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Commémoration du 230e anniversaire de la première abolition de l'esclavage

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00:00 Bonjour à tous. Monsieur le Premier ministre et président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, cher Jean-Marc Ayrault.
00:08 Monsieur le président, cher Louis Mermaz. Mesdames les vice-présidentes, Madame la première caisse d'or.
00:18 Monsieur le président de la Commission des lois, cher Sacha. Mesdames et messieurs les présidents de groupe,
00:26 cher André notamment et cher Boris. Je ne sais pas s'il y en a d'autres. Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues.
00:34 Mesdames et messieurs, les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, proclame la Déclaration des droits de l'homme
00:44 et du citoyen adoptée par l'Assemblée nationale le 26 août 1789. On comprend que ce texte libérateur de portée universelle
00:55 ait suscité des espoirs extraordinaires dans les anciennes colonies sucrières dont l'économie reposait sur la traite et l'esclavage.
01:05 On aimerait pouvoir dire que dès 1789, en application directe de cette déclaration, l'égalité des droits ait été reconnue à tous,
01:17 quelle que soit la couleur de peau, et que les esclaves aient été libérés. Hélas, la réalité fut beaucoup plus complexe.
01:28 Deux siècles plus tard, au large de la Bretagne, a été retrouvée l'épave d'une corvette qui avait fait naufrage en 1795.
01:40 Ce vaisseau s'appelait, figurez-vous, « Assemblée nationale », en hommage justement à ces députés de 1789 qui avaient jeté les bases de la démocratie en France.
01:54 Et le saviez-vous, car nous le savons avec certitude, ce navire dénommé « Assemblée nationale » servait à la traite négrière.
02:06 Je remercie à cet égard Céline Calves de nous avoir signalé cette histoire, puisque c'est son oncle, Daniel David, qui a découvert et repêché ce qui reste de cet étrange navire.
02:19 Grâce à l'obligence du département des recherches archéologiques, subaquatiques et sous-marines, vous pourrez en voir les vestiges,
02:25 à côté des intéressants documents conservés par l'Assemblée nationale et exposés dans ce salon.
02:31 Qu'un navire dénommé « Assemblée nationale » ait pu servir à transporter des esclaves nous montre à quel point la logique qui avait cours en Europe entre 1789 et 1794 nous apparaît totalement incompréhensible.
02:49 Ce fait historique nous montre d'abord qu'on ne peut plaquer sur le passé la morale d'aujourd'hui.
02:54 Mais il nous permet aussi de mieux comprendre à quel point étaient en avance sur leur temps les premiers qui prirent position contre la traite et l'esclavage au sein de la société des « Amis Noirs » comme Mirabeau, Condorcet ou l'abbé Grégoire.
03:10 Il y a 230 ans, en février 1794, ou plutôt en « Pluviose » en « Deux », comme disaient les républicains de l'époque, les représentants du peuple français accueillaient en leur sein trois nouveaux collègues arrivés de Saint-Domingue.
03:26 Un blanc, Duffet, un métis, Mills et un noir, Bélet.
03:34 Tous trois venaient de vivre un incroyable périple via Philadelphie et New York. À Philadelphie, ils avaient été agressés. Après avoir traversé l'Atlantique, ils furent d'abord écroués comme suspects avant d'être admis enfin à siéger à la convention où ils apportaient des nouvelles alarmantes.
03:55 La situation était confuse à Saint-Domingue où les esclaves s'étaient révoltés depuis deux ans déjà.
04:02 Les commissaires civils envoyés sur place, Paul Vrel et Santonax, avaient déjà proclamé localement l'abolition de l'esclavage sans parvenir à éteindre la guerre civile et ses ravages.
04:14 « C'en était fait d'une multitude innombrable d'hommes qui, dans le désarroi général, se seraient entregorgés les uns les autres, divisés en cent parties différentes, toujours en guerre, opprimés ou opprimés », lance Duffet à ses collègues rappelant les événements.
04:33 Les colons ignorants et bloquant les réformes, refusant de reconnaître leur droit au libre de couleur, autrement dit la petite minorité des Noirs affranchis et des Métis qu'on appelait « mulâtres ».
04:44 Les esclaves qui se rebellent et qui reprennent leur liberté, les massacres entre factions, encouragés par les Anglais et les Espagnols qui convoitaient la colonie.
04:55 Et c'est ainsi que la Convention, dans sa séance du 16 pluviause en 2, ou du 4 février 1794, déclare aboli l'esclavage dans toutes les colonies.
05:08 En conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution.
05:22 Danton alors prend la parole et déclare « Représentant du peuple français, jusqu'ici nous n'avons décrété la liberté qu'en égoïste et pour nous seuls.
05:35 Mais aujourd'hui, nous proclamons à la face de l'univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle.
05:49 Tel est l'événement que nous commémorons aujourd'hui. Je préférerais dire « célébrons » que « commémorons ».
05:55 Mais le verbe « célébrer » comporte une dimension d'optimisme et de joie qui seraient peut-être déplacées.
06:02 Car cette abolition de 1794 ne fut pas définitive. Abolition tardive, en trompe-l'œil. Elle n'eut guère d'effet, puisque des colonies aussi importantes que la Martinique passèrent sous le contrôle des Anglais.
06:17 1794 fut une étape sur la voie de l'émancipation complète pour laquelle combattirent les grands républicains français.
06:28 Rétabli en 1802, l'esclavage ne fut définitivement aboli qu'en 1848 par le décret Schoelcher, sous-secrétaire d'État à la Marine.
06:38 En 1848, il n'y eut donc pas de débat législatif, pas de débat parlementaire sur l'abolition de l'esclavage.
06:46 Mais un ancien esclave devenu citoyen français, Louisie Mathieu, fut élu représentant du peuple.
06:54 Et devant ses collègues de l'Assemblée nationale constituante, salua la portée de cette victoire de la liberté obtenue par l'action conjointe des victimes de l'esclavage et des appositionnistes de l'Hexagone.
07:08 « Il n'y a plus de couleur » lançait-il.
07:11 Mesdames et Messieurs, avant de passer la parole à M. le Président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, puis à l'historien Frédéric Réjean,
07:20 je voudrais tirer au présent un simple enseignement de cette histoire.
07:26 Elle nous montre en effet qu'en toutes circonstances, aujourd'hui comme hier, partout dans le monde,
07:34 il faut prendre avec gravité cette phrase de la Déclaration de 1789 selon laquelle
07:41 « L'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics. »
07:50 Pour la liberté, pour l'égalité, pour la fraternité, pour la défense des principes démocratiques, pour l'État de droit,
07:58 je serai, nous serons toujours au rendez-vous.
08:04 (Applaudissements)
08:08 (...)

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