• il y a 9 mois
Aurélien Saintoul, député "La France insoumise" des Hauts-de-Seine.

Élu député de la France insoumise en 2022, Aurélien Saintoul n'a jamais fait le coup de poing dans la cour de l'école, mais il pratique la politique comme un sport de combat. C'est d'ailleurs lui qui a déclenché un des incidents de séance les plus marquants du début de législature, face à Olivier Dussopt. Fait plutôt rare en politique, il avait ensuite présenté ses excuses.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -Il n'a jamais fait le coup de poing
00:01 dans la cour de l'école, mais il pratique la politique
00:04 comme un sport de combat, au point d'avoir déclenché
00:07 un des incidents de séance les plus marquants
00:10 du début de l'égislature.
00:12 Musique intrigante
00:14 ...
00:22 Bonjour, Aurélien Saint-Aul. -Bonjour.
00:24 -On a tous étudié les fables de La Fontaine
00:27 quand on était à l'école ou au collège,
00:29 mais il n'y a qu'un agrégé de lettres classique
00:32 pour transformer une fable en arme politique.
00:34 On va revoir votre prise de parole au nom de la France insoumise
00:38 pendant le projet de loi sur le pouvoir d'achat.
00:41 -On connaît la stratégie de l'extrême droite
00:43 qui agit comme la chauve-souris de la fable.
00:46 Dans le parti des oiseaux, elle montre ses ailes.
00:49 Dans le parti des fachos, elle montre son poil et l'intérêt.
00:52 Acclamations
00:54 Vous ne connaissez pas La Fontaine, peut-être ?
00:57 -Si, si.
00:58 -Vous ne connaissez pas La Fontaine. -Non, mais...
01:01 Acclamations
01:02 Non, s'il vous plaît.
01:03 Acclamations
01:06 -Je pense que vous vous comportez comme des zadistes
01:09 et que vous risquez de dégrader le mobilier national.
01:12 Acclamations
01:15 -S'il vous plaît.
01:16 -Je ne vous ai pas insulté, je vous ai caractérisé.
01:19 -On voit que votre prise de parole a mis en colère
01:22 vos collègues du Rassemblement national.
01:24 C'est assez étonnant.
01:25 Vous avez un ton calme, des mots posés.
01:28 On ne s'attend pas à ce que vous portiez des coups
01:30 aussi rudes que ceux-là.
01:32 Ca fait partie de vous ?
01:33 Vous aimez provoquer vos adversaires ?
01:35 -Non, je ne me suis jamais considéré
01:38 comme un provocateur.
01:39 En revanche, là, en l'occurrence,
01:41 je trouvais que c'était exact, c'était précis.
01:44 L'extrême droite est fachisante.
01:46 -Parti des fachos, zadistes,
01:49 puis assimiler le RN au parti des rats,
01:52 c'est quand même extrêmement violent.
01:55 Parfois, on peut se demander si vous n'êtes pas au bord
01:58 de franchir la ligne rouge.
01:59 -Je crois qu'en l'occurrence, le sujet de ce jour-là,
02:02 c'était l'hypocrisie du RN,
02:04 qui, d'un côté, parle de lutter contre l'islamisme, etc.
02:09 Et puis, moi, j'avais suivi, dans le débat présidentiel,
02:12 j'avais suivi en particulier les questions
02:14 sur la défense nationale, et j'avais lu le programme
02:17 de Marine Le Pen sur la défense nationale.
02:20 Il était question de renforcer les alliances
02:23 avec les Etats-Unis, le Qatar, les Emirats arabes unis.
02:25 C'était cette hypocrisie que je voulais pointer.
02:28 C'était amusant, c'était une référence à l'esprit,
02:31 mais j'imaginais pas du tout que ça provoquerait cette réaction.
02:34 -Quand on vous entend, comme ça, citer La Fontaine,
02:38 les mots sont une arme en politique ?
02:40 -Bien sûr, on est dans un débat public
02:42 qui est souvent un peu corseté,
02:44 où on a...
02:47 On cherche à se faire entendre.
02:49 Donc, si on peut piquer l'intérêt,
02:51 soit par la curiosité, le bon mot,
02:53 dans le débat public en France, en particulier,
02:56 on a un peu peur de...
02:58 On se cache un peu derrière son petit doigt,
03:00 on a un peu peur des mots.
03:02 En l'occurrence, dire "l'extrême droite",
03:04 ce sont des fachos, le mot est un peu familier,
03:07 mais il est rigoureux, il est juste,
03:09 du point de vue analytique, si vous me permettez.
03:12 -On va remonter le fil de votre histoire.
03:14 Vous expliquez qu'au collège,
03:16 vous étiez le souffre-douleur des autres,
03:18 le bon élève chahuté par le reste de la classe,
03:21 et que, à 13 ans, même si on manie bien les mots,
03:24 ça ne suffit pas pour se défendre.
03:26 Est-ce que c'est une période qui a laissé des traces en vous ?
03:29 -Est-ce que ça a laissé des traces ?
03:32 Je crois que ce qui reste en moi,
03:34 c'est une forme de compréhension et de bienveillance.
03:37 Je ne suis pas du parti des winners.
03:39 C'est quelque chose qui est très loin de moi.
03:41 J'ai eu la chance de pouvoir grandir,
03:44 d'être un adulte qui fait face, et c'est une bonne chose.
03:47 En revanche, je suis très sceptique
03:49 devant les gens qui croient qu'il y a des winners,
03:52 des gagnants, des perdants, des riens.
03:54 Tout ça me met...
03:55 Ca me met même pas mal à l'aise.
03:57 En réalité, je désapprouve totalement,
03:59 et c'est loin de ma culture.
04:01 -Vous avez eu un parcours scolaire brillant,
04:03 lauréat du concours général en version latine,
04:06 une classe prépa au lycée Louis-le-Grand à Paris.
04:09 Vous êtes agrégé de l'être classique.
04:11 Ca pourrait donner le sentiment que vous êtes issu
04:14 d'un milieu assez favorisé, ce qui n'est pas le cas.
04:17 Dans votre expérience de classe, j'ai vécu des moments de honte sociale.
04:21 Il faut chercher les racines de votre engagement politique ?
04:24 -En grande partie, oui.
04:25 J'ai grandi dans un milieu, disons, populaire,
04:28 pour faire un peu vite,
04:29 j'ai été confronté à l'inégalité, à la difficulté sociale.
04:34 Une des premières choses que j'ai dites à Jean-Luc Mélenchon,
04:38 quand je l'ai rencontré, j'étais tout jeune militant,
04:41 c'est que les gens ne se rendent pas compte
04:43 que quand on est pauvre, on a une charge mentale
04:46 pour acheter le prix le moins cher,
04:48 on calcule tout le temps, dès qu'on a une petite tuile,
04:51 tout part à volo.
04:52 Ce genre d'expérience, je l'ai vécue dans ma jeunesse,
04:55 dans mon enfance, j'ai vu ce que c'était,
04:58 j'ai été conscient des inégalités.
05:00 Il y a quelque chose d'important aussi,
05:02 c'est qu'en grandissant, je me suis rendu compte
05:05 que ceux qui dirigeaient n'étaient pas les meilleurs.
05:08 -Vos parents n'ont jamais été encartés dans un parti
05:11 ou membre d'un syndicat,
05:12 or, ils ont un fils qui est député
05:14 et un autre qui est responsable syndical
05:16 chez Force Ouvrière, on vous voit avec votre frère Mathieu Saint-Aoul.
05:20 Comment vous expliquez ça ?
05:22 -Je sais pas, alors il faudrait...
05:24 -Il y a quand même un terreau ?
05:26 -Oui, il y a un terreau d'éducation.
05:28 Je pense qu'on a une éducation qui nous rend disponibles
05:31 et surtout... -A l'engagement.
05:34 -A l'engagement, et puis on se sent concernés.
05:37 On pense qu'on a une certaine responsabilité
05:40 à ne pas laisser le monde tourner à l'envers,
05:42 comme il tourne à l'envers.
05:44 -Vous dites de votre frère, lui, c'est l'ouvrier,
05:47 moi, c'est l'intello, ça peut donner l'impression
05:49 que vous êtes de deux mondes séparés ?
05:52 -Non, on n'est pas deux mondes séparés,
05:54 mais on est très complémentaires.
05:56 Ce serait hypocrite de dire qu'on a le même parcours,
05:59 la même vie, etc. On est très proches.
06:01 Au contraire, je crois qu'on s'enrichit mutuellement
06:04 énormément, on garde...
06:06 Voilà, moi, j'ai un parcours académique,
06:08 mon frère, non, mais je lui ai, d'une certaine façon,
06:12 donné un point de vue sur ce monde-là,
06:14 de la même façon qu'il est en prise beaucoup plus directe
06:17 avec le monde du travail, je ne vais pas le cacher,
06:20 et il m'a appris beaucoup.
06:21 -Vous avez milité au parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon
06:24 en 2009 avec votre frère. Vous faites partie
06:27 de cette nouvelle génération de députés
06:29 de la France insoumise, qui est apparue en 2022 à l'Assemblée.
06:32 Je vous ai associé à cinq autres députés
06:35 de la France insoumise.
06:36 Vous avez sans doute une idée de pourquoi.
06:39 On voit sur la photo Damien Maudet, Arnaud Le Gall,
06:42 David Guiraut, Clémence Guettet et Anne Stambach-Terre-Noire.
06:45 -On a tous travaillé, soit pour des députés,
06:48 soit pour des groupes, des élus.
06:50 -Vous avez tous été collaborateurs parlementaires,
06:53 soit à l'Assemblée, soit au Parlement européen,
06:55 soit au groupe de la France insoumise.
06:58 Moi, ça me surprend un peu,
06:59 parce qu'LFI est souvent présenté comme le parti anti-système,
07:03 et là, ça donne l'impression que, finalement, LFI
07:06 est mise sur des professionnels de la politique,
07:09 mais pas loin d'être des professionnels de la politique.
07:12 C'est pas contradictoire ?
07:13 -Le paradoxe, c'est qu'il faut prendre le sujet
07:16 dans l'autre sens, je connais pas le détail de l'avis
07:19 de mes collègues et camarades,
07:21 mais pour ce qui me concerne,
07:22 je suis devenu assistant parlementaire
07:25 parce que j'étais militant, et pas l'inverse.
07:27 J'ai pas rejoint un parti politique
07:29 parce qu'il m'a donné à manger. -C'était pas pour faire carrière.
07:33 -On va s'attarder sur ce qui est sans doute
07:35 l'épisode le plus marquant de votre début de mandat.
07:38 C'était pendant le débat sur la réforme des retraites.
07:41 Vous êtes adressé à Olivier Dussopt
07:43 pour dénoncer l'augmentation du nombre de morts au travail.
07:47 -Vous ne pouvez pas arriver ici et me dire
07:49 que la suppression des CHSCT n'a eu aucun effet.
07:52 Ce sont 150 orphelins,
07:54 veuves, veuves en plus,
07:56 et vous avez la responsabilité de ces choix politiques.
07:59 Vous êtes un imposteur et un assassin.
08:01 Applaudissements.
08:03 -J'ai eu, il y a quelques instants, à ce micro,
08:06 des mots que l'émotion et l'emportement
08:09 m'ont fait mal choisir et qui sont déplacés.
08:13 Je souhaite évidemment les retirer
08:16 et adresser des excuses publiques au ministre.
08:19 Je me tiens à sa disposition pour avoir un échange plus personnel
08:22 et lui présenter à nouveau mes excuses.
08:25 -Vous qui maniez la langue française avec subtilité,
08:28 vous qui aimez les mots,
08:29 on l'a vu au début de l'émission,
08:31 vous qui aimez bien la finesse de cette langue française,
08:36 là, vous qualifiez un ministre d'assassinat.
08:38 Qu'est-ce qui s'est passé ?
08:40 -Les images sont assez claires.
08:42 Je suis en colère parce que dans la séquence qui précède,
08:45 j'évoque au sujet de la réforme des retraites
08:48 le fait que le risque d'accident mortel au travail
08:51 augmente de façon très explicite avec l'âge des salariés.
08:54 Je lui demande ce que vous avez prévu
08:56 pour les personnes qui vont rester au travail
08:59 et qui ont décidé de mourir.
09:01 Je lui dis que c'est d'autant plus grave
09:03 qu'ils ont, avec le gouvernement précédent,
09:05 supprimé les CHSCT, les comités hygiène et sécurité au travail,
09:09 et que le nombre des accidents mortels au travail
09:12 a déjà augmenté.
09:13 Il ne peut pas balayer ça d'un revers de la main.
09:16 Il me dit que mes chiffres sont faux, que je mens.
09:19 -Le mot "assassin", il sort comme ça.
09:21 -Non, il n'est pas du tout préparé.
09:23 Ce que j'ai à la main, c'est une fiche
09:25 sur laquelle il y a les chiffres exacts
09:28 du nombre de morts année après année au travail.
09:30 Le mot "assassin" était impropre
09:32 parce qu'évidemment, le ministre du Travail
09:35 n'est pas responsable directement de la mort des gens.
09:38 Par contre, il y a quelque chose qui est important
09:41 et qui est bien connu dans le débat public,
09:43 c'est la part de responsabilité des politiques.
09:46 On peut être responsable, mais pas coupable.
09:48 Dans le cas de M. Dussopt, évidemment,
09:51 il n'est pas coupable et il ne sera pas coupable
09:53 de la mort directement des personnes.
09:56 Par contre, quand on a des responsabilités,
09:58 il faut être capable de les regarder en face.
10:01 Si des gens meurent au travail
10:02 du fait de décisions politiques, il faut le voir.
10:05 -Qu'est-ce qui vous a poussé à présenter vos excuses
10:08 comme vous l'avez fait ? La séance a été interrompue.
10:11 Vous êtes revenu à la reprise pour présenter vos excuses.
10:15 -D'abord, je voulais pas que le débat s'éternise
10:17 sur cet aspect. Et puis, à titre personnel,
10:20 j'aime avoir des mots les plus exacts possibles.
10:23 "Assassin", ce n'était pas le mot le plus exact.
10:25 Donc, voilà. Après...
10:27 -Comment vous expliquez que ce soit très rare
10:29 de voir des hommes politiques s'excuser ?
10:32 -Parce que s'excuser, c'est...
10:35 Si la bonne foi caractérisait le débat public,
10:38 je pense qu'on hésiterait moins à s'excuser.
10:41 Le problème, si vous voulez...
10:43 -C'est pas aussi une question d'ego ?
10:45 -Non. Je crois pas qu'on soit tous bourrés d'un ego démesuré.
10:49 Je crois que, dans le débat public,
10:51 ce qui est aussi intéressant, c'est de voir qu'après ces excuses,
10:55 le ministre, lui, dit qu'il n'accepte pas mes excuses.
10:58 Ce qu'on ne verra pas, non plus,
11:00 c'est la façon dont il est sorti de l'hémicycle juste avant
11:03 en proférant des injures à mon égard.
11:05 Mais c'est pas grave.
11:06 Si on avait eu juste un échange de personne à personne...
11:10 -Vous l'invitiez à avoir cet échange,
11:12 il l'a jamais eu ? -Mais bon, écoutez,
11:14 c'est pas grave. J'ai pas d'obus.
11:16 Personne n'a envie d'être amié avec l'un ou l'autre.
11:19 C'est pas le sujet. Pourquoi on s'excuse pas ?
11:22 Parce que, d'une certaine façon, le risque qu'en face,
11:25 on abuse de votre excuse est très important.
11:27 -On va passer à notre quiz, à présent.
11:29 Vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:33 "Si Cyril Hanouna m'invite dans TPMP..."
11:36 -Ah bah... -Vous dites ça
11:37 parce que vous êtes en guerre contre Bolloré,
11:40 vous êtes en commission d'enquête... -Je suis pas en guerre,
11:43 mais si Cyril Hanouna m'invite dans une TPMP,
11:46 non, je dirais pas, en revanche,
11:48 qu'il viendra devant ma commission d'enquête.
11:51 -Vous êtes désespéré ? -C'est en réflexion.
11:53 Dans le cas de Cyril Hanouna, ce qui est intéressant,
11:56 c'est qu'il est la personne, ou ses programmes,
11:59 qui ont fait le plus souvent l'objet
12:01 de sanctions ou de rappels à l'ordre de l'ARCOM.
12:04 Je travaille sur ce sujet,
12:06 la façon dont les chaînes respectent ou pas leurs obligations,
12:09 et en particulier qu'elles sont contrôlées par l'ARCOM.
12:12 Je suis curieux de savoir ce que Cyril Hanouna a pu répondre
12:16 à l'ARCOM quand on lui a dit "Vous avez abusé", etc.
12:19 Peut-être qu'on l'auditionnera.
12:21 -Quand je sens monter la colère pendant un débat à l'Assemblée.
12:24 -Ah, quand je sens...
12:26 Euh...
12:27 L'expérience, si vous voulez, de l'assassin,
12:30 me fait dire que, oui, j'ai appris...
12:32 -A respirer un peu. -A respirer un peu
12:34 et aller boire frais, mais je crois que cette colère
12:37 est légitime, partagée par énormément de nos concitoyens.
12:41 Donc, elle doit pas faire dépasser les bornes,
12:43 mais elle doit pouvoir s'exprimer.
12:45 -Enfin, comme disait Plin le jeune...
12:48 Je teste votre maîtrise en...
12:50 Ce qui reste du latinisme que vous êtes.
12:54 -Je vais pas avoir de citations spécifiques
12:57 de Plin le jeune, c'est un peu...
12:59 C'est un peu spécifique.
13:01 J'aime bien, si on doit avoir une citation latine,
13:04 j'aime bien celle de Terrence.
13:06 "Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m'est étranger."
13:10 C'est une bonne base pour fonder l'universalisme politique.
13:13 -Ce sera le mot de la fin.
13:15 Merci à vous, Aurélien Saint-Auuld, d'être venu.
13:18 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:21 Générique
13:23 ...

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