France Bleu Occitanie : cinq minutes avec François Purseigle

  • il y a 8 mois
François Purseigle, sociologue de l'agriculture à l'Ensat à Toulouse

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00:00 C'est le 6/9 France-Bloc-Occitanie.
00:02 8h15, bienvenue sur France-Bloc-Occitanie, bienvenue si vous nous rejoignez aussi sur France 3.
00:08 À cette heure-ci, on prend 5 minutes, Mathieu avec un sociologue spécialiste de l'agriculture.
00:12 Oui, alors que la colère du monde agricole ne faiblit pas ce matin, voilà 4 jours,
00:15 notamment que les agriculteurs bloquent l'A64 à carbone.
00:18 Avec nous en studio ce matin, François Purcegle, bonjour.
00:21 Bonjour.
00:22 Vous êtes sociologue notamment à Polytechnique à Toulouse,
00:24 vous dirigez également le département de sciences économiques et sociales de l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse.
00:31 On a envie de vous entendre ce matin pour comprendre les choses.
00:33 Déjà, pourquoi ce mouvement agricole a démarré particulièrement chez nous en Occitanie ?
00:37 Parce que je pense que les agriculteurs d'Occitanie sont percutés de plein fouet
00:42 par une multitude de crises, des crises sanitaires.
00:45 Mais plus qu'ailleurs, plus que dans notre région ?
00:47 Disons que c'est une caisse de résonance finalement notre région,
00:51 parce qu'on a eu un cumul de crises sur des filières qui jusqu'alors étaient très bien contractualisées,
00:58 qui étaient rémunératrices, qui généraient de la valeur.
01:01 Et une des particularités, c'est le fait aussi que nos agriculteurs sont particulièrement percutés par une crise,
01:07 la crise climatique et environnementale.
01:10 C'est-à-dire qu'au moment même où on enjoint les agriculteurs à faire plus d'efforts sur le plan environnemental,
01:16 on dit souvent qu'ils n'en font pas assez,
01:18 et bien ils sont percutés de plein fouet finalement dans leur chair,
01:22 dans leur identité d'éleveur, parce qu'ils n'arrivent plus à assumer des réalités économiques, des réalités productives.
01:30 Parce que toutes les filières sont concernées,
01:32 c'est-à-dire qu'il y en avait peut-être qui pouvaient s'en sortir jusqu'à maintenant,
01:34 mais maintenant c'est les céréales, c'est l'élevage, c'est l'arboriculture, c'est tout le monde la viticulture.
01:38 Et quand c'est pas une, c'en est une autre.
01:40 Et quand on sort d'une crise économique, on rentre dans une crise environnementale ou sanitaire.
01:45 Donc ça fait beaucoup. Ça fait beaucoup avec en arrière-plan également une crise morale.
01:50 On a aujourd'hui des agriculteurs à qui on dit "il faut vous réarmer"
01:55 et ils se sentent désarmés. Désarmés sur trois niveaux, sur trois plans.
01:59 Désarmés humainement parce que la plupart d'entre eux vont devoir partir à la retraite dans les années qui viennent,
02:05 et l'installation ne va plus de soi, et ils sont même parfois résignés.
02:09 Désarmés économiquement parce que le recours à l'endettement est plus difficile,
02:13 au financement des activités, et puis aussi désarmés technologiquement, productivement,
02:19 parce que finalement on en appelle à changer, on demande à ces agriculteurs de transiter,
02:24 mais les outils ont-ils finalement les instruments pour pouvoir transiter ? C'est bien ça aussi le problème.
02:31 - Sociétalement aussi, je ne sais pas si le mot existe, il y a aussi ce sentiment de déclassement peut-être qui perdure,
02:36 c'est la France d'en bas, de tout en bas qu'on ne respecte pas. C'est ça aussi le sentiment qu'il y a chez les agriculteurs ?
02:41 - Attention, on a des mondes agricoles très éclatés, les écarts de revenus vont de 1 à 5,
02:46 il ne faut pas confondre les populations rurales et les classes populaires rurales et les catégories agricoles.
02:53 Tous les agriculteurs ne vivent pas les mêmes situations économiques, par contre, tous vivent une crise de confiance.
02:59 Crise de confiance à l'endroit des politiques, qui les appellent "nos paysans" mais qui en fait
03:05 ont pris leur distance à l'endroit de ce monde-là. Crise de confiance avec des voisins qui n'acceptent pas
03:10 finalement que les agriculteurs puissent porter des projets comme les projets portés par des artisans ou des industriels.
03:17 Crise de confiance avec des consommateurs qui en appellent à manger local, qui souhaiteraient finalement manger local
03:23 mais qui délaissent les boutiques de producteurs et s'approvisionnent sur les grands marchés internationaux.
03:28 Donc voilà, on a une crise à trois niveaux, crise de confiance, injonction paradoxale et puis une agriculture occitane
03:36 qui est percutée de plein fouet par le changement climatique.
03:39 - Est-ce que ça peut dépasser le monde agricole ? On parle des gilets jaunes. Est-ce que ça peut éclater comme ça, de cette manière ?
03:44 Ou est-ce que ça va rester un mouvement purement agricole ?
03:47 - Comme j'ai dit à plusieurs reprises, je pense que les intentions, les leitmotifs, les motivations des agriculteurs
03:55 ne sont pas réductibles finalement aux préoccupations des populations rurales.
04:00 Les agriculteurs sont une minorité dans les espaces ruraux, il ne faut pas l'oublier.
04:04 - Mais on a l'impression qu'il y a de la sympathie quand même dans les campagnes.
04:07 - Il y a de la sympathie, mais ce mouvement peut être récupéré.
04:10 Et puis les agriculteurs sur le terrain, j'en discutais encore hier avec un des leaders de ce mouvement-là,
04:15 me disaient "on a bien conscience quand même que certains veulent nous récupérer".
04:18 Alors les agriculteurs ne sont pas complètement naïfs.
04:20 Et puis l'agrégation des mouvements n'est pas si simple que ça.
04:24 On va voir à l'issue aussi des négociations comment les agriculteurs veulent se positionner.
04:29 - Les syndicats sont dépassés dans l'histoire ou pas ?
04:31 Parce qu'on sent bien qu'il y a la FNSE qui est derrière, mais ce mouvement particulièrement sur la 64,
04:36 c'est un leader, en l'occurrence Jérôme Bayle qui a une personnalité assez forte,
04:41 qui instille ce mouvement, mais ce n'est pas forcément l'initiative de la FNSE.
04:45 - Non, c'est plus compliqué que ça, parce que finalement ce sont des fédérations locales
04:48 qui ont pris le lead, excusez-moi l'expression, à un moment donné.
04:52 Donc ce n'est pas un mouvement désorganisé.
04:54 Ce n'est pas la grève du lait de 2009 où on avait des individus qui se sont agrégés les uns les autres
04:59 parce qu'ils partageaient des préoccupations individuelles communes.
05:02 Là, on a quand même des fédérations ou des groupes relativement bien structurés
05:07 et qui ont pris le lead aussi sur le mouvement avec des personnalités qui ressortent.
05:12 Mais attention, non, ce n'est pas un mouvement si désorganisé que ça.
05:17 C'est aussi pour ça que les agriculteurs sont dans la rue,
05:20 parce qu'ils ne descendent pas dans la rue pour des mouvements désorganisés.
05:24 C'est aussi pour ça que le mouvement des Gilets jaunes avait eu très peu de prise sur eux.
05:28 Donc ils descendent dans la rue avec force,
05:31 mais il faut qu'il y ait de la structuration sur le plan organisationnel.
05:34 Merci François Pursec, sociologue spécialiste de l'agriculture d'être en studio avec nous ce matin.
05:38 On rappelle ce soir qu'à Matignon, il y a peut-être une réunion cruciale
05:41 avec le Premier ministre et les syndicats agricoles.
05:43 Bonne journée à vous.

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