• il y a 8 mois
Florence Gillotin, céréalière de la coordination rurale en Essonne.

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00:00 Et pour réagir ce matin avec nous, une agricultrice qui s'est mobilisée, Florence Gilotin.
00:06 Bonjour.
00:07 Bonjour, merci de me recevoir.
00:09 Merci à vous d'être là avec nous ce matin, après cette semaine de mobilisation.
00:13 Vous êtes élue à la Chambre d'agriculture pour la coordination rural-île de France.
00:17 Vous êtes céréalière dans le sud de l'Essonne, dans la commune du Méré-Villois.
00:24 Donc depuis 2003 vous êtes céréalière.
00:26 C'est votre première mobilisation ?
00:28 Non, je savais participer avec la FED à la dernière manif dans Paris, c'était quoi,
00:35 il y a 7 ou 8 ans.
00:36 Ça ne m'avait pas laissé un souvenir formidable et on n'avait rien obtenu, absolument rien.
00:42 Et bien on va voir ce que vous avez obtenu cette année.
00:45 Vous vous êtes mobilisée, vous avez tenté de rejoindre le convoi qui voulait rallier
00:51 Rungis cette semaine.
00:53 Comment vous vous sentez après cette semaine de blocus, de mobilisation ?
00:57 Florence Gilotin, vous êtes épuisée, déçue, écœurée ?
01:01 Un peu les trois, oui.
01:03 Fatiguée, déçue, écœurée.
01:06 Pas autant écœurée que je l'avais craint parce qu'effectivement, la dernière mobilisation
01:12 sur Paris, on n'avait absolument rien obtenu et là on voit qu'il y a des petites avancées.
01:16 Maintenant, on n'a pas tapé dans le dur du sujet, a priori.
01:22 Nous ce qu'on voulait c'était des prix rémunérateurs.
01:25 Donc ça veut dire qu'il faut prendre la réalité, nos coûts, nos charges et puis
01:31 d'avoir des prix planchés tout simplement.
01:33 Donc la question des prix, toujours au centre du jeu d'ailleurs la Confédération Paysanne
01:39 reste mobilisée.
01:40 Le DIP, est-ce que justement ils n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient sur les prix ?
01:44 Est-ce que vous à la coordination rurale, vous restez mobilisée et qu'est-ce que vous
01:50 prévoyez comme action à venir ?
01:52 Déjà qu'on soit bien clair, vous appelez à lever les blocus aujourd'hui ?
01:56 Les blocus vont être levés.
01:58 Il y a de la fatigue, il y a des contraintes au niveau des fermes de chacun.
02:03 Nous on veut que ça reste en sécurité.
02:06 On voit que le gouvernement a fait un pas vers nous.
02:09 Il faut aussi lui donner la chance de finir de s'exprimer.
02:13 Maintenant, effectivement, il n'a pas abordé la question des prix quand il se cache derrière
02:18 la loi EGalim.
02:19 On n'en a pas vu du tout les fouilles de la loi EGalim.
02:22 Et puis je suis désolée, moi ce que j'en ai retenu c'est qu'on obligeait les grandes
02:26 surfaces à faire plus de marge sur les produits agricoles.
02:31 C'est déjà des structures qui n'ont pas forcément beaucoup de complications pour
02:37 faire leur marge.
02:38 Et tout ce qu'on leur explique c'est qu'il faut qu'ils en fassent plus.
02:41 Dans l'espoir qu'ils en restituent un petit peu aux agriculteurs.
02:44 Ce n'est pas exactement dans leur méthodologie de travail.
02:47 Ils ont l'habitude de négocier pour avoir leur marge, ce qui est normal.
02:50 - Alors pourquoi vous levez le camp si vous n'êtes pas satisfait ?
02:53 - Parce qu'on ne veut pas aller à la violence.
02:57 On ne veut pas qu'il y ait des morts, on ne veut pas qu'il y ait des blessés, on ne veut
03:01 pas qu'il y ait des destructions de matériel.
03:03 Vous vous rendez bien compte que 300 hors contre 120 tracteurs agricoles avec des fourches,
03:11 si vous ne faites pas un carnage sur les agriculteurs, il n'y a pas photo.
03:14 Les tracteurs passent si on veut vraiment passer.
03:16 Mais ce n'est pas le but.
03:19 On irait à quoi ? Au conflit stérile avec un gouvernement qui va se braquer de l'autre
03:23 côté parce qu'il dit "moi j'ai fait des gestes et vous, vous ne voulez rien entendre,
03:27 tout ce que vous êtes c'est des émeutiers".
03:28 Non, on n'est pas des émeutiers.
03:29 On a besoin d'avoir des prix rémunérateurs, de gagner notre travail.
03:34 - Alors comment vous allez faire pour les obtenir ces prix rémunérateurs ?
03:38 - Je pense que les blocages seront plus sporadiques.
03:40 Après on a d'autres leviers d'action.
03:43 Il faut quand même prendre en considération l'intégralité des services que les agriculteurs
03:48 rendent à la société qui ne sont jamais rémunérés et qui ne sont même pas pris
03:51 en considération aujourd'hui.
03:53 Mais ça on en discutera avec les préfets.
03:54 Moi je ne veux pas mettre la pression ailleurs que sur le préfet.
03:59 - Florence Gilotin, je vous arrête, mais vous parlez d'action sporadique, de blocage
04:04 sporadique, ça veut dire quoi dans les semaines à venir ? Vous visez quoi ?
04:08 - Écoutez-moi, il y aura certainement des mouvements sur le salon d'agriculture.
04:13 - Rappelons juste que la coordination rurale est réputée pour ses actions coup de poing
04:18 on peut envisager, donc des actions coup de poing au salon de l'agriculture ?
04:23 - Écoutez, c'est un peu les bases aussi.
04:26 Je veux dire, nous on n'est pas un mouvement sur lequel le national décide tout.
04:32 C'est la base, on a envie de faire des actions à un endroit donné parce qu'il y a un point
04:36 de blocage spécifique.
04:38 Oui, après le salon de l'agriculture c'est notre vitrine, donc on n'est pas satisfait
04:42 aujourd'hui.
04:43 Il y aura fatalement des actions symboliques au salon de l'agriculture, c'est inévitable.
04:50 Mais moi je voudrais quand même rappeler un petit quelque chose.
04:52 En sortie de guerre en 45, l'agriculture française nourrissait péniblement 30 millions
04:58 de Français.
04:59 Il y a quelques années encore, on était autosatisfaisant pour 65 millions de Français.
05:06 Avoir le ventre plein, c'est une valeur.
05:09 Les Français l'ont peut-être oublié parce qu'aujourd'hui il y en a beaucoup qui n'ont
05:12 pas tellement le problème pour ça, mais c'est une vraie valeur produite.
05:18 Après la façon dont vous la répartissez c'est un choix politique.
05:21 Il faut bien savoir qu'à l'entrée de la PAC en 92, si on avait simplement imputé
05:28 l'inflation, au lieu d'être à 200 euros moins la tonne de blé, aujourd'hui je serais
05:31 à 400 euros.
05:32 Donc ça vaudrait le double simplement pour l'inflation, ce qui est un cours à peu près
05:36 normal pour tout un chacun.
05:37 Ce qui veut dire que quand vous avez une agriculture aujourd'hui qui crée 40 milliards de richesses
05:45 en valeur actuelle donnée, si vous aviez imputé l'inflation ce serait le double.
05:50 Donc on est à 30 milliards qui est distribué par la valeur réellement produite aux agriculteurs
05:56 après la PAC restituée.
05:58 Florence Gilotin, qu'on comprenne bien, pour bien qu'on comprenne, parce que c'est vrai
06:01 qu'il y a beaucoup de chiffres qui circulent depuis le début de ce mouvement.
06:05 Expliquez-nous, vous, céréalière en Essonne, votre quotidien.
06:09 Qu'est-ce qui vous pèse le plus et qu'est-ce que ces mesures annoncées vont changer ?
06:13 Si on m'avait simplement mis l'inflation comme chacun réagit quand vous avez un salaire,
06:19 je veux dire, vous attendez au moins qu'il suive l'inflation, ce qui est une revendication
06:23 normale.
06:24 Si on m'avait simplement imputé l'inflation, moi aujourd'hui ma rémunération elle serait
06:29 double.
06:30 C'est vrai pour moi, c'est vrai pour les autres filières en fait.
06:32 Aujourd'hui c'est combien votre rémunération ?
06:35 Je ne veux pas vous abrutir de chiffres, mais c'est à peu près la réalité.
06:38 Moi je ne me suis pas relevé complètement de 2016, donc là je tourne à l'économie,
06:43 ça veut dire que je laisse une partie de mes terres volontairement en jachère, ça
06:47 m'évite de prendre le risque d'avoir un aléa climatique.
06:49 L'année dernière j'étais à 15-16 000 euros.
06:55 De chiffre d'affaires ? 15-16 000 euros c'est quoi ?
07:00 Non, pas de chiffre d'affaires, de résultats d'entreprise, donc avant ma rémunération.
07:06 Et donc ces annonces ?
07:08 Comme moi je suis complètement amortie, si vous voulez, je ne peux pas facturer, je ne
07:12 facture d'aucune manière l'outil agricole, mes outils, je ne peux pas les facturer.
07:18 Donc comme je suis complètement amortie, il n'y a pas non plus d'écriture comptable
07:22 qui les facture, ce qui veut dire que je paie finalement aujourd'hui des charges sociales
07:26 sur le travail de mes outils.
07:28 Florence Gilotin, je me souviens vous avoir eu au téléphone, c'était lundi matin,
07:35 vous étiez au bord des larmes.
07:36 Je suis moins émue aujourd'hui, c'est vrai que la manif a permis de…
07:42 La fatigue joue évidemment.
07:43 La fatigue joue, mais la manif a quand même permis de sortir un petit peu de cette frustration,
07:49 de se dire de toute façon on n'est entendu par personne, là on a un beau soutien de
07:52 la population, on a une petite écoute des politiques, on va voir ce que ça va donner,
07:57 mais…
07:58 Je vois que vous avez encore les yeux qui brillent.
08:01 Mais vous avez dit quelque chose de fort ce jour-là, vous avez dit on n'est pas traité
08:06 comme les autres êtres humains.
08:08 Est-ce que vous avez l'impression aujourd'hui d'être mieux traité après ces annonces ?
08:12 Ça fait tellement longtemps qu'on est dans une réalité parallèle en fait que les autres
08:18 corps qui nous entourent, les gens qui nous entourent, les fonctionnaires, tout ça, ils
08:22 n'ont même pas l'impression de nous traiter bizarrement.
08:25 Moi je m'en rends bien compte, si vous voulez, j'étais salarié du privé, j'ai été
08:29 fonctionnaire, je me rends bien compte que ce qu'on me fait subir aujourd'hui, ni
08:34 chez les salariés, ni chez les fonctionnaires, ce serait acceptable.
08:37 J'en ai parfaitement conscience.
08:39 Alors pourquoi vous continuez ? Qu'est-ce qui vous fait tenir ?
08:42 Un peu l'habitude.
08:44 Au départ c'est l'envie qui vous fait rentrer dans le métier, c'est l'envie.
08:49 Après c'est un petit peu l'habitude.
08:51 Moi tout bien considéré, aujourd'hui si c'est à refaire, je prendrai le même métier
08:56 mais je changerai de pays.
08:57 Vous iriez où ?
08:59 Je ne sais pas parce que visiblement en Europe, il y a d'autres agriculteurs qui ne sont
09:03 pas contents.
09:04 Mais oui ! Florence Gilotin, quand même, dans ces salves d'annonces, trois salves d'annonces
09:11 du Premier ministre en une semaine, 400 millions d'euros sur la table, est-ce qu'il y a quelque
09:17 chose que vous retenez, quelque chose de positif ?
09:21 Soyons sérieux, 400 millions d'euros c'est de la roupie de sans sonnette.
09:24 Je viens de vous expliquer qu'aujourd'hui si on avait simplement imputé l'inflation
09:28 sur le produit agricole, au lieu de 40 milliards, on serait à 80 milliards.
09:32 Ce qui veut dire que l'agriculte française depuis 92, c'est-à-dire en 40 ans, elle
09:37 a distribué chaque année 40 milliards de valeurs réellement créées.
09:41 Ce n'est pas de la valeur ajoutée, si vous voulez, vous n'avez besoin de rien.
09:46 Oui, effectivement, on se fait toujours attraper sur le bartar de la valeur ajoutée.
09:51 On ne crée pas de la valeur ajoutée, on crée de la valeur ex nihilo.
09:54 Il y a une mesure qui fait beaucoup réagir Florence Gilotin, j'aimerais avoir votre
09:59 avis dessus sur cette pause du plan Eco-Fito qui vise à réduire les pesticides de moitié
10:07 d'ici 2030.
10:08 Vous, en tant que céréalière à la coordination rurale, vous en pensez quoi ? C'est un bon
10:12 ou un mauvais signal ? Les écologistes évidemment crient…
10:15 Oui, mais la plupart des écologistes ne connaissent rien à l'écologie.
10:20 Moi, j'ai vu passer tout un tas de normes qui ont détruit plus de bêtes et de végétaux
10:27 que s'en un protégé alors que vous ne vous orientez que sur un seul critère et
10:31 que vous vous dites "c'est bon, vous, les terres vont augmenter, c'est merveilleux".
10:34 La pause du plan Eco-Fito, bon mauvais signal.
10:37 Je veux une vraie réflexion là-dessus et puis oui, on ne peut pas y aller à marche
10:42 forcée comme ça.
10:43 J'ai eu l'épée d'Amoclès du retrait du glyphosate pendant des années.
10:48 Je voulais passer en semi-sous-couvert, ça a arrêté l'histoire.
10:53 Parce que si vous me retirez le glyphosate, je ne sais pas faire du semi-sous-couvert.
10:57 Et fondamentalement, je pense que c'est meilleur.
10:59 Après, c'est mon option à moi de travail.
11:02 Pourtant, les études montrent que baisser les pesticides, ça réduit les coûts, ça
11:05 augmente la productivité et puis surtout, ça protège votre santé.
11:08 Il y a quand même des problèmes de cancer.
11:11 J'en sais rien, il n'y a aucune étude qui montre qu'il y a des problèmes spécifiques
11:17 de cancer chez les agriculteurs.
11:18 Au contraire, on serait plutôt moins atteint par le cancer que le reste de la population.
11:23 Après, est-ce que l'absence d'études est volontaire peut-être ? L'absence d'études
11:29 sur le suicide agricole est quand même volontaire depuis des années.
11:32 Moi, je n'en sais rien.
11:33 Mais aujourd'hui, non, il n'y a pas d'études qui orientent.
11:36 Il y a quelques cancers qui sont dus à l'utilisation des produits phyto.
11:41 Mais il y a des maladies professionnelles dans tous les secteurs.
11:44 Florence Gilotin, vous êtes retournée au travail depuis cette mobilisation.
11:53 Est-ce que ça a eu des conséquences ?
11:56 Là, aujourd'hui, sur ma vie actuelle ? Non.
11:59 Ça a changé quelque chose dans vos champs ?
12:02 Non, rien du tout.
12:04 On risque de vous retrouver au Salon de l'agriculture.
12:08 C'est ça le prochain rendez-vous ?
12:09 Oui, il y a des chances.
12:10 Vous surveillez de près.
12:12 Vous attendez maintenant que tout soit transformé noir sur blanc ? C'est ce que nous disent
12:17 les agriculteurs après ces annonces.
12:19 Au-delà des annonces, oui, on attend qu'elles soient tenues.
12:21 C'est la moindre des choses.
12:22 Quand vous avancez votre parole, la moindre des choses, c'est de la tire.
12:25 Mais je vous dis, on n'a pas de visibilité réellement concrète sur le fait de pouvoir
12:31 avoir des prix rémunérateurs pour nous.
12:33 Et c'est ce qui manque dans ces annonces.
12:37 On l'a noté.
12:38 Merci beaucoup Florence Gilotin d'avoir été avec nous ce matin.
12:41 Et on vous laisse retourner travailler.
12:43 Merci beaucoup, bonne journée.
12:44 On évoquait ce Salon de l'agriculture qui démarre le 24 février.
12:48 Nous serons partenaires.
12:49 On sera en direct d'ailleurs de ce Salon de l'agriculture pour faire vivre de l'intérieur
12:54 ce Salon à la Paris-Porte de Versailles.

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