• il y a 11 mois
Lucie est thanatopractrice : elle prépare les corps des défunt.e.s à la demande des familles. Elle nous raconte comment elle est arrivée à exercer ce métier essentiel, mais dont on parle peu.

Retrouvez Lucie dans le livre Essentielles » de Salhia Brakhlia, aux éditions Clique !

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Transcription
00:00 J'interviens quelques mois plus tard dans le funérarium.
00:02 J'avais un monsieur à préparer, je commence à regarder les vêtements propres que je devais lui mettre.
00:06 Je me dis "Ah c'est marrant, c'est des chemises assez particulières"
00:08 et la dernière fois que j'en ai vu c'était ce petit monsieur du coin.
00:10 Et là je regarde le défunt et je me dis "Mais c'est ce petit monsieur en question ?"
00:14 Moi c'est Lucie, 28 ans, je suis thanatopractice.
00:17 Ça consiste à préparer les défunts.
00:19 Donc on est appelés par les pommes funèbres.
00:20 C'est nous qui nous déplaçons là où il y a des défunts.
00:23 Donc ça peut être dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite,
00:26 évidemment dans les funérariums, à domicile.
00:28 C'est nous qui allons faire toute la préparation de A à Z.
00:31 C'est-à-dire qu'on va aller les nettoyer, désinfecter les corps.
00:35 Et après ça va être l'habillage, on va fermer les yeux, on va fermer la bouche.
00:40 On va les coiffer, on va les maquiller un petit peu si besoin, on va les bichonner.
00:43 Moi j'ai toujours voulu faire ça depuis que j'ai eu connaissance du métier.
00:47 Donc c'était en seconde, j'étais en filière S.
00:50 J'ai enchaîné par la suite avec mes études, j'ai passé mon diplôme de thanatopro.
00:54 Moi ce qui m'a attirée dans le métier c'est les conditions, c'est un tout.
00:58 C'est un métier où on travaille globalement seule.
01:01 Il faut aimer travailler dans le silence, dans le calme.
01:04 Je voulais un travail manuel où j'ai tous mes petits instruments,
01:07 tout mon petit matériel pour prendre soin des défunts.
01:10 La mort c'est quelque chose qui touche tout le monde.
01:11 Donc je ne travaille pas essentiellement avec des riches, avec des pauvres.
01:14 On travaille avec tout le monde, toutes les cultures, toutes les religions, tous les horizons.
01:17 C'est ça qui m'a attirée dans le métier.
01:19 Mes parents m'ont toujours encouragée là-dedans.
01:20 Mais je pense qu'ils ont vu dès le début aussi que vraiment j'avais une passion pour ça
01:24 et que ça me plaisait beaucoup.
01:26 Et je m'étais bien renseignée, j'avais pu assister à un soin aussi.
01:29 J'ai quelqu'un qui m'a montré le métier, qui m'en a beaucoup parlé.
01:32 C'est toujours compliqué de l'annoncer aux gens.
01:35 Les gens sont toujours un peu étonnés.
01:37 On a beaucoup de remarques qui viennent quand même.
01:38 Tout de suite c'est "Ah c'est toi qui maquilles les défunts ?"
01:40 Alors ça déjà ça me fait rire parce que oui, mais ça ne se résume tellement pas à ça.
01:43 Moi personnellement on me dit beaucoup "T'as pas la tête de l'emploi ?"
01:46 C'est à quoi je leur demande "A quoi ça ressemble pour toi un thanato ?"
01:49 Et en fait ils ne savent pas tellement nous dire.
01:50 Mais après voilà, les gens sont très curieux, ils posent beaucoup de questions.
01:53 Ils ont beaucoup envie d'en savoir dès que je lui mets mon métier.
01:56 Ce qui me plaît dans le métier c'est que le protocole de soin va toujours être le même.
01:58 Et en même temps on ne fait jamais deux fois la même journée.
02:01 Il y a autant de soins différents qu'il y a de personnes différentes.
02:04 Le matin je ne sais jamais à quoi m'attendre.
02:06 Du coup je peux m'occuper de zéro défunt à...
02:09 Je peux en faire cinq, six.
02:11 Dans des journées ça dépend aussi si on fait plutôt des toilettes ou des soins.
02:14 Une toilette ça va nous prendre 30 minutes, un soin ça va nous prendre une heure et demie.
02:16 Ça dépend aussi des temps de route.
02:18 Donc je me réveille le matin, j'ai mon patron qui m'envoie mes rendez-vous par texto.
02:22 Il me dit "T'as telle personne à préparer à tel endroit, tu dois faire ceci, cela."
02:26 Je n'ai pas de bureau, je pars directement de chez moi avec mon véhicule de fonction.
02:29 J'ai tout mon matériel à l'intérieur.
02:30 C'est moi qui me déplace dans les funérariums.
02:33 J'arrive, je prends les informations auprès des pompes funèbres.
02:35 Ensuite je prépare les défunts qu'il y a à faire.
02:37 Et puis toute la journée ça va être comme ça.
02:39 Je vais me déplacer, enchaîner mes rendez-vous.
02:40 Et à la fin je rentre chez moi.
02:41 Donc c'est assez classique comme schéma de journée.
02:44 La première fois que j'ai vu un défunt, dans le cadre professionnel,
02:47 c'est toujours un peu la curiosité de l'inconnu.
02:49 Petite appréhension des premières secondes, des premières minutes.
02:51 Et après en fait on se focusse sur ce qu'il y a à faire.
02:55 Et ça s'est bien passé, je l'ai bien senti.
02:57 Ce n'est pas vraiment quelque chose qui m'a le plus marquée.
03:01 Mais par exemple, je me souviens, il y a un funérarium où j'interviens régulièrement.
03:05 Quand j'ai le temps, je vais manger à la petite brasserie du coin.
03:08 Il y a toujours le petit même papy du village qui était seul
03:11 et qui venait manger là pour avoir de la compagnie.
03:14 C'est le petit papy qui allait tchatch.
03:15 J'avais échangé des mots avec lui, on avait fait connaissance un petit peu.
03:19 Petit monsieur qui avait toujours des chemises très colorées, très particulières.
03:22 J'interviens quelques mois plus tard dans le funérarium.
03:25 Je savais que j'avais un monsieur à préparer.
03:26 Je commence à regarder les vêtements propres que je devais lui mettre.
03:29 Et je me dis "Ah c'est marrant, c'est des chemises assez particulières".
03:32 Et la dernière fois que j'en ai vu, c'était ce petit monsieur du coin.
03:34 Et là je regarde le défunt et je me dis "Mais c'est ce petit monsieur en question".
03:39 Quand c'est des gens, ne serait-ce qu'on connaît visuellement, même si on n'est pas proche d'eux.
03:42 C'est toujours particulier une fois qu'on les a devant nous, décédés dans le labo.
03:47 C'est toujours un petit pincement au cœur.
03:48 Pour l'instant, j'ai de la chance de ne pas avoir eu à préparer vraiment des personnes proches.
03:52 Je pense que ça arrivera un jour.
03:53 Et ça, évidemment c'est le plus dur.
03:56 Forcément, ce qui est le plus difficile nous au quotidien, ça va être les accidentés,
04:00 ça va être les enfants.
04:02 On ne s'y habitue jamais.
04:03 La santé mentale, je pense qu'elle peut en prendre un coup.
04:05 C'est devenu tellement notre quotidien qu'on y fait peut-être plus attention.
04:08 Mais je pense que sans s'en rendre compte, ça nous impacte un petit peu.
04:11 Moi, j'essaie de faire attention comme je peux.
04:13 C'est vrai qu'il y a des journées, forcément, on rentre, on pleure, on n'a pas le moral.
04:17 J'ai de la chance d'être bien entourée aussi.
04:18 Dès que j'ai un rendez-vous qui m'a un petit peu marquée, j'en parle à mon entourage.
04:22 J'en suis pas là, mais je pense que si vraiment je sens que j'aurais du mal,
04:25 je me poserais des questions.
04:26 Peut-être je demanderais une aide extérieure, un psychologue ou quelque chose comme ça.
04:30 Mais j'essaye d'être vigilante là-dessus.
04:32 Je ne me sens pas en décalage par rapport aux autres de mon âge, qui ont 28 ans.
04:36 Il y a peut-être plus un décalage sur la façon de voir la mort et de penser à ces choses-là.
04:41 Mais finalement, il y a un décalage de tout âge, que ce soit avec mes parents, mes grands-parents.
04:46 Le funéraire, de manière générale, est essentiel.
04:49 C'est sûr et certain.
04:51 On travaille tous ensemble, c'est-à-dire qu'entre les conseillers funéraires,
04:53 les marbriers, les porteurs,
04:55 tous les gens qui sont de près ou de loin assimilés à la mort vont être essentiels.
04:58 Nous, on les a un petit peu moins parce que les soins ne sont pas obligatoires
05:01 et ça dépend vraiment des familles.
05:03 Mais en tout cas, tant que les familles voudront voir les défunts dans des bonnes conditions,
05:08 oui, là, clairement, on est essentiels, surtout dans certains cas.
05:10 Mais utiles, en tout cas, j'espère.

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