Crimes et Vérités
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00:00 Un amant disparu à Nancy, un juge qui vide un canal, un corps découpé à la meuleuse et surtout un cri de haine.
00:09 Je n'ai pas oublié, je n'oublierai pas, je ne peux pas oublier de toute façon.
00:14 Pour moi j'ai toujours la même haine contre Simone Weber.
00:18 C'est l'affaire Simone Weber.
00:22 [Musique]
00:41 Marcel Rabot n'aimait pas raconter sa matinée du 15 septembre 85, sa matinée de pêche sur cette berge, le bras mort de la Marne, près de Poinci, près de Meaux.
00:49 Il n'aimait pas raconter comment il avait vu une chose dériver, une chose rattrapée à la gaffe et qui s'était révélée être une valise.
00:57 Une drôle de valise d'ailleurs, lestée de deux parpaings, une valise qui déjà sentait mauvais lorsque les gendarmes l'ont ouverte.
01:05 Arrivée à la hauteur de l'arbre qui est penché, parce qu'il y a toujours cet arbre, ça fait des années qu'il y a là-bas.
01:10 J'ai vu une valise sur l'eau, je remontais une valise.
01:13 Les gendarmes sont partis chercher les gendarmes, les deux autres pêcheurs.
01:16 Il a remis un coté de terre, il a ouvert et là on a vu, c'était des grandes décompositions, blancs, on a vu, c'est là qu'on a vu la paire de fesses.
01:25 On voyait carrément que c'était une paire de fesses, ce n'était pas un cochon.
01:28 Et donc tout le reste sont des trous humains, puisqu'il n'y a plus de tête, plus de bras, plus de jambes, il ne restait plus que tout le trou dans l'ensemble.
01:33 Qui donc était cet homme découpé ?
01:36 On a cherché un petit peu dans les environs, puis on a enterré le tronc dans le cimetière, près de l'auberge à Poinci, en Seine-et-Marne.
01:43 Puis on l'a déterré quelques mois plus tard, puisqu'on avait appris par les gendarmes qu'à Nancy, on cherchait un tronc d'homme.
01:50 Je vous le dis tout de suite, personne ne peut encore jurer de savoir qui était le supplicié de la rivière.
01:57 Personne, sauf une femme qui connaît la vérité, c'est elle.
02:01 Quelque part en France, cette vieille dame, à l'allure respectable, vit en paix maintenant.
02:07 On l'a jugée pour avoir assassiné son amant et empoisonné son mari.
02:12 Elle a donné 14 ans de sa vie, puis on lui a dit de partir.
02:15 Aujourd'hui, quand on lui demande, elle répond en souriant "mais non, mais non, tout ça c'est des histoires, je n'ai rien fait du tout".
02:23 Une histoire justement, c'en est une, celle d'une femme dont le nom va passer à la postérité,
02:28 comme celui d'une criminelle dont on ne connaîtra jamais les mystères.
02:33 Vous regardez ce cliché, c'est l'édition de l'Est Républicain du 7 juillet 1985.
02:39 Quelqu'un a-t-il vu cet homme ? Demande ses filles.
02:42 Pourquoi ?
02:43 Bon, tout simplement parce que Bernard Etier, c'est son nom, leur père, a disparu, et disparu depuis trois semaines.
02:49 Précisément depuis le 22 juin 1985, ça c'est su.
02:54 La dernière fois qu'on l'a vu, il était 13h15 ce jour-là,
02:58 et Bernard Etier était en compagnie d'une dame, Madame Simone Weber.
03:03 Et pourquoi étaient-ils ensemble ces deux-là ce jour-là ?
03:06 Si je voulais faire un effet, je dirais l'amour.
03:09 En réalité, on devrait plutôt dire la haine, parfois c'est la même chose.
03:14 Mais là, il y a un problème.
03:16 Simone aime Bernard, qui traîne la patte.
03:19 D'ailleurs, Monique Raux qui a suivi toute l'affaire en juge ainsi.
03:22 Je pense qu'elle a été sincèrement amoureuse de Bernard Etier,
03:25 qui était présenté, ce qu'on en sait, comme un garçon gentil, un type sympathique,
03:32 plutôt bel homme, c'était inespéré pour elle.
03:36 Bernard Etier, à l'époque, il a 55 ans, grand, mince, vous le voyez,
03:41 deux divorces, quatre enfants, bon employé, bon camarade,
03:45 très apprécié des dames aussi.
03:47 On sait qu'Etier est un bricoleur serviable, qu'il ne refuse jamais un petit coup de main.
03:52 Il habite Maxéville, près de Nancy, disons donc qu'il a bonne réputation.
03:57 Etier va donc de maîtresse en maîtresse, dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres.
04:03 Il ne se fâche avec aucune et reste à disposition au bricolage et câlin pour celles qui l'appellent.
04:09 Lorsque Simone Weber le rencontre, à l'automne 81, c'est le choc.
04:14 À 51 ans, Simone Weber tombe là amoureuse, profondément, passionnément.
04:20 Elle écrira...
04:21 "Je n'aurais jamais pensé qu'à cet âge, l'on puisse tant aimer et tant souffrir."
04:26 C'est vrai qu'aujourd'hui, Simone jure qu'elle n'a jamais aimé Etier.
04:30 Elle m'a même dit que rien n'avait dépassé le stade du baiser sur la bouche.
04:35 Etier, lui, ça n'est pas vraiment un poète.
04:38 Bernard Etier n'aimait pas Simone Weber.
04:40 Il n'avait pas de sentiment d'amour, voire d'affection, voire d'amitié.
04:46 Il aidait une femme qui était en difficulté, qu'il poursuivait avec des tas de prétextes pour qu'il lui vienne en aide.
04:52 Et dans son imaginaire à elle, cette aide, eh bien, pouvait être le début d'une histoire d'amour.
04:57 Mais lui, jamais. On n'a jamais retrouvé des cris enflammés de la part de Bernard Etier à l'égard de Simone Weber.
05:06 Il n'y a jamais eu de témoin d'un geste de tendresse ni quoi que ce soit.
05:09 Pour Simone, c'est un sentiment intense.
05:15 Elle le renie aujourd'hui, elle a ses raisons.
05:18 Mais à l'époque, elle magnifie cet amour pour l'homme dont elle est persuadée, qui lui est destinée.
05:24 En réalité, leur histoire, leur liaison ne va pas durer longtemps, à peine une année.
05:29 Car Etier, c'est plus un VRP de la tendresse qu'un héros romantique.
05:34 Il y a trop de femmes autour de lui qui ne demandent qu'à lui ouvrir leurs portes et souvent leurs lits.
05:40 Etier ne résiste pas longtemps. Simone s'en aperçoit.
05:45 C'est une possessive, une exclusive, une jalouse.
05:52 Simone Weber, c'est une personnalité inquiétante, intrigante.
05:58 C'est une personnalité très forte, dont la vie est jalonnée de drames.
06:04 Et puis, de toute une atmosphère assez trouble.
06:11 C'est une femme qui est plutôt truqueuse, plutôt menteuse, qui aime s'inventer des personnalités.
06:21 Simone Weber est née le 28 octobre 1930 à Anseville, dans la Meuse, là-bas.
06:26 Famille modeste, cinq enfants, puis le divorce, Simone et Madeleine vont vivre avec leur père.
06:33 D'ailleurs, jamais rien ne séparera les deux sœurs, même l'amour, si l'on peut dire.
06:37 Les deux sœurs épousent les frères Tuo, chacune le sien.
06:41 Pas besoin d'aller loin, ce sont les frères de la maîtresse de leur père.
06:46 Au moment du mariage, Simone a 25 ans et déjà deux enfants d'un premier amour.
06:51 Elle en aura cinq en tout.
06:53 Le couple s'installe à Nancy, mais Jacques Tuo, drutier de son état, est aussi infidèle,
06:58 ce qui n'est pas incompatible, mais insupportable pour Simone, qui le chasse.
07:03 Divorce, Simone a la garde des cinq enfants.
07:06 La garde, et surtout la charge, car Jacques Tuo n'a jamais versé la moindre pension alimentaire.
07:12 Tout le monde est d'accord, Simone Weber est une bonne mère.
07:16 Ses enfants n'ont jamais eu faim.
07:18 Pour les protéger, Simone se débrouille, mais on a l'impression que le destin a l'œil sur elle, le mauvais œil.
07:26 La preuve, le 2 décembre 68, Catherine, sa fille de 14 ans, meurt au collège d'une intoxication au téralène.
07:36 Absorption massive, on ne saura jamais pourquoi.
07:40 François est arrivé en larmes, les larmes dégoulinaient, il m'a attrapée,
07:45 "Maman, viens vite, Catherine est en train de mourir à l'infirmerie."
07:49 Et donc, quand je suis arrivée, on me faisait la réanimation artificielle,
07:55 et quand on m'a dit qu'on ne pouvait plus rien faire, je l'ai supplié,
08:03 mais non, je lui ai dit, "Mais mon Dieu, vous n'avez pas le droit, c'est pas possible, vous n'avez pas le droit,
08:08 ne prenez pas Catherine, c'est encore maintenant épouvantable."
08:14 A l'évidence, Simone ne s'est jamais remise de la mort de Catherine,
08:18 ni d'ailleurs du suicide, 10 ans plus tard, de Philippe, l'un de ses fils.
08:22 Simone passe bientôt la ligne blanche discrètement, elle escroque, elle vole, elle ment.
08:28 Bien sûr, quand il faut charmer, elle sait faire, mais derrière la femme d'Idanami, il y a toujours la Weber.
08:36 "C'était toujours, ah, j'ai oublié mes papiers, ah, puis j'ai oublié mon rapport, mais je vous l'apporterai demain.
08:42 Ou alors, vous avez recruté combien de personnes ? Oh, mais je crois que j'en ai recruté une.
08:48 Mais vous avez rapporté les contrats ? Ah ben non, je les ai oubliés chez moi.
08:52 Voilà, c'était un peu elle. C'était, au lieu de me dire, non, j'ai rien fait la semaine dernière.
08:57 C'était tellement simple."
09:00 La vie de Simone ne s'étire pas sur un seul fil, c'est plutôt une pelote, vous allez voir.
09:05 On rembobine un peu de temps, 5 ans seulement, on est donc en 1977.
09:09 Simone a 50 ans et elle n'a pas encore rencontré Bernard Etier.
09:14 Elle est criblée de dettes, toutes ses tentatives professionnelles ont échoué.
09:20 Une petite annonce va la sauver, Marcel Fixard, le voici, 80 ans, ancien militaire, petit propriétaire,
09:28 bonne retraite, bonne santé malgré tout, cherche compagne, un marié ou non.
09:33 Simone saute sur l'occasion et sur le bonhomme, elle se précipite à Rosières, en France,
09:38 se vieillit de 10 ans, teint ses cheveux en poivre et sel, se dit professeur de philosophie en retraite
09:45 et en deux temps trois mouvements séduit Marcel Fixard qui n'en peut mais.
09:49 "Mon oncle n'était pas malin, il s'est laissé, mon mari lui disait toujours,
09:55 tu te laisses pigeonner par cette femme, mais il l'aimait, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise moi."
10:00 Apparemment, Fixard demande à Simone de venir habiter avec lui.
10:04 Elle dit d'accord mais chambra pas, là-dessus les copains de Marcel font clin d'œil.
10:09 Enfin, de dame de compagnie, Simone devient vite la maîtresse, très vite la maîtresse de maison,
10:15 mais elle veut plus et rapidement.
10:17 22 avril 80, Simone Weber se rend à Strasbourg, se marie et devient ainsi Simone Fixard, enfin presque.
10:26 Marcel n'en savait rien, ce jour-là il n'avait pas bougé de rosière,
10:30 en fait Simone avait payé un vieux de l'hospice pour jouer le mari.
10:36 Elle avait falsifié les pièces d'état civil et personne ne s'en est aperçu.
10:41 Plus tard, le juge Thiel, en fouillant dans les affaires de Simone pour retrouver Etier,
10:46 va découvrir d'abord que Simone s'est emparée discrètement de la maison de Marcel Fixard,
10:51 le notaire n'a rien vu, pas curieux d'ailleurs.
10:54 Ensuite, un faux testament pour le reste de la fortune.
10:58 Marcel Fixard va d'ailleurs succomber d'une crise cardiaque 4 jours après la signature de ce testament.
11:04 La famille Fixard fait la tête.
11:07 On s'était aperçu qu'elle le faisait boire.
11:10 C'était dans les moments quand elle l'avait bu, je ne sais plus comment elle l'appelait,
11:15 mon doudou, je ne sais plus comment, elle lui faisait signer.
11:18 Ce n'est pas difficile, le dernier testament, elle l'a fait la veille qui meurt.
11:23 Alors vous voyez qu'elle était maligne.
11:25 La vie s'écoule paisiblement dans la maison de Rosière, aujourd'hui abandonnée.
11:29 Simone Weber règle ses dettes, Etier est encore loin.
11:33 Et Madame Veuve Fixard peut faire tranquillement le point.
11:38 1982, le temps de la paix tranquille à Rosière se termine.
11:43 Simone Weber, Veuve Fixard rencontre donc Bernard Etier.
11:48 Peut-être avait-elle en tête un mariage, un vrai celui-là.
11:51 Etier, on l'a vu, fait faux bon au projet.
11:55 Etier, lui, découvre peu à peu la vraie personnalité de Simone Weber.
12:01 Lui qui avait l'habitude des relations tranquilles, le câlin, rires et tendresse,
12:05 se retrouve face à une amende exclusive, tenace.
12:09 Alors il tente de s'échapper, elle le rattrape, l'emprisonne.
12:13 Fin 1982, il parvient à rompre, enfin il croit, et il dit à Simone,
12:17 "Bon, allez, allez, restons bons amis."
12:20 Mais au fait, qu'était-il exactement à l'époque ? Des amants ?
12:24 Ça, je supporte pas le terme "amant" parce que, bon, j'ai demandé à papa,
12:28 j'étais assez proche de lui, j'étais la plus proche de lui,
12:30 de toute façon on se voyait très régulièrement,
12:32 et le peu de fois où je l'ai aperçue chez papa, je lui ai posé la question.
12:36 Et il m'a dit "non, non, c'est une bonne amie, bon, elle est embêtée,
12:39 elle est seule dans la vie, je lui rends quelques petits services,
12:41 mais non, c'est pas du tout ma maîtresse."
12:44 Mais, Étier disait-il tout à sa fille ?
12:47 Car pendant ce temps, Simone écrit ceci.
12:50 "Mon cœur devra-t-il toujours être en morceaux ? J'ai si mal.
12:55 J'ai aimé à nouveau pour être encore volée et dupée dans mon amour.
13:00 Mon âme est prête à vivre le pire."
13:02 Et elle va le vivre le pire, à l'évidence, et Bernard Etier aussi.
13:06 82-85, presque trois ans d'enfer.
13:09 Simone Weber ne peut admettre que cet homme lui échappe.
13:12 Son amour-passion va se transformer en quelques mois en haine-passion.
13:17 La vraie, la pure, celle qui aveugle.
13:19 Simone va être aveuglée, en effet,
13:22 au point de ne pas passer une seule journée sans harceler Etier.
13:26 Le filer, le surveiller, le guetter, l'agresser.
13:29 C'est un crime de dépit, c'est quelqu'un qui n'a pas pu avoir l'homme qu'elle voulait.
13:34 C'est un crime de jalousie, d'envie, mais pas un crime passionnel, c'est un crime calculé.
13:40 Si, à ce moment-là, sans cette obsession, Simone avait renoncé à Bernard Etier,
13:46 elle serait peut-être encore aujourd'hui une retraitée respectable,
13:50 veuve inconsolable de son militaire de mari.
13:54 Rupture donc avec Etier en 82 et le harcèlement commence.
13:58 Simone Weber refuse de croire que Bernard Etier lui a préféré une autre,
14:02 disons d'autre, qu'elle traite allègrement de résidus, de déchets, même de putains.
14:08 Pour elle, l'éloignement de son amant n'est qu'une floucade.
14:12 Il va revenir, il doit revenir, elle ne le lâche pas.
14:15 Bref, elle lui pourrit la vie et elle lui écrit toujours.
14:18 Aujourd'hui, c'est vrai, elle dit que ses lettres n'étaient pas pour Etier.
14:22 Mais alors, pour qui ?
14:24 Les lettres qu'on retrouve ne portent pas le nom de Bernard Etier la plupart du temps.
14:29 Elles portent pas de nom. C'est des lettres qui peuvent être adressées à l'un ou à l'autre.
14:33 S'il y a eu quelqu'un d'autre, on ne l'a jamais vu nulle part.
14:37 Quoi qu'il en soit, Etier lui échappe, elle ne peut l'accepter.
14:41 Le 22 juin 1985, à 5h30 du matin, Bernard Etier sort de son travail de nuit.
14:48 Il aperçoit Simone dans sa voiture qui le guette.
14:51 Du coup, Etier va se réfugier chez une amie.
14:55 Elle a un fusil dans la voiture, dit-il, terrorisé.
14:58 Il attend quelques heures puis il finit par sortir.
15:01 Vers midi, Etier rentre chez lui, à Maxéville,
15:05 mais Simone est déjà là, furieuse.
15:07 Et on sait pourquoi maintenant.
15:09 Jusque-là, elle avait gardé les clés du domicile de Bernard Etier.
15:12 Elle y venait souvent.
15:14 Mais trois jours auparavant, Etier avait encore surpris Simone chez lui.
15:18 Et cette fois, il l'avait chassée.
15:20 Puis vite, il avait changé les serrures.
15:23 Et ça, pour Simone, c'était la preuve ultime que, pour son amant, elle n'existait plus.
15:29 C'était d'ailleurs peut-être la limite à ne pas dépasser.
15:33 13h15, Mireille Posy, une voisine, voit Etier s'en aller dans sa voiture,
15:38 suivie de Simone dans la sienne.
15:40 22 juin 1985, 13h15, Bernard Etier disparaît.
15:46 Personne ne le verra jamais plus.
15:49 Plus aucune trace, pas un seul coup de fil,
15:52 pas un retrait d'argent, pas un mot.
15:55 Silence complet.
15:57 Trois semaines après, les enfants d'Etier s'inquiètent.
16:00 Surtout Patricia, qui n'a jamais aimé Simone Weber.
16:03 Comme on dit, elle ne la sentait pas.
16:06 Très mauvaise impression, dans le regard, déjà.
16:09 Les yeux translucides, un peu comme ça.
16:12 Elle m'a fait peur.
16:14 Sincèrement, elle m'a fait peur et je me sentais attirée par son regard,
16:16 mais elle me faisait peur.
16:18 Elle avait quelque chose dans les yeux de diabolique, déjà.
16:20 Au début, les policiers n'y croient pas à la disparition.
16:28 Mais après la publication de la photo dans l'Est Républicain,
16:31 la machine justice se met en route et ne s'arrêtera plus.
16:36 Surtout le juge Gilbert Thiel,
16:38 une sorte de colosse barbu, têtu, aussi tenace que Simone.
16:42 Il a senti le sang sur ses mains, dirons-nous,
16:45 et il ne la lâchera plus.
16:47 Ils ont dit que je m'acharnais.
16:49 Oui, je m'acharnais à découvrir la vérité.
16:51 Je ne me suis jamais acharné sur Simone Weber.
16:53 C'est un peu comme si vous allez chez le médecin,
16:56 et vous espérez qu'il va s'acharner pour découvrir la maladie que vous avez,
16:59 et pas vous expédier en l'espace de cinq minutes.
17:02 Thèse de Simone Weber au juge.
17:04 La dernière fois que j'ai vu Etier,
17:06 il était 11h30, après notre discussion, le 22 juin, à Maxéville.
17:11 Il devait venir dans la soirée, et il n'est pas venu.
17:15 Mais la voiture d'Etier, qui est restée là devant chez elle,
17:19 eh bien l'enquête va démontrer ensuite
17:22 que Simone va dans Nancy la déplacer durant trois semaines,
17:26 changer les plaques, et finalement,
17:29 aller la cacher dans un box chez sa sœur à Cannes.
17:33 Donc Simone a les clés et la carte grise.
17:37 Elle dit oui, bien entendu, c'est curieux,
17:40 mais tant qu'il ne revenait pas,
17:43 je voulais lui éviter d'avoir des contraventions.
17:46 Pendant des années, rappelez-vous,
17:49 Simone Weber va ensuite occuper les unes des journaux et des JT
17:52 dans un ballet d'avocats, et pas des moindres.
17:55 Vergès, Garraud, Baird, Robinet et plein d'autres,
17:58 elle convoque, elle rejette, tout le monde l'appelle Simone encore aujourd'hui.
18:02 Ça aussi, elle ne l'avouera jamais, mais je me souviens, je l'ai vu,
18:06 malgré la prison, malgré le juge, Simone a adoré tout ça.
18:11 Durant tous ces jours, elle était Simone Weber, elle existait.
18:16 Elle prenait enfin sa revanche sur tant d'années d'échecs et d'anonymat.
18:21 Pendant les semaines qui suivent la disparition d'Ethier,
18:25 on s'aperçoit que Simone Weber envoie un faux certificat médical à l'employeur d'Ethier,
18:31 fait téléphoner pour dire qu'il est malade,
18:34 elle cache la voiture, fait brûler le passeport, les papiers,
18:38 mais garde la carte bleue.
18:42 Finalement, le juge tue, arrête Simone et la place en détention le 10 novembre 1985.
18:49 Ensuite, 5 années d'instructions et de recherches partout,
18:54 dans les cimetières, le canal, les maisons, partout,
18:58 et rien, rien, sauf la meuleuse.
19:02 La fameuse meuleuse, qu'on a d'ailleurs longtemps appelée tronçonneuse.
19:10 On la retrouvait dans le coffre de la voiture d'Ethier,
19:13 que Simone, je vous l'ai dit, avait cachée à Cannes avec Madeleine.
19:17 On l'examine, rien.
19:19 Un policier a dit d'ailleurs, à cette époque, je m'en souviens,
19:23 "La meuleuse, elle est comme Simone, elle fait du bruit, mais elle ne parle pas."
19:27 En fait, entre elle et le juge, c'est un drôle de duel, une sorte de ronde à deux.
19:33 Simone va, pendant toute l'instruction, biaiser.
19:39 Par un moment, elle pratiquera la politique de la chaise vide,
19:42 c'est-à-dire qu'elle refusera de déférer aux convocations du juge.
19:45 Et puis, il y a aussi la personnalité du juge qui s'accroche à cette affaire,
19:49 qui veut sortir l'affaire.
19:51 Et Simone Weber, par moment, déteste son juge.
19:53 Elle l'appelle Hitler.
19:55 "J'ai rendez-vous avec Hitler cet après-midi, je n'irai pas aux convocations d'Hitler."
19:59 Et par moment, elle a une forme de tendresse un petit peu amusée pour lui.
20:03 Elle l'appelle "mon poussin".
20:04 "J'ai rendez-vous avec le poussin cet après-midi."
20:06 - Au procès, plus tard, les jurés vont découvrir la persévérance du juge
20:11 qui a fouillé partout et qui, en cherchant étier, a découvert Marcel Fixard,
20:16 le faux mari des fins et tous les faux de Rosière,
20:19 le faux mariage, la fausse vente, le faux testament
20:22 et surtout le décès, disons, précipité du retraité.
20:26 Du coup, le juge a fait exhumer le corps de Marcel Fixard.
20:30 À ce moment-là, Simone avait beau protester, ça n'arrangeait pas ses affaires.
20:36 Avant, elle avait un meurtre sur les épaules.
20:39 Maintenant, elle en avait peut-être deux.
20:42 Mais, heureusement pour elle, les experts ont avoué,
20:46 il n'y a aucune trace de poison dans le corps
20:49 et de toute façon, 6 ans après, c'est trop tard.
20:52 (sirène)
20:57 - À Nancy, le procès, malgré la guerre du Golfe qui commence, devient un spectacle.
21:02 La foule attend des heures de pouvoir entrer dans le palais de justice.
21:06 On se presse, on se bouscule, on veut être au premier rang pour la voir,
21:11 elle, la femme à la meuleuse.
21:13 Les familles de Fixard et d'Étier ne vont pas quitter ces premiers rangs,
21:16 les yeux fixés sur Simone Weber qui, pendant des semaines,
21:20 les affrontera du regard.
21:22 Devant la cour d'assises, Simone Weber fait une entrée de vedette.
21:26 Mais, le président n'y va pas par quatre chemins.
21:30 "Étier, dit-il, est venu chez vous, vous l'avez abattu,
21:34 et les jours suivants, vous avez découpé son corps avec la meuleuse,
21:38 puis vous vous êtes débarrassé des membres, de la tête et du tronc."
21:42 "Mais quelle horreur !" s'écrit Simone Weber en prenant la salle à témoins.
21:47 C'est vrai qu'il y avait un monde entre cette dame au chemisier blanc,
21:51 cette sexagénaire au maintien modeste,
21:55 et les images atroces que le magistrat sortait plus ou moins délicatement du dossier.
22:00 Un monde, vraiment.
22:02 À partir de là, tout de même, une panoplie de questions
22:05 qui vont être autant d'incertitudes.
22:08 Et c'est sans doute cela qui a fait hésiter les jurés dans leur délibéré.
22:14 Par exemple, les Hague, les voisins du rez-de-chaussée,
22:18 ils déclarent qu'ils ont tout vu, tout entendu,
22:21 mais ils ne savent pas si Étier est vraiment venu chez Simone le 22 juin.
22:26 Ils racontent le bruit sourd, la nuit, on dit que c'est la meuleuse,
22:30 mais la voisine du dessus déclare, elle, qu'elle n'a rien entendu.
22:33 Ils disent que Simone a fait sept voyages en emportant des sacs poubelles dans sa voiture,
22:39 puis qu'elle a fait ensuite un grand lessivage de l'appartement,
22:43 et pas de trace dans cet appartement, pas de sac, pas de sang dans la voiture.
22:48 Alors Simone assassine les Hague, ils sont gâteux, regardez,
22:52 ils racontent n'importe quoi, ils me haïssent.
22:55 Elle aussi d'ailleurs, ça s'est vu au procès,
22:57 les regards qu'elle leur lançait, c'était des vrais poignards.
23:01 On a beaucoup de mal à considérer que ce témoignage est complètement fiable.
23:05 Et puis alors vous avez un balai de petits sacs,
23:09 parce que je me souviens dans l'arrêt de renvoi,
23:12 Simone Weber serait partie avec des sacs,
23:15 mais elle serait aussi revenue avec des petits sacs.
23:18 Il y a un balai des sacs, donc ça donne quelque chose d'assez peu clair et d'assez peu convaincant.
23:23 N'empêche, les jurés avaient tout de même un autre problème à régler,
23:28 se convaincre de l'histoire du tronc.
23:30 Ce tronc, ces sacs, le tronçonnage du corps, avenue de Strasbourg,
23:36 je crois qu'il faut le dire clairement, l'accusation avait besoin de nourrir le dossier.
23:43 On ne peut pas renvoyer quelqu'un devant une cour d'assises en disant
23:46 "Nous avons la conviction absolue que vous avez tué M. Attal,
23:50 nous ne savons pas comment, nous ne savons pas trop quand,
23:54 nous ne savons pas où est passé le cadavre,
23:56 l'accusation doit raconter une histoire."
23:59 Et c'est cette histoire qu'on nous a racontée.
24:01 La valise, oui, Etier en avait une semblable,
24:05 mais bon, semblable.
24:07 En fait, à bien lire les rapports des légistes,
24:11 on déduit de leur paragraphe savant, c'est possible que ce soit Etier,
24:16 mais d'abord, ça n'est pas le premier cadavre qu'on a porté au juge.
24:21 Ce qu'il faut quand même dire, c'est que des cadavres,
24:24 pas forcément des troncs, mais des cadavres,
24:26 on en a trouvé un certain nombre.
24:28 Et un certain nombre de fois, on s'est affolés, on trouvait un corps,
24:31 et on disait "Ah voilà, ça y est, c'est peut-être bien Bernard Etier."
24:34 Chaque cadavre non identifié dans le Carneau-Est de la France,
24:37 c'était Bernard Etier.
24:39 "Quant à l'inconnu de Poincy, on additionne les peut-être pour en faire des presque.
24:44 Le corps, le tronc, est dans l'eau depuis le 15 août, depuis un mois.
24:49 Mais le corps d'Etier, lui, a disparu depuis plus de deux mois.
24:54 Même pour la science, l'écart est grand.
24:57 Où était-il avant ?
25:00 On lit aussi, l'homme-tronc n'est pas de race blanche,
25:04 on lui a enlevé la peau et les muscles, donc il a été dépecé.
25:08 Il faut savoir le faire, surtout avec une meuleuse.
25:11 Alors Simone en profite pour tout rejeter.
25:15 D'autant que l'homme-tronc avait, dit le rapport,
25:19 une longue cicatrice sur la fosse iliaque droite,
25:23 et n'avait plus son appendice.
25:26 En d'autres termes, il avait été opéré de l'appendicite.
25:30 Alors à l'audience, on questionne discrètement les maîtresses d'Etier.
25:35 Réponse, embarrassée, non, pas de cicatrice.
25:39 Alors, qui est l'homme du moulin de Poincy ?
25:42 En vérité, personne n'en est sûr.
25:45 Patricia, elle, est persuadée, c'est son père,
25:48 et le pardon n'est pas au programme, la vengeance, oui, si elle pouvait, écoutez-la.
25:53 - J'ai longtemps parlé de vengeance, je vais pas dire devant la caméra que j'ai envie de me venger,
25:58 mais la haine est toujours là, et si un jour je croise son chemin,
26:02 je sais que je pourrais être méchante, oui, ça c'est clair.
26:05 Je lui pardonnerai jamais et je n'oublierai pas.
26:07 - Verdict, Simone ne l'attend pas et ne l'entend pas non plus.
26:14 Elle a eu un malaise, vrai ou faux, on l'emmène à l'hôpital.
26:18 Pendant ce temps, les jurés votent.
26:20 Pour Fixard, vraiment, on n'en est pas sûr, alors on acquitte.
26:25 Pour Ethier, on y croit.
26:27 20 ans de réclusion criminelle, Simone en fera 14, puis on la laissera sortir.
26:34 Reste une question.
26:36 Où peut bien être Bernard Ethier ?
26:40 Elle seule, Simone, le sait, mais elle ne le dira jamais.
26:48 Avec ce secret qui lui a coûté 14 ans de sa vie,
26:53 son amant bolage, eh bien, il est à elle toute seule, maintenant.