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Jean-Luc Boch, président de l’Association nationale des maires des stations de montagne et maire de La Plagne, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent au rapport de la Cour des Comptes qui estiment que les stations de ski n'ont pas pris la mesure du changement climatique, elle leur reproche l'obsession du "tout ski" avec notamment l'utilisation de canons à neige.
Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

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Transcription
00:00 Europe 1, il est 6h42.
00:02 Où vont les stations de ski sous le soleil du réchauffement climatique ?
00:07 Un rapport de la Cour des comptes critique sévèrement leur choix d'investissement
00:11 qui ne prendrait pas en compte la hausse des températures.
00:14 On en parle ce matin sur Europe 1.
00:16 Avec votre invité, Alexandre Jean-Luc Bocque,
00:18 président de l'Association nationale des mers des stations de montagne,
00:22 maire de La Plagne.
00:23 Bonjour Jean-Luc Bocque.
00:24 Bonjour.
00:25 Les stations de ski ne prennent pas le virage
00:28 que nous impose pourtant le réchauffement climatique,
00:31 le virage de l'après-ski définitif.
00:34 Voilà la conclusion de la Cour des comptes.
00:36 Elle vous fait réagir Jean-Luc Bocque ?
00:38 Évidemment qu'on réagit, on réagit tous,
00:41 puisqu'on a été entendu pendant plusieurs heures sur le sujet
00:44 par les chambres régionales des comptes qui s'étaient réunies,
00:47 notamment en Marseille une première fois,
00:49 et ensuite directement dans les territoires.
00:52 Ce qui nous fait réagir surtout, c'est qu'on ne prend pas en considération
00:55 ce que les professionnels disent.
00:57 La première chose, ce n'est pas un problème de climat,
01:01 en ce moment c'est un problème de météo.
01:03 On ne nie pas ce dérèglement climatique, bien au contraire,
01:06 on est les premières victimes, on n'est pas les causes historiques de tout cela.
01:10 Mais ce qui nous pose vraiment problème aujourd'hui,
01:12 c'est la non-considération et la non-prise en compte des professionnels.
01:15 Maintenant, la France, si tous les secteurs sont des professionnels,
01:18 alors je n'ai plus rien à dire.
01:20 Alors les professionnels, c'est effectivement un secteur qui pèse lourd,
01:23 c'est 11 milliards d'euros, la filière ski et tout ce qui en dépense,
01:27 c'est 120 000 emplois, Jean-Luc Bocq, et c'est très important de le rappeler.
01:31 Je reprends quand même le contenu du rapport,
01:34 qui reproche aux stations de montagne l'obsession du "touski",
01:37 ça veut dire un modèle économique qui s'agrippe toujours à un loisir
01:41 qui est condamné à disparaître à plus ou moins long terme.
01:44 Mais on y va, Jean-Luc Bocq, ça c'est une réalité.
01:47 - La première chose qui est importante à dire à tout le monde,
01:50 et surtout à vos auditeurs,
01:52 c'est qu'aujourd'hui on sait que le modèle fonctionnera encore dans 50 ans
01:55 dans toutes les stations françaises,
01:57 mais que certaines qui sont en basse altitude, qui sont en versant sud,
02:00 qui pour de mauvaises raisons au fil du temps et par rapport à l'histoire,
02:04 ont été créées dans des endroits inadaptés.
02:06 Comme tout le monde, comme toutes les structures, comme toutes les sociétés,
02:10 il faut s'adapter, et ce dérèglement climatique
02:13 nous oblige à avancer un petit peu plus vite,
02:15 mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
02:17 D'ailleurs, regardez tout simplement cet hiver que nous sommes en train de vivre,
02:21 il est juste exceptionnel en termes de fréquentation.
02:24 - Pas d'inquiétude à avoir.
02:25 Vous êtes en train d'affirmer que dans 50 ans,
02:27 je ne sais pas qui peut l'affirmer,
02:29 mais que toutes les stations de ski, on pourra encore skier partout.
02:32 À la plaine, c'est sans doute vrai,
02:33 parce que vous avez des pistes jusqu'au-delà de 3000 mètres d'altitude,
02:37 mais les stations de moyenne montagne
02:39 ont davantage de raisons de s'inquiéter, Jean-Luc Bocq.
02:42 - Alors pourquoi tout le temps cette verticalité ?
02:45 Pourquoi tout le temps faire d'un seul exemple
02:48 un exemple commun au niveau national ?
02:51 On a des stations qui sont implantées à 900 mètres d'altitude.
02:55 En versant sud, celles-ci, on sait pertinemment
02:57 que ça va être de plus en plus difficile, voire impossible en exploitation.
03:01 Encore qu'un dérèglement climatique,
03:03 l'hiver dernier, dans les Rocheuses aux Etats-Unis,
03:06 ils ont pris entre 15 et 25 mètres de neige,
03:08 donc ça veut dire qu'ils ont fait tout l'hiver avec un record d'endégement.
03:12 Donc ça veut dire que ce dérèglement, justement,
03:14 par définition, on ne sait pas ce que c'est exactement.
03:17 Mais en ce qui concerne la basse altitude,
03:20 bien sûr qu'il n'y aura plus de possibilité,
03:23 mais on a tellement de stations au-dessus de 1 500, 1 800 mètres,
03:26 voire 2 000 mètres, qu'il y a encore un bel avenir.
03:28 - Beaucoup de stations, un bel avenir, mais à base de canons à neige,
03:31 tout de même, parce que le recours à la neige artificielle,
03:33 alors on dit souvent la neige de culture maintenant,
03:35 est de plus en plus importante.
03:37 Est-ce bien raisonnable ?
03:38 Est-ce que ce n'est pas côtère sur jambe de bois,
03:40 ce recours permanent à la neige artificielle ?
03:44 - Je vous retournerai la question
03:47 en vous demandant de regarder le rapport de Samuel Morin,
03:50 ô combien reconnu et émérite,
03:52 qui missionné par la CDA a fait une étude
03:55 justement sur la station de la Plaine
03:57 pendant plus d'un an,
03:58 et qui prouve que les retenues collinaires et la neige de culture
04:02 n'ont pas d'impact négatif sur l'environnement,
04:05 bien au contraire, on utilise l'eau et on la restitue.
04:08 - Le lac d'Annecy, il atteint des niveaux bas historiques,
04:11 on continue à pomper pour garder les pistes de ski,
04:13 ça ne peut pas durer ça Jean-Luc Bocq ?
04:15 - Alors en ce moment on pompe, mais plutôt dans l'autre sens,
04:17 parce qu'il est trop haut.
04:18 On a eu tellement de précipitations en 2023
04:21 que les niveaux sont absolument hors normes.
04:24 Et une petite chose qui est importante,
04:27 et que personne ne dit,
04:28 c'est que 80% de l'eau qui descend des montagnes,
04:31 en finalité finit dans la Méditerranée,
04:33 quand on est dans les Alpes du Nord.
04:35 Donc elle est inutilisée par tout le monde.
04:38 Il faut avoir un raisonnement qui soit beaucoup plus serein,
04:41 beaucoup plus sain,
04:43 et une adaptation beaucoup plus fine par rapport au territoire.
04:45 On n'est pas tous pareils.
04:47 - Beaucoup plus serein, mais de plus en plus de stations
04:50 ne sont déjà plus en capacité d'atteindre l'équilibre d'exploitation.
04:53 Ça c'est pas moi qui l'invente.
04:54 Je cite encore le rapport de la Cour des Comptes, Jean-Luc Bocq.
04:58 - Est-ce que vous pourriez citer dans le rapport de la Cour des Comptes
05:01 les 42 stations, dont une dont je tairai le nom,
05:05 qui est fermée depuis 10 ans ?
05:07 Donc vous voyez, eux aussi font des erreurs,
05:09 mais pas tout le monde comme nous tous.
05:11 - On dit que la fin du ski pourrait intervenir dès le milieu du siècle,
05:13 à partir de 2050.
05:15 En tout cas, le nombre de journées skiables va chuter.
05:17 Vous n'êtes pas d'accord avec cette projection ?
05:20 - Alors, pour le moment, en tout cas pour l'instant,
05:23 on n'a pas une baisse significative du nombre de skieurs.
05:25 Bien au contraire.
05:27 Et 70% de la clientèle française qui fréquente la montagne est française.
05:31 Donc c'est plutôt important, c'est plutôt intéressant,
05:34 et c'est bon pour l'économie.
05:36 Et vous l'avez cité, il y a 120 000 emplois directs,
05:38 et environ 200 000 indirects.
05:40 Donc quelle est la structure, et aujourd'hui l'industrie,
05:44 qui peut se targuer de ça ?
05:46 Et surtout, quelle est l'industrie qui s'est projetée dans les 20, 30, 50 prochaines années ?
05:51 Je crois qu'il n'y en a pas beaucoup.
05:53 - En tout cas, on sent que ce rapport de la Cour des comptes
05:55 vous irrite considérablement.
05:58 Merci Jean-Luc Bocque, président de l'Association nationale des maires des stations de montagne,
06:03 ainsi que maire de La Plagne.

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