• il y a 11 mois
Christophe Hillairet, président de la chambre d’Agriculture de région Île-de-France

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00:00 Christophe Hilleret, bonjour. Vous êtes le président de la chambre d'agriculture de la région Île-de-France.
00:06 Vous êtes aussi et surtout agriculteur vous-même.
00:10 Vous avez une ferme de 215 hectares à Ably, dans le sud des Yvelines.
00:15 Vous cultivez des céréales, des betteraves, vous êtes apiculteur aussi.
00:19 On attend d'ici aujourd'hui ou demain, Christophe Hilleret, des annonces du gouvernement, du concret.
00:26 Et sinon, on bloquera Paris et l'Île-de-France. C'est ce qu'a dit la FDSEA hier sur France Bleu Paris.
00:31 La menace est là. Du concret, Christophe Hilleret, ça veut dire quoi ?
00:35 Quelles sont les mesures concrètes que vous demandez aujourd'hui au gouvernement
00:40 pour éviter d'en arriver à bloquer Paris et la région ?
00:43 Je pense que dans toute action et actuellement la colère des agriculteurs,
00:48 en fait, il faut déjà cerner quelle est la maladie du monde agricole au jour d'aujourd'hui.
00:52 La maladie, elle revêt plusieurs aspects. Vous avez cité la notion du revenu, mais pas que.
00:58 Il y a tout l'aspect normalisation, en fait, dans les exploitations.
01:01 Et je vais vous citer quelques éléments. Alors, ça a été cité sur plusieurs médias.
01:05 Effectivement, on est contrôlé tous les 8 à 15 jours par un satellite
01:09 pour vérifier dans nos parcelles ce qui se passe dans chacune des exploitations.
01:13 Un satellite vient au-dessus de votre parcelle, vérifier tous les 15 jours ?
01:17 Absolument.
01:18 Si vous faites bien, si vous n'étiez pas trop de pesticides ?
01:21 Ce n'est pas pour les produits phytosanitaires, ce n'est pas pour l'azote.
01:25 Mais par contre, vous avez un accident de culture et donc la PAC vérifie
01:29 que les surfaces que vous avez mentionnées sont toujours exactes.
01:32 Et il suffit que vous ayez un rond d'eau qui fasse mourir le blé ou n'importe quelle culture,
01:37 et bien la PAC vous tire les oreilles en disant "attention, là vous avez un rond qui a brûlé".
01:42 Donc, il faut le déduire, en fait, des surfaces concernées. Donc, ça, c'est tous les 15 jours.
01:46 Stop au flicage ?
01:47 Ce n'est pas stop au flicage. C'est qu'à un moment donné, vous avez cette mesure-là,
01:51 vous avez des mesures sur l'azote, vous avez des mesures sur les produits phytosanitaires,
01:54 sur le bien-être animal, sur l'identification des animaux, sur des plants haies, etc.
01:59 Il faut comprendre qu'un exploitant, il est souvent seul à l'échelle de son exploitation.
02:03 Le problème, c'est que le ministère de l'Agriculture travaille en silo,
02:07 c'est-à-dire sur des notions environnementales qui sont toutes, voilà, honorables, etc.
02:12 Sauf que quand vous êtes seul à l'échelle d'une exploitation,
02:15 vous avez un empilement de normes comme ça.
02:17 Aujourd'hui, qu'est-ce que nous disent nos agriculteurs ?
02:19 Ils nous disent "Bah écoute, moi le jour où je vais me faire contrôler,
02:22 de toute façon, je sais qu'à un moment donné, je ne serai pas dans les clous,
02:24 il faudra que vous veniez nous défendre."
02:26 Et ça, ce n'est plus possible.
02:27 Il faut que les mesures qui sortent de l'État aujourd'hui,
02:30 en matière environnementale, dans d'autres domaines,
02:32 bien-être animal, social, etc., soient compréhensibles et soient accessibles aux agriculteurs.
02:37 Ça veut dire que vous ne demandez pas la suppression de ces normes,
02:40 mais une simplification ? Ou alors il faut les supprimer ?
02:42 Déjà qu'on refasse confiance, à un moment donné, aux agriculteurs.
02:46 On n'est pas des voyous, on est des profondément républicains.
02:48 On a envie de répondre aux enjeux associés tôt, etc.
02:52 Mais à un moment donné, il faut que ça soit compréhensible.
02:54 - Oui, parce que c'est un enjeu de santé, de santé publique,
02:57 y compris pour votre santé à vous, les agriculteurs.
02:59 - Pas que, parce que là, vous êtes en train de cibler
03:02 uniquement la notion des produits fitosanitaires,
03:04 mais ça va aussi sur le plan E, la directive Oiseau,
03:07 ça va sur l'entretien des cours d'eau.
03:10 Là, vous voyez ce qui se passe dans le Nord, actuellement,
03:12 de la France, où tout le monde est en train de déborder.
03:14 Pourquoi ? Parce qu'on a interdit aujourd'hui de curer les cours d'eau.
03:17 C'est des choses toutes simples, alors que nos ancêtres
03:19 ont toujours entretenu ces cours d'eau.
03:21 Donc c'est un empilement de mesures, pas que environnementales,
03:25 qui fait qu'à un moment donné, on a un ras-le-bol dans le monde agricole.
03:27 - Donc ça, vous demandez stop. Stop à toutes ces normes, trop de normes.
03:30 C'est l'une des priorités, l'une des demandes prioritaires au gouvernement.
03:34 Aujourd'hui, vous attendez une réponse là-dessus.
03:36 - Vous avez à l'échelle européenne des règles qui sont en train d'établir.
03:40 Ce qui n'est pas acceptable, c'est que la France sur-enchérit à chaque fois.
03:44 Et on est en propre concurrence. Je vous cite un exemple concret.
03:46 Le marché de la cerise, en France.
03:49 Les cerisiers sont tous en train d'être arrachés.
03:50 On a arraché 50% des cerisiers.
03:52 Pourquoi une molécule a été interdite ?
03:54 Mais elle est autorisée en Italie, elle est autorisée en Espagne,
03:56 elle est autorisée tout autour de la France.
03:58 Moi, je veux bien, c'est-à-dire qu'à un moment donné,
04:00 on est très vertueux sur le plan environnemental,
04:04 sauf qu'on est en train d'exporter ce qu'on ne veut pas en France,
04:07 en termes de pollution, et puis on fait rentrer ces produits-là.
04:09 Et le consommateur est ravi, parce que c'est pas cher.
04:11 Alors que nous, nos propres productions sont plus chères,
04:14 et le consommateur n'en veut pas.
04:15 Donc à un moment donné, c'est quoi ?
04:17 Dans quelle équation nous nous trouvons ?
04:19 - Oui, donc une réciprocité des normes aussi, pour les autres pays,
04:22 et pour que tout le monde soit au même niveau,
04:24 et qu'il n'y ait pas de concurrence déloyale.
04:25 On va revenir sur le prix, justement,
04:27 le prix de nos produits,
04:29 et est-ce que les consommateurs sont prêts à payer plus cher ?
04:32 On est avec Béatrice, qui nous appelle au 01 42 30 10 10.
04:37 - De Saint-Ouen-le-Mône. Bonjour Béatrice.
04:40 - Bonjour France Bleu.
04:41 - Quelle est votre réaction face à la mobilisation de ces agriculteurs,
04:45 et cette colère que l'on entend là depuis plusieurs jours ?
04:48 - Moi je les soutiens à fond.
04:50 Qu'ils continuent, qu'ils ne lâchent rien.
04:53 Moi je serais bon, d'accord pour payer un peu plus,
04:57 mais bon, faut pas exagérer non plus.
04:59 L'État faudra peut-être que...
05:02 qu'il les aide au maximum, hein.
05:05 Parce que bon, les agriculteurs, pour moi, c'est les racines de la France.
05:10 Si on n'a pas d'agriculteurs, on mange pas.
05:13 Et combien il y a de suicides chez les agriculteurs.
05:17 Et là j'ai une pensée pour la dame qui est morte avec sa fille.
05:23 J'ai une très grosse pensée pour elle.
05:27 En plus, ils ont pas voulu faire deux minutes de silence à l'Assemblée,
05:31 certaines personnes. C'est honteux.
05:34 - On entend votre colère ce matin. Merci de l'avoir dit Béatrice.
05:38 Oui, vous voulez y rajouter ? Dites-nous, dites-nous.
05:42 Vous voulez y rajouter quelque chose Béatrice ?
05:44 - Euh non. - Oh bah parfait, alors je vous salue.
05:47 - Non, bah je les soutiens à fond.
05:49 Ils peuvent monter à Paris, foutre le bordel là-bas.
05:53 - Ça vous pose, et vous les soutenez.
05:54 Merci d'avoir été avec nous Béatrice, on vous souhaite une bonne journée à Saint-Ouen.
05:57 - Merci beaucoup, au revoir.
05:58 - Et Christophe Hiléret a entendu votre message,
06:02 président de la Chambre d'Agriculture d'Île-de-France.
06:05 Christophe Hiléret, effectivement,
06:07 ce drame, Alexandra et sa fille de 12 ans qui ont perdu la vie
06:11 sur un blocage dans la Riège.
06:14 Vous aussi, ça vous choque qu'il n'y ait pas eu de minutes de silence ?
06:17 - Oui, effectivement. On a vu l'Assemblée Nationale et les différentes chambres,
06:21 en tout cas, faire des minutes de silence, en fait, pour bien d'autres événements.
06:25 Effectivement, le monde agricole, de temps en temps, on a l'impression
06:28 qu'on est à l'époque Moyenne-Ageuse, un peu les serfs en France,
06:32 et on ne nous considère pas forcément, voilà.
06:34 Alors que vous, tous, nous, chaque fois par jour,
06:38 trois fois par jour, on a besoin du monde agricole pour se nourrir.
06:41 Donc c'est quand même, voilà, c'est assez dommageable, effectivement.
06:45 - Béatrice nous disait aussi qu'elle vous soutient à fond,
06:48 et allez-y, allez foutre le bordel, dit Béatrice, à Paris.
06:51 Vous êtes prêts ? Allez, foutre le bordel à Paris.
06:54 C'est ce qu'il faut, c'est la seule façon de se faire entendre,
06:57 aujourd'hui, Christophe Hiléret ?
06:58 - La colère est là, à un moment donné,
07:01 mais on est en face d'injonctions paradoxales.
07:03 J'entendais tout à l'heure, vous évoquiez notamment,
07:05 la notion des circuits courts, etc., comme une des solutions.
07:08 Moi, je rétorque complètement la chose.
07:11 Vous savez que pendant le Covid, on a ouvert énormément de boutiques à la ferme,
07:15 partout en Ile-de-France, elles sont toutes fermées.
07:17 L'agriculture biologique... - Elles sont toutes fermées, là, aujourd'hui ?
07:19 - Pas toutes, mais on en a fermé peut-être un tiers.
07:22 Pourquoi ? Parce que le consommateur se réfugie, aujourd'hui,
07:25 dans les grandes surfaces pour acheter des produits qui sont moins chers.
07:28 L'agriculture biologique, on est en train de déconvertir des terres
07:31 en agriculture biologique en Ile-de-France, parce que ça coûte cher.
07:34 - Qu'est-ce qu'il faut faire ? Est-ce qu'il faut faire payer plus cher le consommateur ?
07:37 Est-ce qu'il faut tordre le bras des industriels ?
07:40 Est-ce qu'il faut plus d'aide ?
07:42 Comment on fait pour mieux vous rémunérer ?
07:44 - Moi, je pense qu'à un moment donné, regardez les prix de l'alimentation
07:47 ces 50 dernières années, elles n'ont pas monté autant que ça.
07:51 Dans le budget d'aménage, ça a été dit à plusieurs reprises,
07:54 aujourd'hui, ça ne représente plus que 15 à 20% du budget d'aménage,
07:58 parce qu'on a d'autres besoins au niveau sociétal,
08:00 la téléphonie, les abonnements de télé, etc.
08:04 Mais à un moment donné, nous, le monde agricole,
08:07 on a des charges qui continuent à augmenter,
08:09 la société nous demande d'être de plus en plus vertueux en matière de production,
08:13 on peut l'entendre, mais ça a un coût, et ce coût, qui l'assume ?
08:16 - Qui doit le payer ? C'est la question que je vous pose.
08:18 Le consommateur ou l'État ?
08:20 - Le consommateur, moi je vois qu'il est très ambivalent,
08:23 parce que le consommateur, d'un côté, nous demande d'être très vertueux
08:26 en tant que citoyen, ce qui est louable,
08:29 mais en tant que consommateur, par exemple,
08:31 je ne sais pas si vous avez une restauration collective,
08:33 - Il va falloir qu'il accepte de mettre un petit peu plus.
08:35 - Vous avez peut-être une restauration collective ici, à Radio France Bleu,
08:38 80% du poulet que l'on mange en restauration collective,
08:41 aujourd'hui, il est ukrainien, donc voilà, dont acte.
08:44 Moi, je prends les chiffres comme ils sont.
08:46 Donc, le président de la République, dans son discours à Rungis,
08:48 nous a dit "il faut que l'agriculture monte en gamme",
08:50 dont acte, sauf que le consommateur, aujourd'hui,
08:53 - Ne peut pas payer.
08:55 - Il ne peut pas payer, et donc il achète des produits bas de gamme.
08:57 - Ne peut pas payer, mais je vous présente Samuel Ketapitivier,
09:00 01 42 30 10 10, et lui, il va directement acheter
09:03 chez l'agriculteur, dans l'exploitation. Bonjour Samuel.
09:06 - Bonjour. - Oui, bonjour.
09:08 - Vous vous y attachez, vous êtes attaché à cette rencontre
09:11 avec l'agriculteur, et aller vraiment récupérer le produit,
09:14 directement chez lui.
09:17 - Ah bah moi, j'achète ma gamme chez l'agriculteur,
09:19 j'achète mes pommes de terre chez l'agriculteur,
09:21 et il ne faut pas dire que c'est plus cher,
09:23 c'est moins cher que les grandes corporations.
09:25 Il ne faut pas dire que c'est plus cher, c'est faux.
09:27 C'est moins cher que les grandes surfaces.
09:29 Il faut regarder la quantité et la qualité.
09:31 - Donc vous regardez le prix au kilo avant d'acheter,
09:34 mais lorsque vous allez faire les courses au centre commercial,
09:36 jamais vous prenez de viande, de fruits, de légumes ?
09:39 - Si, on en prend, mais vraiment, minimum, minimum.
09:44 Moi, quand je vais chercher un demi-cochon,
09:46 ou un cochon entier chez l'agriculteur,
09:49 ou alors un quart de bœuf, ou du veau,
09:54 il est beaucoup moins cher, ou du mouton,
09:56 il est beaucoup moins cher au kilo qu'en grande surface.
09:59 Il faut regarder ça.
10:01 Moi, je vous dis, voilà, on est à 12 euros le kilo le veau,
10:04 chez l'agriculteur, préparé dans le sachet, comme chez le boucher.
10:09 - Merci Samuel. - Merci Samuel Christophe-Hiléré.
10:12 C'est vrai que c'est moins cher si on vient directement à la ferme ?
10:15 - Souvent, ouais. - Parce qu'on a plutôt le cliché inverse.
10:18 - Souvent, souvent c'est moins cher, mais malheureusement,
10:20 aujourd'hui, la société fait que les gens ne prennent plus
10:23 forcément le temps, comme Samuel, d'aller chez un exploitant
10:26 pour acheter ses produits. Et puis, il faut reconnaître une chose,
10:28 un agriculteur, c'est un producteur.
10:30 Quand vous lui rajoutez la fonction de transformateur,
10:32 plus la fonction commerciale, c'est du temps.
10:36 Et l'agriculteur, aujourd'hui, alors que sociétalement,
10:39 on parle des 35 heures du télétravail, etc.,
10:42 nous, les agriculteurs, on ne sait pas ce que c'est.
10:44 Donc, on a l'impression de vivre à côté de la société,
10:46 parce que, en fait, tous les débats actuels,
10:49 aujourd'hui, au niveau social, on passe à côté.
10:52 Les retraites, moi, je sais qu'aujourd'hui,
10:54 ma retraite ne dépassera pas 1200 euros.
10:56 Voilà. Et qui accepterait ça au jour d'aujourd'hui ?
10:59 Mais voilà dans quel État on a laissé l'agriculture
11:02 et les agriculteurs français.
11:03 - C'est quoi l'avenir de l'agriculture en Ile-de-France,
11:05 Christophe Hiléret ?
11:07 - L'agriculture en Ile-de-France, alors, vous avez cité
11:09 quelques chiffres, vous avez oublié aussi
11:11 la production maraîchère, parce qu'il y a une tradition,
11:14 et notamment dans la Vallée de Seine, de production maraîchère,
11:16 qui est quand même extrêmement importante encore.
11:19 La difficulté aujourd'hui, c'est de pouvoir se projeter
11:22 par rapport à la consommation du foncier agricole.
11:24 Alors, on a des outils qui nous aident,
11:26 comme le Zdrif, etc., qui nous permettent d'anticiper.
11:29 Et il ne faut pas croire que ce sont les agriculteurs...
11:31 - C'est-à-dire qu'il y a de moins en moins de fonciers,
11:32 c'est de plus en plus cher ?
11:33 - C'est de plus en plus cher, mais il ne faut pas croire
11:35 que les agriculteurs sont propriétaires du foncier.
11:37 Je le redis, 70% du foncier agricole en Ile-de-France
11:41 n'est pas propriété du monde agricole.
11:42 - Mais ma question, Christophe Hiléret, c'est
11:44 est-ce qu'on va encore avoir des agriculteurs
11:46 qui veulent faire ce métier en Ile-de-France ?
11:48 - Moi, j'ose espérer. On aura probablement d'ailleurs
11:50 une nouvelle population, puisque aujourd'hui,
11:52 on a 50% des agriculteurs qui ont plus de 55 ans.
11:55 Donc, le renouvellement des générations,
11:57 ça ne se fera pas forcément par les enfants d'agriculteurs.
12:01 Et donc, on aura une nouvelle population qui va arriver.
12:03 Mais nous, on est prêts à les accueillir,
12:04 mais à condition de leur offrir des perspectives,
12:06 ce qu'on n'arrive pas à leur proposer aujourd'hui.
12:08 - Et donc, on attend avec impatience, évidemment,
12:11 les décisions, les annonces du gouvernement,
12:13 aujourd'hui ou demain.
12:15 Merci beaucoup, Christophe Hiléret,
12:16 président de la Chambre d'Agriculture d'Ile-de-France,
12:18 d'avoir été avec nous ce matin.
12:20 Bonne journée.

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