Contraint de s'arrêter au Cap en raison d'une avarie, Tom Laperche (SVR-Lazartigue), joint en direct ce vendredi sur la chaîne L'Équipe dans « L'Équipe de choc », n'était guère optimiste concernant la possibilité de reprendre la course durant cette édition de l'Arkéa Ultim Challenge.
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00:00 Bonjour, salut, depuis le Primarand Est-Vert de l'Arctique,
00:05 on est en Afrique du Sud.
00:07 C'est ça, parce qu'on rappelle que ton bateau a connu une avarie
00:10 après avoir rencontré un ophni, un objet flottant non identifié.
00:12 Voilà pourquoi tu n'es pas en mer, tu as dû faire escale pour essayer de le réparer.
00:15 Est-ce que tu peux nous montrer un petit peu l'envers du décor,
00:18 là où il y a eu du bobo, on en est où des réparations ?
00:21 Tu peux te déplacer avec le téléphone ? Ce n'est pas trop difficile.
00:24 Allez, vas-y, lance-toi.
00:26 Je peux me déplacer, après, je peux...
00:27 Globalement, ce qui se passe, c'est qu'il y a la coque centrale qui est derrière moi,
00:31 c'est le milieu, ces trimarans, ils sont 30 mètres de long, 23 mètres de large.
00:35 Et au milieu de la coque centrale, on a une dérive,
00:38 qui est un appendice qui nous permet d'accrocher sur l'eau et de nous aider à voler.
00:41 C'est cet appendice-là qui est abîmé et qui a déchiré le fond de la coque.
00:46 Et là, c'est un peu compliqué d'aller vous filmer pour voir le trou qu'il y a au fond de l'eau.
00:49 Mais voilà, vous avez des images.
00:51 Oui, c'est impressionnant.
00:53 Les dégâts sont assez importants.
00:56 La voie d'eau est beaucoup trop grande pour avoir pu espérer continuer la course sans s'arrêter.
01:03 Et là, on est au cap avec l'équipe qui m'a accueilli pour essayer.
01:08 Il faut qu'on sorte le bateau de l'eau pour pouvoir espérer réparer.
01:14 Comment on va se prendre la décision, justement, d'abandonner ou de continuer ?
01:17 J'imagine que c'est dans les heures, dans les jours qui suivent.
01:19 Là, tu es plutôt confiant, tu es plutôt pessimiste.
01:23 Évidemment, depuis le moment où j'ai vu les dégâts, quelques heures après le choc,
01:31 et que j'ai pu inspecter le bateau le mieux que je pouvais tout seul au milieu de l'Atlantique Sud,
01:36 j'ai assez vite compris que c'était des gros doigts de compliqués,
01:41 qu'on allait arriver avec ce trimaran S-Verlas Arctic,
01:44 qui sont des bateaux merveilleux, mais qui sont aussi des bateaux complexes et grands en logistique dans un port.
01:50 Et donc, tout n'est pas évident pour pouvoir sortir le bateau de l'eau, s'organiser, l'accueillir dans le port.
01:56 Et tout prend du temps, en tout cas plus que quand on est chez nous.
01:59 Et donc, on prend un peu de temps avant de sortir le bateau de l'eau
02:03 et de pouvoir vraiment décider des réparations qu'on fait.
02:06 Mais c'est sûr qu'aujourd'hui, en étant réaliste, les parts de chance de pouvoir continuer sont évidemment très très faibles.
02:14 Et c'est dur à accepter.
02:16 Maintenant, on se bat pour voir tout ce qui est possible pour aller au bout de cette course.
02:23 Mais on a aussi envie de se projeter sur l'avenir et ce qu'on va pouvoir faire avec ce projet S-Verlas Arctic.
02:29 On rappelle qu'on est en direct de Cape Town, en Afrique du Sud.
02:30 C'est pour ça que parfois, on a des petits soucis de liaison.
02:32 Mais pour l'instant, on t'entend bien, Tom.
02:33 La bonne nouvelle, c'est que tu n'es pas le seul à avoir des pépins.
02:37 Armel Le Cleac'h a été touché en début de course.
02:39 Là, aujourd'hui, on a appris qu'Éric Perron allait sans doute te rejoindre du côté de Cape Town.
02:43 Lui aussi est touché par une avarie.
02:44 Donc ce n'est pas rare, finalement, ce qui t'est arrivé.
02:46 Oui, c'est une bonne nouvelle.
02:51 Je ne crois pas que c'est une bonne nouvelle qu'on ne souhaite jamais que des concurrents aient des avaries.
02:59 Et on sait qu'en course au large, ça fait partie.
03:01 C'est un sport mécanique.
03:02 Et il y a pas mal de choses qu'on ne maîtrise pas qui font que ce sport est attirant, il est magnifique et qu'on est loin de tout.
03:09 Et qu'on n'est pas dans les choses maîtrisables et dans les choses de la vie de tous les jours.
03:14 Et quand je parle des choses non maîtrisables, autant les aléas météo, la gestion de son bateau au niveau de...
03:20 C'est un engin mécanique qu'il faut gérer sur le long terme.
03:23 Et puis là, pour le coup, c'est un choc dans l'eau, quelque chose qu'on ne peut pas maîtriser.
03:29 Et un petit sentiment d'injustice.
03:31 Et en même temps, voilà.
03:34 Après, je crois que ces bateaux, ils sont merveilleux.
03:36 Ils sont faits pour faire le tour de la planète.
03:37 Et on était sur un super rythme, on était capable de le faire.
03:40 C'est dommage que ça s'arrête comme ça.
03:43 En tout cas, ton aventure nous passionne.
03:45 Ce n'est pas encore fini, Tom.
03:46 Question de Bertrand Latour.
03:47 Bonjour Tom.
03:48 Moi, justement, je veux prolonger la question de France.
03:50 Vous êtes un certain nombre à connaître ou avoir connu des problèmes et des avaries.
03:55 Est-ce que c'est la preuve que vous êtes allé trop loin dans la recherche des bateaux qui sont capables d'aller tellement vite
04:02 mais qui sont aussi difficiles à gérer parce que vous êtes tout seul ?
04:05 Est-ce que c'est une explication ou pas du tout ?
04:09 En tout cas, pour parler de ce qui nous concerne avec S.Veras Artic sur le trimaran,
04:15 qu'on soit tout seul, le type d'avaries qu'on a eues,
04:19 ce n'aurait pas changé grand-chose.
04:22 Après, c'est indéniable que nos bateaux, ils sont merveilleux.
04:25 J'ai pris un plaisir extraordinaire sur ce premier quart de parcours.
04:28 Et les bateaux volent, vont très vite.
04:30 Et donc forcément, on est parfois à la limite de ce qui peut se faire.
04:38 Et globalement, ces 10-15 dernières années, les bateaux ont quasiment doublé de vitesse par moment.
04:44 Donc un choc contre quelque chose dans l'eau, ça a des répercussions qui sont plus lourdes.
04:50 Et maintenant, pour détecter ces choses-là, aujourd'hui, c'est compliqué de détecter ce qui est dans l'eau.
04:57 On a des outils pour voir les autres bateaux, pour détecter les choses qui flottent sur l'eau.
05:02 Mais ce qui est dans l'eau, c'est plus dur.
05:04 Normalement, il n'y a pas grand-chose.
05:07 Mais voilà, c'est rare.
05:11 Ça n'arrive pas si souvent que ça, mais on espérait que ça arrive encore moins.
05:15 Et là, je veux vous dire que quand ça m'arrive, c'est super dur d'encaisser un truc pareil.
05:21 Parce qu'on sait que la course, elle est compromise et que les dégâts sur un bateau sont importants.
05:27 Et ça fait mal au cœur.
05:28 Et autour de ces projets, il y a beaucoup de monde.
05:31 Il y a toute une équipe qui avait énormément travaillé.
05:34 Je suis hyper fier et envie de capitaliser pour la suite sur ce qu'on avait réussi à faire
05:39 en étant au top sur une de départ, en faisant 10 jours de course aux avant-postes,
05:46 entre la première et la deuxième place sur un tour du monde.
05:49 C'était génial et on ne peut qu'en être satisfait.
05:54 Il faut penser au bon moment de ce qu'on a vécu et la suite s'appuyer là-dessus.
06:02 - Et tu nous as bien régalé sur la première partie de course.
06:04 Tu avais mis une pile à tout le monde, c'était assez incroyable.
06:06 J'ai vu, et c'est repris un petit peu partout, que tu avais déclaré
06:09 "c'est le moment le plus dur de toute ma vie".
06:11 Est-ce que tu as été épaulé là-dedans ?
06:13 Est-ce que ton mentor François Gabart t'aide à passer cette épreuve ?
06:16 Je me doute que tu préférais être en mer là.
06:20 - Évidemment, je préférais être au sud de l'Australie, à côté de Gitana,
06:26 qui est en tête de course, et avec des belles météos.
06:31 En tout cas, un temps de passage en Australie qui était plutôt favorable,
06:35 plutôt rapide. Après, il y a du monde autour de moi pour m'aider.
06:40 J'en suis conscient, et ça m'aide.
06:46 Mais le moment le plus dur de ma vie, dans le sens où, globalement,
06:49 je n'ai quasiment pas eu d'avaries dans les courses que j'ai faites en bateau
06:54 ces dernières années. Je n'ai pas eu beaucoup d'échecs.
06:58 Tout s'est plutôt bien enchaîné entre mes études, mes projets sportifs,
07:02 et ce projet S-Vers Azartigues.
07:05 Et en même temps, pour arriver là, c'était beaucoup de travail
07:09 et beaucoup d'énergie dépensée. Et quand ça s'arrête,
07:12 on a le sentiment que beaucoup de choses s'écroulent.
07:15 Forcément, il y a des moments pas faciles.
07:21 Le moral a tendance à remonter, et c'est plutôt mieux.
07:25 Mais les 2 heures et les 2-3 jours tout seuls à la suite de l'avarie,
07:30 on passe par toutes les émotions, des larmes sanglots à ne pas comprendre,
07:37 et à l'envie de relativiser sur les choses de la vie,
07:42 sur d'autres problèmes de la société,
07:46 et d'autres gens qui ont des problèmes bien plus importants
07:49 que ce que j'ai pu avoir et ce qu'on a pu avoir.
07:52 - Et l'échec sportif fait partie de toute carrière de sportif,
07:55 et ce n'est pas Fred Lecanu qui dira le contraire.
07:57 Une dernière petite question, notre judoka.
07:59 - Une dernière question sur la transmission.
08:01 Je sais, Tom, que vous êtes issu d'une grande famille de personnes
08:04 qui connaissent bien le haut niveau sur la navigation, père, grand-père.
08:07 Bertrand en a parlé, les bateaux changent,
08:09 mais est-ce que les conseils restent toujours là ?
08:11 Ce que je veux dire, c'est que l'avarie, ça fait partie du monde maritime.
08:14 Est-ce qu'il y a des vieux conseils, des vieilles histoires
08:16 qui vous reviennent en tête pour essayer de trouver une solution très vite ?
08:18 Est-ce qu'il y a des petits messages qui refont surface,
08:20 l'expérience de vos aïeux ?
08:23 - Si, bien sûr, que dans l'entourage, et dans les gens que je côtoie,
08:28 et dans les dizaines, centaines de messages que j'ai reçus
08:31 qui me touchent fort,
08:35 bien évidemment, il y a un peu toutes ces histoires,
08:39 ces lots d'avaries qui existent en course au large, on le sait.
08:43 On espère toujours que ça n'arrive pas.
08:45 On se prépare pour diminuer au maximum le risque.
08:48 Et là-dessus, je crois qu'on n'avait en tout cas pas fait beaucoup d'erreurs.
08:53 Il n'y a pas une personne sur laquelle on peut se dire
08:55 qu'il y avait quelqu'un ou une tâche qu'on a mal faite.
08:59 Mais c'est sûr que c'est la loi de tout sportif,
09:05 et pour ce qui est des conseils des gens extérieurs,
09:07 il y en a pas mal.
09:08 Et l'entourage, à commencer par l'équipe qui m'a accueilli,
09:10 l'équipe autour de ce trimaran, S-Vers-Las Artigues,
09:12 elle est magnifique.
09:14 Les échanges que j'ai pu avoir avec les gens qui me soutiennent,
09:17 du groupe Cresque et des marques S-Vers-Las Artigues,
09:20 c'est touchant.
09:22 - Merci beaucoup, Tom Laperche, 26 ans, on le rappelle,
09:24 le Benjamin de la flotte, on est tous avec toi,
09:26 on espère que tu vas repartir.
09:27 -On lâche rien. -Salut, Tom.
09:29 [BIP]