• il y a 11 mois
Quelles conséquences le manque de moyens a-t-il sur les patients et quel est l'état de santé réel de nos 900 établissements publics ? Pendant 6 mois, la réalisatrice s'est plongée dans le quotidien des soignants. Un document rare porté par les témoignages de médecins, de chefs de service, de chirurgiens, d’infirmières et d’aides-soignants qui ont accepté de parler.
Un film d’Élizabeth Drévillon

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Personnes
Transcription
00:00 ...
00:05 -En ce mois d'avril 2019,
00:08 Corinne, une soignante,
00:10 nous a donné rendez-vous sur le parking du CHU de Nice.
00:13 Elle souhaite nous montrer
00:15 les conditions d'hospitalisation déplorables
00:18 qui règnent dans son service.
00:20 Nous tournons clandestinement.
00:22 Nous nous enfonçons avec elle dans les profondeurs de l'hôpital,
00:27 plus précisément vers le service de réanimation,
00:30 où elle travaille.
00:31 ...
00:37 Ce service accueille des patients très fragiles,
00:40 des malades qui viennent d'être transplantés,
00:43 opérés d'un cancer,
00:44 ou encore des jeunes femmes après un accouchement difficile.
00:48 Il est situé dans le sous-sol de l'établissement
00:51 et côtoie un local à poubelles.
00:53 -Le linge sale.
00:55 Tout ce qui est déchets
00:57 et linge sale du bloc opératoire.
01:00 Des fois, t'as des marres de sang par terre
01:03 parce que les sacs craquent.
01:05 -Les poubelles sont situées
01:08 juste à 5 m de la porte
01:11 où il y a des patients.
01:13 -Ils sont situés dans notre service.
01:17 Notre service, c'est là.
01:18 ...
01:22 Donc ça, c'est un relais de patients,
01:24 de réanimation.
01:26 Derrière cette porte, il y a dit
01:29 "des patients intubés ventilés".
01:32 On est obligés de masquer avec un drap
01:35 pour pas que la poussière rentre.
01:37 -Cette porte et ce calfeutrage de fortune
01:42 ne devraient pas exister.
01:43 En réanimation, l'hygiène doit être irréprochable.
01:47 -Il y a combien de patients derrière cette porte ?
01:53 -Pour l'instant, deux.
01:54 Mais plus tard, il y en aura quatre.
01:57 -Mille patients sont admis ici chaque année,
02:01 certains entre la vie et la mort.
02:03 En nous montrant cette situation sordide,
02:06 Corinne a pris des risques.
02:08 Des bruits derrière la porte donnent le signal de départ.
02:13 ...
02:17 Depuis des années, l'hôpital public va de mal en pis
02:20 et les patients commencent à en payer le prix.
02:23 -Un jour, les politiques
02:26 ont voulu faire du fric.
02:28 Sur la santé des gens,
02:30 certains sont nos patients.
02:32 On veut plus de matériel
02:35 adapté à ce bordel.
02:37 Des draps, des couvertures, des bouteilles d'oxygène
02:40 et des médicaments.
02:42 -Ces infirmières et aides-soignantes
02:44 ont dénoncé la mise en danger de leurs patients.
02:46 Elles ont créé le buzz.
02:48 -Ils coupent tous nos moyens,
02:50 ils disent "ça ira bien".
02:51 Attention, il y a urgence, c'est fou, ça se passe en France.
02:55 -En sept mois, le clip des infirmières
02:57 de l'hôpital de Valence a été vu plus de 15 millions de fois.
03:01 ...
03:03 Comme le dit cette chanson, à l'hôpital,
03:05 les patients seraient de plus en plus maltraités.
03:08 Dans les 900 établissements publics,
03:10 leur prise en charge ne cesse de se dégrader.
03:13 En 20 ans, la France a dégringolé
03:16 en les classant sur l'accès et la qualité des soins.
03:20 Elle est passée des premières places à la 20e,
03:23 selon le dernier rapport de cette revue scientifique de référence.
03:27 Une réalité que l'on demande aux soignants de terre.
03:32 Aujourd'hui, à bout de souffle,
03:35 certains ont décidé de dénoncer l'impensable.
03:38 -Moi, je dis simplement
03:42 que quand on ne donne pas les moyens aux médecins
03:45 de soigner les patients comme il faut,
03:47 c'est de la non-assistance à personne en danger.
03:50 -Ces dix dernières années, le ministère de la Santé
03:53 a supprimé dans le budget de l'hôpital public
03:56 près de 7 milliards d'euros.
03:58 -Tous les jours, mes patients sont mis en danger
04:03 parce qu'on n'est pas dans une politique
04:06 de qualité mais de rendement,
04:08 et puis on n'est pas dans une politique
04:10 où on veut du personnel pour permettre
04:13 de prendre en charge correctement les patients.
04:15 -Tout s'est accéléré en 2004, lorsque Roselyne Bachelot,
04:20 alors ministre de la Santé, a imposé aux hôpitaux
04:24 un nouveau mode de financement, la tarification à l'activité.
04:28 Du coup, les hôpitaux sont tenus de fonctionner
04:31 comme des entreprises, et le patient est devenu
04:33 un client qui doit rapporter.
04:36 -Je pense que la majorité des gens qui se sont exprimés
04:39 ces derniers mois, ces dernières années,
04:41 sur les difficultés, ne l'ont pas fait pour eux, en fait.
04:44 Elles l'ont fait parce qu'elles trouvaient ça insupportable
04:48 par rapport à la qualité et la sécurité des soins des patients.
04:51 -Pour mieux comprendre ce naufrage,
04:54 nous avons mené l'enquête partout en France.
04:57 Des médecins, des infirmières, des aides-soignants
05:01 se sont confiés à nous.
05:02 Tous nous ont parlé de maltraitance,
05:05 de mise en danger, de souffrance.
05:07 ...
05:12 A Nice, selon les soignants, l'hôpital Larcher
05:15 place les malades du service de réanimation
05:18 médico-chirurgicale dans des situations dangereuses
05:21 et non réglementaires depuis plus de 20 ans.
05:24 Dans leur sous-sol, les patients sont entassés
05:28 dans un lieu sans fenêtres, cerné par des respirateurs
05:31 et des appareils de dialyse.
05:33 Dans cette promiscuité anormale,
05:36 ils subissent les gémissements de leurs voisins
05:38 et les odeurs des poches de matière fécale.
05:41 ...
05:45 Nous retrouvons Corinne,
05:46 accompagnée de Marie, une autre soignante.
05:49 Toutes deux ont accepté de nous révéler
05:52 les nombreuses anomalies d'un service installé sous terre
05:55 depuis 24 ans.
05:56 ...
06:01 -On attend toujours qu'ils viennent nous réparer
06:04 le faux plafond du relais 5.
06:06 -Il est encore cassé. -Il y a l'inondation.
06:08 -Les filles, l'autre nuit... -Ca continue.
06:11 -Sur cette photo, on distingue bien, sur la gauche,
06:15 une bassine avec un brou qui sert à faire la toilette
06:19 d'un patient.
06:20 Et juste à côté, le chariot à pansement.
06:23 Le chariot à pansement doit être des soins propres.
06:26 Ca ne devrait pas être à côté, mais on ne peut pas le mettre ailleurs.
06:30 -Sur ces images tournées par les soignants,
06:33 on voit l'eau couler par l'éclairage du plafond.
06:35 Elle ruisselle sur les appareils d'intubation
06:39 et s'infiltre parfois même dans les perfusions.
06:42 ...
06:48 -Sur cette photo, suite à une infiltration d'eau
06:51 qui venait du plafond, les ouvriers sont rentrés dans le relais,
06:54 habillés en tenue d'ouvriers, avec leur échelle,
06:57 pour réparer au milieu de nos patients un tubé ventilé.
07:01 Il avait fallu pousser le patient qui était ici,
07:03 le mettre dans le couloir.
07:05 L'eau avait coulé sur le bas du lit du patient.
07:07 Musique douce
07:10 -Cette situation ne respecte pas les recommandations
07:13 de la Fédération française de réanimation,
07:15 qui préconise pour l'intérêt des malades de ces services...
07:19 ...
07:21 -Toutes les chambres doivent être individuelles.
07:24 Toutes les chambres doivent recevoir la lumière naturelle.
07:27 ...
07:29 -Il est souhaitable que les patients puissent disposer,
07:32 depuis leur lit, d'une vue sur l'extérieur.
07:34 ...
07:39 -Au mois de mars 2019,
07:41 Jeannine a séjourné quelques jours dans ce service.
07:44 Elle en garde une impression de cauchemar,
07:47 un souvenir de cave sans lumière naturelle.
07:51 -Et là, il y a de quoi vraiment désorienter.
07:56 On dit une fois "bonsoir" alors que je me croyais
07:59 à 8h30 du matin.
08:01 Il faut qu'on puisse sortir de ce trou à rats très vite.
08:06 Il faudrait pas qu'il existe, tout simplement.
08:09 Je serais pas choquée qu'ils en fassent une morgue,
08:12 de cet endroit-là, parce que là,
08:13 c'est plus un lieu de mort que de vie, ça, c'est sûr.
08:17 -Dans ce trou à rats, comme le dit Jeannine,
08:20 il y a aussi des patients qui meurent,
08:22 aux côtés des vivants.
08:24 Il se trouve que j'ai eu à côté de moi
08:27 une personne qui est décédée la nuit.
08:29 Cette nuit-là, elle est décédée,
08:32 la famille est venue pleurer à côté,
08:34 et ça a duré un moment.
08:36 La personne était à côté de moi.
08:38 Je me suis dit "mais c'est terrible,
08:40 "j'imaginais pas mes enfants, mon mari,
08:43 "venir autour de moi dans un endroit comme ça."
08:45 C'est terrible, dans tous les sens.
08:48 Et puis, surtout, je l'ai vue en tant que vache,
08:52 je sais quel moment elle est morte.
08:54 -Je me souviens d'une anecdote,
08:56 dans un relais à quatre lits,
08:58 il y avait une dame et trois messieurs.
09:00 Dans la semaine, les trois messieurs sont décédés.
09:03 Elle s'en est sortie, elle est remontée dans les étages,
09:06 mais elle était choquée, traumatisée,
09:09 parce qu'elle a vu ses trois voisins décédés dans la semaine.
09:12 -Ces conditions exécrables
09:14 aggraveraient la santé des malades.
09:17 En 2017, sur huit mois,
09:20 le personnel de ce service a transmis à la direction
09:24 plus de 63 fiches d'événements indésirables,
09:27 des anomalies consignées
09:29 dans des documents confidentiels internes
09:31 que nous nous sommes procurés.
09:33 Musique pesante
09:35 -Chambre à quatre lits ouvertes, sans fenêtres,
09:38 faisant cohabiter.
09:40 Un patient en attente de greffe,
09:42 une patiente en fin de vie,
09:43 une patiente jeune, enceinte, sous anesthésie quinalée,
09:47 dans une pièce sans aération adaptée,
09:50 avec du matériel inadapté.
09:52 -Pire encore, certaines fiches décrivent
09:55 des patients porteurs de bactéries hautement résistantes,
09:58 comme le redouté OXA48.
10:01 Des patients contagieux,
10:03 au milieu des autres malades, pièce commune oblige.
10:06 -Actuellement dans le service,
10:08 un OXA48, un clostridium,
10:11 une BLSE.
10:13 -Pour dénoncer les risques qu'ils encourent
10:16 au contact de l'OXA48,
10:18 un médecin réanimateur qui connaît bien ce service
10:21 a accepté de témoigner au téléphone.
10:25 -Le problème de ces microbes-là,
10:27 c'est que les antibiotiques qu'on leur donne
10:30 coûtent très cher, marchent mal,
10:32 et souvent, les patients décèdent.
10:34 Donc avoir un portage d'OXA48 en soi,
10:37 c'est pas dramatique si on est en bonne santé.
10:40 Par contre, si on est un peu fragile,
10:42 si on est vieux, si on a été opéré,
10:44 si on est à l'hôpital,
10:46 on a plus de chances d'avoir une infection liée à ce germe-là.
10:49 Et le voisin, s'il est plus fragile,
10:52 il va se trouver colonisé dans un premier temps
10:54 et infecté probablement après.
10:56 -C'est une mise en danger du patient.
10:58 -Oui, 100 %, oui, bien sûr.
11:00 Il y a des règles de gêne, des affaires.
11:02 Musique inquiétante
11:04 -Un autre médecin du service, le docteur Danin,
11:08 a même alerté la presse sur la gravité de la situation.
11:12 C'était en juin 2018.
11:14 ...
11:16 -J'ai un bel idéal pour l'hôpital public.
11:19 Je ne pouvais pas me taire.
11:21 On ne pouvait pas continuer à soigner des gens dans une cave.
11:24 -Le contrat de ce médecin expérimenté
11:27 n'a pas été renouvelé.
11:29 Depuis son départ, pour parer à la fronde médicale,
11:33 la direction a entrepris quelques travaux de décoration.
11:36 Un coup de peinture,
11:38 le comblement des fissures des murs,
11:41 des paravents en dur,
11:43 des faussielles,
11:45 un cache-misère qui n'empêche pas les risques de contamination
11:49 ni les fuites d'eau.
11:51 Au plafond, il manque toujours des dalles.
11:54 Désespéré, pas moins de sept infirmières
11:57 ont récemment démissionné,
11:59 dont Alexandra, qui témoigne au téléphone.
12:02 ...
12:06 -On ne va pas se mentir, c'est sûr que c'est joli.
12:09 Il y a des couleurs.
12:11 Mais ça ne change pas le fond du problème.
12:13 Il n'y a pas de lumière naturelle, on ne voit pas si c'est la nuit.
12:17 On peut pas aller à 4, à 3, à 2 dans une chambre.
12:20 Toutes les conditions sont réunies pour perdre la boule.
12:23 Et ce, en très peu de temps.
12:25 Même pas 24 heures,
12:27 il y a des gens qui ne savent plus du tout qui sont,
12:30 qui sont complètement transformés.
12:32 -Nous avons contacté le directeur de l'établissement,
12:35 en place depuis 3 ans.
12:38 Convaincu par son service de communication,
12:41 Charles Guepratt a accepté un court entretien.
12:44 Il semble contrarié.
12:47 -J'ai 30 minutes, en tout cas.
12:49 -Si on n'a pas terminé, vous me direz que vous avez terminé.
12:53 -C'est ça, exactement. Très bien.
12:55 -C'est pas satisfaisant d'avoir des infections nosocomiales.
12:58 C'est même pour ça qu'on fait des travaux
13:01 pour mettre aux normes cette réanimation,
13:03 qui doit être améliorée à tout le moins
13:06 et être mise dans des conditions
13:09 qui permettent le meilleur confort et la meilleure sécurité
13:12 pour les patients.
13:13 -Vous êtes conscient qu'aujourd'hui,
13:15 on parle de mise en danger du patient.
13:18 -On parle de situation inconfortable.
13:20 -Mais les gens vivent toujours dans la même situation.
13:23 Les soignants sont toujours dans la même situation
13:26 et les patients souffrent toujours de cette situation.
13:29 -Nous avons amélioré les choses tant que c'était possible
13:32 et elles seront définitivement réglées
13:34 quand le service de réanimation dans les étages supérieurs
13:37 de l'archive sera ouvert, dans 24 à 36 mois.
13:40 -D'ici 3 ans au maximum,
13:42 le service devrait donc déménager au 5e étage de l'hôpital.
13:46 Corinne et Marie sont loin d'en être convaincus.
13:50 En 24 ans, cet engagement plusieurs fois répété
13:53 n'a jamais été tenu.
13:55 -La direction nous dit à chaque fois dans 2-3 ans
13:58 et quand on change de directeur, c'est toujours pareil,
14:01 dans 2-3 ans, 4 ans.
14:02 Et nous sommes toujours sous terre
14:04 depuis l'ouverture de ce service, c'est-à-dire 24 ans.
14:07 -Les frais qu'ils ont engagés pour refaire les peintures,
14:10 les faux plafonds, le sol...
14:12 Je me dis que non, on partira pas.
14:14 Ils nous ont refait un service tout neuf,
14:16 ils sont fiers d'eux.
14:18 Et...
14:19 Je pense que c'est pour qu'on reste là encore longtemps
14:22 et qu'on se taise, qu'on ne se plaigne plus.
14:25 -Même dans les grands hôpitaux parisiens,
14:30 la situation devient délétère.
14:32 A la pitié, Salpêtrière, le vaisseau amiral
14:35 de l'assistance publique des hôpitaux de Paris,
14:38 les soignants de certains services tirent la sonnette d'alarme
14:41 et s'angoissent pour la sécurité de leurs patients.
14:44 ...
14:47 -Soins intensifs, bonjour.
14:49 -Oui.
14:50 -Tout est parti du service de soins intensifs
14:53 et d'hospitalisation neurovasculaire,
14:55 un service en charge des AVC.
14:58 -Descends.
14:59 -Un AVC, c'est une urgence vitale
15:01 qui doit être traitée dans les 3 premières heures.
15:06 -Excusez-moi.
15:07 -Il y a eu une étonnité bizarre.
15:09 -Bonjour, monsieur.
15:10 Je vais vous prendre le bras. Je suis Marie, l'infirmière.
15:13 D'accord ?
15:14 -Mourad a de la chance.
15:16 Une place vient de se libérer dans le service.
15:18 Il est admis aux urgences.
15:20 -Lâchez ma main. -J'y vais.
15:22 -Lâchez ma main.
15:23 Est-ce que vous savez en quel mois nous sommes ?
15:26 -Je sais pas.
15:27 -Oui. Très bien. Quel âge avez-vous ?
15:30 -J'ai 15 ans.
15:31 -D'accord.
15:32 -Il y a plus de 5 ans.
15:34 -D'accord.
15:35 -Son cas a été traité en moins de 3 heures,
15:37 mais trop souvent, de nombreuses victimes d'AVC
15:40 sont refoulées par ce service.
15:42 ...
15:45 -On va le... On le garde.
15:46 Voilà.
15:47 -A sa tête, Sophie Crozier,
15:49 cette neurologue réputée a accepté de nous parler.
15:52 Elle dénonce la situation devenue critique,
15:55 selon elle, dans son hôpital.
15:57 -Bonjour, monsieur.
15:58 -Dans son service, elle ne dispose que de 10 lits de soins intensifs.
16:03 -Vous aviez eu du mal à parler, un peu plus que d'habitude.
16:07 ...
16:11 Là, vous parlez comme d'habitude.
16:13 -Pour trouver une place à Mourad,
16:15 il n'a suffi que de deux appels du SAMU
16:17 aux urgences des soins intensifs.
16:20 -Bon, on verra tout à l'heure.
16:22 Il y a eu, j'allais dire, que deux,
16:24 mais parfois, ça peut être trois, quatre, cinq appels
16:28 avant de trouver une place.
16:29 C'est tellement problématique, effectivement,
16:32 que... -C'est une course
16:34 entre la montre, ce qui veut dire que plus on a,
16:36 plus on passe du temps à appeler une unité,
16:39 plus il y a de pertes de chance.
16:41 -Tout à fait. -C'est ça.
16:43 -C'est une perte de chance, oui, bien sûr.
16:47 Le traitement est d'autant plus efficace qu'on arrive vite.
16:50 Il y a eu des études qui montrent qu'il est deux fois plus important
16:54 quand c'est dans la première heure et demie
16:56 par rapport aux trois premières heures.
16:58 Ce qu'on a tendance à dire, c'est que plus on a de temps,
17:02 plus on arrive vite.
17:03 Quand on est alerté que le patient a fait le déficit,
17:06 il faut aller plus vite et que les patients arrivent vite.
17:09 C'est hyper important.
17:11 -A tout à l'heure. Je repasserai vous voir.
17:13 -A Paris et sa proche banlieue,
17:15 trouver une place disponible pour les victimes d'AVC
17:18 est devenu un enfer pour les pompiers.
17:21 Ils doivent multiplier les appels pour trouver une place
17:24 dans l'une des 14 unités neurovasculaires
17:27 de l'agglomération.
17:28 ...
17:32 En février 2018, le commandement des pompiers
17:35 a lancé un message d'alerte à la direction
17:37 de l'assistance publique des 39 hôpitaux de Paris.
17:40 Dans ce mail confidentiel,
17:42 ils dénoncent une situation inquiétante.
17:44 Dans 20 % des cas, les pompiers sont contraints
17:47 d'appeler plus de deux unités neurovasculaires.
17:50 -Cela a induit un temps bien plus allongé,
17:52 imparti à la recherche de places en unités neurovasculaires.
17:56 En sachant qu'il y a une perte de 1,9 million de neurones
17:59 détruite par minute lors d'un AVC,
18:02 le temps, c'est du cerveau.
18:04 -Cette alerte, Sophie Crozier la comprend parfaitement.
18:10 En 2018, elle a reçu plus de 900 patients dans son service
18:14 et en a refusé autant.
18:16 Des refus qui peuvent avoir de lourdes conséquences
18:19 pour les victimes d'AVC.
18:20 ...
18:22 -La perte de chance, c'est un risque de handicap plus important,
18:26 de mortalité, qui a augmenté.
18:28 30 % de plus, puisqu'on considère qu'indépendamment
18:30 des traitements, c'est 30 % de réduction de mort bi-mortalité,
18:34 donc de handicap et de mortalité,
18:36 quand on est dans une unité comme celle-là.
18:38 Nous, on est inquiets.
18:40 On demande à avoir plus de lits,
18:41 on essaie de s'organiser pour le faire.
18:44 Tout le monde est sensibilisé à la question.
18:47 Mais la politique générale, en termes de ressources humaines,
18:51 aujourd'hui, elle n'est pas du tout adaptée aux demandes.
18:54 Pas du tout.
18:55 -Aux soins intensifs,
18:56 les patients sont pour certains dans un état végétatif,
19:00 d'autres ne peuvent plus se mouvoir
19:02 et ont perdu l'usage de la parole.
19:04 ...
19:06 -Allez, c'est parti.
19:08 ...
19:09 Ca va ?
19:10 -Ouais.
19:12 -Leur état nécessite une surveillance de tous les instants,
19:15 mais ce jour-là, comme souvent, le personnel n'est pas au complet.
19:19 -On retourne sur le dos, hein, petit monsieur ?
19:21 -Une infirmière et une aide-soignante
19:24 pour 10 lits pendant quelques heures,
19:26 c'est pour elle synonyme de danger.
19:28 -La couverture.
19:29 -Oui ?
19:30 -Là, c'est le manque d'effectifs qui revient tout le temps sur la table.
19:34 En particulier, là, on a un problème d'agents en ce moment
19:37 pour tout ce qui est brancardage de patients,
19:40 pour des examens ou des transferts sur d'autres bâtiments.
19:43 On a des collègues qui sont obligés de quitter leur poste
19:46 pour aller brancarder.
19:47 En attendant, les patients sont seuls.
19:50 Ca, c'est le plus récurrent chez nous.
19:52 Après, on a des problèmes de personnel infirmier, aide-soignante.
19:56 -Oui, oui, oui.
19:57 D'accord. Et le patient là-dedans, il est mis en danger ?
20:00 -Bah... Ouais.
20:01 Parce que là, pendant l'heure 45, où j'étais seule,
20:04 s'il y a une aller-thrombolyse, donc une urgence,
20:07 je suis seule, je descends, mais qui reste, en fait,
20:10 pour les patients, personne.
20:12 -Les conséquences de ce manque d'effectifs,
20:14 de ce manque de place, Sophie Crozier en sait quelque chose.
20:18 Rien ne lui fera oublier ce jour-là.
20:20 Rien ne lui fera oublier ce jour maudit
20:23 où l'un de ses patients a été amputé.
20:25 -Merci, à vous. Merci pour ces conseils.
20:27 -Il est passé par chez nous.
20:29 Il avait été hospitalisé pour un accident vasculaire cérébral
20:33 qui n'était pas le problème principal.
20:35 Il a eu des problèmes vasculaires périphériques.
20:38 Il a eu besoin d'une prise en charge urgente en chirurgie.
20:41 Pendant plusieurs jours, on n'a pas eu de lit.
20:44 Les choses se sont compliquées avec une perte de chance majeure
20:47 pour ce patient, mais vraiment majeure.
20:50 C'est quelque chose... Une amputation.
20:52 Ca, c'est quelque chose qui est difficilement acceptable.
20:55 Enfin, c'est... Voilà, c'est pas possible, quoi.
20:58 C'est pas du tout... C'est pas du tout
21:00 comme, évidemment, les prises en charge idéales
21:02 auxquelles on pourrait s'attendre
21:04 dans des grands hôpitaux publics français.
21:07 -Une fois les victimes d'AVC sauvées,
21:10 direction l'étage du dessus.
21:12 Le service d'hospitalisation,
21:14 où les patients restent en moyenne une dizaine de jours.
21:19 -Bonjour.
21:20 -Ici, il n'y a que 16 lits disponibles.
21:23 Du coup, certains malades échouent ailleurs,
21:26 en gynécologie ou en ophtalmologie.
21:28 -Alors, du coup, en termes de lits...
21:36 Donc là, y a pas de lit du tout aujourd'hui.
21:39 On n'en aura pas ce soir.
21:41 -On a cinq patients qui attendent une sortie en rééducation.
21:45 Déjà depuis un bon moment.
21:47 -OK, OK. -On est un peu bloqués.
21:49 -Ils sont là à attendre depuis combien de temps ?
21:52 -Il y a certains pour lesquels on attend
21:55 depuis il y a quelques mois.
21:57 Ce sont des situations un peu exceptionnelles
22:00 à cause des problèmes sociaux,
22:02 mais il y a d'autres qui sont des situations
22:04 qui nous arrivent de façon très fréquente
22:07 pour lesquelles ça fait peut-être 15 jours qu'on attend.
22:10 -Un patient qui est en attente depuis 15 jours de rééducation,
22:13 y a une perte de chance ? -Oui.
22:15 -Pour eux. -Il y a une double perte de chance.
22:20 D'un côté, un patient qui va pas faire la rééducation,
22:23 qui va pas améliorer son état neurologique,
22:25 et d'un autre côté, un patient qui vient de faire un ABC
22:28 qui peut pas bénéficier d'une hospitalisation.
22:31 Quels sont les risques ?
22:32 -On augmente de 30 %, on va dire, le risque de handicap et de décès
22:36 quand c'est des prises en charge pas adaptées.
22:38 On a l'impression, parfois,
22:40 qu'on a franchi la ligne rouge
22:43 et qu'on n'est plus dans des prises en charge
22:46 avec suffisamment d'humanité.
22:48 Vraiment, c'est à la limite.
22:50 -Allô ? -Je te suis.
22:52 -On passe dans la chambre ?
22:54 -La dernière étape d'un parcours pour un malade victime d'un ABC
22:57 est la rééducation.
22:59 Là aussi, la pénurie de places dans les centres de réadaptation
23:03 peut avoir de graves conséquences.
23:05 -Ca va ?
23:06 -Joseph a été hospitalisé il y a cinq semaines.
23:09 Aujourd'hui, sa motricité se dégrade.
23:12 -C'est difficile, là.
23:14 -Oui, c'est difficile.
23:15 -La vie est difficile.
23:17 -Oui.
23:18 -C'est normal qu'il soit encore là ?
23:20 -Non.
23:22 Il aurait pu sortir en rééducation il y a trois semaines.
23:25 On n'a pas eu place.
23:27 -Oui.
23:28 -En ce temps-là, effectivement, il ne vous fait rien ?
23:31 -Rien de rien.
23:32 Il continue à se rétracter un peu,
23:34 à adopter de mauvais positionnements.
23:41 -Ce ronronnement que l'on entend,
23:43 c'est celui du matelas anti-escar qui masse Joseph
23:46 pour lui éviter des plaies causées par un halitement prolongé,
23:50 un équipement onéreux dont peu de services disposent.
23:53 Cela peut paraître incroyable,
23:55 mais ces plaies peuvent être rentables pour l'hôpital,
23:59 comme nous le confirment nos deux médecins.
24:01 -Les escars, ça remporte.
24:03 -Oui.
24:04 Alors, oui, ça, c'est une bonne...
24:06 Mais tout à fait.
24:07 C'est une bonne remarque,
24:09 mais on a l'impression que toutes les complications,
24:12 c'est bingo pour l'hôpital.
24:14 Voilà, quoi.
24:15 Mais je vous assure, on fait tout ce qu'on peut
24:17 pour que les patients n'aient ni escar, ni infection pulmonaire,
24:21 ni infection urinaire.
24:22 -C'est sûr.
24:23 -C'est valoriser les complications.
24:26 -Explication.
24:29 Avec la tarification à l'activité,
24:31 l'hôpital dispose uniquement de l'argent
24:34 que le patient lui rapporte.
24:35 Prenons le cas de Joseph, pour mieux comprendre.
24:38 Pour une journée d'hospitalisation,
24:40 la Sécurité sociale donne au service de Sophie
24:43 1 264 euros par jour.
24:45 L'hôpital doit se débrouiller avec ça.
24:47 Mais si Joseph avait des escars,
24:50 la Sécurité sociale donnerait, en fonction de leur gravité,
24:53 quelques centaines d'euros par jour en plus à l'hôpital.
24:56 Or, soigner des escars demande peu de moyens et de personnel.
25:00 C'est donc un acte qui devient rentable.
25:02 -Pourquoi est-ce qu'on est rentrés dans ce système
25:05 totalement déconcentré ?
25:07 Pourquoi est-ce qu'on est rentrés dans ce système absurde
25:10 pendant des années qui avaient été déjà anticipées ?
25:13 Depuis le début, sur la tarification à l'activité,
25:16 la réalisation d'actes qui sont totalement, parfois, inutiles,
25:19 inadaptés pour les patients,
25:21 tout ça dans le seul but de pouvoir faire fonctionner l'hôpital
25:25 et le rendre rentable.
25:26 C'est pas possible.
25:28 Nous, on peut pas l'intégrer.
25:29 Alors ça, peut-être, oui, ce qui est compliqué,
25:32 c'est comment eux peuvent l'intégrer.
25:35 On va dire que je ne comprends pas.
25:37 Mais...
25:38 Voilà. Aujourd'hui, on a quand même le sentiment, oui,
25:42 de pas du tout, du tout être entendus, pas entendus.
25:45 -Une semaine après ce tournage,
25:49 Joseph a enfin été admis en centre spécialisé
25:52 pour commencer sa rééducation.
25:55 Des patients placés dans des conditions indignes
26:01 en réanimation, des victimes d'AVC refusées,
26:04 ailleurs, ce sont des opérations de chirurgie cardiaque vitale
26:08 qui sont carrément reportées.
26:10 En novembre 2016,
26:15 la mère de Karine et Christine Pitelet
26:18 est décédée au CHU de Nantes
26:20 pour ne pas avoir été opérée à temps.
26:22 Elle avait pourtant été hospitalisée le 7 novembre
26:27 pour subir une intervention en urgence
26:29 dans le service de chirurgie cardiaque
26:32 de l'hôpital La Henneck.
26:34 Arlette souffrait d'un rétrécissement valvulaire.
26:37 -J'ai un coup de fil à vers 15h30.
26:44 C'est ma maman que j'ai au téléphone.
26:46 Je comprends pas. Elle m'explique
26:48 qu'il y a eu une intervention aéroportée,
26:52 qu'il y a eu une annulation et qu'il faut que je la cherchais.
26:55 Je retrouve ma mère debout dans le couloir
26:57 en sachant qu'elle faisait des malaises.
27:00 Elle avait été sortie de sa chambre,
27:02 avec son sac dans la salle d'attente.
27:04 J'ai trouvé ça un peu inadmissible.
27:06 Donc, je décide de rencontrer le cardiologue,
27:09 savoir ce qui s'est passé.
27:10 Il m'annonce qu'il y a eu des urgences vitales,
27:13 que l'opération sera reportée et qu'il nous tient au courant.
27:17 -De retour chez elle, Arlette, 75 ans,
27:22 s'affaiblit de jour en jour.
27:24 Sa maladie lui provoque des syncopes à répétition.
27:28 Inquiète, ses filles ne cessent d'appeler l'hôpital
27:32 pour reprogrammer son opération,
27:34 mais n'obtiennent aucune réponse.
27:36 -Sur un plan médical, ça commence à se corser,
27:41 parce qu'elle faisait des malaises régulièrement.
27:43 Puis, vu le stress de l'attente de l'opération
27:46 et de voir qu'on n'arrêtait pas d'appeler
27:48 et qu'il n'y avait pas de réponse, ça allait de moins en moins bien.
27:53 -Au 15e jour d'attente...
27:54 -Avant d'aller au travail, je décide de passer voir ma mère
27:58 pour voir comment ça va.
28:00 Et là, je l'ai retrouvée à moitié par terre,
28:03 les yeux ouverts, mais elle n'était plus là.
28:05 -Arlette décédera quelques heures plus tard à l'hôpital.
28:09 Sa famille estime qu'elle est morte
28:12 de ne pas avoir été opérée plus tôt.
28:14 Elle demande un certificat à son cardiologue.
28:17 Il est sans appel.
28:18 -Cette patiente devait subir un remplacement valvulaire aortique
28:22 de façon très urgente.
28:24 Elle n'est pas décédée à cause des anticoagulants,
28:27 mais à cause d'une chute sur la tête
28:29 en rapport avec la maladie cardiaque.
28:31 Musique pesante
28:34 -La famille d'Arlette envisage de porter l'affaire
28:37 devant la justice.
28:39 ...
28:46 Des cas de report d'opération lourde,
28:49 il y en a des centaines au CHU de Nantes.
28:51 Des reports dénoncés par la CGT dans ce courrier
28:55 adressés à l'Agence régionale de santé.
28:58 -Ce ne sont pas moins de 320 interventions
29:01 de chirurgie cardiaque qui ont été déprogrammées en 2017
29:05 et reportées sur l'année 2018.
29:07 -Même constat pour 2018,
29:10 environ 300 opérations repoussées selon la CGT.
29:14 Le premier à avoir dénoncé ces reports
29:17 est le docteur Carton,
29:18 qui a été chirurgien à Nantes pendant 14 ans.
29:21 Il n'a pas souhaité être filmé,
29:24 mais a accepté que l'on enregistre son témoignage.
29:27 -Donc, c'est 320 sur 1300 malades, quoi.
29:31 Donc, c'est énorme.
29:33 Il y a des malades, ils descendent au bloc opératoire,
29:36 on leur met le tuyau dans la bouche,
29:39 ils dorment, et on leur dit "Ah bah non,
29:41 "on peut pas le faire, il faut qu'ils remontent."
29:44 Donc, on réveille le malade,
29:46 on réveille le malade,
29:47 il quitte le bloc opératoire, il remonte dans sa chambre
29:51 et l'après-midi, il sort à la maison
29:53 en disant "On n'a pas pu vous opérer."
29:55 -De retour chez eux, ces patients sont placés
30:00 sur liste d'attente, et cela peut durer longtemps,
30:03 car le CHU a le monopole dans la région
30:06 des opérations lourdes de chirurgie cardiaque.
30:08 -Certains, ils attendent 3, 4, 6 mois.
30:11 Il y a des malades qui sont opérés à Paris
30:13 dans les 2-3 jours, et à Nantes,
30:15 il faut 4 mois pour les opérer, ou 5 mois.
30:17 -Pourquoi ? -Ils décèdent.
30:19 -C'est un manque de lit, un manque de personnel ?
30:22 -Bien sûr. Il manque de lit, de personnel.
30:24 Il n'y a pas assez de personnel, de créneau opératoire
30:27 pour pouvoir opérer tous les malades
30:29 de la région du Grand Ouest.
30:31 -Pendant plus d'un an, le docteur Carton s'est bagarré
30:34 pour que ces malades ne soient pas renvoyés chez eux
30:37 sans être opérés. Il a été suspendu
30:39 pour atteinte au fonctionnement de l'hôpital.
30:42 Dans son service, personne n'a compris.
30:45 -On n'a même pas pu s'exprimer
30:48 en disant... Enfin, notre choc, quoi.
30:51 C'était "qu'est-ce qui se passe ?"
30:53 On arrivait là sur un chirurgien
30:57 qui n'a fait aucune erreur médicale.
31:00 Il n'y a pas eu de mort, voilà.
31:03 Il dérangeait.
31:04 Il disait des vérités qui ne sont pas entendables
31:07 par l'administration.
31:09 -En mai 2019, après avoir été blanchi
31:12 par le conseil de discipline,
31:14 le docteur Carton a jeté l'éponge,
31:16 il a démissionné.
31:18 Désormais, c'est la CGT qui mène seul ce combat.
31:21 -La situation, aujourd'hui, est toujours la même.
31:25 Il n'y a absolument rien qui n'a changé.
31:28 Ca veut dire qu'entre-temps,
31:29 on a des patients qui sont déprogrammés,
31:32 qui s'aggravent, qui peuvent mourir,
31:34 dont certains sont morts,
31:36 et puis qui peuvent faire des AVC
31:38 ou alors un infarctus.
31:40 Donc, voilà.
31:41 On estime que c'est une situation
31:43 qui est inacceptable et qu'aujourd'hui,
31:46 tous les patients en chirurgie cardiaque sont en danger.
31:49 -Pour en finir avec ces reports incessants
31:51 qui hypothèquent la vie des patients,
31:54 Olivier ne cesse de réclamer des lits en réanimation.
31:57 -La situation, c'est le manque de lits de réanimation
32:00 et le manque de moyens qu'on donne aux chirurgiens
32:03 pour avoir des plages opératoires supplémentaires.
32:06 Ca consiste à quoi ?
32:07 Ca consiste à avoir des effectifs en bloc opératoire
32:10 beaucoup plus important.
32:11 Donc, tout ça, c'est un coup, c'est une histoire de moyens,
32:15 de moyens financiers.
32:16 -A Nantes, aujourd'hui, pour se faire opérer,
32:21 les patients ont recours au système D.
32:24 Certains doivent même faire appel à un syndicat
32:27 pour débloquer une date opératoire.
32:29 -On va aller rencontrer la concubine d'un patient
32:35 qui nous avait sollicités en avril-mai,
32:38 il y a deux ans,
32:39 concernant, donc,
32:43 une intervention pour un quadruple pontage.
32:46 On lui proposait une intervention qu'à partir du mois de juillet.
32:50 Donc, vraiment, ils étaient dans la panique,
32:52 peur de mourir n'importe quand, entre temps.
32:56 -Vous ne verrez pas le compagnon de Cécile,
33:02 qui n'a pas souhaité s'exprimer.
33:04 -Salut !
33:08 -Le cas de Jacques est celui d'une urgence vitale.
33:11 Avec 90 % de ses artères bouchées,
33:14 il ne lui restait que 10 % de capacité cardiaque.
33:17 Son coeur s'essoufflait, sa vie aussi.
33:20 Mais lorsque le couple a rencontré en mai 2017
33:23 l'anesthésiste pour préparer l'opération,
33:26 il leur a annoncé que Jacques allait devoir attendre.
33:30 -J'ai pas compris, parce que déjà, il s'excuse.
33:33 Il s'excuse de me dire, ou de nous dire...
33:36 "Je suis désolée, mais on n'a pas les moyens de fonctionner."
33:40 On vous dit, "Demain, vous allez mourir."
33:43 De toute façon, la grande faucheuse vous attend,
33:46 et en fait, on attend une opération quatre mois après.
33:50 Donc, non, on ne comprend pas.
33:52 Il y a quelque chose qui ne va pas bien, quoi.
33:56 Ca ne va pas.
33:57 -Notre démarche, la première,
33:59 c'est de saisir le directeur général sur cette problématique.
34:03 Donc, on l'a saisi par mail,
34:05 et puis par mail, on lui dit qu'on a été interpellé
34:08 par un usager et sa famille,
34:10 qui sont très inquiets des délais de prise en charge.
34:13 Et puis, ça continue.
34:16 Combien de morts, combien de plaintes faudra-t-il
34:19 pour que les choses bougent ? Et puis, surtout, on menace aussi
34:22 que si rien n'est fait dans les semaines qui suivent,
34:25 on va saisir la presse, on va dénoncer ça,
34:27 parce que c'est pas possible.
34:29 -Le 11 mai 2017,
34:32 Olivier a donc envoyé un mail à la direction.
34:35 Cette dernière, qui n'avait jamais répondu
34:38 aux appels au secours de Cécile,
34:40 lui a adressé dès le lendemain ce courrier.
34:43 -La peur du scandale médiatique a sauvé Jacques.
35:01 7 jours après le chantage de la CGT,
35:03 il a été opéré.
35:07 Philippe Sudreault, le directeur du CHU de Nantes,
35:11 a accepté de répondre à nos questions.
35:13 Il ne conteste pas ses reports.
35:16 -Pourquoi ces décisions de report sont prises ?
35:19 Dans plus de 2/3 des cas, c'est parce qu'il y a
35:21 une urgence gravissime qui pousse, entre guillemets,
35:24 cette programmation.
35:26 -Moi, je vous entends. J'entends l'urgence absolue.
35:29 Mais j'entends aussi les soignants
35:32 dire...
35:34 Non, on ne les opère pas aussi,
35:37 parce qu'il n'y a pas d'anesthésiste,
35:39 parce qu'il n'y a pas de place en réanimation,
35:42 parce qu'il manque un infirmier.
35:44 Quand on l'aperçoit, au dernier moment,
35:46 ça s'appelle de la structuration,
35:48 pas de l'urgence vitale.
35:50 C'est un manque d'organisation.
35:52 -Alors, quelles sont nos préoccupations
35:54 et comment on agit concrètement ?
35:56 -Répondez à ma question.
35:58 -Je vais répondre.
35:59 Je vais répondre.
36:01 320 reports sur 2 000 interventions.
36:03 On ne s'en contente pas.
36:05 On n'est pas contents d'enregistrer ces 320 reports.
36:08 La preuve, on agit pour essayer d'y limiter.
36:10 -Pour 2019, le directeur a promis
36:12 deux lits supplémentaires en réanimation cardiaque.
36:16 Mais dans le service de chirurgie,
36:18 les infirmières nous alertent aussi
36:20 sur la diminution de la durée d'hospitalisation.
36:23 Elle est passée de 10 jours à 7 jours.
36:25 Du coup, certains malades rentreraient chez eux
36:28 avec la zone du thorax pas totalement enregistrée.
36:32 -Vous avez des patients qui sont obligés de revenir ?
36:35 -Oui, on a des patients qui reviennent.
36:37 Souvent, ce sont des médiastinites,
36:39 une infection du médiasta.
36:41 -Ce sont des patients qui doivent rester plus longtemps ?
36:44 -Oui, parce que c'est minimum 3 semaines après,
36:47 parce qu'ils ont des lavages, drainage,
36:49 ils ont des antibiotiques,
36:51 et puis, après, ça fait des patients
36:53 qui vont rester dans le service beaucoup plus longtemps.
36:57 -Des patients qui sont obligés de revenir
37:00 et qui doivent rester plus longtemps.
37:02 -Des pratiques que le docteur Carton dénonce également.
37:05 -Le problème, il est là, quoi,
37:07 c'est qu'on demande à 7 jours ou à 6 jours de les faire sortir.
37:11 Et c'est vrai que quelquefois,
37:14 c'est pas cicatrisé.
37:16 -Avez-vous eu des retours de patients ?
37:20 -Oui, oui, oui, des patients infectés, oui, bien sûr.
37:23 -Vous pouvez le quantifier, ou quoi ?
37:25 -En fait, tout ça, c'est toujours difficile,
37:28 parce que, je sais pas,
37:30 c'est peut-être qu'il y a 10 %...
37:32 -C'est quand même beaucoup.
37:34 -Oui, c'est vrai.
37:35 -Tous les jours, mes patients sont mis en danger,
37:38 parce qu'on n'est pas dans une politique de qualité
37:41 mais de rendement, et puis on n'est pas dans une politique
37:45 où on veut du personnel pour permettre
37:47 de prendre en charge correctement les patients.
37:50 On n'est pas rentable,
37:51 puisqu'on nous rabâche souvent les oreilles avec ça,
37:54 donc la santé, ça rapporte pas.
37:56 Donc voilà, c'est...
37:59 Donc on va pas embaucher du personnel,
38:01 ça coûte trop cher.
38:03 -Dans le service de chirurgie cardiaque,
38:08 chaque infirmière doit prendre en charge
38:10 entre 10 et 15 patients.
38:12 Or, le manque de personnel accroît la mortalité,
38:15 selon une étude d'un journal scientifique britannique
38:18 parue en 2016.
38:20 Les établissements dans lesquels les infirmiers
38:26 sont à la charge de 6 patients ou moins
38:28 ont un taux de mortalité de 20 % inférieur aux établissements
38:31 où chaque infirmier est responsable de plus de 10 patients.
38:35 A Nantes, on ne manque pas seulement d'infirmières
38:41 ou d'anesthésistes.
38:43 On manque aussi de bras pour nettoyer les blocs.
38:46 Un problème qui n'est pas anodin pour les patients.
38:49 Patrice Leluel est brancardier et secrétaire du comité d'hygiène.
38:56 Selon lui, pour se faire opérer, il vaut mieux éviter certains jours.
39:01 -Le lundi matin, il n'est pas un jour comme les autres,
39:06 puisque les blocs ne sont pas aseptisés,
39:10 ne font pas l'objet de bien nettoyage pendant 48 heures.
39:14 À compter du vendredi soir, il faut attendre le lundi matin,
39:18 puisqu'il n'y a pas de personnel d'astreinte pour ces blocs.
39:23 Donc, vous vous imaginez un peu le bouillon de culture
39:26 qu'il peut y avoir.
39:27 -Des blocs qui ne sont pas nettoyés le week-end,
39:31 cette situation non conforme aux impératifs d'hygiène,
39:35 ce syndicaliste la dénonce déjà depuis deux ans.
39:39 En juin 2017, il avait interpellé la direction à ce sujet.
39:44 Nous avons récupéré l'enregistrement sonore
39:47 de cette réunion entre le directeur général adjoint du CHU,
39:52 Patrice Leluel, et un aide-soignant.
39:54 -Je suis venu avec une collègue l'année dernière
39:59 vous dire que l'asepsie des salles après 20h,
40:02 elle n'était plus effectuée.
40:04 Nous sommes le seul bloc en France,
40:06 quand je discute avec mes collègues d'Angers, de Rennes,
40:09 de Marseille, de Strasbourg,
40:11 ils sont effarés d'entendre ce genre de situation.
40:14 Effarés !
40:16 Est-ce que vous accepteriez, monsieur Jaspar,
40:18 de vous faire opérer le lendemain,
40:21 sachant que la salle est restée non aseptisée
40:23 pendant toute la nuit ?
40:25 -Non, mais on est d'accord là-dessus.
40:27 Encore une fois, pour nous, il n'y a pas de débat.
40:30 -Des pratiques comme ça, qui seraient révélées au grand jour,
40:33 mais vous imaginez, ça arrangerait pas nos affaires
40:36 au niveau de la cardio.
40:38 Alors, qu'est-ce que vous attendez ?
40:40 -Si on convoque un CHS, c'est extraordinaire,
40:42 c'est pour qu'il y ait un plan d'action derrière
40:45 et qu'il y ait des mesures correctives.
40:47 Visiblement, aujourd'hui, en 2019,
40:50 il n'y a pas eu de mesures correctives
40:52 sur le bionettoyage dans les blocs opératoires à cet ECV.
40:55 -Un appel à une aide-soignante du service
40:59 confirme les dires de Patrice.
41:01 -Je voulais savoir si, par rapport aux alertes
41:05 qui avaient été faites dans le bloc
41:07 par rapport au bionettoyage du vendredi au lundi,
41:10 comment les pratiques ont évolué ?
41:12 -Pas évolué, quoi.
41:13 Le ménage est fait le lundi matin.
41:15 Quand ça tourne, le week-end, le ménage attend
41:18 jusqu'au lundi matin.
41:19 -On a chaque salle, le lundi matin, le ménage est fait.
41:22 Si ça tourne beaucoup, on peut avoir 2, 3, 4 salles
41:25 à faire le lundi matin.
41:27 -C'est des salles d'opération, en général ?
41:30 Je sais pas comment...
41:31 -Des fois, il y a du sang, ça risque...
41:33 -Oui.
41:34 Et puis, ça reste le week-end.
41:36 -Oui.
41:37 -Et les recommandations ?
41:39 -Les recommandations, c'est que ça ne doit pas rester sale,
41:42 de toute manière.
41:43 -Oui, donc là, il y a...
41:45 -Oui.
41:46 -Il y a quand même un petit delta entre les deux.
41:49 -Oui, c'est 8h. -Oui.
41:50 -Ce témoignage, il me touche.
41:53 Ne laissons pas imaginer...
41:55 Ne laissons pas imaginer, quand même,
41:57 aux téléspectateurs qui vont regarder l'émission,
42:00 que les blocs du CHU de Nantes ne soient pas nettoyés.
42:03 Moi, ça me choque.
42:04 -C'est pas ce qu'on dit.
42:06 -Ce n'est pas exact.
42:07 Mais ça ne peut pas être exact, je vais vous dire.
42:10 Voilà.
42:11 -Un directeur d'hôpital peut-il reconnaître
42:14 un problème d'hygiène dans ses blocs opératoires ?
42:18 Une chose est sûre, un mois et demi avant cette interview,
42:22 le professeur Le Pelletier, médecin responsable
42:25 de la gestion du risque infectieux,
42:27 a convoqué une réunion de crise.
42:30 A l'ordre du jour, l'explosion des infections
42:33 chez les cardiaques, opérée en 2018.
42:37 39 infections du médiastin, la région du thorax,
42:41 ce qui fait une augmentation de 50 % en un an.
42:45 Pour certains soignants, elles seraient directement liées
42:48 aux carences de nettoyage des blocs,
42:51 une situation qui met mal à l'aise le responsable de l'hygiène.
42:55 -Pourquoi ces blocs de chair cardiaque
42:58 ne sont pas nettoyés parfois pendant 48 heures ?
43:01 -Je n'ai pas la réponse aujourd'hui.
43:04 -Vous le savez, vous êtes au courant.
43:06 -On me l'a dit lors de la réunion du 27.
43:09 -C'est tous les lundis que ça se passe,
43:11 c'est plus dans le ponctuel.
43:13 Il y a peut-être un problème de bionettoyage
43:16 ou de personnel pour le faire en ce moment,
43:19 mais ça peut être ponctuel.
43:20 Je n'en avais pas connaissance dans les années précédentes.
43:24 -Moi, j'en ai connaissance depuis 2017,
43:26 et nous sommes en 2019.
43:28 C'est un problème récurrent.
43:30 Est-ce que c'est normal pour vous
43:32 qu'un bloc reste sans avoir de bionettoyage pendant 48 heures ?
43:36 -Un bloc doit être nettoyé entre 2 interventions
43:38 et à la fin du programme opératoire.
43:41 -A Nantes, dans les blocs de chirurgie cardiaque,
43:43 il y a un autre souci.
43:45 -Il y a un autre problème, c'est celui des mouches.
43:50 On travaille dans un secteur sécurisé
43:52 où l'hygiène doit avoir toute son importance.
43:54 Et trouver des mouches, excusez-moi du terme,
43:57 dans des salles d'intervention,
43:59 c'est peut-être pas la première des qualités du travail.
44:02 -Le vol de la mouche, c'est pas au-dessus d'un lit de coucou,
44:05 mais c'est au-dessus d'un bloc opératoire
44:08 et d'une intervention.
44:09 C'est quand même dramatique.
44:11 Je trouve...
44:12 Même à l'époque où on a évoqué,
44:16 et les collègues l'ont évoqué,
44:18 on a bien vu la réaction de nos directeurs, quand même.
44:21 Ils blémissaient un peu, quoi.
44:24 Voilà, mais c'est logique.
44:26 On peut pas rester souriant, ni posé, ni serein,
44:30 quand on a des bouches qui volent dans un bloc,
44:33 ou même une, ne serait-ce qu'une.
44:35 Voilà. Impossible.
44:38 -Une réalité récurrente, confirmée une fois de plus
44:41 par une aide-soignante du service.
44:44 -Oui, c'est vrai.
44:47 Oui, en ce moment, il y a peur,
44:50 parce qu'il y en a pas à l'extérieur,
44:52 mais l'été, c'est vrai que ça rentre de temps en temps.
44:56 Effectivement.
44:57 -Que pense le responsable de l'hygiène de l'hôpital
45:00 de la présence de ces mouches ?
45:02 -Je vous concède que vous avez déjà beaucoup à faire
45:05 avec des blocs qui sont pas nettoyés tout de suite,
45:08 mais cette histoire des mouches, elle existe, quoi.
45:11 -Il y a peut-être des mouches, j'en ai pas connaissance.
45:14 Musique douce
45:16 -Fin septembre, des soignants nous ont informé
45:19 que des mouches auraient encore volé cet été
45:22 dans les blocs de chirurgie cardiaque.
45:24 ...
45:31 Retour à Nice, où nous avons rendez-vous
45:33 avec le professeur Christophe Trojani,
45:36 chirurgien orthopédique au CHU.
45:39 Lui aussi redoute les lundis matins.
45:41 -C'est un jour où on s'inquiète pour les patients.
45:45 Un peu plus que d'habitude.
45:48 Chaque samedi et chaque dimanche,
45:50 il va rentrer une dizaine de patients à l'hôpital.
45:53 Ca va faire une vingtaine de patients,
45:55 et le week-end, on peut en opérer 8 ou 10, à peu près,
45:59 parce qu'on n'a que deux salles opératoires ouvertes,
46:03 on n'a que deux anesthésistes de garde,
46:05 et il n'y a pas que les urgences traumatologiques,
46:08 il y a aussi toutes les autres spécialités,
46:10 donc souvent, il faut faire un choix.
46:13 -Combien de malades victimes de fractures
46:15 n'ont pas été opérés ce week-end et restent en souffrance ?
46:19 Sans autorisation pour tourner à l'intérieur du service,
46:23 nous intervieuvons le professeur Trojani
46:26 sur le parvis de l'hôpital, après un point avec son staff.
46:31 ...
46:33 -On avait exactement 18 personnes qui sont rentrées ce week-end.
46:38 Il y en a 10 qui ont pu être opérées,
46:41 il y en a 4 qui sont en attente d'une intervention chirurgicale,
46:45 il y a deux gros polytraumatisés,
46:48 puis il y a deux autres patients qui vont être évalués aujourd'hui,
46:52 mais disons qu'il y a quelques patients
46:54 qui sont en attente d'une intervention chirurgicale.
46:57 C'est vraiment problématique
46:59 de ne pas pouvoir opérer les patients tout de suite.
47:02 On fait au mieux pour leur donner nos soins,
47:05 on va essayer de les opérer le plus vite possible.
47:07 Si c'est pas possible, ça sera demain ou mercredi matin.
47:11 -Ce qui veut dire pour certains
47:12 4 jours d'attente avant d'être opérés.
47:16 4 longs jours de souffrance.
47:18 Une fracture, c'est douloureux.
47:20 -Un petit café, maman ?
47:23 -C'est ce qui est arrivé à Huguette, 90 ans.
47:27 -Le 17 septembre 2018,
47:29 après s'être cassé le col du fémur,
47:32 elle est transportée en urgence à l'hôpital Pasteur.
47:35 Mais l'urgence se transforme en attente.
47:38 Un long calvaire commence.
47:40 -J'ai souffert, et ça a été le trou noir.
47:45 Mais je n'arrivais plus à bouger du tout,
47:49 4 jours, je suis restée à attendre.
47:52 Il manquait je sais pas quoi.
47:54 Comme ça, voilà.
47:56 -D'avoir souffert, ça vous a mis en colère ?
47:59 -Ah ben, ça m'a fait...
48:01 Vous n'aurez pas été en colère, vous ?
48:04 -Bah si. -Bon.
48:06 Je plains les gens qui passeront...
48:08 Je leur souhaite pas de passer comme je suis passé, moi.
48:12 Tout le monde a été gentil, les petites jeunes,
48:14 les aides-soignantes, mais...
48:17 ça ne m'enlève pas la souffrance.
48:19 -Arrivée le lundi, Huguette a dû attendre
48:24 que son opération soit enfin programmée pour le mercredi.
48:27 Mais ce jour-là, Muriel, qui était à ses côtés,
48:30 découvre que sa mère va encore devoir patienter.
48:34 -La surviante vient,
48:37 et j'apprends que ma maman était descendue
48:40 et au bloc, à 8h...
48:43 Elle est descendue à 7h45,
48:45 et ordre du médecin, à 10h45,
48:48 tous les gens qui étaient là, sauf les urgences vitales,
48:53 devaient remonter.
48:54 Ordre du médecin.
48:56 Je lui dis, "Madame, je voudrais avoir l'explication",
49:00 et j'apprends...
49:01 Il n'y a pas d'anesthésiste, madame.
49:04 Et il manquait des infirmières au bloc, voilà.
49:07 Il manquait des infirmières au bloc, et il n'y a pas d'anesthésiste.
49:11 -Muriel alerte alors Nice Matin,
49:14 et la direction se voit contrainte de transférer Huguette
49:18 et 10 autres patients dans une clinique privée.
49:21 Ils ont été opérés dès le lendemain,
49:24 et par chance, ont échappé aux séquelles.
49:27 Car ces reports ne sont pas sans risque,
49:30 comme nous l'explique le professeur Trojani.
49:32 -Si vous êtes opéré dans les 24 premières heures,
49:36 votre risque de décès est d'environ 15 %,
49:39 il passe à presque 50 % si vous attendez plusieurs jours.
49:44 C'est un fait.
49:45 Donc, moi, je dis simplement
49:47 que quand on ne donne pas les moyens aux médecins
49:50 de soigner les patients comme il faut,
49:52 c'est de la non-assistance à personne en danger.
49:55 On nous parle sans arrêt d'accès aux soins,
49:58 mais quand, dans un hôpital tout neuf,
50:02 où il y a 20 salles opératoires, l'hôpital Pasteur 2,
50:05 la moitié des salles sont fermées, certains jours,
50:08 parce qu'il n'y a plus de personnel,
50:10 et en particulier, parce qu'il n'y a plus de médecins anesthésistes,
50:14 on sait qu'on ne va pas pouvoir faire notre travail.
50:17 Musique douce
50:18 -Au CHU, dans de nombreux services,
50:21 on manque de personnel qualifié.
50:24 En orthopédie, par exemple,
50:26 7 blocs opératoires sur 10 seulement sont ouverts.
50:29 Il faudrait 12 anesthésistes confirmés dans ce service,
50:33 il n'y en a que 4,
50:34 car l'hôpital n'arrive pas à recruter.
50:37 -On a une réelle difficulté concernant les anesthésistes.
50:42 Nous avons une difficulté sur les médecins anesthésistes
50:46 qui sont soit partis du CHU pour quelques-uns,
50:51 soit qui n'y restent pas pour d'autres,
50:55 ce qui est un phénomène malheureusement national,
50:57 qui est connu dans la France entière et dans les CHU.
51:01 Il n'y a pas que les petits hôpitaux de proximité
51:04 qui souffrent de ce type d'approche.
51:07 Il y a aussi des grands centres universitaires,
51:09 y compris parisiens.
51:11 A Paris, à Intramuros, il y a eu des difficultés importantes
51:14 avec de la PHP sur ces sujets.
51:16 -L'hôpital public n'est plus attractif
51:20 et connaît des problèmes de recrutement.
51:22 Son personnel épuisé et mal payé se réfugie dans le privé.
51:27 Et pour ceux qui restent, comme le professeur Trojani,
51:31 les ennuis s'accumulent.
51:33 Pour ce chirurgien, même les outils commencent à manquer.
51:36 -Quand on fait une opération,
51:38 on a une boîte chirurgicale avec des instruments dedans.
51:43 50 % des boîtes sont incomplètes aujourd'hui.
51:46 -Comment faites-vous pour soigner le patient ?
51:48 -On se débrouille.
51:50 Mais on n'a pas...
51:51 Nos boîtes ne sont pas complètes.
51:54 Le budget d'investissement du CHU de Nice, aujourd'hui,
51:58 ne permet pas, ne permet plus de compléter
52:02 les boîtes chirurgicales
52:04 et d'avoir des boîtes correctes.
52:08 Et donc, c'est terrible,
52:10 parce que tous les jours, c'est comme ça, au bloc opératoire.
52:13 Musique douce
52:16 -Manque de matériel, de personnel, de lits.
52:20 Ainsi va la vie de l'hôpital public,
52:23 où la sécurité des patients, pour une question d'argent,
52:27 semble passer au second plan.
52:29 Musique douce
52:32 ...

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