujourd'hui l'Ukraine et la Russie,
00:11:12 qui partagent la même structure familiale,
00:11:14 pour reprendre les analyses d'Emmanuel Todd,
00:11:16 que je respecte et que j'admire énormément par ailleurs.
00:11:19 En plus de cette vision américaine que tu as développée,
00:11:21 tu as aussi, comme on l'a dit, un spécialité des structures familiales.
00:11:24 Comment elles t'ont aidé à comprendre ce conflit,
00:11:27 que ce soit au niveau des structures familiales russes
00:11:29 ou des structures familiales ukrainiennes ?
00:11:31 C'est les mêmes, c'est pas les mêmes ?
00:11:33 Non, c'est pas les mêmes.
00:11:35 C'est une chance pour moi que ce soit pas les mêmes,
00:11:39 parce que ça me permet de prouver ma bonne foi,
00:11:42 et ma bonne foi avec des documents qui remontent à avant le communisme.
00:11:46 La structure familiale russe,
00:11:48 c'est un système patrinaire et communautaire,
00:11:52 c'est-à-dire il faut imaginer le père et ses fils,
00:11:56 puis les femmes échangées entre les familles,
00:11:58 je parle de la paysanerie du 19ème siècle, etc.
00:12:01 Et donc une famille très autoritaire,
00:12:03 très violente en interne aussi.
00:12:05 Il y avait un élément, je dirais, de sadisme interne
00:12:10 dans la famille paysanne russe,
00:12:11 qui explique la violence de l'histoire russe ultérieure.
00:12:15 Quand la famille s'est désintégrée,
00:12:17 ça a laissé apparaître le communisme, le KGB et toutes ces choses.
00:12:21 La famille ukrainienne, non.
00:12:23 La structure familiale ukrainienne était plus individualiste, nucléaire,
00:12:27 et en ce sens, effectivement, plus occidentale,
00:12:30 plus proche des structures familiales polonaises,
00:12:33 donc effectivement plus propice, en théorie,
00:12:37 à l'émergence de la démocratie, de l'individualisme.
00:12:41 Ça veut dire qu'elle a peut-être un devenir
00:12:42 qui est plus du côté de l'Union européenne
00:12:44 que du côté de la Russie, alors, au niveau des structures familiales ?
00:12:46 Et de l'aspiration à la démocratie, en fait ?
00:12:48 Ma question était un peu liée à la propagande russe qui dit
00:12:50 "oui, non mais le peuple ukrainien, le peuple russe, c'est pareil, vous êtes plutôt..."
00:12:53 Non, c'est pas vrai. C'est pas vrai.
00:12:55 Je veux dire, ça n'est pas vrai du tout, même.
00:12:57 Ça n'est pas vrai du tout, et on a des données antérieures,
00:13:00 même à la révolution russe, sur le sujet.
00:13:02 Mais aujourd'hui, la Russie et l'Ukraine se font une guerre
00:13:06 qui a fait 500 000 morts côté ukrainien,
00:13:08 d'après le colonel McGregor, l'ancien conseiller de Donald Trump,
00:13:11 500 000, c'est d'abord la guerre de sécession aux États-Unis,
00:13:14 c'est 100 fois le débarquement d'Omaha Beach.
00:13:17 Donc bon, on a deux pays qui ont la même culture,
00:13:19 la même religion, l'orthodoxie,
00:13:22 et qui ont la même structure familiale,
00:13:24 qui ont la même vision du monde,
00:13:26 qui s'entretuent, et qui ont fait un demi-million de morts,
00:13:29 et au total, un million de morts et de blessés.
00:13:32 Par contre, la Corée, où on a deux nations
00:13:35 qui ont les mêmes structures familiales,
00:13:37 qui avaient avant la même spiritualité,
00:13:40 et qui ne sont toujours pas en paix aujourd'hui,
00:13:43 puisqu'elles n'ont jamais signé d'accord de paix.
00:13:45 Donc, c'est toujours utile d'avoir quelques phares philosophiques,
00:13:52 et basés sur quelques concepts,
00:13:55 mais la vérité est dans la nuance,
00:13:57 et dans la nuance, c'est que les États-Unis sont une organisation
00:14:00 d'intérêts pragmatiques,
00:14:02 qui a pour objectif fondamental,
00:14:05 l'année de la dollarisation,
00:14:07 qui a pour objectif très commun,
00:14:09 qui les renforce considérablement,
00:14:12 l'iniquité, parce que c'est une iniquité,
00:14:15 de voir que les ressources, que les matières premières aujourd'hui,
00:14:18 sont en dollars, c'est un scandale,
00:14:20 c'est quelque chose qui ne peut pas tenir.
00:14:22 Et Idriss, si demain le BRICS prend son envol,
00:14:25 mais on fait du business, avec quelles monnaies ?
00:14:28 Justement, le BRICS a pris son envol.
00:14:30 Aujourd'hui, on a des règlements internationaux,
00:14:33 qui sont opérés dans les fameux 5 R,
00:14:36 puisque chaque monnaie des BRICS commence par un R,
00:14:38 le Renminbi, le Rouble, le Rand, le Real et la Rupi.
00:14:42 Le Rupi, il y a un lien.
00:14:44 Voilà, et la Rupi.
00:14:45 Donc, on a aujourd'hui des règlements internationaux en matière première,
00:14:49 qui s'effectuent dans un des 5 R.
00:14:52 Et ça va être le cas pour l'or aussi,
00:14:55 puisque les Émirats Arabes Unis ont rejoint les BRICS,
00:14:57 et que les Émirats Arabes Unis, comme je vous le disais au début de l'émission,
00:15:00 contrôlent à peu près un tiers du second marché de l'or africain.
00:15:03 Donc, très pragmatiquement,
00:15:05 les BRICS sont une organisation de banquiers, de financiers.
00:15:08 Ce sont des gens qui croyaient en la réforme que proposait Dominique Strauss-Kahn au FMI,
00:15:14 quand il disait que chaque pays doit être à sa place au FMI,
00:15:17 chaque pays doit se sentir chez lui au FMI,
00:15:19 et qu'il proposait la dédollarisation,
00:15:21 puisqu'elle est de toute façon aussi bien immorale que illogique sur le plan géopolitique.
00:15:27 On ne peut pas, si vous vous rendez bien compte,
00:15:29 qu'une monnaie ce n'est qu'un bon d'achat sur une économie,
00:15:32 et que si jamais je suis producteur de café, de pétrole, de gaz naturel,
00:15:36 de bauxite, de strontium, d'uranium ou de thorium,
00:15:38 je n'ai pas tellement envie d'être payé en bon d'achat à Apple.
00:15:41 Et je ne me considérerai pas comme un pays souverain
00:15:44 si je suis payé en bon d'achat à Apple quand je vends mon thorium,
00:15:48 qui vient du sous-sol de mon pays,
00:15:49 et que je ne pourrai pas forcément reconstituer.
00:15:52 Or, le dollar est un bon d'achat sur l'économie américaine.
00:15:55 D'une part. Et d'autre part, pour figuer des guerres,
00:15:58 pour certaines illégales comme l'opération en Irak,
00:16:00 les États-Unis ont fait tourner la planche à des points
00:16:02 que l'indice M3 aujourd'hui n'est plus publié.
00:16:05 Et je vous renvoie même à des hivers marquants,
00:16:08 comme le scandale financier de Kiasso,
00:16:10 où deux ressortissants prétendument japonais
00:16:12 se sont fait intercepter à la frontière suisse-italienne
00:16:14 avec 400 milliards de dollars en bons du trésor,
00:16:20 posant nécessairement les deux questions,
00:16:23 aussi fatales l'une que l'autre,
00:16:24 est-ce que ce sont des vrais ou est-ce que ce sont des faux ?
00:16:27 Dans les deux cas, la réponse est mortelle.
00:16:29 Si ce sont des vrais, ça veut dire que M. Miyamoto
00:16:31 peut se trimbaler entre Stresa et Lucerne
00:16:33 avec une mallette remplie de milliards de dollars
00:16:36 sans aucun problème, dont des Kennedy bonds
00:16:39 endossés à un milliard chacun
00:16:40 et que seuls les États souverains peuvent normalement transporter.
00:16:43 Et d'autre part, si ce sont des faux,
00:16:45 ça signifie qu'on peut falsifier des bons du trésor américain
00:16:47 et les déposer en banque, ce qui est encore plus grave.
00:16:49 Donc les BRICS sont une noté d'intérêt
00:16:53 qui est complètement soudée par le fait
00:16:57 qu'il n'est pas possible d'avoir la totalité
00:17:00 des matières premières mondiales cotées en dollars,
00:17:02 qu'il s'agisse encore une fois de la bauxite du strontium
00:17:05 ou des carcasses de porc ou du jus de la pâte surgelée
00:17:07 ou du blé.
00:17:09 Et ces pays-là ont tendi à mettre bon ordre.
00:17:11 Et ce faisant, ils offrent des opportunités de refinancement
00:17:15 à tout un tas de nations, bien au-delà des idées partagées,
00:17:19 puisque là aussi, si on voulait battre en brèche
00:17:21 cette conception du monde qui est très proche
00:17:25 de celle d'Huntington fondamentalement,
00:17:27 du choc des civilisations,
00:17:28 mais elle n'expliquerait pas et elle ne s'accommoderait pas
00:17:31 de la réalité factuelle de ce que la plus longue alliance
00:17:33 de l'histoire de France est l'alliance franco-ottomane,
00:17:35 où Paris et la sublime porte se sont alliées
00:17:39 pendant plusieurs siècles,
00:17:41 alors qu'elles ne partageaient ni la même vision du monde,
00:17:43 ni la même structure familiale,
00:17:44 ni le même système méritocratique.
00:17:46 D'ailleurs, Machiavel parle très bien dans "Le Prince"
00:17:48 où il explique que la France,
00:17:50 Machiavel oppose la France et l'Empire ottoman
00:17:53 en montrant qu'elles ont toutes deux,
00:17:55 les deux structures extrêmement opposées,
00:17:57 d'une principauté,
00:17:59 et pourtant ces deux structures qui sont opposées
00:18:01 dans leur fonctionnement, dans leur religion,
00:18:03 dans leur structure familiale, dans leur économie,
00:18:05 dans leur vision du monde et dans leur débouché géopolitique,
00:18:08 se sont alliées pendant des siècles,
00:18:11 parce que leurs intérêts ont demeuré puissants
00:18:15 pendant ces siècles.
00:18:16 C'est comme ça qu'il faut comprendre les BRICS.
00:18:19 Les BRICS sont déjà une alternative
00:18:21 pour les Argentins, pour les Éthiopiens,
00:18:23 pour tout pays qui souhaiterait se refinancer
00:18:25 sur les marchés internationaux.
00:18:26 Les BRICS sont déjà une alternative
00:18:28 pour tout pays qui souhaiterait vendre
00:18:29 ses matières premières.
00:18:30 Les BRICS ont déjà, par le WTO russo-chinois,
00:18:34 empêché des interventions au Moyen-Orient,
00:18:36 comme celle en Syrie, mais peut-être aussi
00:18:38 comme une intervention en Iran,
00:18:39 qui n'était pas complètement à écarter,
00:18:41 quand on sait que Bernard Kouchner
00:18:42 avait rappelé à Paris « l'Iran doit se préparer
00:18:44 au pire et le pire c'est la guerre ».
00:18:46 Donc aujourd'hui, si vous demandez à la diplomatie
00:18:50 et au ministère des Finances iranien,
00:18:52 argentin, éthiopien, bien sûr émirien,
00:18:55 ils vont vous dire que ça y est,
00:18:56 les BRICS sont là.
00:18:57 Et d'ailleurs, c'est littéralement ce que vient
00:18:59 de dire un officiel chinois.
00:19:02 On lui a demandé ce qu'il pensait
00:19:04 de l'attitude du Royaume-Uni vis-à-vis de la Chine,
00:19:08 de compétition, et il avait répondu
00:19:10 « mais vous savez, la Chine est un fait.
00:19:12 La Chine n'a pas une idéologie à répandre,
00:19:15 n'a pas une conception du monde
00:19:17 dans laquelle elle devrait exporter
00:19:18 quelques juchés exotiques.
00:19:20 C'est un fait, la Chine.
00:19:21 C'est 1,3 milliards d'habitants,
00:19:23 c'est le leader dans l'innovation
00:19:24 en matière d'intelligence artificielle,
00:19:26 c'est devenu un joueur incontournable
00:19:27 dans les semi-conducteurs,
00:19:28 et elle est même capable d'interdire l'iPhone
00:19:30 dans son administration,
00:19:31 ce qui était impensable il y a 20 ans.
00:19:32 Donc ce fait est là, et les critiques sont pas faibles.
00:19:36 Idriss, qu'est-ce que tu penses de l'argument de Rachid,
00:19:38 que je trouve très bon,
00:19:39 puis après on va re-jumper chez Rachid.
00:19:41 Son argument, c'est de dire, en fait,
00:19:44 c'est très hétérogène,
00:19:46 que ce soit géographique, culturel,
00:19:47 ce que tu veux,
00:19:48 même en matière de spécificité,
00:19:51 en matière de business,
00:19:52 je veux dire, le BRIC,
00:19:53 on dirait que c'est un truc,
00:19:54 un BRIC-BROC un peu, tu vois.
00:19:55 Cet argument, je trouve,
00:19:56 il fait du sens, l'argument de Rachid, je trouve.
00:19:58 Mais à tout argument, on fait du sens, heureusement.
00:20:00 On est là entre grandes personnes,
00:20:02 on n'est pas là pour lancer des arguments improvisés et aléatoires.
00:20:06 Mais en quoi c'est un signe ou de faiblesse,
00:20:10 ou d'ineptie des BRICS ?
00:20:12 Les États-Unis d'Amérique
00:20:15 sont un regroupement de BRIC et de BROC.
00:20:18 Et ça a même donné la guerre civile américaine.
00:20:20 Parce qu'entre Charleston et San Francisco,
00:20:23 il n'y a rien de commun.
00:20:24 Rien.
00:20:25 Et pendant plusieurs décennies,
00:20:27 il n'y a rien de commun entre Charleston et San Francisco.
00:20:29 Et encore aujourd'hui,
00:20:31 la raison pour laquelle on a eu un calexite,
00:20:33 un mouvement du calexite aux États-Unis quand Donald Trump a été élu,
00:20:36 et qu'on a eu un t'exit quand Obama a été élu,
00:20:38 rappelle que oui,
00:20:40 les États-Unis d'Amérique, première puissance mondiale,
00:20:43 sont un assemblage de BRIC et de BROC,
00:20:46 qui d'ailleurs n'a constitutionnellement de langue officielle.
00:20:49 Je rappelle que l'anglais n'est pas la langue officielle
00:20:51 dans la constitution américaine des États-Unis d'Amérique.
00:20:53 Donc comment un assemblage de BRIC et de BROC,
00:20:56 avec des lignes de faille que tout le monde apprend au collège et au lycée en France,
00:21:01 à savoir les lignes de fracture nord-sud,
00:21:03 et les lignes de fracture est-ouest,
00:21:05 et les lignes de fracture de la Bible Belt d'un côté,
00:21:08 et de la Californie progressive de l'autre,
00:21:11 sans parler de ce fameux Midwest,
00:21:13 qu'on appelle aujourd'hui Flyover State.
00:21:15 Si on veut dessiner des lignes de fracture,
00:21:17 les États-Unis d'Amérique, la première puissance du monde,
00:21:19 on peut en dessiner au moins sept.
00:21:21 Ça ne change rien au fait que les États-Unis sont très puissants.
00:21:24 On peut dessiner des lignes de fracture au sein,
00:21:26 non pas des BRICS, mais au sein de chaque membre des BRICS.
00:21:29 Je peux vous dessiner cinq ou six lignes de fracture en Afrique du Sud.
00:21:32 Je peux vous en trouver encore plus en Chine,
00:21:34 entre le Xinjiang, le Tibet, et puis le Guangxi,
00:21:37 les connexions de chaque groupement familial chinois
00:21:40 selon les deltas des fleuves où ils ont grandi,
00:21:42 et sur lesquels les sinologues se sont étendus pendant à peu près 45 ans.
00:21:45 Et je ne vous parle même pas de l'Inde, puisqu'on parlait du nomadisme.
00:21:49 Mais le nord de l'Inde était nomade et agro-pastoral,
00:21:52 et c'est pour ça qu'ils vénèrent la vache sacrée.
00:21:54 Et le sud, lui, au contraire, était urbain,
00:21:57 avec ses puits à degrés depuis 4000 ans sans parler, là aussi,
00:22:00 comme dans l'analyse du Guangxi chinois,
00:22:02 structure urbaine des deltas indiens,
00:22:04 mais maintenant la civilisation d'Arapa et de Moët Jodharo
00:22:07 se trouve au Pakistan, donc ça élimine cet aspect de l'analyse.
00:22:10 On peut dessiner des lignes de fracture au sein même de la Russie,
00:22:13 au sein même de l'Inde,
00:22:16 au sein même, bien entendu, de la Chine,
00:22:19 et on pourrait, si on était taquin,
00:22:22 en dessiner certaines au Maroc,
00:22:24 les mêmes auxquelles j'ai fait profession de poids de m'opposer,
00:22:27 en étant tout de même un petit peu plus diplomate que ça.
00:22:30 Donc, dessiner des lignes de fracture au sein du groupe,
00:22:32 c'est tout à fait possible.
00:22:34 Et en effet, les BRICS peuvent arriver en disant
00:22:37 "nous ne sommes pas là pour vous civiliser,
00:22:39 nous ne sommes pas là pour apporter tel ou tel concept de mondialisation,
00:22:42 nous ne versons pas, d'ailleurs nous sommes même un contre-exemple
00:22:46 absolument éloquent de l'échec de la doctrine du choc des civilisations,
00:22:51 laquelle doctrine n'explique pas pourquoi l'Ukraine et la Russie
00:22:54 se font la guerre alors qu'elles font partie de la même civilisation,
00:22:57 laquelle doctrine n'explique pas pourquoi la Corée du Sud et la Corée du Nord
00:23:00 n'ont toujours pas signé de traité de paix alors qu'elles font partie
00:23:02 de la même civilisation, et laquelle doctrine n'explique pas
00:23:05 comment la France et l'Empire Européen ont pu demeurer alliés
00:23:08 pendant des siècles alors qu'elles faisaient partie des structures,
00:23:10 des systèmes familiaux, des économies et des religions
00:23:13 les plus opposées qui soient.
00:23:15 Ok, Rachid un commentaire sur cette contre-argumentation à l'Idris ?
00:23:19 Beaucoup de points de désaccord, le premier c'est que du point de vue
00:23:22 de la politique extérieure des États et des relations internationales,
00:23:25 effectivement que l'on compose avec les impératifs du moment,
00:23:28 avec le contexte, on peut établir des alliances militaires de circonstance
00:23:32 ou des alliances militaires durables, mais une alliance militaire
00:23:35 ou même une alliance économique ne permet pas de forger un bloc civilisationnel.
00:23:40 D'ailleurs quand on parle de l'alliance, enfin l'alliance, l'axe Paris-Berlin-Moscou,
00:23:45 moi ma première question il a duré combien ? L'espace de quelques années.
00:23:48 Ce qui m'amène à dire que c'est davantage l'axe Chirac-Schroder-Poutine
00:23:51 que l'axe Paris-Berlin-Moscou.
00:23:54 Le deuxième élément par rapport à l'Ukraine et la Russie,
00:23:57 ce n'est pas vrai qu'ils ont le même système familial traditionnel,
00:23:59 Emmanuel Todd a également abordé la question à plusieurs reprises,
00:24:02 en démontrant que du côté de l'Ukraine de l'Ouest,
00:24:04 ce qui est problématique du point de vue de la Russie,
00:24:06 c'est la famille nucléaire assez bordélique, assez anarchique,
00:24:09 ce qui d'ailleurs traverse toute l'histoire de l'Ukraine,
00:24:11 qui a toujours été partagée entre une allégeance à la Pologne et une allégeance à la Russie,
00:24:15 selon les intérêts du moment, avant d'être définitivement annexée
00:24:18 par Catherine la Grande et par l'Empire russe au sens général.
00:24:22 Et d'ailleurs l'Ukraine, preuve en est, elle a toujours été problématique
00:24:25 au sein de l'Empire russe puis au sein de l'Union soviétique,
00:24:27 à l'époque du stalinisme et même ça continue jusqu'à aujourd'hui.
00:24:31 Donc il y a des différences fondamentales au niveau des systèmes familiaux
00:24:34 et donc au niveau des valeurs structurantes,
00:24:36 autant politiquement qu'économiquement qu'culturellement,
00:24:39 entre l'Ukraine de l'Ouest et l'Ukraine de la Russie.
00:24:42 Par contre l'Ukraine, qui a le même imaginaire que la Russie,
00:24:45 qui a le même fonds ethnique, etc.,
00:24:47 en toute cohérence elle est du côté russe.
00:24:50 C'est l'Ukraine du Donbass, c'est l'Ukraine du Sud, de la Crimée, etc.
00:24:54 Donc il y a une cohérence globale dans cette démarche-là.
00:24:56 Donc là où il y a des différences familiales,
00:24:58 effectivement il y a des clivages qui finissent par prendre in fine une forme géopolitique.
00:25:03 Parce que le premier prisme temporel de la géopolitique, c'est la langue durée.
00:25:07 Pas uniquement, mais c'est le premier prisme, temporel en tout cas.
00:25:12 Après, quand on en donne le qualitatif,
00:25:14 ce n'est pas parce que la France avec l'Empire Ottoman avait une alliance militaire
00:25:17 qui était dictée par les rapports de force sur le continent européen,
00:25:20 entre les Habsbourg d'un côté et la France de l'autre,
00:25:23 que ça fait des deux un bloc civilisationnel cohérent,
00:25:26 partageant des mêmes valeurs, ayant un même champ d'empathie, etc.
00:25:29 Pas du tout. Et d'ailleurs ça s'est démontré à travers l'histoire.
00:25:33 Autre élément, quand on parle des BRICS, déjà de quoi on parle ?
00:25:38 Il faut comprendre premièrement que beaucoup d'États veulent y adhérer,
00:25:41 dans un premier temps parce qu'il s'agit d'une structure qui n'est pas engageante.
00:25:45 Les BRICS, ce n'est pas un espace de libre-échange,
00:25:47 ce n'est pas un espace économique commun, ce n'est pas une monnaie commune,
00:25:50 ce n'est pas une structure politique commune.
00:25:52 C'est effectivement un club de concertation, de coordination,
00:25:54 tout le fait que je compare davantage au G7 qu'à l'OTAN.
00:25:57 Il n'y a pas d'alliance militaire au sein des BRICS.
00:25:59 Il n'y a pas de promesses ou d'engagement de soutien mutuel.
00:26:03 Il n'y a pas les moyens d'une alliance militaire.
00:26:05 Il n'y a pas d'article 5.
00:26:07 Non, mais même imaginons qu'il y ait un article 5.
00:26:10 Si on met de côté l'arme nucléaire et les missiles balistiques intercontinentaux
00:26:14 que possèdent la Russie et dans un mois de mesure la Chine et l'Inde,
00:26:17 si jamais l'Argentine est attaquée,
00:26:19 quel pays au sein des BRICS a la capacité de projection
00:26:23 pour venir effectivement et efficacement en aide à l'Argentine ?
00:26:26 La Russie a perdu une partie de sa capacité de projection
00:26:30 au niveau interocéanique.
00:26:32 Elle a quoi ? Un porte-avions ?
00:26:33 La Chine a racheté un porte-avions à la Russie, le Kuznetsov,
00:26:38 et l'on a construit deux ou trois.
00:26:40 Ça ne permet pas d'avoir une force de projection capable de donner corps
00:26:44 et de matérialiser une alliance militaire qui n'existe tout simplement pas.
00:26:47 Donc, quelque part, adhérer aux BRICS, on a quelques avantages.
00:26:50 Effectivement, on peut établir des accords bilatéraux préférentiels,
00:26:53 mais ce n'est pas engageant du tout.
00:26:55 C'est d'où le fait que beaucoup de pays veulent y aller.
00:26:58 Donc, quelque part, les BRICS à une échelle planétaire,
00:27:01 j'ai envie de dire le pas de combien de bataillons.
00:27:04 C'est-à-dire, au niveau eurasiatique, oui, la Russie et la Chine
00:27:07 sont des armées redoutables avec une capacité de destruction extrêmement importante,
00:27:11 mais dès qu'on sort et qu'on intègre le périmètre océanique,
00:27:14 quand on part de l'Afrique du Sud, quand on part de l'Argentine,
00:27:16 il n'y a aucune capacité de projection pour le moment,
00:27:19 sauf la capacité balistique nucléaire de détruire tout simplement toute l'humanité 35 fois.
00:27:23 Donc, cela permet de relativiser un certain nombre d'arguments apportés par Edessa Balkan
00:27:29 et de remettre au centre du débat la question des concepts
00:27:32 qui n'est pas juste une jouissance intellectuelle, etc.,
00:27:35 mais qui se confirment sur la longue durée à travers les différents clivages géopolitiques
00:27:39 parce qu'il y a toujours un éternel retour du concret.
00:27:41 C'est-à-dire, entre deux retours du concret,
00:27:43 il y a des alliances de circonstances qui sont de moyen à moyen terme, court terme, etc.,
00:27:48 mais sur la longue durée, il y a des constantes géopolitiques
00:27:50 qu'on ne peut pas évacuer d'un revers de la main.
00:27:52 Ce qui a valu d'ailleurs la défaite écrasante de l'Allemagne nazie avec Adolf Hitler,
00:27:57 où à l'époque Karl Haushofer avait, à travers différents écrits,
00:28:01 conseillé à l'Allemagne nazie d'avoir une alliance réelle et effective avec l'Union soviétique
00:28:06 parce que malgré toutes les divergences idéologiques entre les deux,
00:28:09 malgré toutes les différences ethniques,
00:28:11 la constante anthropologique qui demeurait et qui dictait une alliance entre les deux,
00:28:16 c'est que les deux étaient des puissances telluriques,
00:28:18 pas uniquement militairement, mais civilisationnellement,
00:28:21 et que l'ennemi premier était le monde thalassocratique anglo-américain.
00:28:25 Donc il y a effectivement un ennemi secondaire et un ennemi prioritaire,
00:28:28 et il y a également un ami secondaire et un ami prioritaire.
00:28:31 Ça s'appelle de la géopolitique et ça se fait sur la longue durée.
00:28:33 C'est pour ça qu'il ne faut pas confondre, de mon point de vue,
00:28:36 la politique extérieure et la relation internationale d'un côté,
00:28:39 et de l'autre côté la géopolitique.
00:28:41 D'ailleurs, quand on voit les pères fondateurs, Machinder, etc.,
00:28:44 c'est une lecture quasiment anhistorique.
00:28:46 C'est-à-dire, quand ils parlent du pivot géographique de l'Histoire,
00:28:50 ils parlent tout simplement en termes de heartland, de centre de gravité,
00:28:54 qui se trouve d'ailleurs, paradoxalement comme par hasard, au cœur de l'Eurasie,
00:28:58 et puis le Rhineland, qui devient l'objet de rivalité
00:29:01 entre le monde eurasiatique et le monde thalassocratique,
00:29:04 qui est un peu le monde île ou le monde maritime.
00:29:07 Et ça se confirme historiquement.
00:29:09 Tous les grands conflits de l'humanité ont lieu sur le Rhineland.
00:29:12 Le Rhineland, c'est toute la partie côtière de l'Eurasie,
00:29:14 qui va de l'Europe occidentale jusqu'à l'Asie du Sud-Est,
00:29:17 en passant par le monde arabe et le monde indien.
00:29:19 Donc la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale,
00:29:21 la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan,
00:29:24 qui a été une tentative américaine de se projeter dans ce qu'ils qualifiaient
00:29:27 comme étant le ventre mou de l'Eurasie après la fin de l'Union soviétique,
00:29:30 tout cela se vérifie sur des siècles et des siècles.
00:29:33 Donc il y a des réalités conceptuelles à ne pas évacuer d'un revers de la main,
00:29:38 sinon on risque de quitter le champ de la géopolitique,
00:29:40 et chacun est libre de le faire,
00:29:41 et on intègre celui de la politique extérieure
00:29:43 et des calculs combinatoires de moyen terme ou de court terme,
00:29:46 ou même de très long terme, ce n'est plus de la géopolitique,
00:29:48 c'est à la limite de la géostratégie de longue durée
00:29:50 quand on parle de l'Empire ottoman et de la France.
00:29:53 Mais le réel, c'est que cette alliance dont on parle, Paris-Berlin-Moscou,
00:29:56 a duré le temps du mandat de Chirac et de Schroder.
00:30:00 Donc ce n'est pas une alliance de nations et de cultures et de civilisations
00:30:03 qui permet d'avoir un champ d'empathie commun
00:30:05 et de fonder un bloc civilisationnel commun.
00:30:09 Merci Rachid pour cette réponse détaillée.
00:30:11 Tu l'as entendu à l'instant,
00:30:13 Idriss nous disait qu'un des leitmotifs du BRIC
00:30:17 serait le processus de la dédollarisation.
00:30:20 Si je te pose la question très clairement et très frontalement,
00:30:23 si le BRIC veut aller vers ça, il lui faudrait combien de temps
00:30:26 pour sortir de cette dollarisation ?
00:30:31 Comme l'a dit Idriss, aujourd'hui on achète à peu près tout en dollars.
00:30:34 Donc la question c'est, est-ce qu'il est possible d'en sortir ?
00:30:37 Et si oui, sous quel délai ?
00:30:40 Tout dépend du niveau d'ambition que placent les BRIC.
00:30:44 Si on parle d'une dédollarisation partielle du monde,
00:30:47 notamment de l'Asie, ça peut se faire relativement rapidement.
00:30:50 Après il y a trop de variables en jeu.
00:30:52 On peut avoir une crise financière, un effondrement du système financier américain et occidental
00:30:55 demain, dans six mois, dans un an, dans dix ans.
00:30:58 Ce sont des variables qu'on ne maîtrise pas.
00:31:00 Mais l'ambition la plus réaliste et la plus atteignable,
00:31:02 c'est d'opérer une dédollarisation importante, relative quand même,
00:31:06 au niveau du monde chinois,
00:31:09 c'est-à-dire Vietnam, etc.
00:31:11 Le pays de la Chine et la Russie, de facto, est dédollarisé maintenant,
00:31:14 depuis sa déconnexion du réseau SWIFT,
00:31:17 et depuis que les Occidentaux ont gelé les avoirs de la Russie.
00:31:20 Par contre, si on parle d'une dédollarisation à l'échelle planétaire,
00:31:24 il faut prendre en compte au moins deux chiffres.
00:31:27 Le premier, c'est le poids du dollar au niveau des réserves de change à l'échelle planétaire,
00:31:32 qui représente quand même 60% des réserves de change.
00:31:35 Donc ces États qui possèdent des dollars dans leurs réserves
00:31:37 n'ont pas envie de voir leur valeur tendre vers zéro,
00:31:39 par une dédollarisation trop rapide.
00:31:41 Donc ça doit se faire graduellement, à travers une conversion de ces réserves de dollars en or,
00:31:45 ce qui est déjà le cas.
00:31:47 Et on a vu depuis 2020, 2021, 2022 et 2023,
00:31:51 des achats d'or de plus en plus massifs.
00:31:54 Et pas uniquement la Chine ou la Russie,
00:31:56 mais même des pays comme la Turquie, même des pays comme le Brésil.
00:31:59 Donc c'est une tendance qui est en cours.
00:32:01 Donc j'ai envie de dire que la dédollarisation est déjà entamée,
00:32:04 mais à un rythme qui est soutenable, qui est réaliste,
00:32:06 et qui pourrait prendre 10 ans, 20 ans, 30 ans ou 40 ans.
00:32:09 Mais ça ne veut pas dire que le dollar va disparaître.
00:32:11 Ça veut dire qu'on aura une multipolarité monétaire, tout simplement.
00:32:14 C'est qu'on aura toujours un bloc qui sera articulé autour du dollar,
00:32:17 qui globalement concernera l'Occident collectif,
00:32:20 parce que l'euro va être sacrifié sur l'autel du dollar.
00:32:23 C'est l'ultime moyen pour le dollar de survivre,
00:32:26 que de phagocyter l'euro et de le remplacer comme monnaie occidentale.
00:32:29 Et de l'autre côté, on aura une monnaie rasiatique
00:32:32 qui sera indexée sur l'or,
00:32:34 qui pourra prendre un autre nom,
00:32:36 mais ça sera une cohabitation entre deux monnaies mondiales essentiellement.
00:32:40 Merci. Idriss, ton avis là-dessus ?
00:32:42 Quelques confusions, simplement.
00:32:45 D'abord, c'est assez naïf de penser que les BRICS
00:32:49 aient dans l'ambition d'être un bloc.
00:32:51 C'est sans doute ça l'erreur fondamentale de l'analyse de Rachid Achachi.
00:32:56 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de volonté chez les BRICS
00:32:59 de former un bloc civilisationnel.
00:33:01 Et cette question même, ce concept de bloc civilisationnel…
00:33:03 Idriss, si tu permets une seconde…
00:33:05 Je ne t'ai pas interrompu.
00:33:07 Non, en deux mots.
00:33:09 Mais une question de méthode, pas de contenu.
00:33:11 Je ne vais pas intervenir sur le contenu.
00:33:13 Tu as parfaitement le droit d'être en désaccord
00:33:15 et de formuler ton opinion,
00:33:17 mais tu n'as pas le droit moral de qualifier ce que je dis d'erreur.
00:33:20 Parce qu'on n'est pas dans une relation d'étudiant à maître ou d'admissible à maître.
00:33:24 Je suis tout à fait désolé que ça ait en effet suscité cette réaction chez toi.
00:33:29 Ce n'était pas mon intention.
00:33:31 Ton thèse est tout à fait intéressante,
00:33:33 elle vaut le détour,
00:33:35 et je recommanderais à tout un tas de personnes de l'écouter attentivement.
00:33:39 Cependant, on parle d'erreur dans la vraie vie.
00:33:43 On parle d'erreur, puisque quand on fait une prédiction
00:33:45 et quand on essaye d'anticiper quelque chose,
00:33:48 on peut se tromper.
00:33:49 Ça arrive, ça m'arrive, ça t'arrive certainement de temps à autre.
00:33:52 Et là, en l'occurrence, je ne peux que récuser des concepts qui sont éculés,
00:33:57 notamment celui de bloc civilisationnel,
00:33:59 qui était déjà un concept dépassé après la Deuxième Guerre mondiale.
00:34:04 C'est-à-dire que même le général Patton,
00:34:06 quand il est intervenu en Angleterre,
00:34:08 avait cité George Bernard Shaw,
00:34:10 au Prix Nobel de littérature, accessoirement,
00:34:12 qui disait que Londres et Washington
00:34:14 étaient deux cultures séparées par une langue commune.
00:34:18 Et on aurait pu naïvement voir les États-Unis et le Royaume-Uni
00:34:22 comme un bloc civilisationnel,
00:34:24 mais ils ne l'ont jamais été.
00:34:26 Ils ne l'étaient pas du temps Churchill et du temps Roosevelt,
00:34:28 ils ne l'étaient certainement pas avec Anthony Hedden,
00:34:31 le Prix de Suez.
00:34:33 On avait sans doute la volonté de dire
00:34:35 qu'il existait une anglosphère et un bloc anglo-saxon,
00:34:38 mais la réalité des faits est que ce bloc n'a pas existé.
00:34:42 Il était une projection de l'esprit,
00:34:44 mais qu'en réalité, il existait des tensions faramineuses
00:34:47 entre Churchill et Roosevelt,
00:34:49 comme il en existait entre Hedden et Eisenhower,
00:34:52 parce que le bloc civilisationnel anglo-saxon
00:34:55 n'a en réalité jamais existé.
00:34:57 Et c'est en analysant avec ce type de concept un peu fourre-tout,
00:35:02 bloc, communauté d'empathie,
00:35:04 qui ont été enseignés à une certaine époque,
00:35:07 je les ai enseignés moi-même,
00:35:09 sauf que j'enseignais évidemment à mes élèves de les critiquer,
00:35:11 mais qui ont été enseignés à une époque
00:35:13 et dont les géopolitologues chinois
00:35:15 ne se préoccupent absolument pas.
00:35:17 Ce concept de communauté d'empathie, de bloc,
00:35:21 ne concerne absolument pas la diplomatie chinoise.
00:35:24 Pas plus qu'il ne concerne d'ailleurs la diplomatie indienne.
00:35:26 Et dans une moindre mesure, la diplomatie russe.
00:35:29 On pourra revenir sur la question des structures familiales en Ukraine,
00:35:32 mais j'épargnerai l'importance de nuancer que non,
00:35:35 en réalité les Tatars de Crimée n'ont absolument pas la même structure familiale
00:35:38 que la Galicie,
00:35:40 qui était la partie que tu voulais citer en réalité
00:35:43 quand tu parlais d'Emmanuel Todd.
00:35:44 Et la Galicie, c'est l'axe levif-sandomière, en effet.
00:35:47 Et là, il existe en effet une certaine différence
00:35:49 dans les structures familiales.
00:35:50 Cependant, les statistiques démontrent bien
00:35:52 que les Ukrainiens qui se battent aujourd'hui
00:35:54 ne sont pas issus uniquement des communautés matrilinéaires de Galicie.
00:35:57 Donc, même cette analyse-là peut fonctionner
00:36:00 quand on utilise des concepts un peu fournis,
00:36:02 et qu'on essaye de faire rentrer dans la réalité nuancée,
00:36:06 complexe et subtile,
00:36:07 dans des mots qui sont plaisants
00:36:10 dans les écoles de géostratégie,
00:36:12 comme bloc et communauté d'empathie,
00:36:14 et qui sont intéressants, certes,
00:36:16 mais qui ne recouvrent pas la raison d'être.
00:36:19 La raison d'être, en italique,
00:36:21 comme quand on utilisait le français
00:36:24 comme langue diplomatique,
00:36:25 des BRICS,
00:36:26 qui est de lutter contre l'iniquité
00:36:28 d'avoir des échanges de matières premières
00:36:30 dans une monnaie qui peut être imprimée
00:36:32 de façon complètement arbitraire
00:36:35 par la Federal Reserve.
00:36:36 Et c'est ça la colonne vertébrale des BRICS.
00:36:38 On ne peut rien comprendre aux BRICS
00:36:40 si on n'a pas compris cela.
00:36:41 Le fait que la totalité des matières premières
00:36:43 dans le monde soit cotée dans une monnaie
00:36:45 qui peut être imprimée à Mercy,
00:36:46 par les États-Unis d'Amérique,
00:36:48 est ce qui a réuni les BRICS.
00:36:50 Et en effet, certes,
00:36:52 l'axe Paris-Berlin,
00:36:54 Wachy-Paris-Berlin et Moscou
00:36:56 n'a pas duré.
00:36:57 Mais il était intéressant
00:36:59 de se concentrer sur la raison
00:37:01 pour laquelle il n'a pas duré,
00:37:02 sur le fait que Condoleezza Rice
00:37:04 a déclaré
00:37:06 "Nous devons oublier les Russes,
00:37:07 punir les Français",
00:37:09 et selon beaucoup de journalistes d'investigation,
00:37:11 dont ceux de Mediapart,
00:37:12 l'affaire Clearstream a été précisément cette punition,
00:37:14 et pardonner aux Allemands.
00:37:17 Et entre-temps, en effet,
00:37:18 la cooptation de leaders européens
00:37:20 et ton analyse le démontrait,
00:37:22 puisque tu nous rapportes
00:37:24 de façon très claire
00:37:26 et de façon très brillante,
00:37:27 il me semble,
00:37:28 que l'avenir du dollar
00:37:29 passe par la fagotisation
00:37:32 de l'euro.
00:37:34 Ce qui est exact.
00:37:36 Mais un empire
00:37:38 qui est prêt à fagociter
00:37:40 la monnaie commune
00:37:42 du premier marché du monde
00:37:44 n'est absolument pas une communauté d'empathie.
00:37:47 Il ne peut pas y avoir d'empathie
00:37:49 dans un bloc civilisationnel fantasmé
00:37:51 entre l'Union européenne
00:37:53 et les États-Unis
00:37:55 quand, dans la même analyse,
00:37:57 et quand tu te rapproches de l'identité même des BRICS,
00:37:59 de ce qui fait que les BRICS existent,
00:38:00 à savoir la volonté
00:38:02 de coter les matières premières mondiales
00:38:03 dans une monnaie qui n'est pas imprimable à l'infini.
00:38:05 C'est ça, le grand attracteur,
00:38:07 le lagnacléa,
00:38:09 la masse de matière noire
00:38:11 qui fait la rotation des BRICS.
00:38:13 C'est ça.
00:38:15 Et le reste n'est que littérature.
00:38:17 Eh bien, quand d'une part,
00:38:19 tu soulignes donc que, en effet,
00:38:21 le dollar va dévorer l'euro tout cru,
00:38:23 tu ne peux pas
00:38:25 ne pas contredire une analyse du monde
00:38:27 qui parle de communautés d'empathie
00:38:29 et de blocs civilisationnels
00:38:31 qui, en réalité, sont des blocs cannibales,
00:38:33 en effet,
00:38:35 prêts à s'entre-dévorer.
00:38:37 Et tu ne peux pas dire que
00:38:39 l'axe Paris-Berlin-Moscou
00:38:41 a duré ce que durent les ROS
00:38:43 ou les traités internationaux, pour citer Charles de Gaulle,
00:38:45 si, juste derrière,
00:38:47 tu soulignes bien que, en effet,
00:38:49 cette communauté d'empathie,
00:38:51 ce bloc civilisationnel mené par Washington,
00:38:53 eh bien, en réalité,
00:38:55 est un empire.
00:38:57 Un simple empire, pas un bloc d'empathie,
00:38:59 pas un centre de défense du monde libre,
00:39:01 pas un arsenal de la démocratie.
00:39:03 Non, c'est un empire
00:39:05 avec des dominants et des dominés
00:39:07 dont l'ère d'extension impériale
00:39:09 est en récession,
00:39:11 et qui continue à demander
00:39:13 à ses États fédérés
00:39:15 de prendre des balles pour lui dans les relations internationales,
00:39:17 ce qu'a fait l'Allemagne
00:39:19 quand le Nord Stream a été détruit.
00:39:21 Et ça, ce n'est pas du tout une communauté d'empathie
00:39:23 que de détruire la veine jugulaire économique
00:39:25 de la première puissance
00:39:27 industrielle d'Europe
00:39:29 juste pour pouvoir, en effet,
00:39:31 phagocyter sa monnaie et affaiblir son marché intérieur
00:39:33 pour garantir le leadership de Washington.
00:39:35 Donc,
00:39:37 on ne peut pas comprendre
00:39:39 ce que fait le BRICS, en conclusion,
00:39:41 avec des concepts qui sont extrêmement tentants
00:39:43 et qui, en plus,
00:39:45 dans toute la sociologie universitaire,
00:39:47 peuvent se justifier d'eux-mêmes
00:39:49 parce qu'ils ont un côté presque poétique.
00:39:51 Communauté d'empathie, bloc civilisationnel,
00:39:53 etc. C'est beau,
00:39:55 c'est une littérature qui est agréable à l'oreille,
00:39:57 mais la réalité
00:39:59 des forces physiques,
00:40:01 et on parlait de forces telluriques tout à l'heure,
00:40:03 des grandes forces physiques
00:40:05 qui ont réuni les BRICS,
00:40:07 c'est que les BRICS sont
00:40:09 contre un ordre mondial
00:40:11 dans lequel le blé
00:40:13 est coté en dollars, de même qu'ils sont
00:40:15 contre un ordre mondial dans lequel le maïs est coté en dollars,
00:40:17 et dans lequel les carcasses de porc, le jus d'orange surgelé,
00:40:19 les diamants, le thorium, l'uranium, le strontium
00:40:21 et l'aluminium sont cotés en dollars.
00:40:23 C'est quelque chose qui n'est pas acceptable
00:40:25 pour les BRICS, et c'est l'unique raison pour laquelle
00:40:27 ils sont réunis aujourd'hui.
00:40:29 Or, aujourd'hui, de rechef,
00:40:31 les BRICS sont un fait, puisque
00:40:33 les BRICS contrôlent, à l'heure où nous parlons
00:40:35 et à l'heure où nous ergotons
00:40:37 sur des concepts
00:40:39 qui, encore une fois,
00:40:41 ont une prosopée particulière
00:40:43 et tout à fait séduisante, et c'est vrai qu'en relation
00:40:45 internationale, la première chose
00:40:47 dont il faut se départir, c'est de la séduction
00:40:49 que peuvent avoir ces sirènes conceptuelles.
00:40:51 Mais à l'heure où nous discutons de tout cela,
00:40:53 eh bien, les BRICS,
00:40:55 très factuellement,
00:40:57 contrôlent plus de 55% des hydrocarbures
00:40:59 mondiaux, et ça,
00:41:01 ça n'était pas arrivé depuis la
00:41:03 Deuxième Guerre mondiale.
00:41:05 Merci Idriss. Alors, moi, ça me va bien que vous soyez
00:41:07 en total désaccord, à partir du moment
00:41:09 où on est entre gentlemen et on est en smoking,
00:41:11 c'est même le principe du débat.
00:41:13 Rachid, est-ce que tu veux
00:41:15 faire un commentaire ? Je vais te laisser deux minutes
00:41:17 par rapport à cette réponse à ton argumentation d'Idriss,
00:41:19 et ensuite, on va enchaîner sur une autre thématique.
00:41:21 Je vois juste qu'il y a
00:41:23 une déformation
00:41:25 qui relève de la sophistique de mes propos.
00:41:27 À aucun moment, j'ai parlé de communauté d'empathie,
00:41:29 j'ai parlé de champ d'empathie, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
00:41:31 Parce qu'un champ est ce qui permet
00:41:33 une instrumentalisation. Quand je parle du monde
00:41:35 occidental, quand partageons un même champ
00:41:37 d'empathie, je parle de la strata inférieure
00:41:39 de la population, mais qui est
00:41:41 tout naturellement manipulée par des élites
00:41:43 qui peuvent effectivement être
00:41:45 l'objet d'antagonismes internes
00:41:47 à l'intérieur du même empire, ce qui est le propre de tous
00:41:49 les empires. Quant aux Etats-Unis,
00:41:51 tout à l'heure, dès que vous parliez de Brick-à-Brack,
00:41:53 oui, au niveau de la base de la population,
00:41:55 mais l'élite, c'est quand même l'élite wasp,
00:41:57 qu'on le veut ou non, c'est-à-dire les Blonds
00:41:59 et les Anglo-Saxons qui ont forgé les Etats-Unis.
00:42:01 Quand on voit les pères fondateurs des Etats-Unis,
00:42:03 il n'y avait pas de Mexicains, il n'y avait pas
00:42:05 d'Afro-Américains, il n'y avait pas d'Indiens,
00:42:07 il y avait des gens d'ascendance anglaise,
00:42:09 protestants, qui adhéraient
00:42:11 à des loges maçonniques et qui avaient
00:42:13 une vision du monde qui était très particulière
00:42:15 et qui était commune. Parce que l'histoire,
00:42:17 je ne l'apprends personne ici, n'est pas faite par les
00:42:19 majorités, qui dans
00:42:21 la plupart des temps, la plupart des
00:42:23 cas ressemblent à des vaches qui regardent des trains
00:42:25 passer, mais elle est faite par des minorités
00:42:27 agissantes. Les minorités sont les élites
00:42:29 qui manipulent le champ d'empathie vécu
00:42:31 comme étant commun par les habitants de l'Empire
00:42:33 pour les amener à opérer
00:42:35 une action collective. Et c'est ce qui
00:42:37 fait qu'aujourd'hui, on parle d'Occident collectif.
00:42:39 Et quand j'ai parlé de civilisation occidentale,
00:42:41 je ne parle pas de la civilisation médiévale
00:42:43 ou romaine ou grecque, etc.
00:42:45 Je parle de la civilisation moderne
00:42:47 qui s'est fondée sur les
00:42:49 décombres de la civilisation
00:42:51 européenne, en l'occurrence, puisque
00:42:53 l'Europe est quand même le point de départ
00:42:55 de ce qui va devenir le monde moderne occidental.
00:42:57 Mais je parle de la civilisation moderne qui est une
00:42:59 civilisation dont le terminer, c'est naturellement
00:43:01 le nihilisme, qui est fondé sur
00:43:03 une forme d'individu fantasmé
00:43:05 qui est projeté, plaqué sur la réalité des gens,
00:43:07 qui est fondé sur une logique d'inversion des
00:43:09 valeurs, de déconstruction de toutes les
00:43:11 identités collectives, dans le genre
00:43:13 qui est resté l'un des derniers sanctuaires.
00:43:15 C'est de cette civilisation, ou
00:43:17 anti-civilisation, que je parle.
00:43:19 Et qui a envahi les esprits
00:43:21 des gens. Donc ça, c'est le
00:43:23 premier élément. Bon, après, il y a plein de détournements
00:43:25 de ce que j'ai dit. Je vais même pas réagir.
00:43:27 Parce qu'à un certain moment, je me demande même si
00:43:29 je devais participer ou non. Parce que je veux bien
00:43:31 qu'on ait des avis différents, mais que quelqu'un se
00:43:33 permette de juger
00:43:35 de la véracité ou non de mes
00:43:37 propos. Je n'accorde pas cette légitimité
00:43:39 ni à des Sévadkhan, ni à personne.
00:43:41 Je veux bien des avis contradictoires, mais pas
00:43:43 des jugements de valeurs. Parce que la géopolitique
00:43:45 dont je parle, ce n'est pas la géopolitique des poètes
00:43:47 ou etc. Mais la géopolitique
00:43:49 avec laquelle je suis en contact,
00:43:51 notamment avec des pays membres...
00:43:53 Enfin, pas des pays en tant qu'État, mais avec des
00:43:55 géopolitologues sérieux du côté russe
00:43:57 avec lesquels j'échange, parce que je suis russophone.
00:43:59 Et j'ai l'impression qu'il y a des Sévadkhan
00:44:01 à une version francophone
00:44:03 ou franco-française, tout simplement
00:44:05 projetée sur le reste du monde. Et qu'ils fantasment
00:44:07 les BRICS, de même qu'ils fantasment la Russie,
00:44:09 de même qu'ils fantasment Poutine, de même
00:44:11 qu'ils fantasment le pouvoir russe, en le
00:44:13 croyant comme étant un bloc monolithique
00:44:15 s'opposant au mode occidental à travers
00:44:17 les BRICS, avec une Chine également monolithique.
00:44:19 C'est beaucoup, beaucoup plus complexe que cela.
00:44:21 Et si je devais vous parler de ce que pense
00:44:23 l'élite géopolitique
00:44:25 russe de la Chine,
00:44:27 croyez-moi, c'est pas
00:44:29 "nous sommes frères et nous sommes amis".
00:44:31 Nous sommes alliés parce que les circonstances
00:44:33 l'exigent, mais à terme, du point de vue
00:44:35 d'une partie de l'élite russe,
00:44:37 le premier ennemi de la Russie,
00:44:39 c'est la Chine, à long terme.
00:44:41 Mais pour ça, il faut pas...
00:44:43 Il faut sortir de la coquille
00:44:45 européenne de YouTube
00:44:47 et d'aller voir ce que disent les Russes
00:44:49 eux-mêmes et parler dans leur langue, et les Chinois
00:44:51 en l'occurrence également.
00:44:53 Cette fois-ci, j'aimerais vous amener toujours sur le BRICS,
00:44:55 mais on va regarder
00:44:57 le BRICS sur le prisme
00:44:59 géopolitique et diplomatique.
00:45:01 Première question pour toi Idriss.
00:45:03 Demain, le BRICS,
00:45:05 comment tu peux considérer son poids diplomatique ?
00:45:07 Déjà, est-ce qu'il en a un ? Je pense que tu vas me dire "oui".
00:45:09 Mais dans quelle mesure ?
00:45:11 Quel cartel
00:45:15 est parvenu à provoquer
00:45:17 un échange de diplomates entre Téhéran
00:45:19 et Riyad ?
00:45:21 C'est aussi simple que ça.
00:45:23 Parfois, il faut savoir aller droit au but.
00:45:25 Et d'ailleurs, c'est justement
00:45:27 la nature de cette diplomatie russe
00:45:29 que chacun peut-être fantasme.
00:45:31 En l'occurrence, j'ai vécu à Kiev un an
00:45:33 et c'est vrai que j'ai souvent été accusé d'avoir
00:45:35 un parti beaucoup trop pro-ukrainien.
00:45:37 D'ailleurs, il se trouve même
00:45:39 que certains Russes m'ont accusé d'être un espion ukrainien
00:45:41 pour cette raison.
00:45:43 C'est aussi simple que ça, fondamentalement.
00:45:45 Les résultats que veulent obtenir
00:45:47 les BRICS
00:45:49 sont des résultats
00:45:51 qui n'ont été obtenus par aucun autre
00:45:53 bloc ou communauté
00:45:55 ou champ d'empathie,
00:45:57 plutôt que communauté.
00:45:59 Si c'est là, d'ailleurs, mon seul détournement,
00:46:01 j'espère que c'est véniel.
00:46:03 Mais fondamentalement,
00:46:05 ce n'est pas Washington
00:46:07 qui est parvenu à faire en sorte
00:46:09 que les deux puissances
00:46:11 et les deux élus locaux
00:46:13 rivalent
00:46:15 autour du détroit d'Ormuz
00:46:17 et changent des diplomates.
00:46:19 Ce sont les BRICS.
00:46:21 En effet, d'abord, les BRICS
00:46:23 ont aujourd'hui un réseau diplomatique
00:46:25 qui est le premier au monde
00:46:27 par le nombre de fonctionnaires.
00:46:29 Mais d'autre part,
00:46:31 on le voit bien en Afrique.
00:46:33 Quand vous avez au Niger
00:46:35 des citoyens
00:46:37 qui, dans la rue,
00:46:39 manifestent
00:46:41 avec une pancarte qui dit
00:46:43 "Vive Poutine et vive la Russie",
00:46:45 vous devez
00:46:47 constater le soft power
00:46:49 de Moscou
00:46:51 qui est issu, d'une part, de la récession
00:46:53 diplomatique française dont on parlait tout à l'heure
00:46:55 et dont le Maroc
00:46:57 a bien vécu les conséquences.
00:46:59 La crédibilité diplomatique française aujourd'hui
00:47:01 quasi inexistante,
00:47:03 en tout cas, c'est ce que considèrent
00:47:05 les chancelleries marocaines.
00:47:07 D'autre part, la crédibilité diplomatique
00:47:09 de la Russie, alors qu'elle est
00:47:11 investie dans une guerre
00:47:13 qui a fait déjà plus de 500 000 morts côté ukrainien,
00:47:15 demeure
00:47:17 une des meilleures au monde.
00:47:19 Donc, les BRICS
00:47:21 obtiennent des forces diplomatiques
00:47:23 colossales.
00:47:25 Et on ne peut absolument pas
00:47:27 les contester.
00:47:29 Ce qui se passe
00:47:31 aujourd'hui
00:47:33 entre Riyadh et Téhéran
00:47:35 c'est que les BRICS,
00:47:37 ce qui se passe...
00:47:39 Tu mets ça au crédit du BRICS un petit peu, Idriss ?
00:47:41 Au crédit de qui d'autre ?
00:47:43 Faut-il mettre ce rapprochement ?
00:47:45 La Chine ?
00:47:47 La Chine ?
00:47:49 Dans quel but ?
00:47:51 Dans le but simplement
00:47:53 de faire briller sa diplomatie ?
00:47:55 D'ailleurs, n'a-t-elle pas du tout,
00:47:57 à aucun moment,
00:47:59 pu utiliser le prestige qu'avait acquis Moscou
00:48:01 en
00:48:03 surenchérissant de son droit
00:48:05 de veto pour protéger Bachar el-Assad ?
00:48:07 Un chef d'État
00:48:09 comme Mohamed Ben Salman,
00:48:11 peut-il
00:48:13 réellement décider
00:48:15 de normaliser ses relations diplomatiques
00:48:17 avec l'ennemi numéro un de Washington
00:48:19 lequel a été menacé
00:48:21 de bombardement à plusieurs reprises ? Je rappelle que
00:48:23 John McCain avait fait,
00:48:25 improvisé une petite chanson
00:48:27 sur l'ère des Beach Boys,
00:48:29 "I Get Around", où il avait dit
00:48:31 "Est-ce que vous connaissez la chanson 'Bomb Iran' ?"
00:48:33 et il avait, comme ça, chanté a cappella
00:48:35 "Bom bom bom bom bom bom"
00:48:37 pendant à peu près 30 secondes.
00:48:39 Est-ce que MBS aurait vraiment pu
00:48:41 tendre la main vers Téhéran
00:48:43 si Moscou
00:48:45 n'avait pas garanti sa sécurité ?
00:48:47 Et si Moscou n'avait pas eu
00:48:49 la crédibilité dans cette garantie
00:48:51 d'avoir traité Bachar el-Assad jusqu'au bout ?
00:48:53 D'ailleurs, un de ses fils vient d'être diplômé
00:48:55 de l'Université Technique de Moscou.
00:48:57 Donc c'est évidemment
00:48:59 une victoire diplomatique des BRICS.
00:49:01 C'est en aucun cas une victoire diplomatique de Pékin isolée.
00:49:03 Pékin ne se serait pas levé le matin en se disant
00:49:05 "Parmi les victoires diplomatiques
00:49:07 que je voudrais obtenir pour consolider mon crédit
00:49:09 diplomatique, qui est faible,
00:49:11 je vais m'intéresser au cas
00:49:13 du rapprochement de Riyad et de Téhéran."
00:49:15 On va demander la même question à Rachid,
00:49:17 ton avis. Si tu partages le même, ça va aller vite.
00:49:19 Et si tu n'es pas d'accord, dis-nous pourquoi.
00:49:21 Le poids du BRICS, Rachid ?
00:49:23 Non mais là encore,
00:49:25 il ne faut pas confondre les BRICS avec les pays membres
00:49:27 des BRICS. Là je suis d'accord avec toi,
00:49:29 en l'occurrence, la Chine joue pour
00:49:31 ses propres intérêts nationaux, elle a tout à fait raison de le faire.
00:49:33 La Chine est quand même un pays
00:49:35 qui a une ouverture maritime extrêmement importante
00:49:37 mais qui a une profondeur continentale tout aussi
00:49:39 importante et sinon davantage.
00:49:41 Cependant, la présence américaine avec les alliés
00:49:43 que sont le Japon, que sont la Corée du Sud,
00:49:45 que sont l'Australie, font que la projection
00:49:47 maritime de la Chine est fortement
00:49:49 gênée et que la culture stratégique
00:49:51 chinoise est celle de
00:49:53 l'évitement et du contournement,
00:49:55 elle est plus importante que celle de l'affrontement.
00:49:57 Donc ne pouvant se projeter maritimement
00:49:59 à la hauteur de ses ambitions, elle décide de se projeter
00:50:01 dans la profondeur continentale ou asiatique,
00:50:03 notamment à travers la nouvelle route
00:50:05 de la Soire, qui se doit
00:50:07 de traverser des
00:50:09 territoires pacifiés, ce que les Etats-Unis
00:50:11 dans un jeu d'échecs
00:50:13 tentent de déstabiliser en alimentant des conflits
00:50:15 d'ordre ethnique, etc.
00:50:17 Ou en appuyant
00:50:19 sur les différentes clés
00:50:21 dans cette région-là. D'ailleurs, la tentative
00:50:23 de révolution colorée au
00:50:25 Kazakhstan juste avant l'intervention
00:50:27 de la Réunion en Ukraine était également
00:50:29 une tentative de
00:50:31 créer des foyers d'instabilité
00:50:33 au cœur même de l'Eurasie, qui est l'alternative
00:50:35 chinoise à la dimension
00:50:37 océanique, dont elle n'a tout simplement
00:50:39 pas encore les moyens militaires pour se frayer
00:50:41 un espace vital au sein
00:50:43 de l'océan Pacifique. De ce
00:50:45 point de vue, la Chine se
00:50:47 doit de garantir son approvisionnement énergétique,
00:50:49 alors elle le fait à travers la Russie,
00:50:51 ce qui s'est accéléré avec le conflit en Ukraine,
00:50:53 mais elle veut le faire également,
00:50:55 notamment en accédant aux gaz iraniens,
00:50:57 et que pour ce fait, il doit y avoir une stabilité régionale.
00:50:59 Donc que la Russie
00:51:01 est appuyée derrière ou qu'elle ait apporté
00:51:03 une aide diplomatique,
00:51:05 pourquoi pas, je veux bien, mais ça demeure toujours
00:51:07 dans l'intérêt de la Chine que cela se fait.
00:51:09 Et cela ne peut se faire que parce
00:51:11 que Mohamed Ben Salmane joue sa peau
00:51:13 sur cette question-là,
00:51:15 tout simplement parce qu'il y a une épée de Damoclès
00:51:17 qui pend sur sa tête, qui est celle de l'affaire
00:51:19 de Khashoggi, qui est toujours dans les tiroirs
00:51:21 de la Maison Blanche et qui n'a tout simplement
00:51:23 pas envie d'entamer et de faire durer
00:51:25 son règne, avec toujours la crainte
00:51:27 d'être poursuivie par
00:51:29 Telcour International ou d'être
00:51:31 l'objet de pressions américaines ou
00:51:33 de chantage américain. Donc, pour moi,
00:51:35 ce rapprochement Arabie Saoudite-Iran
00:51:37 est un rapprochement de circonstances,
00:51:39 un peu comme l'axe Chirac-Schroder-Poutine,
00:51:41 et qu'il ne pourra
00:51:43 pas s'inscrire dans la durée,
00:51:45 à moins, effectivement, d'un effondrement
00:51:47 brutal du monde occidental
00:51:49 ou des Etats-Unis.
00:51:51 Pareil pour la présence
00:51:53 paramilitaire de la Russie au niveau
00:51:55 du Sahel, notamment à travers le
00:51:57 groupe militaire privé Wagner,
00:51:59 et également le jeu du soft power
00:52:01 opéré par la Russie, par le digital,
00:52:03 mais également par des relais diplomatiques, ça se fait dans
00:52:05 l'intérêt des entreprises pétrolières,
00:52:07 gazières, minières,
00:52:09 russes. Croyez-moi, Prigojin
00:52:11 ne partageait pas ses revenus avec la Chine.
00:52:13 Il ne les partageait pas avec
00:52:15 l'Inde, ni avec le Brésil, ni avec
00:52:17 l'Afrique du Sud. Ce sont des oligarques
00:52:19 en Russie qui utilisaient,
00:52:21 d'ailleurs Vladimir Poutine lui-même,
00:52:23 mais pour cela, il faut connaître les subtilités de la politique
00:52:25 russe, qui utilisaient Prigojin
00:52:27 comme, on dit en russe,
00:52:29 un porte-monnaie, comme quelqu'un,
00:52:31 comme un relais qui échappe au radar
00:52:33 des différents circuits financiers, qui va
00:52:35 faire fructifier les différentes fortunes,
00:52:37 qui va les investir, mais qui va également
00:52:39 extraire de la richesse de différents
00:52:41 pays africains pour alimenter des oligarques.
00:52:43 Ce n'est pas le russe de Vladivostok
00:52:45 ou le russe du Dagestan ou le russe
00:52:47 de Saint-Pétersbourg qui verra
00:52:49 la couleur des billets verts ou bleus, ou de
00:52:51 n'importe quelle couleur, qui émanent de la République
00:52:53 Centrafricaine, des diamants, de l'or ou autre chose.
00:52:55 Ce sont avant tout des
00:52:57 oligarques. Donc c'est une question éminemment
00:52:59 pragmatique du point de vue de la Russie
00:53:01 qui, de manière collatérale,
00:53:03 profite à la grandeur de la Russie, à l'influence
00:53:05 géopolitique russe. C'est le jeu que joue Poutine.
00:53:07 Un jour, je vais faire un épisode
00:53:09 sur les fondements
00:53:11 et les origines byzantines du pouvoir russe
00:53:13 et de voir comment ce dédoublement de l'État
00:53:15 russe entre un État archaïque et évolue
00:53:17 parallèlement à un État en façade moderne
00:53:19 explique la politique russe en interne.
00:53:21 Mais c'est beaucoup plus complexe
00:53:23 que de dire que la Russie, en tant que
00:53:25 sujet géopolitique monolithique,
00:53:27 a réussi à battre la diplomatie française en
00:53:29 déclin et donc a réussi
00:53:31 à obtenir des points d'appui au niveau de la Centrafrique
00:53:33 au profit des BRICS.
00:53:35 Là, ça s'appelle du bricolage. En réalité,
00:53:37 il y a des intérêts nationaux qui sont en train
00:53:39 d'être joués. Chacun des pays membres
00:53:41 des BRICS, et même les nouveaux,
00:53:43 voit dans le BRICS uniquement un début
00:53:45 de profondeur stratégique
00:53:47 sur laquelle ils peuvent s'appuyer, mais à aucun
00:53:49 moment ce n'est une action collective
00:53:51 au profit d'une entité qui s'appellera BRICS.
00:53:53 Le BRICS est un instrument, tout simplement.
00:53:55 Ce n'est pas un bloc.
00:53:57 Ce n'est pas une alliance. C'est
00:53:59 tout simplement ça.
00:54:01 Quant à l'Arabie Saoudite, moi j'aimerais bien savoir
00:54:03 comment Poutine viendrait en aide à
00:54:05 Mohamed Salman si jamais il y a un coup d'État ou un débarquement
00:54:07 des Marines américains.
00:54:09 Ça serait intéressant de savoir.
00:54:11 Justement, par rapport à ce que tu viens
00:54:13 de dire, là tu parlais des nouveaux entrants au BRICS.
00:54:15 Je pense notamment
00:54:17 à l'Arabie Saoudite et aux
00:54:19 Émirats Arabes Unis. Idriss,
00:54:21 j'aimerais bien avoir ta lecture là-dessus, ta grille de lecture.
00:54:23 Comment tu l'as interprétée, cette adhésion
00:54:25 de ces deux pays, historiquement pro-USA,
00:54:27 mais là qui sont pleinement
00:54:29 membres du
00:54:31 BRICS. Deux questions.
00:54:33 Est-ce que c'est le
00:54:35 signe d'une perte d'influence américaine
00:54:37 avec les
00:54:39 pétro-monarchies du Golfe ? Ou alors
00:54:41 ce sont deux chevaux de trois ?
00:54:43 Deux chevaux de trois, pardon.
00:54:45 La question est intéressante. C'est toujours
00:54:47 extrêmement difficile d'atteindre
00:54:49 la limpidité.
00:54:51 La vertu cardinale
00:54:53 de toute analyse est la limpidité.
00:54:55 Et aujourd'hui,
00:54:57 on doit observer que
00:54:59 Dubaï a été sauvée par
00:55:01 l'afflux de milliardaires russes
00:55:03 en faveur du conflit ukrainien. Ce qu'on a appelé
00:55:05 en économie le phénomène "Dubaï-grade".
00:55:07 Et Dubaï, autrement, était en cessation
00:55:09 de paiement. Alors, elle était en cessation
00:55:11 de paiement auprès de l'émirat d'Abu-Dhabi.
00:55:13 Ça aurait été une catastrophe
00:55:15 pour l'unité des émirats.
00:55:17 Et donc, en un sens,
00:55:19 l'afflux de capitaux
00:55:21 russes a peut-être
00:55:23 préservé l'unité des émirats arabes unis.
00:55:25 Dans ce contexte-là,
00:55:27 c'était tout à fait logique que
00:55:29 les émirats
00:55:31 iraniens illuminassent la
00:55:33 bourge khalifa des couleurs de la Russie,
00:55:35 même si ça a fait grincer des dents
00:55:37 un peu partout en Occident.
00:55:39 Mais au-delà de ça,
00:55:41 la Russie a démontré
00:55:43 sa capacité à prévenir
00:55:45 les coups d'État.
00:55:47 Je réponds très volontiers
00:55:49 à la question de Rachid
00:55:51 Achachi pour cet aspect-là.
00:55:53 La Russie a démontré
00:55:55 qu'elle pouvait préserver
00:55:57 un frère ennemi,
00:55:59 qui était Erdogan,
00:56:01 quand la CIA a fait
00:56:03 un coup d'État contre lui.
00:56:05 Et ça, c'est limpide.
00:56:07 C'est un fait d'un chef d'État.
00:56:09 Parce que nous, on est dans un espace sur X,
00:56:11 donc on peut être séduit
00:56:13 par
00:56:15 la fanopée
00:56:17 de certains concepts de rechefs.
00:56:19 Mais un chef d'État au travail
00:56:21 comme Erdogan, qui doit inaugurer
00:56:23 les chrysanthèmes un jour
00:56:25 et lancer le programme
00:56:27 de chasseurs de cinquième génération turc un autre,
00:56:29 doit prendre
00:56:31 des décisions de façon assez rapide.
00:56:33 Et ce chef d'État
00:56:35 a pu tester
00:56:37 par lui-même le fait que la Russie
00:56:39 pouvait le protéger, d'une tentative
00:56:41 de l'éliminer, puisque
00:56:43 le coup d'État contre lui aurait très certainement
00:56:45 mené à sa mort.
00:56:47 D'ailleurs, aucun
00:56:49 bloc ou aucune organisation
00:56:51 n'a tué
00:56:53 plus d'anciens chefs d'État,
00:56:55 au moment du coup d'État.
00:56:57 Et c'est pour ça que,
00:56:59 à l'heure actuelle,
00:57:01 on a les mêmes résultats que les
00:57:03 chefs d'État qui ont été tués.
00:57:05 Et donc,
00:57:07 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:09 Et donc,
00:57:11 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:13 Et donc,
00:57:15 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:17 Et donc,
00:57:19 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:21 Et donc,
00:57:23 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:25 Et donc,
00:57:27 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:29 Et donc,
00:57:31 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:33 Et donc,
00:57:35 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:37 Et donc,
00:57:39 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:41 Et donc,
00:57:43 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:45 Et donc,
00:57:47 on a un chef d'État qui a été tué.
00:57:49 Et donc,
00:57:51 c'est seulement face à ce signal
00:57:53 que MBS a décidé.
00:57:55 Ce n'est pas simplement les intérêts chinois
00:57:57 qui n'ont aucune crédibilité.
00:57:59 Les Chinois n'ont pas la possibilité
00:58:01 de sauver un chef d'État
00:58:03 dans une situation de coup d'État nulle part dans le monde.
00:58:05 Et en effet, ils sont encore moins capables
00:58:07 de se projeter où que ce soit.
00:58:09 On a parlé de Wagner. Wagner n'est plus paramilitaire.
00:58:11 Wagner maintenant est soumis entièrement
00:58:13 au ministère de la Défense russe.
00:58:15 Donc, quand Wagner agit, c'est Shoigu qui agit aujourd'hui.
00:58:17 Et donc,
00:58:19 il y a cette crédibilité que les Russes ont acquis
00:58:21 pour maintenir
00:58:23 des chefs d'État insolents.
00:58:25 Disons-le, encore une fois, avec une très grande limpidité.
00:58:27 Parce que dans géopolitique,
00:58:29 il y a géocert, il y a surtout politique.
00:58:31 En politique, il faut savoir être limpide.
00:58:33 Et aujourd'hui,
00:58:35 on peut avoir un capitaine Traoré
00:58:37 qui fanfaronne contre la France
00:58:39 parce qu'il sait qu'il a Moscou derrière lui.
00:58:41 Ce n'est certainement pas Pékin qui lui permet de fanfaronner ses Moscou.
00:58:43 Mais en effet,
00:58:45 les BRICS, ils trouvent un intérêt commun
00:58:47 qui est l'affaiblissement
00:58:49 du bloc, disons, de Washington,
00:58:51 qui est l'affaiblissement de l'ordre international
00:58:53 post-Yalta,
00:58:55 et qui est l'affaiblissement du dollar.
00:58:57 Mais c'est, et je ne peux qu'insister là-dessus,
00:58:59 l'action conjointe
00:59:01 de ces intérêts. Ce n'est pas simplement la Chine
00:59:03 qui s'est levée le matin en se disant "je vais faire une route de la soie
00:59:05 et donc, entre
00:59:07 poire et le fromage, ou plutôt
00:59:09 entre les œufs de cent ans et la soupe
00:59:11 aux pâtes de poule, eh bien, je vais faire
00:59:13 une alliance entre Riyad,
00:59:15 ou en tout cas normaliser les relations
00:59:17 entre Riyad et Téhéran. Non, ces
00:59:19 opérations nécessitent les deux.
00:59:21 Idriss, c'est hyper intéressant ce que tu viens de dire,
00:59:23 et après on va donner la parole à Rachid,
00:59:25 mais en fait, tu es en train de nous dire quoi ?
00:59:27 Tu nous dis, aujourd'hui, il y a eu un rapprochement
00:59:29 Riyad-Téhéran,
00:59:31 donc, en 2023,
00:59:33 donc il y a 20 ans, ça aurait été inconcevable.
00:59:35 Les Saoudiens seraient pris une fessée, quoi,
00:59:37 par le tonton américain.
00:59:39 Bien entendu, qui peuvent en effet orchestrer un coup d'État
00:59:41 dans le monde arabe, fait à plusieurs reprises,
00:59:43 qui peuvent déstabiliser des pays arabes,
00:59:45 qui ont,
00:59:47 enfin, vous êtes tout de même
00:59:49 des sujets du royaume du Maroc,
00:59:51 le coup d'État des aviateurs n'est pas si loin.
00:59:53 Et je vous rappelle que
00:59:55 le coup d'État des aviateurs n'a pas été voulu par
00:59:57 Moscou, pourtant on était en pleine guerre froide.
00:59:59 Donc, la possibilité
01:00:01 pour Washington
01:00:03 de déstabiliser un pays arabe,
01:00:05 voire même d'en changer son dirigeant,
01:00:07 reste tout à fait
01:00:09 envisageable, et au point
01:00:11 même qu'elle a eu lieu
01:00:13 réellement en Turquie.
01:00:15 Et ce sont les Russes qui ont sauvé Erdogan, malgré le fait
01:00:17 que, comme l'a brillamment
01:00:19 souligné Rachid Nachachi, la Turquie
01:00:21 a un intérêt géopolitique
01:00:23 bicéphale
01:00:25 qui l'oblige à trahir
01:00:27 la Russie
01:00:29 avec une régularité de coucou suisse.
01:00:31 Et ça, ça n'horripile
01:00:33 pas Poutine, parce que son approche de la politique
01:00:35 internationale n'est
01:00:37 que très peu émotionnelle, voire pas du tout.
01:00:39 Mais en effet,
01:00:41 Erdogan a été sauvé
01:00:43 par Poutine, Bachar el-Assad
01:00:45 a été sauvé par Poutine, alors qu'il
01:00:47 allait être, soyons très clair, Bachar el-Assad
01:00:49 allait être assassiné ou exécuté,
01:00:51 comme Saddam Hussein
01:00:53 et comme Kadhafi. C'était une
01:00:55 certitude absolue. Et
01:00:57 qui lui a empêché l'exécution ?
01:00:59 Le WTO russo-chinois
01:01:01 et la capacité russe à
01:01:03 intervenir, à se projeter dans un pays
01:01:05 comme la Syrie. Donc, pour répondre à la question
01:01:07 si les marines débarquaient
01:01:09 en Arabie Saoudite, oui,
01:01:11 il est tout à fait possible que la Russie intervienne
01:01:13 maintenant que l'Arabie est formellement
01:01:15 membre des BRICS. Et
01:01:17 seulement c'est possible, mais il est déjà
01:01:19 connu de certains journalistes
01:01:21 aux Émirats que la Russie
01:01:23 a dépourrié des forces spéciales
01:01:25 en Arabie Saoudite.
01:01:27 Ok, on va demander l'avis à Rachid pour la même question,
01:01:29 c'est-à-dire, sa grille de lecture
01:01:31 par rapport à ces pétroménarchies
01:01:33 qui intègrent le BRICS, est-ce que c'est une perte d'influence
01:01:35 américaine, ou des chevaux de
01:01:37 trois, ou alors, comme le dit,
01:01:39 si justement, moi je suis assez d'accord avec toi
01:01:41 Idriss, c'est qu'il y a un changement
01:01:43 de donne, c'est un Poutine fort
01:01:45 qui change l'échec mondial.
01:01:47 Ce n'est pas un Poutine fort,
01:01:49 c'est davantage une Chine
01:01:51 forte en l'occurrence dans le cadre des
01:01:53 Émirats et de l'Arabie Saoudite.
01:01:55 Parce que, certainement, il faut arrêter
01:01:57 de fantasmer la Russie. Premièrement, quand
01:01:59 on dit que la Russie a une capacité
01:02:01 à prévenir les coups d'État, en se fondant sur le cas
01:02:03 de la Turquie, premièrement, ça se fonde sur une rumeur.
01:02:05 A aucun moment, ça n'a été dit officiellement
01:02:07 ni par Erdogan, ni par Poutine.
01:02:09 Donc, se fonder sur une rumeur, c'est quand même
01:02:11 un terrain assez glissant. Ça peut être vrai, comme ça peut ne pas
01:02:13 l'être. Mais par contre, ce qui est vrai,
01:02:15 c'est que la Russie a été incapable de
01:02:17 prévenir et d'empêcher des coups d'État
01:02:19 dans son étranger proche,
01:02:21 comme on l'appelle, c'est-à-dire, je parle des révolutions
01:02:23 de couleur, notamment en Géorgie
01:02:25 en 2003, ce qui avait amené un pro-américain,
01:02:27 un agent d'influence américain
01:02:29 qui est Sacha Chvili à la tête de la
01:02:31 Géorgie, ce qui avait amené la Russie à intervenir
01:02:33 militairement en Abkhazie et en
01:02:35 Ossétie du Sud. Ça n'a pas empêché
01:02:37 le coup d'État maquillé sous forme
01:02:39 de révolution populaire en Ukraine
01:02:41 en 2004, avec
01:02:43 la révolution orange. Donc, si
01:02:45 la Russie n'est pas capable d'empêcher et de neutraliser
01:02:47 et de tuer dans l'œuvre des coups d'État
01:02:49 fondamentalement hostiles à la
01:02:51 Russie, menée par les États-Unis
01:02:53 dans son étranger proche,
01:02:55 je suis désolé de dire
01:02:57 que la Russie n'a pas non plus
01:02:59 des moyens d'empêcher un coup d'État en Arabie
01:03:01 Saoudite, tout simplement parce que pour pouvoir
01:03:03 empêcher, il faut avoir un réseau d'espionnage extrêmement
01:03:05 important dans le pays qui va
01:03:07 commanditer le coup d'État, c'est-à-dire en l'occurrence
01:03:09 les États-Unis ou le Royaume-Uni, mais
01:03:11 ce qui est un peu le cas pour le FSB
01:03:13 ou l'OSR, mais
01:03:15 également dans le pays qui va être
01:03:17 l'objet du coup d'État qu'est l'Arabie Saoudite.
01:03:19 Et à ce que je sache, il n'y a pas une forte communauté
01:03:21 russe ou russophone implantée en
01:03:23 Arabie Saoudite à différents niveaux du pouvoir,
01:03:25 capable de capter des rumeurs,
01:03:27 de les transmettre en temps réel, de combiner
01:03:29 ces informations, donc il est évident que la Russie
01:03:31 n'a pas les moyens. Et croyez-moi, si les marines
01:03:33 s'interviennent militairement avec un débarquement massif
01:03:35 en Arabie Saoudite, la Russie n'a pas
01:03:37 les moyens d'intervenir militairement
01:03:39 dans une confrontation directe avec les États-Unis
01:03:41 sur le théâtre saoudien.
01:03:43 Aujourd'hui, l'Ukraine
01:03:45 phagocyte l'essentiel
01:03:47 - je mets de côté toujours le nucléaire et le stratégique -
01:03:49 mais du point de vue de l'armement conventionnel,
01:03:51 ça phagocyte
01:03:53 l'essentiel de la force de
01:03:55 frappe russe sur le franc ukrainien
01:03:57 qui mesure 1300 km.
01:03:59 Et même l'appareil productif industriel russe
01:04:01 qui est supérieur aux capacités
01:04:03 occidentales en termes de munitions,
01:04:05 arrive à peine à alimenter
01:04:07 l'armée russe en Ukraine en termes de munitions
01:04:09 pour les artilleries notamment,
01:04:11 les calibres 150 mm,
01:04:13 mais également pour les obus, pour les chars, etc.
01:04:15 Donc croyez-moi, il faut arrêter de
01:04:17 confronter la Russie, elle n'a pas les moyens.
01:04:19 - Rachid, dans la même
01:04:21 thématique, c'est un stop-and-go, tu continues ?
01:04:23 - Oui.
01:04:25 - Est-ce que cette guerre d'Ukraine,
01:04:27 qui dure, qui tarde un petit peu,
01:04:29 qui est un peu
01:04:31 en stand-by,
01:04:33 parce que quand on écoutait les Russes,
01:04:35 ça devait être réglé en deux mois au maximum,
01:04:37 est-ce qu'en matière d'image, ça ne vient pas
01:04:39 affaiblir
01:04:41 le hard power russe
01:04:43 avec cette guerre qui n'en finit plus ?
01:04:45 - Alors,
01:04:47 ça va davantage affecter les exportations
01:04:49 d'armes russes que
01:04:51 l'image ou l'influence réelle
01:04:53 de la Russie, parce que l'influence réelle de la Russie ne se fonde
01:04:55 pas uniquement sur l'armement, elle se fonde
01:04:57 sur une approche géopolitique
01:04:59 totalement différente de celle de l'Occident,
01:05:01 c'est-à-dire non-interventionniste,
01:05:03 qui aspecte la souveraineté autant politique
01:05:05 que culturelle et civilisationnelle des
01:05:07 différents États, ce qui fait qu'en Afrique, elle est fortement
01:05:09 appréciée. Elle se fonde
01:05:11 sur un certain conservatisme,
01:05:13 fortement simulé par une partie
01:05:15 de l'élite politique russe, parce que
01:05:17 ces vendeurs, sur le plan des relations internationales
01:05:19 aujourd'hui, dans toute
01:05:21 la planète non-occidentale,
01:05:23 donc ça se fonde sur différents leviers,
01:05:25 et pas uniquement sur le levier de la capacité militaire
01:05:27 à obtenir une victoire. Après,
01:05:29 je ne m'inquiète pas trop pour l'armée russe en Ukraine,
01:05:31 je pars du principe, depuis le début du conflit, que la Russie
01:05:33 va gagner. Pas parce que
01:05:35 c'est une armée plus moderne, etc.,
01:05:37 mais tout simplement parce que la Russie n'a pas le choix,
01:05:39 et que cette guerre en Ukraine n'est pas une simple
01:05:41 guerre conventionnelle d'influence ou de
01:05:43 marche impériale, mais c'est une guerre existentielle
01:05:45 pour la Russie, et que la Russie,
01:05:47 jusqu'à présent, n'a pas utilisé
01:05:49 l'intégralité de son potentiel, mais
01:05:51 pour ce faire, elle doit d'abord faire le ménage en interne
01:05:53 au sein de l'élite russe, parce qu'il y a une cinquième
01:05:55 colonne en Russie, qui est toujours
01:05:57 présente, qui est moins bruyante qu'avant
01:05:59 le conflit, et il y a également une sixième
01:06:01 colonne, qui œuvre indirectement et
01:06:03 involontairement pour les intérêts occidentaux,
01:06:05 donc d'abord, il faut faire le ménage en interne
01:06:07 avant de prétendre
01:06:09 atteindre le plein potentiel que
01:06:11 peut incarner la Russie. Mais, pour la projection
01:06:13 d'Arabie Saoudite, c'est tout simplement techniquement
01:06:15 impossible. Dans le cas de la Syrie,
01:06:17 ça a été possible en raison de différents éléments,
01:06:19 premièrement parce que la Russie avait des points d'appui
01:06:21 logistiques, parce qu'il y avait le port de Tartus,
01:06:23 il y avait une base militaire
01:06:25 en Syrie, qui permettait
01:06:27 l'atterrissage d'avions-cargos russes
01:06:29 pour débarquer les armes, etc.
01:06:31 Et en plus, ça a été une guerre qui a été
01:06:33 en partie, une intervention qui a été en partie
01:06:35 sous-traitée à Wagner, qui contrairement à ce que
01:06:37 dit Dvistavatkan, continue d'exister
01:06:39 parce que les soldats et les combattants de Wagner
01:06:41 qui ont été intégrés dans l'armée régulière
01:06:43 russe, c'était les combattants de Wagner
01:06:45 en Ukraine, sur le sol
01:06:47 ukrainien, et à qui le choix a été donné
01:06:49 soit d'aller en Bélorussie,
01:06:51 soit d'aller en Afrique ou ailleurs, rejoindre les
01:06:53 différents contingents, soit intégrer l'armée
01:06:55 régulière. Donc jusqu'à présent,
01:06:57 c'est toujours le cas. Alors le FSB,
01:06:59 effectivement, va probablement finir
01:07:01 par reprendre le contrôle effectif
01:07:03 sur les différents groupes de Wagner
01:07:05 présents dans différents pays africains, soit
01:07:07 en créant une nouvelle structure qui n'appartiendra
01:07:09 pas au groupe Concorde
01:07:11 que possédait Prigojin.
01:07:13 Et là encore, je peux noter
01:07:15 une erreur d'analyse fondamentale
01:07:17 qu'avait opérée Dvistavatkan par
01:07:19 rapport à la soi-disant Maskirovka.
01:07:21 Aujourd'hui, c'est quand même évident
01:07:23 que la Maskirovka, c'était le fait de dire
01:07:25 que c'était une Maskirovka, alors qu'en réalité
01:07:27 c'était beaucoup plus complexe et beaucoup
01:07:29 plus subtil. Mais pour l'instant, il y a
01:07:31 encore Wagner. Donc il y a différents plans
01:07:33 qui sont posés sur la table pour
01:07:35 intégrer Wagner dans d'autres structures
01:07:37 qui devront demeurer privées. Parce que
01:07:39 la Russie a besoin d'une armée
01:07:41 dont les pertes ne vont pas être comptabilisées
01:07:43 comme le sont les pertes de l'armée
01:07:45 régulière, où elle est obligée d'afficher
01:07:47 en tout cas d'intégrer
01:07:49 les pertes et de dédommager les familles
01:07:51 des différentes personnes, ce qui n'est pas le cas pour les mercenaires.
01:07:53 Et puis deuxièmement, ça permet de jouer
01:07:55 sur des zones grises que la Russie
01:07:57 ne voudra pas forcément assumer dans différents
01:07:59 théâtres d'opération. Donc il y aura toujours une dimension
01:08:01 paramilitaire, elle changera de nom, elle s'appellera
01:08:03 plus Wagner, elle s'appellera Tchékovski peut-être.
01:08:05 Mais ça continuera d'exister
01:08:07 en dehors du sol russe. Mais sur le
01:08:09 territoire russe, dans l'Ukraine,
01:08:11 du point de vue de la Russie,
01:08:13 notamment les provinces annexées,
01:08:15 il est hors de question qu'un groupe militaire
01:08:17 privé puisse retrouver
01:08:19 un poids et une influence comme celle
01:08:21 qu'avait Wagner au
01:08:23 moment où il existait encore sur le sol ukrainien.
01:08:25 Alors je vais poser une dernière question à Idriss Aberkane,
01:08:27 ensuite on prendra les questions du public.
01:08:29 Donc Dupont, Desty et Schrift,
01:08:31 faites-moi une belle sélection s'il vous plaît
01:08:33 pour qu'on termine ce show.
01:08:35 Idriss, comment t'as
01:08:37 interprété un
01:08:39 Vladimir Poutine qui va,
01:08:41 entre guillemets, mendier des missiles à la
01:08:43 Corée du Nord ? C'est quoi ta grille de lecture là-dessus ?
01:08:45 Reprenons, juste avant ça,
01:08:47 il faut quand même corriger quelques
01:08:49 propos erronés tout de même pour notre audience
01:08:51 qui ont été prononcés tout à l'heure. D'abord, le
01:08:53 FSB ne va rien reprendre en main
01:08:55 du tout, cher Rachid Achachi, puisque
01:08:57 le FSB, c'est la sécurité intérieure
01:08:59 de la Russie. Il n'y a pas de confusion à avoir
01:09:01 avec le SVR qui, lui, peut reprendre
01:09:03 en main éventuellement certaines choses, et en l'occurrence
01:09:05 la prérogative ne serait même pas au SVR
01:09:07 mais au GROU, le renseignement militaire.
01:09:09 Donc ça c'est un premier point. On n'est plus à
01:09:11 l'époque de la guerre froide où c'était le KGB qui gérait les deux.
01:09:13 Maintenant les agences sont distinguées,
01:09:15 et le GROU demeure, et d'ailleurs c'est le GROU
01:09:17 en l'occurrence qui a la prérogative de Wagner.
01:09:19 Donc n'embrouillons pas notre audience
01:09:21 avec des petites erreurs assez triviales.
01:09:23 Deuxièmement, concernant la
01:09:25 masque Ilovka, je suis très content, Rachid Achachi,
01:09:27 que tu admettes ton erreur,
01:09:29 puisque il y a 20 minutes, tu me disais
01:09:31 "il n'y a pas d'erreur dans notre analyse,
01:09:33 et il n'existe pas de scénario
01:09:35 ou de situation dans lesquelles
01:09:37 on peut définir conceptuellement
01:09:39 une erreur". Eh bien si tu viens
01:09:41 justement d'admettre
01:09:43 qu'il existait une telle situation,
01:09:45 et tu as vainement tenté de la prendre à ton avantage,
01:09:47 et je te le concède bien volontiers,
01:09:49 au moment même où, en ce qui me concerne,
01:09:51 je faisais, par loyauté
01:09:53 intellectuelle envers mon audience,
01:09:55 deux sortes d'excuses,
01:09:57 en disant que je m'étais trompé sur la masque Ilovka,
01:09:59 on avait le colonel Beau en Suisse
01:10:01 qui disait "ouh là là, pas si vite,
01:10:03 il est tout à fait possible que les services occidentaux
01:10:05 soient intervenus dans l'assassinat de Prigojil".
01:10:07 C'est un des plus hauts piliers du
01:10:09 contre-espionnage suisse qu'il a déclaré sur deux
01:10:11 chaînes différentes. Ce qui signifie même
01:10:13 qu'au moment où je voulais moi être
01:10:15 loyal avec mon audience et leur dire "bah écoutez,
01:10:17 si je suis gouré, il faut que je vous le dise immédiatement",
01:10:19 je venais à peine de leur dire que je m'étais
01:10:21 trompé, que le colonel Beau
01:10:23 disait que je me trompais, en me disant que je m'étais
01:10:25 trompé. En conséquence de quoi,
01:10:27 je suis rappelé à mon audience la citation de Winston Churchill
01:10:29 "la Russie est un
01:10:31 rébut enveloppé de mystères au sein d'une
01:10:33 énigme". Mais concernant cette fameuse masque
01:10:35 Ilovka, elle était d'autant plus probable, et là je cite
01:10:37 le colonel Beau, de ce que
01:10:39 ce n'aurait pas été la première fois que Wagner
01:10:41 et en l'occurrence Prigojil,
01:10:43 auraient fait semblant d'avoir
01:10:45 un crash et de mourir, puisque c'était déjà
01:10:47 arrivé en 2018, et en effet les personnes
01:10:49 qui ont suivi de près le groupe Wagner
01:10:51 le savent. Maintenant, concernant
01:10:53 l'intervention en Arabie Saoudite,
01:10:55 mais encore une fois c'est très honnête,
01:10:57 à part Rachid, de reconnaître ton
01:10:59 erreur conceptuelle frontale quand tu
01:11:01 évoquais la possibilité qu'il soit
01:11:03 antinomique
01:11:05 de déterminer ce qui est juste
01:11:07 ou injuste, ce qui est faux, ce qui n'est pas faux, ce qui
01:11:09 est une erreur ou pas une erreur, et que
01:11:11 20 minutes plus tard, quand même si on peut faire des erreurs,
01:11:13 on peut dire que tel événement est une masque
01:11:15 Ilovka, alors qu'il ne l'était pas, alors que peut-être peut-être
01:11:17 il l'était. Bon, laissons le
01:11:19 dernier mot au colonel Beau, qui pour l'instant donne
01:11:21 cette version des faits. Mais concernant l'Arabie
01:11:23 Saoudite maintenant, je suis désolé,
01:11:25 c'est le militaire qui doit parler, je ne sais pas
01:11:27 quel a été ton grade militaire
01:11:29 dans tes classes, mais
01:11:31 en ce qui me concerne, je suis officier de marine
01:11:33 et je connais deux ou trois choses en matière
01:11:35 logistique. Et oui, si la Russie
01:11:37 a été capable de se déployer au Niger,
01:11:39 oui, si la Russie a été capable de se
01:11:41 déployer beaucoup plus loin dans son histoire
01:11:43 récente, bien entendu
01:11:45 qu'elle peut déployer un réseau d'influence
01:11:47 en Arabie Saoudite. Mais d'ailleurs, qu'est-ce,
01:11:49 sur quelle source, sur quelle preuve
01:11:51 te bases-tu quand tu dis "de toute
01:11:53 évidence, la Russie n'a pas de réseau d'influence en Arabie
01:11:55 Saoudite". Mais pardon, mais
01:11:57 quels éléments te permettent de dire ça ?
01:11:59 Te voilà officier du GRU ?
01:12:01 Ou te voilà membre des renseignements russes ?
01:12:03 Attention, il ne faut pas confondre, maîtriser
01:12:05 la langue de Tolstoy et subitement
01:12:07 pouvoir traduire en cette langue
01:12:09 17 moments de printemps et comprendre
01:12:11 la structure fine des réseaux de renseignements
01:12:13 russes, ou en tout cas pour la comprendre
01:12:15 encore utile, il a fallu faire la différence entre
01:12:17 le FSB, le SVR et le GRU.
01:12:19 Donc, juste sur cet aspect-là,
01:12:21 je suis désolé,
01:12:23 on doit à notre audience une certaine
01:12:25 précision et une certaine exactitude dans les faits,
01:12:27 aussi bien sur la méthode que
01:12:29 sur les grilles
01:12:31 d'analyse et puis sur les faits.
01:12:33 Encore une fois, Wagner ne dépend pas du FSB
01:12:35 de près ou de loin, encore heureux
01:12:37 d'ailleurs. Donc,
01:12:39 concernant le reste de la question, ou peut-être
01:12:41 Rachid ne veut plus...
01:12:43 C'est intéressant, tu as challengé
01:12:45 Rachid, c'est intéressant, puis après tu me parleras
01:12:47 de la corrige. J'ai du tout, j'ai corrigé
01:12:49 des erreurs factuelles, mais il n'y a pas
01:12:51 de challenge. Bon, alors si vous permettez, parce qu'à
01:12:53 un certain moment, on peut mettre la sophistique de côté,
01:12:55 je peux, même si vous voulez, expliquer
01:12:57 des différentes services... Il n'y a rien de sophistique, c'est-à-dire que le FSB... Non, non, non,
01:12:59 il y a de la sophistique, parce que je peux
01:13:01 vous expliquer quelque chose, parce que là encore, quand vous parlez
01:13:03 par russe, vous ne lisez pas les textes de loi russe
01:13:05 qui régissent les prérogatives de chacun des services,
01:13:07 et je vous apprends qu'il n'y a pas le FSB,
01:13:09 le SVR et le GRU, mais également un quatrième
01:13:11 que vous ne connaissez probablement pas, qui s'appelle le FSO.
01:13:13 Donc je vous invite à aller vous intéresser
01:13:15 à la question. Eva, je peux le citer
01:13:17 maintenant, et est-ce que vous
01:13:19 le connaissez, le FSO ?
01:13:21 Non, vous ne le connaissez pas, d'accord.
01:13:23 Alors vous le connaissez... Non, non, mais
01:13:25 j'ai fait une...
01:13:27 J'ai fait une vidéo, j'ai fait...
01:13:29 Écoutez-moi, j'ai fait une vidéo
01:13:31 alors un peu de modestie
01:13:33 et un peu de...
01:13:35 Alors moi, j'ai une arme qui est une arme nucléaire
01:13:37 qui permet de couper les micros
01:13:39 pour un petit peu apaiser tout ça, donc
01:13:41 vous avez des avis divergents, tant mieux,
01:13:43 mais comme je vous le disais, on reste en smoking,
01:13:45 on se respecte, on est entre gentlemen,
01:13:47 on va laisser terminer Rachid Achachi
01:13:49 et ensuite il risque de pouvoir rebondir. Vas-y Rachid.
01:13:51 Alors par rapport
01:13:53 aux fiches que j'aurais révisées, je rappelle tout
01:13:55 simplement, et tout le monde peut aller les vérifier, que j'ai
01:13:57 publié une vidéo il y a deux semaines
01:13:59 sur ma chaîne ODC TV, sur la
01:14:01 question de Prigogine, qui a tué Prigogine,
01:14:03 Prigogine est-il encore en vie, où j'avais parlé de
01:14:05 chacun de ces services en détail, le
01:14:07 FSO, le FSB, le SBR, le
01:14:09 Guayrou, en étudiant chacune
01:14:11 des hypothèses par rapport à la mort de Prigogine
01:14:13 qui aurait pu le faire. Donc il y a quatre
01:14:15 grands services, et le FSO
01:14:17 est celui qui est chargé de la sécurité de toute la
01:14:19 dimension fédérale de la Russie, autant les
01:14:21 bâtiments fédéraux que les personnalités politiques.
01:14:23 Et c'est également la garde rapprochée
01:14:25 de Vladimir Poutine, et qui de temps en temps
01:14:27 peut faire le sale boulot, quand on
01:14:29 veut pas l'attribuer au FSB, ou au
01:14:31 SBR, ou à d'autres. Deuxièmement, la nouvelle
01:14:33 loi antiterroriste russe,
01:14:35 qui avait été votée après les attentats
01:14:37 de Moscou, de Beslan, etc.,
01:14:39 accorde au FSB une prérogative
01:14:41 très particulière, et là encore,
01:14:43 là il faut lire le russe et aller se
01:14:45 taper des textes de loi russe pour voir les
01:14:47 amendements votés à la Douma. Cette
01:14:49 nouvelle loi antiterroriste autorise le
01:14:51 FSB à mettre sous son contrôle,
01:14:53 quand la situation l'exige,
01:14:55 tous les autres services de
01:14:57 renseignement. Autant le SBR,
01:14:59 que le Guayrou, que le FSO
01:15:01 rentrent sous la tutelle
01:15:03 du FSB quand la situation l'exige,
01:15:05 ou bien, comme dit la loi,
01:15:07 quand elle reçoit l'ordre du
01:15:09 président de la Fédération de Russie, à savoir
01:15:11 Vladimir Poutine. Deuxième
01:15:13 élément, Wagner a été
01:15:15 indirectement sous contrôle
01:15:17 du FSB, parce que le siège
01:15:19 de Wagner, qui est l'entreprise
01:15:21 Concorde, se trouve sur le
01:15:23 territoire russe, et se trouve sur
01:15:25 Saint-Pétersbourg. Et donc le FSB
01:15:27 a eu un contrôle sur
01:15:29 Wagner, qui était un contrôle relative,
01:15:31 et aujourd'hui l'idée est
01:15:33 d'intégrer définitivement Wagner
01:15:35 sous le FSB, qui demeure
01:15:37 quand même le service fétiche
01:15:39 de Vladimir Poutine, à qui il fait confiance à travers
01:15:41 la figure de Patrouchev.
01:15:43 Cela étant dit,
01:15:45 ayant établi un certain nombre de vérités
01:15:47 par rapport à la réalité des services secrets
01:15:49 russes, contrairement au fantasme
01:15:51 ou à la lecture de Wikipédia qui séparent
01:15:53 SBR pour les renseignements étrangers, le FSB
01:15:55 pour le fédéral et intérieur, non, c'est beaucoup plus
01:15:57 complexe. Le FSB a des prérogatives
01:15:59 antérieures à tous les autres, et peut les inscrire sous sa propre
01:16:01 tutelle. Il a même le droit,
01:16:03 d'après la loi russe, d'intervenir dans le
01:16:05 cadre de la lutte antiterroriste, ce qui
01:16:07 est très vaste, puisque même le
01:16:09 gouvernement ukrainien est qualifié de terroriste par la Russie,
01:16:11 ce qui autorise le FSB à intervenir
01:16:13 en Ukraine, au Kazakhstan, un peu
01:16:15 partout. Donc, la loi russe,
01:16:17 j'invite Elie Sabatkan à utiliser Tchadzhipiti pour
01:16:19 traduire les textes en russe, au lieu de se fier
01:16:21 à Wikipédia et de faire des vidéos YouTube
01:16:23 pour après s'excuser. Alors, j'ai parlé d'erreur
01:16:25 d'Elie Sabatkan, tout simplement parce qu'il
01:16:27 l'a admis lui-même. Donc, je ne me serais pas
01:16:29 permis de dire qu'il a commis une erreur
01:16:31 s'il ne l'avait pas admis lui-même. Il a fait son
01:16:33 mea culpa sur Twitter, après une
01:16:35 parenthèse d'arrogance en affirmant que c'est
01:16:37 de la maskirovka et que tous ceux qui n'y croyaient pas
01:16:39 étaient des crétins. Je simplifie à peine.
01:16:41 Et bien, désormais, aujourd'hui, on voit bien
01:16:43 que l'erreur était monumentale et que le fondement
01:16:45 de cette erreur était une méconnaissance
01:16:47 totale de la mentalité
01:16:49 russe, des antagonismes et
01:16:51 des contradictions internes à l'état russe,
01:16:53 et des subtilités qui traversent ces
01:16:55 systèmes politiques russes. Et le résultat
01:16:57 naturel, c'est des diagnostics totalement
01:16:59 erronés, mais qui permettent de faire 400 000
01:17:01 vues et du hadsens, etc.
01:17:03 Donc, cela étant dit... - On va donner la prochaine question,
01:17:05 Mgr Idriss. - Oui, bon, non mais...
01:17:07 La seule utilisation
01:17:09 possible de ce droit de réponse, c'est de
01:17:11 s'excuser d'avoir tapé dans
01:17:13 je ne sais quelle psychiatrie, c'est complexe,
01:17:15 d'infériorité, de Rachid Achachi. Partez
01:17:17 du principe, mon cher Rachid,
01:17:19 que je ne sais rien et que de toute
01:17:21 évidence, vous savez rien, et que
01:17:23 bon, je ne sais même pas de quoi
01:17:25 vous parlez, je ne vois
01:17:27 pas de quoi vous parlez.
01:17:29 J'ai évoqué des possibilités
01:17:31 qui ont été confirmées par le colonel Beau
01:17:33 après vos contradictions.
01:17:35 J'entends que vous avez
01:17:37 peut-être
01:17:39 une certaine envie ou une certaine jalousie
01:17:41 vis-à-vis de mon audience, puisque
01:17:43 vous parlez de complexité,
01:17:45 puisque vous parlez de nuances.
01:17:47 Sachez que conquérir une telle
01:17:49 audience, mon cher Rachid, c'est beaucoup plus
01:17:51 compliqué que vous ne pensez,
01:17:53 et que ce n'est pas quelque chose qui est aussi
01:17:55 privilégié émotionnel que vous
01:17:57 l'avez décrit. Mais bon, pardon d'avoir
01:17:59 tapé, de toute évidence,
01:18:01 dans quelque chose qui a stimulé
01:18:03 très fortement vos émotions.
01:18:05 Je vous fais mes excuses, je me
01:18:07 trompe sur à peu près tout, c'est d'ailleurs
01:18:09 la raison pour laquelle je suis invité aujourd'hui
01:18:11 comme essayiste
01:18:13 et comme auteur principal
01:18:15 de cette interview, c'est
01:18:17 spécifiquement parce que je me trompe à peu près
01:18:19 sur tout. D'ailleurs,
01:18:21 je me suis trompé aussi
01:18:23 quand j'ai refusé de croire que
01:18:25 Wagner allait faire un coup d'état et prendre
01:18:27 ce coup, et que j'avais été
01:18:29 parmi les premiers à l'indiquer.
01:18:31 Mon cher Rachid, je vous
01:18:33 fais mes plus plates excuses.
01:18:35 De toute évidence, vos
01:18:37 connaissances sont très supérieures aux miennes,
01:18:39 en tout cas, c'est ce qui me semble en ressortir,
01:18:41 et je m'excuse
01:18:43 d'avoir tapé dans je ne sais quelle
01:18:45 faiblesse émotionnelle.
01:18:47 Messieurs, messieurs, soit vous vous calmez,
01:18:49 soit on parle du Covid, parce que là, vous êtes d'accord
01:18:51 et vous allez vous faire des câlins.
01:18:53 Non, vous êtes très gentil, je viens de m'excuser
01:18:55 trois fois devant...
01:18:57 Rachid, voilà, Rachid,
01:18:59 il est...
01:19:01 il a franc parlé, comme toi, Idriss,
01:19:03 donc c'est normal qu'on en soit là.
01:19:05 On reste entre gentlemen, on peut tout se dire, il n'y a pas de souci.
01:19:07 Justement, c'est ce que je viens de faire.
01:19:09 Donc, encore une fois, je réitère
01:19:11 mes excuses, c'est vrai que je n'ai pas
01:19:13 forcément atteint
01:19:15 à cette...
01:19:17 anal akashique
01:19:19 de connaissances à laquelle
01:19:21 Rachid Aschachi peut prétendre.