Ces idées qui gouvernent le monde - Intelligence artificielle : la déferlante

  • il y a 7 mois
Vague, tsunami, déferlante : l'intelligence artificielle est partout, de tous les instants et dicte le tempo des évolutions contemporaines. Omniprésente, l'Intelligence artificielle se retrouve dans les transports et autres engins de mobilité, dans l'espace et sur le terrain des conflits militaires, au sein de la communication avec la multitude des écrans et smartphones, dans les transformations de la vie quotidienne avec un électroménager connecté, le domaine de la santé n'est pas en reste avec la robotisation des appareils médicaux et aussi la sécurité où se déploient des moyens de contrôle et de surveillance. Omnisciente, l'intelligence artificielle l'est également dans sa version généralisée : l'IA6 dont les compétences cognitives prétendent égaler et même dépasser le cerveau humain. Omnipotente ? La question reste posée d'un pouvoir techno-biologique sans limite, de l'aveu même des grandes figures de la révolution informatique (Elon Musk, Bill Gates) qui s'inquiètent des risques et des dangers encourus par une intelligence artificielle hors de contrôle des Etats-Nations, de tout système de régulation et jusqu'à hypothéquer l'avenir de l'humanité. Concernant la France, Emmanuel Macron propose un « contrôle des écrans » afin de réduire la surexposition des jeunes aux écrans. De tout cela, de ces innovations extraordinaires, mais aussi des risques et d'un éventuel endiguement.

Émile Malet reçoit :
Nathan Devers, normalien, écrivain, éditeur de La Règle du jeu
Stéphane Piednoir, sénateur, président de l'OPECST
Eric Autellet, général d'armée aérienne
Guy Vallancien, médecin, universitaire, membre de l'Académie nationale de Médecine (en visio)
Margaux Klein, présidente de Heritages.io

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcript
00:00 Générique
00:02 ...
00:24 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 "Intelligence artificielle, la déferlante".
00:31 Vagues, tsunamis, déferlantes,
00:34 l'intelligence artificielle est partout.
00:37 De tous les instants,
00:38 elle dicte le tempo des évolutions contemporaines.
00:42 Omniprésente, l'intelligence artificielle
00:45 se retrouve dans les transports et autres engins de mobilité,
00:50 dans l'espace et sur le terrain des conflits militaires,
00:53 au sein de la communication
00:56 avec la multitude des écrans et smartphones,
00:59 dans les transformations de la vie quotidienne
01:02 avec un électroménager connecté.
01:04 Le domaine de la santé n'est pas en reste
01:07 avec la robotisation des appareils médicaux
01:11 et aussi la sécurité,
01:13 où se déploient des moyens de contrôle et de surveillance,
01:17 et enfin, dans le domaine de la finance.
01:20 Omnisciente, l'intelligence artificielle
01:23 l'est également dans sa version généralisée,
01:27 ce qu'on appelle l'IAG,
01:29 dont les compétences cognitives
01:32 prétendent égaler et même dépasser le cerveau humain.
01:36 Omnipotente ? Peut-être pas.
01:38 La question reste posée d'un pouvoir technobiologique sans limite,
01:43 de l'aveu même des grandes figures de la révolution informatique,
01:48 Elon Musk, Bill Gates,
01:50 qui s'inquiètent des risques et des dangers
01:53 encourus par une intelligence artificielle
01:57 hors de contrôle des Etats-nations,
01:59 de tout système de régulation
02:02 et jusqu'à hypothéquer l'avenir de l'humanité.
02:05 Concernant la France, Emmanuel Macron
02:09 a proposé un contrôle des écrans
02:11 afin de réduire la surexposition des jeunes aux écrans.
02:16 De tout cela, de ces innovations extraordinaires,
02:20 mais aussi des risques et d'un éventuel endigment,
02:24 nous allons vous entretenir avec mes invités que je vous présente.
02:29 Nathan Devers, vous êtes normalien,
02:31 écrivain, éditeur de la revue "La règle du jeu".
02:35 Stéphane Piennoir, vous êtes sénateur et président de l'OPEX,
02:40 c'est-à-dire l'Office parlementaire d'évaluation
02:43 des choix scientifiques et techniques.
02:46 Eric Hôtelet, vous êtes général d'armée aérienne,
02:49 c'est-à-dire que vous avez cinq étoiles.
02:52 Margot Klein, vous êtes présidente du fonds Héritage I.O.
02:56 Et Guy Valencien, vous êtes médecin,
02:59 universitaire et membre de l'Académie nationale de médecine.
03:12 -Si vous voulez bien, on va commencer
03:14 par une question un peu personnelle,
03:17 qui est de l'intime.
03:18 Vous travaillez tous avec l'intelligence artificielle.
03:22 Brièvement, est-ce que vous pouvez nous dire,
03:26 avec les progrès enregistrés,
03:28 est-ce que ça a transformé la nature même de votre activité ?
03:33 Nathan Devers.
03:34 -Non, ça n'a pas transformé la nature de mon activité.
03:38 J'ai essayé de demander à Chad Jipiti
03:41 pour voir, d'écrire des textes de philosophie,
03:44 et le constat que j'ai fait, c'est que c'était moyen,
03:47 pas mauvais, mais pas excellent.
03:49 -Non. Stéphane Piednoir ?
03:51 -Non plus. Je me suis amusé également
03:53 à faire des petits tests de cet ordre-là
03:56 pour écrire des interventions avec mon collaborateur.
03:59 C'est un peu du "bloogie-boulga" de temps en temps,
04:03 donc ça manque de finesse, en fait,
04:05 ce que peut apporter l'homme.
04:07 C'est sa sensibilité
04:09 et sa perception fine d'un événement
04:12 ou d'une orientation, et là-dessus,
04:14 c'est encore un peu limité côté intelligence artificielle.
04:17 -Général Ottelet ?
04:18 -Ca n'a pas changé la nature,
04:21 mais les modalités.
04:22 -C'est-à-dire ? -De l'activité.
04:24 On peut faire les choses différemment
04:26 et dans des domaines...
04:29 Faire interconnecter des domaines.
04:33 -Margot Klein ?
04:34 -Alors, moi, je dirais que c'est en train de transformer
04:38 l'activité, parce qu'on travaille mieux,
04:41 on traite les informations beaucoup plus vite
04:44 et avec beaucoup plus d'efficacité.
04:46 C'est le début, mais c'est en train de transformer l'activité.
04:49 Si on ne fait pas le changement, on peut vite être oublié.
04:52 -Alors, docteur Valenciennes,
04:55 ça a modifié votre approche médico-thérapeutique ?
05:00 -Dans la chirurgie, je pratique, oui, bien sûr,
05:03 puisque je suis passé des interventions purement manuelles
05:07 à l'intervention robotique.
05:09 En fait, ce n'est pas encore robotisé,
05:11 c'est une télémanipulation,
05:12 mais on va de plus en plus vers la robotisation,
05:15 c'est-à-dire vers le geste opératoire
05:17 réalisé totalement par un robot à partir d'un programme défini.
05:21 -Alors, profitons pour continuer dans ce domaine.
05:25 Les vagues de technologies et d'innovations
05:28 sont au coeur de l'histoire humaine.
05:30 Avec une intelligence artificielle généralisée
05:34 se déployant dans tous les secteurs d'activité,
05:37 jusqu'à cet avatar numérique,
05:39 chat GPT,
05:41 qui parle et écrit à notre place,
05:44 est-ce que vous diriez que le métavers
05:47 est en train de prendre le pouvoir
05:50 sur Homo sapiens, général Hôtelet ?
05:52 -Je ne pense pas qu'aujourd'hui,
05:56 il y ait une prise de contrôle, aujourd'hui.
05:58 Il y a, en fait,
06:00 les modalités techniques de l'intelligence artificielle,
06:05 finalement, ne font que d'utiliser ce que l'homme a déjà produit.
06:09 Tant qu'on en est à ça, on est dans quelque chose
06:12 qui nous permet de travailler probablement plus vite,
06:16 mieux, de découvrir des choses qu'on n'était pas capables de faire
06:19 parce qu'on n'avait pas le temps,
06:21 parce que le savoir était dispersé.
06:23 Mais ce qui est le gros changement de l'intelligence artificielle,
06:27 par rapport à ce qu'on faisait avant,
06:29 c'est que ça permet, par les données,
06:32 l'approche données, de décloisonner tous les savoirs.
06:35 Avant, tous les savoirs étaient dans des domaines précis.
06:38 Aujourd'hui, le fait d'avoir une approche par la donnée
06:41 et le décloisonnement fait qu'on découvre des choses
06:44 qu'on ne pouvait pas voir avant.
06:46 Donc, en fait, ça transforme par les biais cognitifs,
06:49 par ce que ça est capable de mettre en exergue,
06:55 ça nous permet d'ouvrir des nouveaux domaines.
06:58 Pour les militaires, c'est les mêmes révolutions
07:00 que ce qu'on a pu voir quand il y a eu l'apparition du moteur,
07:04 l'apparition de la radio, des modes d'action différents
07:07 et un travail différent.
07:09 -C'est votre avis.
07:10 En termes de pouvoir, ça vous a...
07:12 Vous vous sentez plus limité
07:15 ou s'est rehaussé l'intelligence artificielle
07:18 sur le pouvoir que vous pouvez exercer en tant que politique ?
07:21 -Il faut faire attention
07:23 à quel sens on met derrière ce terme de pouvoir.
07:26 On parle beaucoup d'intelligence généralisée,
07:30 qui va petit à petit prendre des capacités
07:34 que l'on conférait jusqu'à maintenant uniquement à l'homme,
07:37 à l'être humain, mais on est au tout début
07:40 de l'intelligence artificielle.
07:42 Les premiers champs d'application
07:44 que l'on découvre, qui sont performants
07:46 et même bluffants à certains égards,
07:48 dans la médecine notamment, vont se développer,
07:51 vont continuer à se développer.
07:53 Le rapport qu'on a avec l'intelligence artificielle,
07:56 c'est le même que celui qu'on avait vis-à-vis d'Internet.
07:59 J'étais enseignant avant,
08:01 il y avait une réticence du corps enseignant
08:03 par rapport à Internet.
08:04 C'est pour ça que le pouvoir,
08:06 aujourd'hui, sans nos smartphones, sans Internet,
08:09 peut considérer qu'on n'est plus grand-chose.
08:12 On n'est pas très autonome.
08:13 Probablement que demain,
08:15 avec l'intelligence artificielle qui aura pris
08:18 un espace considérable, on en est certains,
08:20 pour ceux qui s'intéressent de près à ce sujet-là,
08:23 l'homme sera-t-il encore autonome
08:25 ? -C'est une question de décision,
08:27 et ça rejoint votre sujet sur le pouvoir,
08:29 parce que le pouvoir s'exerce en prenant connaissance
08:32 des choses, en étant indépendant, autonome,
08:35 et le risque, la préoccupation, c'est,
08:37 est-ce qu'on sera toujours autonome ?
08:39 Garderons-nous indépendant par rapport à une intelligence
08:42 artificielle qui pourra nous dicter ?
08:45 -En termes d'imaginaire, Nathan Devers,
08:47 vos personnages romanesques
08:49 sont sous influence numérique, non ?
08:53 -Oui, je trouvais que ce qu'on appelle
08:55 la révolution numérique, qui devrait se dire au pluriel,
08:58 parce qu'il y a plein de choses qu'on peut mettre dedans,
09:01 l'intelligence artificielle stricto sensu,
09:04 les réseaux sociaux, les jeux vidéo,
09:06 la virtualisation de nos existences,
09:08 elle a un intérêt romanesque évident,
09:11 pour une raison très simple,
09:12 c'est que ce phénomène, il a beau être contemporain,
09:15 il vient jouer sur des passions
09:17 qui sont des passions absolument intemporelles.
09:20 Le fait qu'on soit tous, aujourd'hui,
09:22 à nos smartphones et que, tout en restant parfois immobile,
09:26 sur son lit, le matin, à passer une heure
09:28 à regarder les réseaux sociaux, on ait la capacité de voyager,
09:31 ça questionne le désir d'être ailleurs,
09:34 qui est un désir qui a pris absolument toutes les formes,
09:37 qui a pris la forme du roman, "Madame Bovary",
09:40 l'histoire de quelqu'un qui voulait vivre ailleurs.
09:43 Notre rapport à l'ennemi, à la haine, à la violence.
09:46 Ce qui est intéressant, d'un point de vue littéraire,
09:49 c'est d'essayer de voir comment ce monde-là,
09:52 anti-littéraire en façade,
09:53 en fait, reconduit les passions les plus anciennes de l'humanité.
09:57 -A votre avis, c'est ça qui suscite
10:00 le succès du métavers ?
10:01 Ca nous oblige à sortir de nous-mêmes
10:05 vers une errance imaginaire ?
10:06 -Le métavers, pour l'instant,
10:08 ça n'a pas été un grand succès d'un point de vue technique,
10:12 mais l'idée a rencontré beaucoup de succès
10:14 et qu'aujourd'hui, on vit un peu dans une forme d'univers
10:17 qui est, je saurais pas comment le dire, métaversisé.
10:20 C'est un métavers potentiel.
10:22 En effet, il me semble que ce qui a séduit dans cette idée,
10:25 c'est l'idée qu'on peut faire communauté
10:28 sans avoir à être ensemble physiquement,
10:30 qu'on peut être ensemble tout en étant séparés.
10:33 Tous les grands acteurs des révolutions numériques,
10:36 les acteurs principaux, tous les patrons de la Silicon Valley,
10:40 avant d'être des patrons d'entreprise,
10:42 c'était pour le meilleur et pour le pire
10:44 des gens animés par des utopies très profondes,
10:47 qui avaient été inspirées par un désir de fonder une société
10:50 où la distance entre les êtres humains serait abolie.
10:53 Donc, quelque part, on vit dans une forme de religion
10:57 de la technologie, et j'emploie ce mot au sens littéral,
11:00 religaré, ce qui permet de relier les hommes les uns avec les autres.
11:04 On est dans cette religion-là.
11:05 -Vous diriez, comme Aristote, "l'ami est un autre soi-même",
11:09 en remplaçant le mot "ami" par l'intelligence artificielle.
11:13 -On pourrait dire ça, en quelque sorte.
11:16 On pourrait dire que quand on a une identité numérique,
11:19 d'une part, cette identité numérique
11:21 est un immense vecteur de liberté.
11:23 Par exemple, un des grands changements,
11:25 c'est que depuis l'apparition des réseaux sociaux,
11:28 tout le monde a le droit à une parole publique.
11:31 Alors que toute la notion de liberté,
11:33 pensée dès le siècle des Lumières,
11:35 faisait la distinction entre des citoyens passifs,
11:38 99 % des gens, et une petite élite
11:40 qui avait le droit de parler publiquement,
11:43 d'écrire des livres, etc.
11:45 Là, tout le monde a le droit à une parole publique.
11:47 Libération de la parole, de la connaissance,
11:50 par Wikipédia, de mille et une choses,
11:52 mais le corollaire de cette libération,
11:55 c'est d'accepter d'être libéré, mais virtuellement.
11:58 -Alors, Margaux Klein,
11:59 dans la finance, la même question.
12:02 Est-ce que vous avez le sentiment
12:05 que cette monnaie, ces monnaies virtuelles,
12:09 prennent le pas sur les monnaies réelles,
12:13 puisque, à travers le fonds Héritage,
12:16 vous travaillez sur les cryptomonnaies ?
12:18 -On travaille sur les cryptomonnaies,
12:20 mais il faut savoir que depuis l'IA,
12:23 c'est pas nouveau dans le monde de la finance.
12:25 Ca fait plus de 10 ans que les géants de la finance l'utilisent,
12:29 notamment BlackRock avec son intelligence artificielle Aladin.
12:32 Ca permet de traiter les données plus rapidement
12:35 et de sélectionner des actifs plus performants.
12:38 Nous, c'est aussi ce qu'on fait.
12:40 La vraie révolution, c'est que c'est accessible à tout le monde.
12:43 Tout le monde peut aller sur ChatGPT
12:45 ou d'autres intelligences artificielles
12:48 et prendre des choix financiers.
12:50 On voit que le pouvoir est redonné à tout le monde,
12:53 et pas seulement aux géants financiers.
12:55 C'est ce que nous, on a intégré et on l'utilise aussi
12:58 avec la blockchain, avec les cryptomonnaies,
13:00 qui ne sont pas tant virtuelles,
13:02 parce qu'on peut payer en cryptomonnaie,
13:05 mais qui sont digitales, intégrées au metaverse
13:08 et bientôt à l'IA.
13:09 Tous les matins, je vais au café, je prends un café,
13:12 je mets la main dans la poche
13:14 et je prends ce qu'il faut en euros pour payer.
13:17 Mais là, si vous voulez,
13:19 on peut perdre cette habitude,
13:22 vous voyez, ancestrale,
13:26 à travers cet échange,
13:28 à travers la monnaie, l'argent, etc.
13:31 Ca ne nous amène pas à fabuler sur...
13:35 -Moi, je suis pour parfois perdre des habitudes ancestrales,
13:39 alors je sais que quand on est à Paris,
13:41 on aime bien payer son café en euros et en pièces.
13:44 Maintenant, on paye aussi souvent en cartes,
13:47 de crédit, cartes bancaires, cartes de paiement,
13:50 et il y a des cartes où vous pouvez payer en cryptomonnaie,
13:53 et le commerce ne le sait pas, vous, vous le savez,
13:56 et ça fait des échanges d'argent très facilement.
13:59 On peut acheter une voiture, une maison en cryptomonnaie,
14:02 alors peut-être pas payer un café, mais pourquoi pas ?
14:06 -Oui, alors Guy Valencien, vous êtes médecin.
14:09 La relation médecin-malade
14:12 est basée sur le regard,
14:14 sur l'échange de paroles,
14:17 sur des angoisses échangées, etc.
14:20 Est-ce qu'on peut artificialiser,
14:22 si vous m'autorisez cette création,
14:25 la relation médecin-malade,
14:29 qui reste quand même au coeur de la thérapeutique
14:32 et du métier de médecin ?
14:34 -Oui, oui, tout à fait.
14:36 D'abord, je voudrais dire un mot,
14:38 je déteste le mot "intelligence artificielle".
14:41 IA, c'est "imitation artificielle".
14:44 C'est pas intelligent, Chad Gipity, c'est totalement idiot,
14:48 mais grâce à la multiplication des données,
14:51 grâce à la vitesse de production,
14:53 on aboutit à des résultats qui sont intéressants.
14:55 Mais c'est tout.
14:56 Il n'y a aucune intelligence, aucune créativité,
14:59 aucune invention,
15:01 aucun rapport de relation, je dirais, d'empathie,
15:06 sauf que, tout récemment, une étude a montré que l'IA,
15:10 donc l'imitation artificielle,
15:12 l'IA faisait mieux, d'une étude américaine,
15:15 en termes de consultation, que le médecin.
15:18 Pourquoi ? Parce qu'elle est gentille,
15:20 elle s'exprime calmement,
15:22 elle n'est jamais fatiguée, pressée et énervée,
15:25 et elle répond doucement,
15:27 alors que le médecin peut être parfois dans un stress
15:29 et ne pas se comporter de façon très empathique avec son malade.
15:32 Donc, globalement, c'est impressionnant de voir ça.
15:35 L'étude a été faite, l'IA toute seule.
15:37 IA + médecin, médecin tout seul.
15:40 L'IA toute seule auprès des malades.
15:42 Ce sont les malades qui ont répondu au même.
15:44 L'IA toute seule faisait mieux en termes de relation.
15:48 Voilà, c'est tout.
15:49 Alors, à nous, les médecins,
15:50 de retrouver cette relation compassionnelle,
15:53 nous l'avons perdue sous la pression de la technologie.
15:56 On voit bien le nombre de patients
15:58 qui s'orientent vers des médecines parallèles,
16:00 des gourous, des chakras, des trucs impossibles,
16:03 mais on n'écoute pas.
16:04 La médecine technique que nous avons créée,
16:06 nous, on n'écoute plus les patients,
16:08 et on en paye le prix.
16:09 -Mais à terme,
16:12 ça peut pas transformer la médecine
16:14 en obsolescence technique, quelque chose comme ça ?
16:18 -Alors, ça peut.
16:20 On est probablement une des professions les plus touchées,
16:23 un des mondes les plus touchés.
16:25 Je pense que demain,
16:28 le chirurgien que je suis
16:30 sera remplacé par un ingénieur opérateur
16:33 formé en cinq ans sur une aire anatomique donnée,
16:36 avec de quoi travailler sur un robot donné,
16:39 et quand il changera de robot, il devra se reformer comme le pilote.
16:43 On va quitter un peu ce monde de la chirurgie où on faisait tout.
16:46 On gardera des chirurgiens d'urgence,
16:48 des chirurgiens orthopédiques et de chirurgie réparatrice,
16:52 mais pour beaucoup d'autres spécialités,
16:54 les technologies vont nous remplacer.
16:57 Et elles le feront bien, calme, précise,
17:00 exactement comme il le faut.
17:01 -Ca vous fait pas peur ?
17:03 -Non, pas du tout, parce que je pense
17:05 que la médecine est tout sauf une science.
17:08 C'est un humanisme, et on l'a perdu.
17:10 On l'a perdu au profit de la vitesse et des consultations.
17:13 Si une ordonnance, ça va vite. Je trouve ça désespérant.
17:17 Donc, revenons à la consultation lente,
17:19 à l'expression calme et à l'écoute.
17:23 Vous savez ce que disait un de mes...
17:25 Un de mes anciens...
17:27 Un ancien chirurgien anglais qui racontait
17:30 qu'il disait à ses élèves, à ses internes,
17:33 "Ecoute le patient, écoute-le longuement,
17:37 "il te donnera le diagnostic."
17:39 C'est ce que fait l'IA.
17:40 -Oui, alors, si on passe de la médecine à la sécurité,
17:45 est-ce qu'on va vers une sécurité artificielle ?
17:50 Je prends les conflits,
17:52 l'Ukraine, Gaza et d'autres conflits.
17:56 On utilise l'intelligence artificielle.
17:59 Est-ce que vous pensez que c'est un acquis ?
18:03 Ça donne des résultats ?
18:05 -Oui, ça donne des résultats.
18:07 Je rejoins ce qui a été dit sur l'imitation artificielle.
18:10 J'ai l'habitude de dire la même chose,
18:12 c'est ni intelligent ni artificiel.
18:15 Donc, c'est un outil qu'on utilise.
18:18 Et le comparatif qu'on peut faire
18:20 dans notre métier de sécurité,
18:23 c'est-à-dire que, généralement, on manie des hommes,
18:26 et dans une équipe,
18:28 le leader de l'équipe, le chef d'équipe,
18:32 il arrive à tirer le maximum de son équipe
18:34 parce qu'il connaît ses hommes.
18:36 On rejoint ce qui a été dit sur l'écoute.
18:38 Il connaît les forces et les faiblesses.
18:41 Aujourd'hui, l'IA est quasiment au matériel
18:44 ce que le leadership est à l'homme.
18:46 Il va être capable, parce qu'il va bien connaître,
18:49 il connaît bien les forces et les faiblesses,
18:52 de tirer le maximum d'un ensemble de matériel.
18:54 C'est ce qu'on observe en Ukraine.
18:56 -On peut mettre des robots à la place des militaires ?
18:59 -Pas forcément, mais en Ukraine,
19:01 on a fourni du matériel aux Ukrainiens,
19:04 qui sont tous différents.
19:05 En tant que responsable militaire,
19:07 ça aurait été l'enfer.
19:09 Des matériels qui ne se parlent pas,
19:11 qui ne sont pas interopérables.
19:13 Or, là, ce qui a été utilisé, c'est des couches logicielles
19:16 qui leur permettaient d'arriver à se faire parler
19:19 de leur matériel.
19:20 A tirer le maximum de chacun des matériels,
19:23 alors que ces matériels n'étaient pas prévus.
19:25 C'est ça que va nous apporter l'IA,
19:27 c'est d'arriver à pouvoir être meilleur
19:31 avec des matériels intrinsèquement pas aussi bons.
19:34 On a une inversion dans les matériels,
19:37 dans la sécurité,
19:38 entre ce qui était un matériel très spécifique,
19:41 très haut potentiel, je veux dire,
19:43 un scanner qui va aller voir très loin,
19:45 et une surcouche logicielle qui va permettre,
19:48 même si le scanner n'est pas bon,
19:50 de faire un traitement de l'image
19:52 pour compenser le fait que ce scanner-là n'est pas bon.
19:55 Il y a des satellites qui ont été envoyés
19:57 il y a plus de 40 ans, des satellites d'observation de la Terre,
20:01 et aujourd'hui, on arrive à augmenter la résolution
20:03 sans changer le satellite, parce qu'ils sont en l'air,
20:07 mais en traitant l'image.
20:08 C'est ça que ça nous apporte.
20:10 -Au point de vue politique,
20:12 on a coutume de dire, et c'est pas faux,
20:15 que la politique s'est affaiblie,
20:17 que les réseaux sociaux, ils sont pas pour rien,
20:20 mais est-ce que l'intelligence artificielle
20:22 va pas contribuer à encore affaiblir la chose ?
20:26 Parce que la politique,
20:29 elle est née avec Aristote, Platon, etc.
20:33 Elle est ce que les hommes en font,
20:37 mais est-ce qu'on pourra dire qu'elle sera
20:39 ce que les machines en font ?
20:41 -Je fais vraiment pas partie de ceux qui pensent
20:43 que la politique se fait sur les réseaux sociaux.
20:46 -J'ai pas dit ça.
20:47 Les réseaux sociaux avaient affaibli la politique.
20:50 -Un journaliste me disait
20:52 qu'aujourd'hui, la politique se fait sur les réseaux sociaux.
20:55 Le commentaire peut provenir d'une personne publique,
20:58 d'un élu éventuellement sur les réseaux sociaux.
21:01 Ca reste du commentaire.
21:03 Je considère que l'acte politique,
21:05 ça a un corps, ça a une noblesse,
21:07 ça doit conserver sa noblesse,
21:09 il doit y avoir une expression, du travail derrière.
21:12 Ca prend un peu plus que quelques dizaines de caractères
21:15 de la politique, par exemple.
21:17 Ca, c'est le premier point.
21:19 Deuxième point, c'est que la perte de la destinée pour l'homme,
21:22 c'est la terreur absolue depuis la nuit des temps.
21:25 Plusieurs millénaires après, l'homme est toujours là,
21:28 il a servi à plusieurs catastrophes mondiales,
21:31 à des guerres atroces, à des dictatures
21:34 qui ont pris le pas, aussi, les dictatures,
21:36 c'est priver l'homme de sa liberté,
21:39 et quelques-uns qui s'accaparent ce pouvoir de décision.
21:43 On rejoie ça un peu.
21:45 Est-ce qu'on va vers une dictature de l'intelligence artificielle ?
21:48 D'ailleurs, pour répondre à ce que disait
21:51 Guy Valencian tout à l'heure,
21:53 on est sur une traduction d'un terme anglais,
21:56 donc forcément, c'est une mauvaise traduction,
21:58 c'est l'intelligence au sens anglais du terme,
22:01 donc la capacité A.
22:02 Et donc, je disais,
22:04 cette intelligence artificielle va-t-elle prendre le pas
22:07 sur les décisions ? Non.
22:09 Elle va permettre d'analyser beaucoup plus de choses.
22:12 C'est une certitude.
22:13 Les puissances de calcul qui accompagnent
22:15 le développement de l'intelligence artificielle
22:18 sont en progression extraordinaire.
22:21 Et donc, on va avoir des capacités d'analyse
22:23 de veille juridique, par exemple.
22:25 Je donnais l'exemple, autre jour, de cette société
22:28 de veille juridique qui a licencié les 3/4 de ses collaborateurs.
22:32 L'intelligence artificielle faisait très bien le job,
22:35 savait serrier les groupes de mots, le champ lexical
22:38 appartenant à telle ou telle problématique.
22:41 Elle faisait ça très bien, donc c'est pareil.
22:43 -Alors, dans le domaine de la finance,
22:45 Margaux Klein, les gens s'interrogent,
22:48 se disent, "J'ai moins...
22:50 "Les classes moyennes ont moins d'argent."
22:53 Mais en même temps, les flux financiers
22:55 sont toujours aussi importants, sinon,
22:58 on s'aperçoit que les PIB grossissent,
23:00 c'est-à-dire produits intérieurs bruts, etc.
23:04 Mais les gens se sentent dépassés, en quelque sorte,
23:07 par les flux financiers.
23:09 Vous ne croyez pas que c'est ça
23:11 qui donne ce sentiment d'inégalité sociale ?
23:14 -Je pense que l'inégalité sociale, elle est là,
23:17 et que c'est pas une question de flux financier ou pas,
23:20 déjà, première chose.
23:21 Ensuite, la classe moyenne, c'est celle qui est peut-être
23:25 la plus menacée par l'intelligence artificielle,
23:27 parce qu'aujourd'hui, chaque GPT, par exemple,
23:30 peut déjà remplacer certaines tâches intellectuelles.
23:34 C'est la première fois où on a 300 millions d'emplois
23:37 qui peuvent disparaître et qui visent directement
23:40 la classe moyenne et la classe moyenne supérieure.
23:42 C'est un vrai sujet.
23:44 Il y a une autre chose pour la classe moyenne,
23:46 c'est qu'ils ont vu le recul des salaires et l'inflation.
23:50 Du coup, eux, ils ont une vraie question,
23:52 c'est-à-dire comment...
23:54 Ils ont de l'épargne, surtout en France.
23:56 Comment mon épargne peut me ramener des rendements réguliers
24:00 et supérieurs à ce que me propose ma banque ?
24:02 Aujourd'hui, c'est ça qu'on voit dans les préoccupations
24:06 de la classe moyenne.
24:07 C'est pour ça qu'ils se tournent vers des nouveaux types de fonds
24:11 ou de sociétés d'investissement qui leur proposent l'IA
24:14 et les rendements.
24:15 -Vous pensez qu'ils acceptent
24:17 cette dématérialisation de l'argent ?
24:19 C'est quand même... Oui, ça vous paraît...
24:22 -Les chiffres sont là. Ils l'acceptent.
24:25 En fait, ils l'ont déjà accepté avec leur compte en ligne,
24:28 avec les néobanques, c'est déjà là.
24:31 L'argent, maintenant, c'est des chiffres sur un écran,
24:34 que ce soit en euros ou en cryptomonnaies,
24:36 c'est déjà là. Par contre, ce qu'ils voient,
24:39 c'est que quand c'est sur leur compte en banque,
24:42 l'argent ne fructifie pas.
24:43 Quand ils le placent ailleurs, il fructifie.
24:46 C'est un arbitrage qu'ils font de manière rationnelle
24:49 et l'IA est là pour les aider à prendre ces choix-là
24:52 de manière non émotionnelle. -On a parlé de l'argent,
24:55 de la sécurité, de la politique,
24:58 de la médecine, mais la relation amoureuse.
25:02 Est-ce qu'elle peut...
25:05 Comment dire ? Être transparente ?
25:10 Est-ce que vous pensez
25:12 que le numérique peut y substituer quelque chose de nouveau ?
25:18 -C'est une très bonne question.
25:20 Je pense que c'est une question qui permet d'enrayer
25:23 certaines mythologies qui existent sur l'intelligence artificielle.
25:26 Je fais exprès d'employer l'expression,
25:29 car c'est elle qui est employée dans le débat public.
25:32 Je veux vous expliquer la manière dont a été perçue
25:35 la révolution de l'IA, notamment en lien avec Chathipiti.
25:38 On nous a beaucoup parlé d'une seule thématique,
25:41 qui était le grand remplacement de l'humain par la machine.
25:45 À partir de là, certaines personnes s'en désolaient,
25:48 nous disaient que c'était terrible,
25:50 qu'en quelques années, nous aurons tous été bouffés
25:53 par des ordinateurs, et d'autres s'en félicitaient,
25:56 mais c'était toujours cette thématique.
25:58 Cette thématique, c'est très important,
26:01 car elle est fausse. Personne, aujourd'hui,
26:03 de sérieux, qui travaille de manière académique,
26:06 aucun chercheur, ne pense vraiment
26:09 que l'IA pense à la manière de l'homme.
26:11 Deuxièmement, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de remplacement.
26:15 Toute révolution technologique importante
26:17 bouleverse les champs professionnels,
26:20 c'est une évidence.
26:21 L'intelligence artificielle n'est absolument pas nouvelle.
26:25 Ça ne date pas de 2003, même pas du XXIe siècle.
26:27 Elle a été inventée à partir des années 1940,
26:30 par la cybernétique, et surtout dans les années 1950.
26:33 Il y a eu toute une grande période,
26:36 dans les années 50 jusqu'aux années 70-80,
26:38 où, en effet, il y a eu cette grande musique-là
26:41 dans les sciences cognitives,
26:43 ce qu'on appelle le computationalisme,
26:45 où on pensait que l'être humain pouvait être remplacé
26:48 par une intelligence artificielle.
26:50 Ça fait 40 ans que c'est fini.
26:52 Ce qu'on nous présente comme futuriste et moderne,
26:55 c'est uniquement une sorte de revival,
26:58 vers une mythologie qui est complètement éculée et trompeuse.
27:01 -Par contre,
27:03 poursuivons dans le domaine littéraire.
27:06 Si on prend l'oeuvre d'un écrivain d'Europe centrale et orientale,
27:10 qui vient de décéder, Milan Kundera,
27:13 on se rend compte que, dans son oeuvre littéraire,
27:16 les relations amoureuses, les relations entre hommes et femmes,
27:20 ont permis de résister au totalitarisme,
27:23 notamment soviétique,
27:26 avec l'intelligence artificielle,
27:28 ils n'auraient pas pu avoir cette capacité de résistance.
27:32 -Vous avez raison.
27:33 J'ai pas répondu sur l'amour, mais c'est lié.
27:35 A partir du moment où on comprend que l'intelligence artificielle
27:39 est partielle, qu'elle n'est pas pleinement
27:42 représentative de la conscience humaine,
27:44 on voit bien que l'amour lui échappe,
27:46 échappe entièrement à son empire.
27:48 Une intelligence artificielle ne peut pas tomber amoureuse.
27:52 Moi, je peux éventuellement avoir l'illusion
27:55 que je peux être amoureux de Chajipiti
27:57 parce qu'il va écrire des lettres d'amour séduisantes,
28:00 mais c'est une illusion de ma part.
28:02 Deuxièmement, l'amour résiste.
28:04 Vous avez raison, l'oeuvre de Kundera montre bien
28:07 combien l'amour résiste au totalitarisme,
28:09 il est même la seule forme, la forme première de résistance
28:13 à l'empire de la totalité, et combien, demain, peut-être aussi,
28:16 contre ces idées, ces mythologies de technologie,
28:19 de machines qui nous dévoreraient et supprimeraient
28:22 notre vie, eh bien, la part d'amour,
28:24 mais pas seulement d'amour amoureux, l'amour filial,
28:27 l'amour politique, l'amour comme affect,
28:29 est aussi une dimension, en effet,
28:31 de retrouver l'humanité qui est la nôtre.
28:34 -Merci. Alors, Guy Valencien,
28:36 je sais que vous avez défendu
28:39 l'intelligence artificielle,
28:42 mais je voudrais quand même...
28:44 Vous avez lu Michel Foucault,
28:47 Michel Foucault se méfiait des biopouvoirs,
28:50 c'est-à-dire quand on mêle la biologie au pouvoir,
28:54 mais aujourd'hui, vous n'êtes pas inquiet
28:57 quand la médecine traditionnelle
29:00 est supplantée par, comment dire, un mélange
29:04 entre, d'un côté,
29:05 ce qu'on peut considérer
29:09 comme des techniques,
29:12 mais régénératives,
29:14 plus une biologie synthétique.
29:16 Est-ce que ça, ça vous inquiète pas ?
29:18 Vous reprenez pas l'inquiétude de Michel Foucault
29:21 sur les biopouvoirs ?
29:23 -Foucault avait parlé de la naissance de la clinique,
29:26 mais la clinique disparaît.
29:28 Aujourd'hui, on fait un diagnostic de cancer
29:30 grâce à la biologie et à l'imagerie,
29:32 avant même qu'il y ait des symptômes.
29:35 C'est cela vers quoi nous nous orientons.
29:37 Le cancer de la prostate, c'est le dosage du PSA qui alerte
29:40 et c'est la résonance magnétique nucléaire
29:43 qui nous montre une micro-lésion
29:45 que même l'oeil du radiologue ne voit pas,
29:48 mais la présence artificielle capte sur l'écran.
29:50 Donc, on est dans ce domaine-là.
29:52 La clinique est en train de disparaître.
29:54 La médecine de papa est morte,
29:57 totalement morte,
29:58 et il va falloir s'approprier ces outils
30:01 pour les gérer de façon intelligente,
30:03 gardant au professionnel
30:07 cette capacité de relation,
30:09 mais la relation, elle n'est pas spécifiquement médicale.
30:12 Les infirmiers ont des relations extraordinaires
30:15 parce qu'eux et elles sont tous les jours,
30:17 parfois deux ou trois fois par jour,
30:19 chez le même patient.
30:21 Le médecin ne connaît pas où le patient habite.
30:24 Le pharmacien, on voit beaucoup plus souvent
30:26 le pharmacien que le médecin.
30:28 Il va y avoir, sous la puissance de l'intelligence artificielle,
30:31 une... comment dire ?
30:34 Une mutation dans l'ordre des priorités
30:37 et dans l'ordre hiérarchique du monde de la santé.
30:40 Le médecin ordonnateur de "je fais le diagnostic
30:43 "et je prescris le traitement", ça va être fini.
30:46 Fini, ça. Tout le monde aura accès au diagnostic
30:49 grâce à ChatGPT et autres large-language modèles.
30:52 Et tout le monde pourra se renseigner, s'informer.
30:56 Ce qu'il faudra, c'est le médecin-conseil,
30:59 le médecin qui va colliger toutes les données reçues
31:02 par les autres professionnels,
31:04 par l'hyperspécialiste ou les hyperspécialistes,
31:06 par les pharmaciens, par les kinésithérapeutes,
31:09 de façon à offrir au patient un corpus
31:13 qu'il devra mettre en oeuvre pour se soigner
31:16 et se réhabiliter peu à peu.
31:18 C'est un rôle, le médecin généraliste
31:20 va devenir un maître d'oeuvre
31:21 de toutes les données qui vont s'accumuler
31:24 pour soigner mieux le patient. -On vous a entendu.
31:28 Générique
31:30 ...
31:43 -Alors, une autre réalité de l'intelligence artificielle,
31:47 avec ses avancées stupéfiantes,
31:50 c'est les risques.
31:52 On a des cyberattaques,
31:54 on a eu des pandémies planifiées,
31:57 des atteintes à la vie privée,
32:00 de la désinformation,
32:01 des manipulations génétiques, etc.
32:05 Elon Musk et Bill Gates,
32:07 les héros de la modernité américaine,
32:11 ont-ils raison de mettre en garde contre ça,
32:15 par rapport à ce qui se passe dans le monde ?
32:17 Général Ottelet.
32:19 -Question difficile.
32:21 -Eux-mêmes pensent qu'on va trop loin.
32:23 -Le problème du risque,
32:26 si on l'aborde d'un point de vue militaire,
32:29 c'est toujours une opportunité.
32:31 Donc, il faut qu'on arrive à traiter, justement,
32:36 ces risques et à les transformer en opportunités.
32:38 J'aime bien la traduction "to take a chance".
32:41 -Quand vous avez une cyberattaque, je vois pas...
32:45 -Tout à fait, mais là, c'est le risque.
32:49 Après, on est dans la mode de la défense.
32:51 Ces capacités-là, quand je dis que c'est des opportunités,
32:54 ça va nous permettre de nous protéger,
32:57 parce qu'on va traiter différemment.
32:59 On va être capable, à partir d'intelligence artificielle
33:02 et de sondes, qui vont être reliées,
33:04 d'avoir des intelligences artificielles distribuées,
33:07 mais qui vont être capables de pouvoir mettre,
33:10 ce que je vous disais, la donnée.
33:12 Le plus important dans l'intelligence artificielle,
33:15 c'est la donnée.
33:17 Le "fuel", le sang de l'intelligence artificielle,
33:20 c'est la donnée.
33:21 C'est cette capacité, comme pour les finances,
33:23 à pouvoir agréger des données
33:25 qu'on n'était pas capables avant de mettre en commun.
33:28 Dans le cyber, c'est la même chose.
33:30 C'est-à-dire que des petits signaux faibles,
33:33 une pénétration d'un système informatique à un endroit,
33:36 mais si on observe sur un autre endroit quelque chose,
33:39 avoir une intelligence artificielle
33:41 qui va nous mettre en perspective ces éléments-là
33:44 va nous permettre de les détecter et de contrer.
33:47 -Ces données, Stéphane Piednoir,
33:49 est-ce que le politique peut les contrôler,
33:52 les réguler, parce qu'on n'y a pas accès ?
33:54 -D'abord, je pense qu'il faut entendre
33:56 le message de Bill Gates et Elon Musk,
33:59 qui sont des experts en la matière.
34:01 S'ils expriment une inquiétude,
34:03 c'est que probablement, ils ont eu l'habitude
34:06 de voir un tout petit peu plus loin que le reste de l'humanité.
34:09 Il faut prendre au sérieux, c'est l'avertissement qu'ils nous donnent.
34:13 Sur le contrôle, on parlait des réseaux sociaux,
34:16 des images, des transformations, de la prise en main.
34:19 Aujourd'hui, on est capable, avec des intelligences artificielles,
34:23 de faire croire beaucoup de choses,
34:25 de transformer non plus des textes, mais les images, des vidéos.
34:29 Les deepfakes, c'est un enjeu majeur.
34:32 J'en suis convaincu.
34:34 Vous pouvez mettre le visage de n'importe qui
34:36 sur ce que je vais raconter dans les secondes qui suivent,
34:40 et ça peut l'engager, lui,
34:41 parce qu'on croira que c'est lui qui tient ses propos.
34:44 Ça peut potentiellement, je dis, déclencher des guerres,
34:48 très rapidement, puisqu'aujourd'hui,
34:50 on est sur l'instantanéité des sentiments,
34:54 des impressions.
34:55 Vous savez, il y avait un magazine,
34:57 une presse qui disait "le poids des mots, le choc des photos".
35:00 Aujourd'hui, le poids des mots pèse beaucoup moins
35:03 parce qu'on lit beaucoup moins.
35:05 Par contre, le choc des images est là,
35:07 et le choc des vidéos, avec transformation.
35:10 Ce qu'on essaie de travailler au niveau français,
35:13 ce serait bien qu'on ait un consensus,
35:15 peut-être pas au niveau mondial,
35:17 mais avec les grands acteurs, les Américains,
35:20 c'est une régulation, en tout cas, plus une certification.
35:23 Vous savez que le combat, un des combats en France,
35:26 c'est que les plateformes de réseau
35:28 puissent être jugées responsables
35:30 pour des propos qui sont tenus,
35:32 propos homophobes, racistes, sur Facebook, etc.
35:36 Mais ce qu'on voudrait, c'est pouvoir certifier
35:40 qu'un produit quelconque est produit
35:42 avec de l'intelligence artificielle.
35:45 On prend le problème dans l'autre sens.
35:47 C'est à l'émission, à la création par intelligence artificielle
35:51 que le créateur s'engage à dire "ça, pas de blague,
35:54 "je certifie que c'est une intelligence artificielle
35:57 "qui l'a fait", et donc, on sait qu'il faut prendre
36:00 avec tout le recul, toute la prudence nécessaire,
36:03 et on sait qu'il faut pas prendre au pied de la lettre
36:06 tout ce qu'on va entendre et tout ce qu'on va voir.
36:09 -Chad Jephethi, pour...
36:11 Dans le domaine de l'écriture,
36:14 ça nous aurait évité Balzac, Goethe,
36:19 tout ce qui fait la noblesse de la littérature, non ?
36:24 -Oui, mais typiquement, encore une fois,
36:27 on peut avoir peur que Chad Jephethi remplace de l'écriture
36:30 uniquement si on rentre dans cette mythologie-là,
36:34 si on regarde comment fonctionne une révolution technologique.
36:37 On a vu l'exemple de la révolution industrielle du XIXe siècle.
36:41 Pourquoi on a réussi à mécaniser le travail manuel ?
36:44 Parce qu'on a compris que le travail manuel
36:46 était quelque part déjà un peu mécanique,
36:49 et que si vous voulez faire une tâche manuelle tout le temps,
36:53 c'est pas le propre de l'humain.
36:55 C'est exactement la même chose avec l'esprit.
36:57 C'est pour ça que ça bouleverse l'intelligence artificielle,
37:01 c'est qu'on découvre que la plupart de notre activité intellectuelle
37:05 est absolument automatique et mécanique.
37:07 Quand j'envoie un mail administratif,
37:09 quand j'écris un article, si je ne l'écris pas de manière originale,
37:13 mais que je m'appuie sur des éléments de langage...
37:16 -Un poème, c'est pas ça. -C'est ça qui est intéressant.
37:19 Je pense que, fondamentalement,
37:21 l'intelligence artificielle nous invite
37:23 à retrouver la créativité qui est la nôtre dans notre langage.
37:27 Toutes les professions qui peuvent avoir peur
37:29 de l'intelligence artificielle, que ce soit l'écriture littéraire,
37:33 ou le journalisme, au contraire, c'est un défi.
37:36 À partir du moment où quelqu'un, en l'occurrence une machine,
37:39 peut faire aussi bien que toi une écriture automatique,
37:42 consensuelle, facile, etc., eh bien, va te singulariser.
37:45 La comparaison qu'on pourrait donner,
37:48 c'est quand la peinture a été concurrencée par la photographie.
37:51 À partir du moment où il a été possible,
37:54 mieux que des peintres, de reproduire le réel,
37:56 qu'est-ce que ça a été ? La mort de la peinture ?
37:59 Ou est-ce que ça a été, comme je le pense,
38:02 l'apparition des moments et des mouvements picturaux
38:05 et esthétiques les plus intéressants,
38:07 les plus créatifs et les plus féconds ?
38:09 Peut-être qu'il y aura des nouveaux Rimbauds,
38:12 grâce à Chajipiti.
38:13 -Est-ce qu'il y aura des nouveaux Keynes
38:15 grâce à l'intelligence artificielle ?
38:19 Est-ce qu'il y aura une refondation de l'économie,
38:22 d'après vous, grâce à ça ?
38:24 -Je préférais qu'il y ait des nouveaux Rimbauds,
38:27 mais en matière de finances, le changement, il est déjà là.
38:31 On le sent depuis plusieurs années.
38:33 C'est juste qu'il s'accélère
38:35 et que le pouvoir est en train de changer de camp.
38:38 Il est en train de se lisser et de devenir plus horizontal.
38:41 Je pense que tout un chacun, maintenant,
38:43 va pouvoir faire des choix financiers
38:46 et devenir de plus en plus autonome.
38:48 C'est vraiment ce en quoi je crois,
38:50 et c'est ce qu'on voit tous les jours.
38:52 Il y a toute la nouvelle génération
38:54 qui peut investir à partir de quelques centaines
38:57 ou quelques milliers d'euros,
38:59 et qui, maintenant, ne peut investir qu'à partir de centaines
39:02 et ils prennent pouvoir sur ça.
39:04 Ils savent qu'il y a de l'intelligence artificielle,
39:07 qu'il y a la blockchain et ils s'en servent.
39:10 C'est ça, le changement, qui arrive et qui s'accélère
39:13 avec l'intelligence artificielle.
39:15 -Alors, Guy Valencien, quelle limite vous mettez
39:18 dans ce qu'on appelle le transhumanisme ?
39:23 Est-ce que tout est permis ?
39:26 Est-ce qu'on peut aller jusqu'à greffer des cerveaux,
39:30 comme la tentation est venue
39:33 à certains médecins chinois ?
39:36 Est-ce que vous pensez
39:37 qu'il n'y a pas là un danger pour l'humanité ?
39:40 C'est-à-dire jusqu'où on peut aller
39:43 dans la manipulation génétique
39:46 et dans les techniques chirurgicales,
39:50 qui utilisent notamment l'ADN, etc.
39:53 -On peut aller très loin,
39:56 et on serait capable, effectivement, de faire n'importe quoi.
39:59 Rappelez-vous que des petits Chinois ont été...
40:04 On a pris de l'ADN de petits Chinois
40:07 avec un QI de plus de 130
40:10 pour voir si on pourrait faire des petits Chinois
40:12 avec des QI de 160 ou de 180.
40:14 Folie totale !
40:16 Folie totale, parce que si on arrive à faire
40:19 un milliard et demi de petits Chinois à QI de 180,
40:22 ça veut dire que la moyenne sera à 160.
40:24 On ne fera que relever le niveau,
40:26 mais il y aura toujours des idiots et des très intelligents.
40:29 On est là dans un espèce de fantasme qui me désespère.
40:32 Je pense que les sciences ne sont pas faites pour ça
40:35 et qu'effectivement, nous aurons besoin,
40:37 nous devrons contrôler les dérives possibles
40:40 des tentations démurgiques d'un surhomme.
40:43 Nous ne sommes pas faits pour ça.
40:45 Ne touchons pas à la nature.
40:47 Nous ne sommes que le dernier échelon aujourd'hui,
40:50 celui qui est, disons, le plus intelligent,
40:52 par son langage, par ses capacités de communication,
40:55 mais c'est tout.
40:56 Nous ne sommes pas au-delà de ça.
40:58 Si nous commençions à vouloir faire plus, ce serait dramatique.
41:02 Je suis extrêmement vigilant, oui, pour la recherche
41:04 et pour aider tous ceux et toutes celles
41:06 qui ont des problèmes neurologiques,
41:09 oui, pour qu'il y ait des puces
41:10 qui puissent aider les parkinsoniens ne plus trembler,
41:13 mais surtout pas m'augmenter.
41:15 Je suis totalement anti-Musk sur Neuralink,
41:18 qui, pour l'instant, s'occupe des malades
41:20 et qui, demain, va se mettre à pucer des hommes sains.
41:23 Or, que deviendrons-nous ?
41:25 Des outils à la main de celui qui nous aura pucés
41:29 ou à la main des hackers ?
41:30 Notre individualité, notre liberté disparaîtra.
41:33 Donc je m'oppose formellement à ces dérives,
41:36 je dirais, totalement folles et qui n'ont aucun sens.
41:40 Vivons tel que nous le faisons, c'est déjà compliqué.
41:43 C'est pas la peine d'en rajouter.
41:45 -Alors, justement, par rapport à ces dégâts éventuels
41:49 qui existent et qu'on peut même mesurer,
41:52 qu'est-ce qu'on peut proposer ?
41:55 Certains proposent un moratoire
41:58 décrété par la communauté internationale.
42:01 D'autres, une transparence complète des technologies,
42:05 une participation publique à tous les niveaux,
42:09 bref, une culture du partage.
42:11 Et Sam Altman, l'homme, si on peut dire, de Chad GPT,
42:15 considère que l'intelligence artificielle
42:18 peut être contrôlée par l'intelligence artificielle.
42:21 Alors, vous, l'homme politique Stéphane Piednoir,
42:24 où vous vous rangez dans ce domaine
42:27 de régulation, de contrôle, etc., ou d'endiguement ?
42:31 -Je l'ai dit tout à l'heure,
42:33 l'Europe travaille à une régulation,
42:36 mais est en train de mettre au point
42:38 une régulation au niveau européen.
42:40 Le problème, c'est de savoir où on s'arrête dans la régulation,
42:44 où on peut s'entraver non plus des pépites que nous avons,
42:48 je pense à Mistral, en France,
42:51 et qu'on doit pouvoir donner des moyens
42:53 pour rivaliser avec les géants mondiaux,
42:56 et vous avez cité les géants américains.
42:59 Tout ça doit se faire dans une dynamique internationale,
43:02 mondiale, pour se dire qu'il y a des dangers,
43:05 des limites qu'on ne doit pas franchir.
43:07 Quel est le rôle du politique là-dedans,
43:10 aussi bien dans les instances européennes
43:13 que dans les instances parlementaires françaises ?
43:15 Le rôle du politique, du parlementaire,
43:18 c'est de voter la loi, et la loi,
43:20 ce n'est rien d'autre qu'un cadre
43:22 dans lequel on dit aux gens de rester.
43:25 Sur le cadre, la médecine est évidemment
43:27 le plus édifiant,
43:29 celui qui parle le plus à tout le monde,
43:33 puisque les transformations génétiques,
43:36 on vote des lois bioéthiques,
43:38 on a voté le loi bioéthique en 2021,
43:40 c'est pas vieux, on voit qu'il y a des sujets
43:43 comme les cellules pluripotentes,
43:45 jusqu'où on peut aller, donc on fixe un cadre,
43:47 on dit que ces cellules-là,
43:49 sur lesquelles on peut faire des transformations génétiques,
43:53 on peut les garder seulement un certain temps,
43:55 parce qu'au-delà, ça devient un être humain.
43:58 À quel moment ça n'est plus considéré
44:00 comme simplement une expérience de labo,
44:03 mais il faut qu'on soit vraiment vigilant,
44:06 et là-dessus, il me semble encore
44:08 que l'homme politique ou la femme politique
44:10 doit rejoindre votre premier propos,
44:12 c'est pas une machine qui prend des décisions,
44:15 l'IA sera là pour agréger des données,
44:17 pour synthétiser au maximum tout ce que l'homme politique
44:21 a à connaître sur un sujet précis,
44:23 la décision reste humaine,
44:25 parce qu'il y a une part de sensibilité,
44:27 de perception de la vie que, pour l'instant,
44:30 au stade où on est sur l'IA, la machine n'a pas.
44:33 -Nathan Devers, qu'est-ce que vous diriez
44:36 de quelqu'un qui propose, comme Sam Altman
44:39 et d'autres encore, que l'intelligence artificielle
44:42 soit contrôlée par l'intelligence artificielle,
44:45 est-ce que c'est pas du suprémacisme,
44:47 en quelque sorte ?
44:49 C'est-à-dire...
44:50 retirer la dimension humaine
44:55 au contrôle des choses.
44:58 -Oui, exactement.
44:59 Et vous voyez bien que, derrière ça,
45:02 il joue sur tout un imaginaire de la science-fiction.
45:05 Et son intérêt, lui, je le dis objectivement,
45:08 c'est de faire en sorte que ce sujet
45:10 soit posé de manière spectaculaire.
45:12 Et d'ailleurs, il y a deux types de personnes
45:15 qui ont intérêt à faire en sorte
45:17 que l'intelligence artificielle, on en parle avec des frissons.
45:21 Ce sont, évidemment, les acteurs de l'intelligence artificielle,
45:25 parce que ça leur fait de la publicité,
45:27 de dire "il faut un moratoire, on a créé un nouveau golem,
45:30 "c'est très dangereux, il faut un moratoire",
45:33 et les technophobes, qui ont intérêt idéologique
45:36 à dire "c'est dangereux, ces machines vont nous détruire".
45:39 En l'occurrence, dans les deux cas, c'est illusoire,
45:42 et je crois qu'on est tous d'accord là-dessus,
45:45 une machine ne pense pas.
45:46 Et deuxièmement, si on prend du recul sur l'histoire
45:50 de la technologie, et vous avez parlé du moteur,
45:52 de tous ces progrès-là, il faut voir que l'histoire
45:55 de la technique, quand elle a été maîtrisée,
45:58 quand elle a été pensée, quand elle a été réfléchie,
46:01 elle a toujours été pas seulement une histoire
46:04 d'innovation technologique, mais aussi d'innovation culturelle,
46:08 d'innovation politique, intellectuelle, spirituelle.
46:11 La révolution industrielle a accouché des droits sociaux.
46:15 Sans révolution industrielle, vous n'avez pas de droits sociaux.
46:18 Donc, demain, il ne faut pas mentir.
46:21 Certains métiers vont disparaître, d'autres vont apparaître.
46:24 Vous avez vu une grève historique à Hollywood,
46:27 avec des scénaristes inquiets.
46:29 Pourquoi les scénaristes inquiètent-ils
46:32 pour faire appel à l'intelligence artificielle ?
46:34 Précisément parce que dans leurs revendications,
46:37 le cinéma américain était de plus en plus en proie
46:40 à une forme d'automatisation, avec des scénarios
46:43 de plus en plus marchandisés, qui jouent sur des stéréotypes
46:47 faciles. A partir de là, on peut les confier
46:49 l'intelligence artificielle. Mais si on a une vraie réflexion
46:53 de fond sur ce que ça va changer dans tous les métiers
46:56 intellectuels, l'intelligence artificielle,
46:59 ça permet de réfléchir à certaines idées,
47:01 comme le revenu universel, une diminution du temps de travail,
47:04 qui peuvent paraître délirantes, mais qui, dans 50 ans,
47:07 seront des réalités. -A votre avis,
47:10 comment on peut réguler et quel type de régulation
47:13 on peut avoir pour éviter des faillites financières
47:17 qui pénalisent les petits épargnants ?
47:20 -Je pense que l'avantage, dans le domaine de la finance,
47:23 c'est qu'il est extrêmement bien régulé depuis des années.
47:27 Moi, ce que j'aimerais, parce qu'on parle toujours de risque,
47:30 c'est, pour une fois, si on ose, si on a l'audace et le courage
47:33 de regarder l'intelligence artificielle,
47:36 qui est une révolution technologique,
47:38 il y en a eu d'autres avant, on n'a pas toujours eu le courage
47:42 de les regarder avec ce point de vue de la création.
47:45 Si on se demande en quoi l'intelligence artificielle
47:48 peut changer la vie de millions de gens,
47:50 peut améliorer des sujets de société,
47:53 si on a le courage de prendre ce biais-là
47:55 et de ne pas essayer de réguler par la peur,
47:58 qu'est-ce que ça donnerait ?
47:59 Je demande juste qu'on ouvre ça un petit peu,
48:02 parce que ça n'a pas été le cas pour Internet ni pour la blockchain.
48:06 -Vous pensez qu'on peut réguler par la raison
48:09 en évitant de faire peur ?
48:10 -La régulation, elle a toujours été là.
48:13 Quand on a créé des voitures, on a conduit des voitures,
48:16 on a tué des gens en écrasant des gens, on a régulé.
48:19 Avec l'IA, on peut faire différemment,
48:22 c'est-à-dire que la technologie est là,
48:24 on a de l'expérience, on peut apprendre
48:26 sur ce qu'on a fait dans le passé,
48:28 donc maintenant, comment on peut faire au mieux ?
48:31 Là, la différence, c'est que l'IA, on ne pourra pas la stopper.
48:35 L'IA peut déjà créer d'autres intelligences artificielles.
48:38 Donc soit on se donne l'illusion qu'on peut freiner ce progrès-là,
48:42 soit on l'embrasse et on se dit "comment je peux coopérer
48:45 "et comment je peux m'assurer que ça crée des usages éthiques
48:49 "plutôt que d'essayer de freiner le tout ?"
48:52 -Merci. Oui, général.
48:53 -Juste pour compléter, parce qu'en fait,
48:56 je voudrais rebondir sur les deux aspects.
48:58 Il y a la régulation, on a parlé d'éthique,
49:00 et dans le domaine militaire, quand on a commencé à travailler
49:04 sur cette intelligence artificielle,
49:06 on a l'habitude d'arriver dans des champs
49:09 où la réglementation n'a pas encore été cadrée
49:11 et où, en fait, on explore et on définit.
49:14 Et ce qui a été fait quand on a lancé
49:16 l'intelligence artificielle au sein du ministère,
49:19 on a créé un comité d'éthique avec des personnalités extérieures
49:23 qui nous ont permis de cadrer et de faire des propositions de loi.
49:26 Parce qu'en fait, la difficulté,
49:28 quand on rentre dans un nouvel espace,
49:31 c'est de savoir jusqu'où on peut aller.
49:33 Est-ce que la réglementation ne va pas empêcher l'innovation ?
49:37 Est-ce que la réglementation ne va pas empêcher
49:39 de trouver des nouvelles manières de travailler ?
49:42 Je pense que ces deux aspects sont importants.
49:45 Un comité d'éthique et une régulation après.
49:47 -Oui, Guy Valencia voulait intervenir.
49:50 -Juste un mot.
49:51 Je partage tout à fait ce qui a été dit sur les risques et les avantages.
49:55 Je trouve ridicule cette histoire de moratoire.
49:57 On va s'arrêter six mois pour faire quoi pour rien.
50:00 Continuons la recherche, on en a besoin.
50:02 En revanche, je suis convaincu,
50:04 comme tous ceux qui sont sur le plateau,
50:06 qu'il faut arriver demain à une COP, une "conference of parties",
50:10 sur le numérique et le génomique, qui sont intimement liés.
50:13 J'ai écrit à Emmanuel Macron sur le sujet,
50:16 en lui disant que c'est à la France de lancer ça,
50:18 pas avec les Etats, mais avec les civilisations.
50:21 Les civilisations asiatiques, africaines, européennes
50:24 et américaines se retrouvaient entre hommes et femmes
50:27 de façon à réguler, de façon à établir,
50:31 jusqu'où ne pas aller trop loin dans le délire.
50:34 -Oui, alors, vous avez évoqué Emmanuel Macron.
50:38 Il a proposé récemment
50:41 de réduire la surexposition des jeunes aux écrans.
50:47 On a très peu de temps,
50:49 mais est-ce que ça vous paraît réalisable, Stéphane Piednoir ?
50:52 -C'est souhaitable. Il y a même une règle qui existe.
50:55 -Comment on peut l'imiter ?
50:57 -Normalement, en termes de neurosciences,
51:01 tout le monde converge en disant qu'avant 3 ans,
51:04 par exemple, normalement, c'est aucune exposition aux écrans.
51:07 Il y a des biais, bien sûr, en termes de motricité,
51:11 mais en termes cognitifs, qui sont observés
51:14 chez des gamins qui prennent des magazines
51:16 en essayant de tourner les pages, ça marche pas.
51:19 Enfin, voilà, il y a des problèmes.
51:21 Donc oui, il faut aller là-dessus.
51:23 Moi, j'ai observé aussi dans des classes
51:26 une multiplicité d'écrans.
51:27 On peut faire de la pédagogie sans forcément avoir à recourir
51:31 systématiquement à tout bout de champ à un écran.
51:34 La pédagogie, elle existe avant...
51:36 -Vous voulez un Guy Valencien, là-dessus ?
51:38 -Oui, un mot, juste là.
51:40 -Un mot, oui, parce qu'on a plus beaucoup de temps.
51:43 La permanence lumineuse est une catastrophe.
51:45 C'est l'un des plus gros dangers qui nous menace.
51:48 On voit bien les désastres que ça crée chez les individus.
51:51 Demain, nous aurons peut-être des hommes
51:54 qui auront des très gros yeux, des très gros pouces,
51:56 un dos tout incurvé, des toutes petites jambes
51:59 qui seront là à taper tous les jours,
52:01 à regarder sur les écrans avec un tout petit cerveau.
52:04 -Merci. Vous voulez dire un mot là-dessus ?
52:07 On n'a pas beaucoup de temps, mais c'est intéressant.
52:10 -Sur le basage, je suis d'accord avec vous
52:12 sur les nuances. En revanche,
52:14 sur l'adolescence et les jeunes de manière plus générale,
52:17 là où c'est pas réalisable,
52:19 aujourd'hui, un adolescent passe cinq heures par jour sur des écrans.
52:23 On pourra peut-être diminuer à trois ou quatre heures,
52:26 mais le sujet n'est pas là. Comment faire en sorte
52:29 que ce temps passé sur des écrans soit aussi peu abrutissant ?
52:32 Aujourd'hui, un certain nombre de réseaux sociaux
52:35 ont intérêt à mettre des vidéos de 10 secondes
52:38 qui sont abrutissantes. Il faut véhiculer des contenus
52:41 pour les faire plus abrutis. -On n'a plus de temps.
52:44 Marc Gauclin, en deux mots,
52:45 combien de temps vous passez sur les écrans ?
52:48 -Je dois passer plus de cinq heures,
52:50 et pour moi, c'est complètement irréalisable
52:53 de diminuer le temps d'écran. -Très bien.
52:55 Et vous, général Hôtelet, combien de temps vous passez ?
52:58 -Je sais pas, ça dépend des jours.
53:00 Quand on est sur le terrain, on n'est pas trop sur les écrans.
53:04 -Guy Valencièche, je peux vous accorder 10 secondes,
53:07 mais pas plus. Allez-y. -Je ne sais pas,
53:09 mais je suis pas un accro des écrans.
53:11 -Voilà, c'est très bien. -Je n'en ai plus, adolescent.
53:14 -Ecoutez, merci, madame.
53:17 Merci, messieurs.
53:19 Je vous remercie d'avoir permis de réaliser cette émission.
53:23 Avant de nous quitter, je voudrais vous suggérer
53:26 une brève bibliographie.
53:28 Alors, sur le thème de l'intelligence artificielle,
53:32 un grand livre, à mon avis, est très utile,
53:35 parce qu'il fait le tour de la question,
53:37 et il est de la pensée de Nathan Devers,
53:40 la pensée importante de Mustapha Suleiman
53:43 et Michael Bascar.
53:46 Nathan Devers, je voudrais signaler,
53:49 vous avez publié,
53:51 il y a deux ans, "Les liens artificiels",
53:57 un roman où l'intelligence artificielle
54:00 occupe une place importante,
54:02 mais en même temps, avec ses limites,
54:05 vous vous rencontrez soi-même,
54:07 vous racontez, c'est déjà vos mémoires,
54:09 mais des anti-mémoires,
54:11 puisque vous essayez de penser contre vous.
54:14 En deux mots, on avait le chat du rabbin
54:17 et on a aujourd'hui le philosophe du rabbin,
54:20 si on peut dire. Vous croyez que c'est différent, finalement,
54:24 être rabbin et philosophe ?
54:25 -Il y a un point commun,
54:27 c'est d'être dans la quête du sens de la vie.
54:29 Mais quand on fait de la philosophie,
54:32 on est dans une quête ouverte,
54:34 on a un paquet de certitudes, de dogmes, de croyances.
54:37 -Très bien, merci.
54:38 Est-ce que...
54:39 Je voulais signaler également le livre de Michel Friedling,
54:45 qui est commandant de l'espace chez Bouquin,
54:48 et bien sûr, les ouvrages de Yuval Noah Harari
54:52 autour de "Sapiens".
54:55 Est-ce que vous avez une suggestion à faire sur un livre à proposer ?
54:59 -Les "Rapports de Lopech",
55:01 qui sont de bonnes sources aussi.
55:03 -Voilà, alors, les "Rapports de Lopech",
55:05 parlementaire d'évaluation des choix techniques et scientifiques,
55:09 un livre à suggérer ?
55:12 -Non, j'ai rien lu récemment.
55:14 -Voilà, Guy Valencien, je voudrais...
55:17 Est-ce que vous avez un livre à suggérer ?
55:19 -J'ai écrit un bouquin qui s'appelle
55:22 "À la recherche du temps perçu",
55:24 sur, justement, le temps
55:27 et tout ce que l'on vient de discuter.
55:29 -Eh bien, écoutez, merci, madame, merci, messieurs,
55:32 merci à l'équipe de LCP,
55:35 et avant de nous quitter, je vous soumets cette réflexion.
55:39 "Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser,
55:43 "il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites."
55:47 C'est de qui, d'après vous ?
55:49 -Je ne sais pas.
55:50 -Montesquieu. -Montesquieu, oui.
55:52 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
55:56 ...

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