Agnès Jaoui : "On rit pour se protéger de ses émotions"

  • il y a 8 mois
Transcript
00:00 Donc c'est un air de famille que j'ai reconnu de loin.
00:02 Toute ma relation avec Jean-Pierre qui joue mon frère,
00:05 donc avec mon frère, enfin bref.
00:06 Moi ça me faisait pleurer, puis ça me faisait rire.
00:09 Je trouve que ça raconte bien ce que c'est que l'humour.
00:12 C'est-à-dire que c'est de la distance vis-à-vis d'une situation.
00:16 Et si on voit quelqu'un se casser la figure de très près,
00:20 ou si on est la personne qui se casse la figure,
00:21 ça ne fait rire à personne.
00:23 Mais quand on est loin, avec une certaine distance,
00:26 on peut rire ou alors on rit pour se protéger de son émotion.
00:29 Mais voilà, il me touche énormément,
00:34 en particulier dans ce rôle, Jean-Pierre.
00:37 Il y a beaucoup d'inspiration,
00:39 mais plutôt du côté de la famille de Jean-Pierre.
00:43 Elle le sait, donc je peux le dire.
00:44 Il y a beaucoup de familles, évidemment,
00:46 où on donne tel et tel rôle à telle et telle personne.
00:48 Et où il y a des préférés, des moins aimés, etc.
00:51 C'est pourquoi je pense qu'il a touché beaucoup de gens.
00:54 Merci Henri.
00:55 Mais de quoi ?
00:56 Si.
00:57 Parce que je pense que ça va beaucoup me servir.
01:00 J'avais besoin de quelque chose de pas compliqué,
01:02 qui me remette sur la bonne voie,
01:03 et tu as trouvé exactement ce qu'il fallait dire.
01:05 On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
01:06 Et ben ?
01:08 Moi je croyais qu'il en fallait, du vinaigre.
01:12 Tu m'aides beaucoup.
01:14 C'est incroyable, c'est qu'un simple dicton peut faciliter la vie.
01:17 Oh, oui.
01:19 Tu dis toujours que tu ne veux pas qu'on te prenne pour un imbécile, Henri.
01:24 Il faut faire des efforts toi aussi, de ton côté.
01:27 Alors là, on connaît la chanson,
01:37 avec Roussillon, Asema, Lambert-Wilson.
01:41 C'est au moment où je m'écroule après avoir soutenu ma thèse
01:44 sur les Chevaliers de l'Anmil au lac de Palabdru.
01:47 Ça m'a été inspirée par une fille qui écrivait
01:51 une thèse sur le don qu'est la donque.
01:54 C'est comme l'or et à l'or.
01:55 A donc a existé, mais après on en a perdu l'usage.
01:59 Et voilà, quand je lui dis "ah mais c'est trop passionnant",
02:01 elle me dira "enfin quelqu'un qui se moque pas de moi".
02:03 C'est un très bon souvenir parce que
02:05 tout ce que j'ai fait avec René et Sabine
02:08 et toute cette bande-là, c'était
02:11 incroyablement heureux, respectueux,
02:17 passionnant.
02:18 Excuse-moi, mais il y a des gens que ça intéresse ?
02:22 Non, personne.
02:25 Mais pourquoi t'as choisi ce sujet ?
02:27 Pour faire parler les cons.
02:28 Pas comme lui.
02:32 Tu sais, moi je te demanderais ça,
02:33 c'est plus une formalité qu'autre chose.
02:34 C'est bien ce que j'avais compris.
02:37 Et puis à part ça, il faut être un peu indulgent avec les cons.
02:39 Je fais ce que je peux.
02:41 L'envain, Sabah, le goût des autres,
02:45 bah là aussi, des sacrés acteurs
02:48 et puis des gens tellement bienveillants,
02:51 c'est tellement agréable de faire un premier film
02:54 entouré de gens qui vous supportent
02:59 dans tous les sens du terme.
03:01 J'ai jamais eu l'impression, une seule seconde,
03:05 qui mettait en doute ma capacité à faire ce film.
03:08 Et ça m'aidait beaucoup.
03:19 Ça va pas en ce moment, Monsieur Castellar ?
03:21 Moi non plus.
03:27 Je suis pas bien, moi non plus.
03:29 C'est dur, hein ?
03:39 Jean-Pierre haïssait la contrainte
03:45 et je crois que c'est un des rares hommes
03:48 que je connaisse en tout cas,
03:50 qui a réussi à vivre en échappant
03:52 pratiquement à toute contrainte.
03:54 S'il avait plus d'un rendez-vous par jour,
03:56 ça le mettait dans une dépression profonde.
03:58 Or, faire un film, c'est ne faire face qu'à des contraintes
04:03 et avoir 300 rendez-vous par jour
04:06 et pendant des mois.
04:08 Vraiment, c'était quelque chose
04:09 qu'il n'y avait aucune envie de faire.
04:11 Et par contre, je crois qu'il était très content
04:13 que je le fasse moi,
04:14 puisque d'abord, tout ce qui l'intéressait,
04:16 la direction d'acteur, tout ça,
04:18 alors là, il était extrêmement présent.
04:20 Et puis pour le reste, il savait que je le trahirais pas.
04:24 Enfin, voilà, que je trahirais pas ce qu'on avait écrit, évidemment.
04:27 Comme un avion, Podalides.
04:30 Ce métier est fait de rencontres,
04:32 des fois heureuses, des fois ratées,
04:34 des fois malheureuses.
04:35 Rencontrer Podalides,
04:37 ça a été une rencontre extrêmement heureuse,
04:41 rare aussi, et qui m'a rappelé beaucoup René, en fait.
04:45 Je suis pas étonnée de savoir qu'il a travaillé aussi,
04:48 il l'a bien connu, il l'a assisté.
04:50 Enfin, bon, il y a eu une relation très forte entre deux.
04:52 Et notamment pour cette espèce d'arrêt du temps
04:58 dont est capable Bruno,
05:01 comme l'était René,
05:04 c'est-à-dire on est dans une bulle, tout d'un coup, avec lui,
05:07 on est dans un autre espace-temps.
05:08 Ça se ressent dans ses films, quand on voit les films,
05:10 et celui-ci en particulier.
05:12 Cette douceur, cette poésie, ce décalage,
05:16 ce regard sur la société,
05:18 j'étais tellement heureuse de retrouver quelqu'un
05:21 qui me rappelait René comme ça.
05:24 J'ai adoré le petit poussé, ton jeu de pistes.
05:28 T'aimes bien te laisser porter par le courant.
05:32 On n'a pas le choix.
05:34 On remonte pas à une rivière.
05:36 Oui.
05:39 Finalement, t'arrives à justifier la passivité.
05:44 Mais non, parce que le courant,
05:47 il faut savoir le sentir, l'accompagner.
05:50 Tu dois te laisser porter.
05:53 J'apprécie assez que tu finisses mes phrases.
05:55 Oh, le trio de mis amores.
05:59 Ça, c'est mes concerts.
06:01 On a eu mon petit ukulélé,
06:03 puis Fernando Fisbein et Roberto González Hurtado,
06:06 qui sont mes musiciens et mes amis depuis 25 ans.
06:10 C'est avec eux que je vais sur les routes.
06:13 Moi, j'aime beaucoup ces tournées, j'aime beaucoup.
06:15 Ça me rappelle les colonies,
06:17 pas les colonies, le temps béni des colonies,
06:20 les colonies de vacances.
06:22 Il y a un contact avec un public que je ne vois pas d'habitude.
06:25 Ça me ramène à l'essentiel du métier,
06:27 qui est de l'artisanat.
06:29 On est des artisans.
06:31 J'ai toujours voulu être un peu plus que moi-même,
06:34 changer cent fois d'amour pour me rencontrer.
06:38 Femme d'un seul ou de tous, tel était mon dilemme,
06:42 et mon cœur perdu sans fin s'était cavé.
06:46 J'ai voulu voir ailleurs si l'herbe était vermeille,
06:50 si ma misère serait moins pénible au soleil.
06:54 Mais j'ai constaté que si loin que l'on parte,
06:58 de ces vies jamais voyamment on ne s'écarte.
07:02 C'est Le Dernier des Juifs.
07:05 C'est Michael Zindel, L'Inénarrable.
07:08 C'est un très beau film,
07:10 Donoïe Doubré qui sort le 24 janvier.
07:13 Ce film parle du Dernier des Juifs.
07:17 On peut entendre aussi le pire des Juifs,
07:19 parce que c'est vrai qu'il a un rapport à son judaïsme,
07:22 et c'est tout aussi la drôlerie du film.
07:25 Ça veut dire quoi, être juif ?
07:27 Il parle du Dernier des Juifs,
07:29 parce qu'au début du film, je dis à mon fils
07:33 qu'il va y avoir la guerre en Israël,
07:35 ça va nous retomber dessus.
07:37 C'est les derniers juifs d'un quartier populaire,
07:40 d'une cité où tous les juifs sont partis.
07:43 Je trouve qu'il réussit l'exploit de traiter ces sujets,
07:46 donc de ne pas les éviter,
07:48 et en même temps de montrer l'absurdité de ça,
07:52 et que ça n'est pas que la réalité.
07:55 Il parle toujours des faits divers,
07:58 et il faut en parler, mais pas aussi de tout le reste,
08:02 où les gens vivent ensemble, s'apprécient.
08:05 Je trouve que c'est un film précieux, drôle,
08:09 questionnant, dérangeant, émouvant.
08:13 J'aime beaucoup ce film.
08:17 Les mecs, j'ai attrapé un juif qui est dégorgé pour aller au paradis.
08:21 - T'as été à ton cours de Krav Maga ? - Oui, bien sûr.
08:24 Mais ça commence à être un peu trop facile pour moi.
08:27 - Qu'est-ce qu'il y a comme noir ? - Ils sont passés où, les Arabes ?
08:31 - Vous avez plus de poulet ? - Non, on ferme.
08:34 - La communauté est partie d'ici. - Ah bon ?
08:36 - Mais on va aller où, nous, maintenant ? - Faut qu'on parte, je te le dis.
08:40 Oh, monsieur Gédéchard, c'est gentil de venir me voir.
08:43 - Je vous en prie. - Tu veux pas me dire des trucs sales ?
08:46 "Venus, chalama, l'air aime." C'est trop joli.
08:49 - Va y voir la guerre ! - C'était officiel, genre ?
08:53 Tout le monde le sait, sur WhatsApp.

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