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Art et designTranscription
00:00 Jusqu'à 13h30, les midis d'Occulture.
00:05 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoir.
00:09 Place à la rencontre.
00:11 Aujourd'hui, notre invitée est metteuse en scène, chorégraphe, performeuse et d'abord jongleuse.
00:16 Dans son dernier spectacle, elle s'appuie sur l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948
00:23 que je vais tout de suite vous lire.
00:25 "Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un état.
00:32 Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays."
00:38 Un spectacle qui fait donc du mouvement, du geste et de la mobilité, mais aussi de la danse et principes,
00:45 examinant leurs entraves et leurs obstacles, ces frontières physiques et mentales que l'on se crée
00:50 et que l'on entretient à coup de loi et migration.
00:53 Comment abattre ces frontières et l'art y peut-il quelque chose ?
00:57 - Bonjour Fiammé Nard. - Bonjour.
00:59 - Bienvenue dans les Midi de Culture. - Merci.
01:02 Fiammé Nard, je vais commencer par un énorme sujet, une énorme question.
01:06 A quoi sert l'art ?
01:09 - Ah, il faut que je réponde ? - Non, on peut laisser un silence.
01:13 Au bout d'une minute, il y a une musique dans le monde qui s'installe.
01:16 - D'accord. A quoi sert l'art ? Je pense déjà à questionner totalement l'idée de ce qu'on fait ici.
01:26 Pourquoi ensemble ? Pourquoi continuer ?
01:31 Je crois que c'est le débat le plus important avec la vie.
01:36 Je ne sais pas si on peut d'ailleurs, je crois que dans la philosophie, on passe notre temps à chercher sa définition.
01:45 Je crois que le plus important c'est s'il n'y avait pas d'art, est-ce que nous serions mieux ?
01:51 J'ai peut-être l'idée que ce serait vraiment pourri.
01:56 - Carrément, donc c'est même pas moins bien, c'est pourri. - Oui, je pense que ce serait pourri.
02:01 - Pour vous, l'art, Fiammé Nard, a véritablement une utilité.
02:06 D'autant plus que là, avec ce spectacle, mais à travers aussi votre oeuvre,
02:10 vous partez quand même de sujets, de contextes extrêmement politisés.
02:15 - Oui, mais je pense que la grande question c'est de savoir est-ce qu'on peut se détacher de la société.
02:22 Et en tant qu'artiste, je vis dans une société et je vis aussi dans un imaginaire.
02:29 Et que dans cette question de l'imaginaire, c'est sans arrêt de questionner ce que nous voyons,
02:36 se disant mais qu'est-ce qui fait que ça marche pas ? Ou qu'est-ce qui fait qu'il y a ceci ou cela ?
02:41 Et je crois que être artiste, c'est justement être à l'endroit de l'inacceptable.
02:46 On ne peut pas accepter en fait, c'est insupportable.
02:49 Alors on essaie de trouver les questions et de trouver des modes de questions,
02:55 ou en tout cas des formes de questions. Et je crois que c'est ça qui motive.
03:00 - C'est la différence avec la philosophie d'ailleurs.
03:02 La philosophie pose des questions à travers le langage, avec peut-être un certain style,
03:07 un certain travail de la langue, à travers des définitions, mais à travers l'art vivant.
03:12 C'est quoi ces formes-là pour poser des questions ?
03:15 Une question qui me fascine moi, comment on met en œuvre une question à travers le corps, à travers une scène ?
03:19 - Je pense qu'on l'a fait assez innocemment.
03:25 Je pense qu'on découvre, comme aujourd'hui, ce que j'ai écrit dans une pièce comme Article 13.
03:33 Je crois qu'il y a tout un moment où on se lance, on va développer une sorte d'écriture,
03:40 on va poser des images, s'intéresser à des symboles, mais on ne découvre qu'après.
03:47 C'était dans la relation avec le public, avec celui ou celle qui regarde,
03:51 avec ceux qui sont là face à ce moment où on a envie, on est dans le désir.
03:58 Je crois que c'est un des endroits les plus intéressants pour ça.
04:01 On sait que c'est un art où on peut être déçu, mais par contre on peut possiblement vivre quelque chose.
04:07 Je crois que c'est un des endroits les plus intéressants, l'art vivant, pour ça.
04:11 Parce qu'on le partage, parce que ça se fait sur l'instant qu'il y a un engagement.
04:16 Un engagement simple, on vient, on paye sa place, on regarde quelque chose, on se déplace.
04:23 On peut ne pas être d'accord, on peut être d'accord, mais on peut s'ennuyer aussi.
04:28 Ou alors s'énerver, ou adorer.
04:31 Ne pas comprendre.
04:32 Ne pas comprendre, mais je crois que toutes ces choses-là, c'est ce qui fait qu'on se rappelle que nous sommes insatisfaits
04:38 et notre insatisfaction nous amène à chercher.
04:42 Je crois que c'est chercher, c'est chercher à comprendre, chercher à s'interroger.
04:47 Et non pas simplement avoir les réponses comme le politique donne les réponses, sans avoir d'effet.
04:54 Je crois que c'est ça qui est la grande qualité de l'art.
04:58 Hier, Fiammé Nard a eu la première à Paris, à l'AMC 93 à Bobigny, de votre spectacle "Article 13".
05:05 Je vous propose pour les auditeurs et auditrices qu'on en écoute une ambiance.
05:10 Et puis après, vous allez nous en parler plus précisément.
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07:06 Voici Fiammé Nard pour l'ambiance de votre spectacle "Article 13" avec Marion Blondo.
07:15 On a plutôt une ambiance, évidemment, on est à la radio, une ambiance sonore.
07:19 On a entendu des chants grégoriens.
07:22 Ce ne sont pas des chants grégoriens.
07:24 C'est Dominique Vy et l'ensemble Clément Jeannequin
07:30 qui ont enregistré un octonnaire de "La vanité du monde" de Pascal de l'Estocard du XVe siècle.
07:37 Ce n'est pas du tout grégorien.
07:39 C'est plutôt un...
07:41 Et c'est ce qui m'a intéressé, c'est que c'est à un moment où...
07:45 C'est presque le début de la réforme,
07:48 le début où le catholicisme et la naissance du protestantisme.
07:52 Et il y a un moment où on navigue en plein doute à cet endroit-là.
07:56 Et c'est plutôt intéressant ce que ça provoque.
07:58 On franchit une frontière.
08:00 C'était déjà ça qui m'intéressait.
08:02 Et puis là on l'entend, "Jefferson Airplane", "White Rabbit".
08:06 Alors, pas cette version-là.
08:08 Non, on entend une version en arabe.
08:11 Maïssa... Sarah, je ne sais plus comment...
08:14 A chaque fois j'oublie son nom.
08:16 Vous retrouverez la référence.
08:18 L'appareil qui est pour moi un endroit assez intéressant,
08:21 c'était encore une nouvelle frontière en disant,
08:23 face à tous les discours de peur,
08:28 de dire qu'il faut fermer les frontières,
08:31 je crois que dans la culture et dans l'art, c'est ça qui est le plus intéressant,
08:33 c'est que le "Jefferson Airplane", "White Rabbit",
08:36 qui est une très grande oeuvre qui parle de...
08:38 qui déjà franchit une frontière, puisque ça vient de Lévis-Carole.
08:41 Ça parle quand même de cette histoire d'Alice au Pays des Merveilles.
08:47 Et puis d'un seul coup, l'avoir en arabe,
08:49 ça veut dire que ça franchit les frontières
08:51 et que chacun s'y adapte.
08:53 Et je crois que c'est ça qui est intéressant.
08:56 Fiamma Henna, vous partez pour votre spectacle,
08:58 je l'ai dit, de l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 48,
09:03 où vous soulevez ce paradoxe d'une affirmation d'un droit à circuler,
09:09 donc un droit à circuler, mais qui est entravé dans les faits.
09:13 Et donc c'est vraiment cette question de frontières
09:16 qui énerve tout votre spectacle.
09:18 On l'a entendu, que ce soit de l'ordre de la musique
09:20 ou alors de l'ordre de la scénographie.
09:23 Et puis il faut expliquer, raconter un peu à quoi ressemble votre spectacle au début.
09:29 Tout part en fait d'une plaque,
09:31 "Island Kurdi 2012-2015",
09:33 plage de Bodrum, c'est un drame qui avait ému le monde entier,
09:38 le corps de cet enfant de 3 ans,
09:40 retrouvé sur cette plage, c'est ce qu'on appelle le drame, la tragédie des migrants.
09:45 Cette plaque ensuite est déplacée,
09:46 le rideau se lève sur un jardin à la française.
09:49 Dans son centre, une statue typique de l'art occidental, une statue grecque,
09:52 et un corps allongé dans la même position que le petit Thailand,
09:55 qui va en fait s'animer.
09:57 Il est en short, en t-shirt, chaussettes rouges, baskets blanches,
10:01 il est masqué.
10:02 Et il va donc circuler, danser dans cet espace,
10:05 une manière effectivement de bouleverser les frontières qui imposent cette statue,
10:10 les frontières de ce jardin à la française si propres.
10:14 Et il va au fur et à mesure de votre spectacle,
10:16 il va saccager ce décor, je peux dire ça ?
10:19 Oui, on peut dire que...
10:21 On regarderait ça en disant que c'est un saccage,
10:23 en même temps il se réapproprie l'espace.
10:25 Je veux dire que le jardin à la française, il est typique de la frontière.
10:30 On marche là où il faut marcher,
10:32 on est vraiment dans la domination.
10:36 Et puis c'est une frontière, c'est la domination de la nature.
10:39 C'est le concept parfait aristolicien de nature-culture.
10:44 On a maîtrisé la nature.
10:46 Et c'est pour ça que je projette aussi cet enfant dans ce jardin à la française,
10:51 qui d'ailleurs démarre par une musique absolument terrible,
10:53 puisque ce sont des bruits de machine pour entretenir ces jardins à la française.
10:57 C'est-à-dire des tondeuses, des débroussailleuses, des tronçonneuses,
11:00 c'est insupportable.
11:01 C'est un bruit de guerre en fait.
11:03 Donc c'est le bruit des bombes, sauf que je l'ai traité de ce côté-là.
11:07 Et que tout ce que cet enfant va vivre à l'intérieur,
11:11 c'est se réapproprier un espace pour y être en lien avec la nature.
11:17 C'est-à-dire d'avoir le droit d'être dans cet espace.
11:20 Et en effet, ça passe par le fait que quand il arrive dans les graviers,
11:24 à un moment, il tape dans les graviers,
11:25 il trouve ça quand même de consteler l'espace avec des graviers,
11:28 ça lui donne une certaine valeur.
11:30 Et il se réapproprie finalement une sorte d'endroit de la ruine.
11:35 Ce que je veux dire, c'est que cette vision-là,
11:37 c'est une vision d'une ruine, d'un entretien d'une vision,
11:40 passéiste, et d'un seul coup, lui, il prend cet endroit pour un avenir ou un présent,
11:46 et il en fait son jardin.
11:48 Il en fait son jardin comme une expression de sa propre intimité, de ce qu'il est.
11:54 Et puis il ne faut pas oublier qu'il y a un sujet intéressant dedans,
11:57 c'est qu'il ne vient pas seul, il est avec son doudou.
12:00 C'est très important le doudou.
12:02 Ce doudou, c'est vraiment l'objet de son imaginaire aussi.
12:05 Il partage avec son doudou.
12:07 C'est sa famille aussi.
12:08 C'est sa famille, il est là, et quelque part, il anime ce jardin comme il anime ce doudou.
12:18 C'est ce même processus.
12:21 Vous avez dit tout à l'heure, Fiammé Nard, que l'importance de l'art,
12:26 c'était la manière de poser des questions à travers des formes en particulier.
12:31 On vient de décrire votre spectacle assez rapidement,
12:35 on en a écouté l'ambiance.
12:38 Hier, le public l'a découvert.
12:41 Qu'est-ce qui vous est apparu quand vous l'avez découvert sur scène ?
12:46 Vous l'avez dit, tout se passe quand même au moment de la découverte du public,
12:49 on découvre soi-même des choses dans cette manière de poser des questions formellement.
12:53 Qu'est-ce que vous avez découvert ?
12:56 Est-ce que parfois, d'ailleurs, il y a des choses que vous n'aviez pas vues,
13:00 qui apparaissent, des choses auxquelles vous vous attendiez,
13:03 qui ne sont pas là ? Des déceptions ?
13:06 Une déception par rapport à votre propre travail ou une incompréhension ?
13:09 On est traversé par tout ça.
13:12 Je crois qu'on redevient, quand on est hors de scène,
13:15 on devient spectatrice de son propre travail.
13:18 Mais quelque part, il ne vous appartient plus puisqu'il est entre les mains de l'interprétation.
13:23 Que ce soit l'artiste en scène ou les équipes de régie
13:27 qui interviennent énormément sur ces pièces.
13:30 Ça veut dire qu'à ce moment-là, vous voyez une question plus simple.
13:35 Vous voyez les défauts et vous voyez aussi votre incapacité à communiquer avec les autres,
13:39 peut-être en vous disant "Ah mince, je n'ai pas réussi à lui faire comprendre ça".
13:43 Et c'est des sujets d'autant plus intéressants que,
13:47 lorsque vous n'êtes pas sur scène, il y a un élément évident.
13:51 Vous avez créé une pièce, à un moment, elle ne vous appartient plus.
13:54 Et c'est la relation avec les personnes qui vont faire cet acte.
13:58 Typiquement, par exemple, quand je travaille avec Marion Blondeau,
14:01 cette artiste incroyable, qui interprète cette pièce,
14:05 qui est masquée, qui fait une chorégraphie assez folle,
14:09 qui se retrouve pendant une heure cinq en solo,
14:13 à tenir le plateau, à être cet enfant.
14:18 Il y a une question évidente que je lui repose à chaque fois,
14:21 comme hier soir en lui disant "N'aie pas peur de l'enfant que tu as été
14:26 ou de l'enfant que tu es".
14:29 Et finalement, c'est peut-être sa plus grande irrévérence.
14:32 C'est-à-dire que quand on cherche, et là c'est ce que je cherche
14:34 quand je travaille sur l'article 13, c'est de dire
14:36 l'irrévérence c'est la plus grande force.
14:38 C'est celle que disait Foucault en parlant des artistes, des fous et des enfants.
14:42 En disant que c'est ceux qui étaient dans cette puissance de l'irrévérence.
14:46 Et donc comment on va finalement nous rêver l'irrévérence,
14:51 mais comment les interprètes le font ?
14:55 Comment le spectateur reçoit l'irrévérence ?
14:58 Est-ce qu'il comprenne cette irrévérence ou est-ce qu'il le prenne comme une irrévérence ?
15:02 Donc ça veut dire qu'à chaque fois c'est un moment terrible de doute
15:05 parce qu'on s'aperçoit que...
15:08 Je disais à la personne qui m'a assisté hier soir
15:11 "C'est fou, je crois qu'il n'y a que moi qui rigole à ce moment-là".
15:14 - Quel moment s'il vous plaît ?
15:16 - À quel moment je suis la seule ?
15:18 - Au moment des coups de hache ?
15:20 - Oui, je pense que déjà il y a un moment comme ça.
15:24 Où d'évidence le coup de hache pour moi me fait rire,
15:28 c'est-à-dire qu'il y a quelque chose de ça.
15:31 Ou quand elle donne une baffe à la hache.
15:33 Je sais que moi ça me fait profondément un rire
15:35 de voir quelqu'un qui prend une hache et qui donne une baffe
15:38 parce qu'elle ne fait pas ce qu'elle veut.
15:40 - Comme un enfant en fait.
15:42 - Oui, mais je me reconnais moi quand j'écris ça.
15:45 Je me reconnais le fait de me dire "je parle à mes objets".
15:48 Je parle dans le sens où je dois me mettre en accord
15:52 et je ne sais pas ce que c'est qu'un objet.
15:54 J'ai envie de lui dépasser son statut simplement de son utilité.
15:59 J'ai envie qu'il ait une sorte de réponse.
16:01 Donc il y a tous ces moments-là.
16:03 Mais en même temps, ce qui est assez fou,
16:06 c'est toujours de sentir dans une salle
16:09 qu'est-ce qui va provoquer par un moment peut-être l'ennui
16:13 ou une attente, un désir et puis la surprise.
16:17 C'est-à-dire à quel endroit les spectateurs se font surprendre
16:22 de la situation alors qu'ils étaient dans une attente d'autre chose.
16:25 Et ça, ça m'intéresse énormément.
16:27 - Fiammé Nard, puisqu'on parle de spectacle vivant,
16:30 qu'est-ce qu'on en fait maintenant de ce premier constat ?
16:33 C'est-à-dire à ce moment-là, il n'y a que moi qui rigole ?
16:36 Est-ce que je veux que ce soir, demain soir, après-demain soir,
16:39 tout le monde rigole à ce moment-là et donc je fais des ajustements ?
16:43 Ou est-ce que vous allez vivre avec cette différence,
16:48 en tout cas cette non-compréhension ?
16:51 - Je ne crois pas que ce soit une non-compréhension.
16:53 On le vit mais en permanence.
16:55 Ce que je veux dire, c'est que c'est ça qui est aussi intéressant.
16:58 On le confronte comme une sorte de repère.
17:01 C'est ce qui fait aussi que l'artiste reste connecté à la société.
17:06 Moi, je m'intéresse à savoir qu'est-ce qui se passe.
17:09 Sinon, je poserais avec acte de distance,
17:13 mais qui serait absolument inintéressant,
17:17 de me dire « voilà, j'ai posé ça ».
17:20 Non, bien sûr que ça m'interpelle,
17:23 mais par contre, ça ne m'interpelle pas en me disant « je vais le changer ».
17:27 C'est-à-dire qu'au même titre que je revendique le droit
17:32 de ne pas m'auto-censurer et la nécessité de faire que l'art
17:35 ne soit jamais dans l'auto-censure.
17:38 - De ne pas satisfaire l'attente d'un public qui voulait rire à ce moment-là
17:43 en vous disant « il faut qu'il rie à tout prix ».
17:45 - Bien sûr, et de toute façon, on ne se trompe pas là-dessus.
17:48 On sait à quel endroit on a un produit,
17:50 et à quel endroit on a un autre type de chemin.
17:54 - Une œuvre d'art en fait.
17:56 - Oui, on peut le définir comme ça,
17:58 mais il y a quelque chose de l'évidence.
18:01 Pour moi, c'est que j'ai besoin que le spectateur ne sorte non pas régalé,
18:07 mais plutôt avec des questions sur ce qu'il vient de prendre dans cet espace.
18:13 - Mais justement, Fiammena, sur un sujet comme celui des frontières,
18:17 où vous poitez un paradoxe sur lequel tout le monde peut s'accorder
18:21 au moins a priori, quelles que soient ses sensibilités politiques,
18:25 en prenant l'existence d'un enfant qui est inspiré d'Aylan Kurdi,
18:32 forcément, on ne peut que être d'accord avec vous.
18:36 Où se situe le trouble dans ce que vous nous proposez sur le sujet de la frontière ?
18:43 Alors que l'émotion est là quand on parle des migrants,
18:48 l'étonnement est là sur cet article 13 qui n'est pas appliqué en tant que tel.
18:53 - C'est là où revient la question de la forme.
18:56 C'est la question de la forme qui va développer ça.
18:59 Soit on tire sur l'objet de comment on va tirer de l'image
19:04 l'émotion pour tirer les larmes et donc la satisfaction
19:07 qu'on est bien en train de se parler ensemble.
19:09 Non, je pense que dans l'article 13, on est bien face à différentes questions
19:14 et notamment des questions vraiment de point de vue.
19:18 Et qui sont de toute façon la base même pour moi,
19:22 c'est-à-dire que je laisse au spectateur à l'intérieur
19:26 la possibilité de se balader dans son point de vue
19:28 et de remettre en question son point de vue.
19:30 Et notamment, je crois qu'il y a cette question
19:34 à quel endroit on laisse le silence,
19:38 on laisse la parole, celle dont on ne sait pas quoi faire.
19:41 Et c'est celle qui est le plus dérangeant.
19:44 Parce que dedans, vous pouvez oublier le sujet complètement.
19:49 Je pense que dans l'article 13, vous pouvez basculer d'ailleurs parce que...
19:52 - Et suivre un enfant qui saccage un lieu ou qui s'amuse, qui s'approprie un lieu.
19:57 - Et que vous pouvez avoir la lecture, peut-être que franchir la frontière,
20:00 ça veut dire saccager quelque chose. Non.
20:02 C'est pour ça que ça propose aussi de confronter
20:06 tous les discours qui sont proposés sur ce sujet-là.
20:10 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la peur,
20:13 et c'est le sujet même de mes projets,
20:16 c'est sans arrêt de questionner la réalité de la peur
20:20 et finalement, quel est le fantasme de la peur.
20:23 Et je crois que c'est ça le chemin le plus intéressant.
20:26 C'est-à-dire qu'en effet, le sujet-là, on ne peut être que d'accord.
20:29 Mais on ne peut être que d'accord et en même temps, à l'intérieur,
20:33 on ne peut pas être d'accord sur la façon dont je l'ai traité.
20:36 - C'est intéressant que vous parliez de point de vue Fiamménard
20:39 parce que justement, dans la note d'intention de votre spectacle,
20:42 vous parlez de point de vue en citant le philosophe Gilles Deleuze.
20:46 On va tout de suite l'écouter.
20:48 - Ne pas être de gauche, c'est quoi ?
20:50 Ne pas être de gauche, c'est un peu comme une adresse postale.
20:54 Partir de soi, la rue où on est, la ville, le pays,
21:02 les autres pays de plus en plus loin.
21:06 On commence par soi et dans la mesure où on est privilégié,
21:09 on est dans un pays riche, on se dit, comment faire pour que la situation dure ?
21:14 Alors on se dit, les Chinois, ils sont loin,
21:18 mais comment faire pour que l'Europe dure encore ?
21:22 Être de gauche, c'est l'inverse.
21:24 Le monde, le continent, mettons, l'Europe, etc., etc.,
21:29 la rue de Bizerte, moi, c'est un phénomène de perception.
21:34 On perçoit d'abord l'horizon, on perçoit à l'horizon,
21:38 et tu sais que ça ne peut pas durer, ce n'est pas possible.
21:42 Être de gauche, c'est savoir que les problèmes du tiers-monde
21:45 sont plus proches de nous que les problèmes de notre quartier.
21:48 C'est vraiment une question de perception,
21:51 ce n'est pas une question de bel âme, tout ça.
21:54 Non, c'est ça, le rêve de gauche, pour moi.
21:58 L'abécédaire de Gilles Deleuze extrait des entretiens avec Claire Parnet,
22:01 enregistrés en 1988-1989.
22:04 "J'ai comme gauche", c'est dans cet article-là que Gilles Deleuze
22:08 s'exprime sur être de gauche ou être de droite.
22:11 Il nous dit que c'est une question de perception.
22:14 Vous avez parlé de point de vue, Fiamma Henard.
22:17 D'où parlez-vous, quel est votre point de vue ?
22:21 Mon point de vue, il est en tout cas, jusqu'à ce qu'on me contredise,
22:27 je me sens à gauche.
22:29 Je me sens totalement dans cette définition de Deleuze.
22:32 Je pense que d'ailleurs, il serait plus que temps,
22:35 même si ça date de 1988, ça n'a pas perdu une ride
22:38 de pouvoir le transmettre.
22:40 Parce que c'est en effet, hors de toute position très dogmatique,
22:50 toute situation de postulat, une vraie réflexion par un geste.
22:57 Ce qu'il dit quand même, c'est "on regarde à l'horizon".
23:01 C'est quand même un truc vachement intéressant, rien que déjà ça.
23:05 Je pense qu'aussi, c'est sans arrêt cette question de reposer
23:09 là où l'imaginaire nourrit la question, nourrit nos questions.
23:15 Et pour répondre peut-être, ça revient sans arrêt à cette question
23:18 que vous m'avez posée au début.
23:20 À quoi sert l'art ? Justement à regarder l'horizon.
23:23 Et qu'est-ce que vous entendez par "imaginaire Fiamma Henard" ?
23:26 Je pense que c'est sans arrêt de ne pas le laisser bloquer
23:30 par finalement la réalité, celle qui serait devant nous en disant
23:35 "mais oui, vous pouvez bien comprendre qu'on ne peut pas laisser comme ça".
23:39 Non, je pense que tout changement de société et tout désir
23:44 depuis peut-être le début de ce qui peut paraître humanité,
23:47 ou en tout cas pour moi, je me mets sans arrêt à me dire
23:51 que la première relation d'imaginaire est peut-être la première fois
23:54 qu'un être humain a projeté des pigments sur un mur d'une grotte
23:59 et a regardé ça en ayant un doute finalement.
24:04 Qu'est-ce que c'est de le partager avec l'autre
24:07 et donc de peut-être ce début de dialogue sur
24:10 qu'est-ce que je suis capable de créer ?
24:13 Finalement dans l'imaginaire, il y a cette notion pour moi
24:17 de dire qu'il n'y a pas d'invention.
24:20 Il y a un espace de la création, du possible et du plus loin,
24:26 qui invite sans arrêt à s'ouvrir sur les champs des uns et des autres.
24:36 Je le dis aussi, c'est que la culture s'apprend par l'autre.
24:41 Ça ne s'apprend pas de soi, ça s'apprend dans le frottement avec les autres,
24:45 dans le frottement à d'autres sociétés, dans d'autres relations.
24:49 Donc ça veut bien dire que l'imaginaire naît parce que
24:53 on prend de l'autre quelque chose à un instant
24:56 dont on ne sait pas forcément toute la définition
24:58 et qui fait qu'on nourrit une sorte de désir.
25:01 Et je crois que dans l'imagination, c'est révéler sans arrêt notre désir.
25:07 Et notre désir, il va dans une forme de dialogue,
25:12 dans une forme qui est d'expression et en même temps d'interrogation
25:16 de ce qu'on est en tant qu'être humain sur une planète
25:21 et non pas simplement dans un pays ou dans une rue.
25:26 Mais certains ont des désirs qui ne sont pas du tout d'aller vers les autres,
25:30 même si le désir peut être porté vers un objet, vers une personne.
25:34 Ça peut être aussi un désir d'autarcie, d'individualisme, la rencontre avec l'autre.
25:42 Et c'est bien ce que dit d'ailleurs Deleuze dans cet archive,
25:45 c'est que tout ça est une question de perception,
25:48 ça dépend où porte notre regard.
25:50 Mais je pense que dans cette notion qu'il pose,
25:55 c'est est-ce qu'on a envie de partager avec les autres
25:59 ou est-ce qu'on a envie simplement de vivre sa vie ?
26:04 Si vivre sa vie, il vaut mieux être Elon Musk.
26:09 Si on veut partager, c'est-à-dire qu'on n'a pas eu la chance d'être Elon Musk
26:13 et on vit avec les autres.
26:15 Mais il y a tout un tas de situations entre les deux, Fiammé Nard et Elon Musk.
26:19 Et puis il y a ceux qui n'ont pas eu de chance.
26:21 Et ceux qui ont envie d'avoir leur vie, mais veulent quand même partager, mais pas tout.
26:28 Je reviendrai sur l'idée qu'ils n'ont pas eu de chance.
26:31 Peut-être que justement l'art est là pour comprendre que ça ne sert à rien la chance.
26:36 C'est-à-dire ?
26:38 Ce serait plutôt de dire qu'est-ce qui...
26:43 D'entrée de jeu dans la chance, on pourrait dire que c'est loupé, c'est foutu, on a raté.
26:48 Ça veut donc dire que ça y est, on est déjà déclassé.
26:53 Ça veut donc dire qu'on se mesure par rapport à une référence
26:57 alors que l'être humain est absolument incroyable.
27:02 Sa capacité à développer, regarder, être est magnifique.
27:09 Donc si à cet endroit-là, on le juge sur le fait qu'il n'a pas eu la chance,
27:16 alors on lui dit "meurs vite parce que ça va être une douleur".
27:21 Je crois qu'il y a quelque chose quand même de reposer cette idée
27:26 qu'il y a par l'art, par la culture, par la communication, par l'éducation,
27:32 par un nombre d'énergie, une croyance qui est celle de dire
27:39 l'être humain a quelque chose de magnifique dans sa capacité d'adaptation
27:44 et qui n'est pas basé sur une vision sans arrêt, qui est celle aujourd'hui très libérale.
27:51 De simplement dire "est-ce que j'ai réussi ?"
27:55 Je crois que c'est l'antithèse de la réussite.
27:57 L'art ?
27:59 En tout cas, oui, il y a des chances.
28:03 Est-ce que Fiammé Nard, à travers vos œuvres, vous l'avez dit dès le début,
28:08 il y a une utilité de l'art, il y a vraiment une rencontre avec le public.
28:12 Vous avez aussi le souci d'être, je ne dirais pas compréhensible, mais du moins lisible, ouvert.
28:20 Parce que l'art et le spectacle vivant peuvent être aussi des lieux extrêmement codifiés,
28:24 élitistes, parfois devenus des produits de marchandisation,
28:29 d'autres fois au contraire préservés comme des lieux sacrés de l'art
28:33 et qui semblent donc dans les deux cas presque inaccessibles en tant que tels.
28:37 Oui, mais alors là, je pense qu'il faudrait regarder sur l'un pareil.
28:42 On pourrait avoir beaucoup d'exemples.
28:47 Je crois qu'il y a une notion assez importante, c'est que depuis une démocratisation culturelle,
28:53 depuis un développement qui est encore naissant,
28:56 on a déjà finalement une relation à la culture dans nos sociétés
29:03 qui a beaucoup évolué, beaucoup changé
29:05 et qui d'ailleurs nous étonne pour plein d'endroits.
29:10 Et je pense qu'on a, quand je dis utilité, on ne voudrait pas que l'art soit utile.
29:17 Mais je pense qu'il faut sans arrêt garder aussi ce rapport que dans nos formes,
29:23 le spectateur, la spectatrice, soient libres d'être en accord ou pas en accord,
29:33 d'être surpris, d'être pas du tout intéressé,
29:37 mais sans arrêt de réveiller quelque chose.
29:40 L'art, c'est une sorte d'éveil,
29:43 d'éveil de possiblement parce qu'à cet endroit-là, on est concentré,
29:47 parce qu'à cet endroit-là, on peut expérimenter.
29:51 Je dis très souvent que c'est l'endroit où il y a un consentement dans l'art,
29:56 un consentement, en tout cas dans le spectacle vivant.
29:59 Quand vous rentrez dans un théâtre, vous avez payé votre place
30:02 pour que l'artiste qui va être en face de vous,
30:06 échange avec vous quelque chose.
30:08 C'est un acte de consentement qui permet de traiter de tous les sujets
30:11 d'une façon dépassionnée et en même temps avec de l'émotion
30:16 et de savoir qu'est-ce qui se passe dans l'émotion.
30:19 Et ça, c'est essentiel.
30:21 Alors après, je suis toujours un peu à me poser la question
30:25 parce que le termélitisme ennuie.
30:27 Aujourd'hui, je crois qu'il faut le retirer.
30:32 La vie est un travail élitiste en général,
30:37 parce qu'il faut sans arrêt comprendre de plus en plus le monde
30:40 pour réussir à accepter de vivre dans ce monde.
30:43 Donc c'est un terme pour moi galvaudé.
30:46 Et je pense que dans l'art, il y a en effet,
30:51 comme dans toute société, dans toute vie,
30:53 des personnes qui ont plus une conscience politique
30:56 et d'autres qui essayent d'évacuer la conscience politique.
30:58 Mais l'art et le spectre vivant est un endroit politique.
31:02 C'est un endroit particulièrement politique.
31:04 Il est dans la société politiquement.
31:06 C'est un endroit des questions.
31:08 Et les lieux de culte sont des endroits de réponse.
31:10 À cet endroit-là, il y a une valeur très très forte.
31:14 Fiamma Henard, l'émission ne va pas tout de suite se finir,
31:17 mais quand même, il nous reste peu de temps
31:19 et j'aimerais vous faire entendre une voix avant la fin de cette émission.
31:23 Le jonglage, c'est un art assez austère
31:26 qui demande une répétition quotidienne.
31:29 Oui, et puis quand vous ratez, ça se voit.
31:31 Et quand on rate, ça se voit.
31:32 C'est doublement austère.
31:33 Et c'est un peu le parallèle à faire du violon.
31:37 Il faut savoir porter le violon et bien l'épauler.
31:39 Après, il faut savoir tenir l'archer.
31:41 Et puis après, il faut savoir faire un "là".
31:43 Le jonglage, c'est un petit peu ce rapport-là.
31:45 C'est-à-dire qu'avant de commencer à jongler,
31:47 il faut déjà avoir compris où est le violon et où est le bras.
31:50 Ça veut dire qu'une connaissance de son corps tout à fait nouvelle.
31:53 Voilà, parce qu'en fait, paradoxalement, on s'aperçoit au bout d'un moment,
31:56 les jongleurs sont d'Emmanuel, donc ils sont un peu bêtes.
31:59 Ils s'aperçoivent qu'en fait, c'est le corps qui lance les objets
32:03 et que l'objet, en fait, lui, il ne fait rien pour t'aider.
32:06 Et qu'en fait, au bout d'un moment, par l'étude et le travail,
32:09 le cerveau commence à comprendre que c'est une histoire de positionnement du corps
32:13 qui va lancer l'objet dans la bonne trajectoire.
32:16 Donc le cerveau, il arrête de penser qu'il jongle bien.
32:19 Il va à l'endroit même de la mécanique et de la biomécanique
32:23 pour aller comprendre comment faire pour qu'une balle, si on la lance,
32:26 elle aille à un point précis dans l'espace le mieux possible,
32:29 à la bonne vitesse et au bon endroit. Voilà.
32:32 - Fiamma Hénard, vous avez reconnu sa voix au deuxième mot.
32:35 C'était Jérôme Thomas, le jongleur dans l'émission Portrait sensible sur France Inter en 2003.
32:41 - Vous avez rencontré Jérôme Thomas au début des années 90.
32:45 C'est avec lui que vous avez découvert la pratique du jonglage
32:51 et cette importance aussi du corps.
32:53 Depuis tout à l'heure, on a une discussion assez presque théorique, abstraite sur l'art.
32:57 Or, il faut rappeler que la manière dont vous développez l'art,
33:00 vous l'avez dit, c'est à travers des formes.
33:02 Vous posez des questions à travers des formes.
33:04 Mais il y a un engagement corporel.
33:06 C'est-à-dire que ces formes-là, elles ne sont pas dites, elles ne sont sans cesse que vues.
33:09 Et vous vous mettez presque en danger.
33:11 Vous vous mettez presque en danger la danseuse Marion Blondeau qui s'épuise sur scène
33:16 ou qui, du moins, va par exemple manipuler une hache
33:19 et faire peur au public qui est face à elle.
33:23 - Oui, c'est toute cette question de savoir travailler avec des objets
33:29 que j'ai appris avec Jérôme Thomas,
33:33 qui m'a reposé la question première.
33:37 C'est en effet, qu'est-ce qu'on peut, dans une pratique,
33:40 il le dit très bien,
33:42 on peut aller dans la virtuosité, dans la maîtrise et c'est nécessaire.
33:46 Et puis, il y a un moment, on se pose la question,
33:48 une fois qu'on a la maîtrise et la virtuosité de l'objet,
33:51 à quoi ça sert ? Qu'est-ce qu'on va jouer avec ?
33:54 - Encore à quoi ça sert ?
33:55 - Oui, bien sûr. Qu'est-ce qu'on va jouer avec ?
33:57 Donc, là, en l'occurrence, en effet, Marion,
34:01 elle manipule une hache tombée subreptitement à côté d'elle, d'ailleurs,
34:06 que la statue a lâchée.
34:08 Et que, oui, il faut apprendre à maîtriser et travailler avec ça,
34:12 mais aussi, c'est sans arrêt de rappeler que l'être humain
34:16 ne fait que des choses avec des objets.
34:20 Il a besoin de l'outil, en fait, c'est bien ça qu'on dit.
34:22 Il a besoin de l'outil.
34:23 Donc, là, pour détruire le socle de cette statue,
34:27 il se sert de cette hache.
34:29 Et donc, il y a un apprentissage de la trajectoire,
34:33 un apprentissage de l'énergie, de la posture,
34:37 de comment on donne l'impulsion, du rythme,
34:41 comment on transfère ça pour que ça devienne une danse.
34:45 Cette pratique aussi, elle devient, au-delà de la manipulation d'une hache,
34:50 un rapport qui fasse que, dans certains moments, on pense à l'enfant.
34:55 Et puis, dans certains moments, on pense à des manifestants.
34:58 Et en même temps, on joue sans arrêt avec ça.
35:00 Mais le premier outil, M. Ménard, c'est la main.
35:03 Et dans la danse, dans le jonglage, il y a peut-être des balles
35:08 ou d'autres objets plus ou moins dangereux
35:11 avec lesquels vous avez d'ailleurs jonglé.
35:13 Il y a quand même un investissement du corps
35:18 qui prend le dessus sur tout ce qui est de l'ordre de l'esprit,
35:23 du cerveau, de la cervelle, quelque chose de très formulé.
35:27 Oui, mais parce que j'ai fait le choix aussi de dire que, dans la relation,
35:32 j'offre au spectateur quelque chose qu'il ne peut pas faire de lui-même.
35:36 Et que, dans cette pratique-là, ce n'est pas une pratique de fascination,
35:42 mais c'est plutôt une pratique de...
35:45 L'interprète, la performeuse, offre une énergie, une maîtrise, un apprentissage
35:51 pour aller donner quelque chose qui provoque une réelle sensation de découverte.
36:00 C'est peut-être la différence avec, en effet, si vous voyez une jongleuse
36:05 ou un jongleur ou un musicien, un violoniste,
36:09 vous vous dites comment ça marche, comment on arrive.
36:14 Là, en effet, il y a une sorte de presque d'art pauvre, on pourrait presque dire.
36:19 C'est la maîtrise d'une EH.
36:21 Mais d'un seul coup, on s'aperçoit que cet art pauvre,
36:23 qui n'en est pas du tout un art pauvre, mais une grande qualité de contrôle,
36:28 de compréhension d'un certain nombre de choses,
36:31 vous permet de parler à tout le monde.
36:33 Parce que tout le monde, un jour ou l'autre, a vu une EH ou a essayé une EH,
36:38 et quelque part, ça nous fait un lien commun,
36:41 à la différence de, est-ce qu'on a touché un violon ou est-ce qu'on a touché une balle de jonglage.
36:45 Dans ce processus que je mets depuis des années en exergue,
36:50 c'est de dire, ce qui m'intéresse, c'est ce qui fait que dans notre commun,
36:54 nous avons un vocabulaire commun et aussi une technicité commune.
37:00 C'est ce qui m'intéresse tout particulièrement,
37:03 parce que je sais qu'à ce moment-là, nous pouvons dialoguer, nous parlons une même langue.
37:07 Merci beaucoup Fiammé Nard.
37:09 Article 13, c'est à voir jusqu'au 28 janvier à la MC 93 à Bobigny,
37:13 puis ce sera en tournée. On vous met les dates sur le site des Midi de Culture.
37:17 Fiammé Nard, pour terminer, nous terminons en musique.
37:19 Vous avez donc le choix entre Debussy ou Philippe Glass,
37:22 en référence à deux de vos spectacles qui préférez-vous écouter ?
37:26 Allez, je vais prendre Debussy.
37:29 Debussy, "La Nuit"
37:33 * Extrait de Debussy "La Nuit" *
38:02 Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy, merci encore Fiammé Nard.
38:06 Un grand merci à l'équipe des Midi de Culture qui sont préparés tous les jours par Aïssa Touhendoï,
38:10 Anaïs Hizber, Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
38:15 Réalisation Louise André, prise de son Élise Le.
38:18 Pour écouter cette émission, rendez-vous sur le site de France Culture,
38:21 à la page des Midi de Culture et sur l'application Radio France.
38:24 Merci Nicolas, à demain.