• il y a 9 mois
Ce mardi 16 janvier, les députés auditionnent le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti sur le projet de loi constitutionnelle destiné à inscrire dans la Constitution la « liberté garantie » des femmes de pouvoir recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette réforme symbolique, voulue par Emmanuel Macron, doit être débattue à l'Assemblée nationale le 24 janvier en séance publique, avant d'être soumise au vote des sénateurs, l'exécutif espérant une adoption du texte en mars, avant la Journée internationale des droits des femmes. Actuellement, le droit à l'IVG est reconnu dans une loi ordinaire. Retrouvez l'intégralité de l'audition du ministre sur LCP Assemblée nationale.

Les auditions de l'Assemblée nationale permettent notamment l'information et le contrôle de l'action du Gouvernement par les députés et elles peuvent aussi avoir pour objet de préparer un projet de loi.
Elles consistent à entendre une personne devant une commission afin d'avoir un éclairage, un point de vue sur un sujet précis. Ces personnes auditionnées peuvent être des membres du Gouvernement, des commissaires européens, des chercheurs, des représentants des milieux socioprofessionnels...

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Transcription
00:00:00 Nous avons le plaisir, Monsieur le ministre, de vous accueillir aujourd'hui pour vous entendre sur le projet de loi constitutionnelle
00:00:04 relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse après son adoption par le Conseil des ministres le 12 décembre 2023.
00:00:12 La Commission des lois a déjà eu l'occasion à plusieurs reprises d'exprimer son attachement à la constitutionnalisation de l'IVG.
00:00:20 Je rappelle que dans le contexte de l'émotion suscitée par l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin 2022,
00:00:25 de nombreuses initiatives parlementaires ont été prises à ce sujet et ont déjà été adoptées.
00:00:30 Parce que notre commission a adopté le 9 novembre 2022 la proposition constitutionnelle de Mme Berger visant à garantir le droit à l'interruption volontaire de grossesse.
00:00:40 Et le 16 novembre au suivant, nous avons fait de même avec la proposition de Mme Pannot visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
00:00:49 L'Assemblée a adopté par suite ces deux propositions dans l'un des différents, le 24 novembre 2022 pour celle de Mme Pannot,
00:00:55 après retraite celle de Mme Berger et qui a été malheureusement largement réécrite par le Sénat le 1er février 2023.
00:01:03 Et c'est la raison pour laquelle, avec un débat qui a largement eu lieu, qui a permis au gouvernement de pouvoir s'appuyer sur le travail des parlementaires,
00:01:11 que vous avez pu avancer sur le plan sémantique avec un débat juridique entre droit et liberté qui sont garantis à la femme d'avorter.
00:01:21 Et encore sur le positionnement dans la constitution de cette constitutionnalisation, c'est la raison pour laquelle nous vous accueillons aujourd'hui, M. le garde des Sceaux,
00:01:29 avec le projet de loi de l'exécutif qui a repris l'initiative sur ce sujet et ce qui permet d'ouvrir la voie à un congrès dans le cadre de l'article 89
00:01:38 qui semble à toutes et tous la plus adaptée à cette révision constitutionnelle. M. le garde des Sceaux, vous allez avoir la parole pour nous présenter votre projet de loi.
00:01:47 Je donnerai la parole ensuite au rapporteur. Et comme l'usage le veut, les orateurs des groupes auront ensuite 4 minutes pour s'exprimer.
00:01:53 M. le garde des Sceaux, vous avez la parole.
00:01:57 — M. le président de la Commission des lois, M. le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous présenter de manière républicaine
00:02:10 tous mes voeux de bonne et heureuse année nouvelle. Je suis très heureux d'être parmi vous ce soir alors que la Commission examine le projet de loi constitutionnelle
00:02:22 relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse que j'ai l'honneur et la fierté de porter devant le Parlement.
00:02:32 Je le dis d'emblée, ce projet de loi constitutionnelle dont nous mesurons toutes et tous l'importance est l'aboutissement de nombreuses initiatives parlementaires
00:02:45 et de débats déjà approfondis. Lors du deuxième semestre 2022, 9 propositions de loi constitutionnelle ayant pour objet d'inscrire le droit de recourir à l'IVG
00:03:04 dans la Constitution ont ainsi été déposées devant l'une ou l'autre des deux assemblées. Je souhaite rendre hommage à ces initiatives qui auront toutes – j'en suis convaincu –
00:03:18 utilement contribué à la réflexion commune autour de ce projet. Je veux saluer en particulier l'initiative de l'ancienne présidente Aurore Berger
00:03:29 et de la présidente Pannot, qui ont permis que l'Assemblée soit moteur de ce projet de révision constitutionnelle. Le projet du gouvernement fait suite
00:03:42 à ses travaux et à l'appel qui lui a été lancé et auquel le président de la République a répondu favorablement. C'est en effet le 8 mars 2023,
00:03:56 à l'occasion de son discours prononcé en hommage à Gisèle Halimi, que le président a appelé – je le cite – à changer notre Constitution afin d'y graver
00:04:07 la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire
00:04:18 ce qui sera ainsi irréversible. Ce projet de loi constitutionnelle entend donc dans le présent prolongement des intentions des propositions
00:04:30 de loi précédentes et comme s'y étaient engagées le président de la République soumettre au Parlement une réélection d'équilibre parmi celles
00:04:40 qui ont été respectivement votées par l'Assemblée et par le Sénat. Ce projet de loi constitutionnelle vise à créer le consensus
00:04:53 entre les deux assemblées à partir de constats et d'objectifs partagés. Le constat, tout d'abord, a pu donner lieu à des divergences d'appréciation.
00:05:04 Mais il me semble désormais clair. Comme le Conseil d'État l'a souligné dans son avis d'une très grande qualité, il n'existe pas aujourd'hui
00:05:16 de véritable protection supralégislative du droit ou de la liberté de recourir à l'IVG. La Convention européenne des droits de l'homme
00:05:27 ne comporte pas de dispositions spécifiques sur l'avortement. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme considère
00:05:33 que le droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la Convention, ne peut être regardé comme consacrante
00:05:42 à un droit à l'avortement. Elle renvoie par conséquent à la marge d'appréciation de chaque État dans la recherche d'équilibre
00:05:53 entre le droit à la vie privée de la mère et la protection de l'enfant à naître. De la même manière, la Cour de justice de l'UE
00:06:05 se borne à rappeler, en l'absence de dispositions spécifiques sur ce point, la compétence des États membres et renvoie à l'appréciation
00:06:15 du législateur national. Quant au Conseil constitutionnel, il a jugé conforme à la Constitution les différentes lois
00:06:25 relatives à l'interruption volataire de grossesse. Ce faisant, il a examiné l'équilibre ménager entre d'une part la sauvegarde
00:06:35 de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et d'autre part la liberté de la femme qui découle
00:06:44 de l'article 2 de la déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel n'est pas allé plus loin. Il a même pris le soin de souligner
00:06:56 au sujet de l'IVG qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement
00:07:07 et qu'il ne lui appartient donc pas de remettre en cause au regard de l'état des connaissances et des techniques les dispositions
00:07:16 prises par le législateur. Ainsi, vous le voyez, la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
00:07:25 ne bénéficie pas à ce jour d'une véritable consécration constitutionnelle. L'objectif du gouvernement est donc tout aussi clair
00:07:35 – et il rejoint, je crois, les positions déjà exprimées à l'Assemblée nationale et au Sénat – l'objectif de ce projet de loi constitutionnelle
00:07:46 est d'accorder à cette liberté une protection constitutionnelle sans toutefois figer la législation actuelle ni créer une forme de droit
00:07:59 totalement absolue et sans limite. Cette protection constitutionnelle doit être suffisamment souple pour permettre au législateur
00:08:10 de continuer son œuvre en la matière et donc ménager un équilibre satisfaisant, notamment au regard des évolutions techniques,
00:08:20 médicales, scientifiques, qui pourraient advenir. Ce qu'il s'agit d'empêcher, c'est que le législateur puisse un jour interdire
00:08:28 tout recours à l'IVG ou même qu'il en restreigne si drastiquement les conditions d'accès que la substance même de la liberté
00:08:39 dit recourir s'en trouverait alors atteinte. Il y a – vous le voyez – un équilibre à trouver. Le gouvernement souhaite donc consacrer
00:08:51 pleinement la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme, de recourir à l'interruption volontaire de grossesse,
00:08:57 tout en reconnaissant le rôle du législateur d'organiser les conditions d'exercice de cette liberté. De cette façon, les deux objectifs
00:09:08 semblent pouvoir être conciliés avec une rédaction qui protège la liberté ainsi reconnue, tout en préservant le rôle essentiel du Parlement.
00:09:20 Pour parvenir à cet objectif, le gouvernement a retenu une voie médiane entre les rédactions de l'Assemblée nationale et du Sénat.
00:09:29 Le projet de loi comporte une disposition unique, ayant pour objet de modifier l'article 34 de la Constitution,
00:09:37 en y ajoutant après le 17e alinéa un alinéa ainsi rédigé. La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme
00:09:56 d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Le gouvernement a d'abord retenu l'article 34 de la Constitution comme l'avait fait le Sénat.
00:10:06 En termes juridiques, cet emplacement paraît en effet le plus adapté. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, et les diverses versions votées par le Parlement
00:10:16 en sont la preuve, aucun emplacement au sein de la Constitution n'apparaît idéal. Mais le choix de l'article 34 paraît préférable à la création
00:10:27 d'un article 66-2 au sein du titre relatif à l'autorité judiciaire et consécutif à l'article 66-1 relatif à l'abolition d'un peine de mort.
00:10:42 Il faut à ce titre rappeler que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît que l'article 34 de la Constitution peut,
00:10:50 contrairement à ce qu'une première lecture pourrait sembler indiquer, accueillir des règles de fond et mettre des obligations positives à la charge
00:11:02 de législateurs. C'est par exemple ce qui a été fait avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a prévu à l'article 34 que la loi fixe les règles
00:11:14 concernant notamment la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. Le projet fait par ailleurs le choix du mot « liberté » plutôt que du mot « droit ».
00:11:28 Ce choix, je le sais, a été ô combien commenté. Mais sa portée ne doit pas être surestimée. Car ainsi que l'a relevé dans son avis le Conseil d'État,
00:11:39 il n'existe pas dans les textes ni dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel de différence établie entre ces deux termes.
00:11:48 Si le gouvernement a choisi ce terme, c'est dans un souci de clarté. Il ne s'agit pas de créer un droit absolu et sans limite,
00:11:58 mais de faire référence à l'autonomie de la femme et de garantir ainsi l'exercice d'une liberté qui lui appartient dans les conditions prévues par la loi.
00:12:12 Enfin, mesdames et messieurs les députés, le gouvernement a souhaité, par la rédaction qu'il propose, insister sur le fait que si les conditions
00:12:21 de cette liberté sont déterminées par le législateur, cette liberté doit rester dans tous les cas garanties aux femmes qui en bénéficient.
00:12:32 C'est là un point particulièrement important. Ce mot « garantie », issu des travaux menés par votre Assemblée, vise là aussi à exprimer clairement
00:12:44 l'intention poursuivie. Que les choses soient bien claires, il ne s'agit pas d'une simple attribution de compétence au législateur,
00:12:53 mais bien de la création d'une obligation positive à sa charge, celle de protéger cette liberté que la Constitution garantit,
00:13:05 dans les conditions qu'il estime appropriées. L'objectif est bien qu'aucune majorité future ne puisse réellement porter atteinte
00:13:16 à cette liberté intangible qu'est celle pour la femme de disposer de son corps. Un mot, enfin, si vous le voulez bien, sur les effets attendus
00:13:27 de cette révision constitutionnelle. Tout d'abord, c'est un point essentiel, aucune disposition législative en vigueur ne devrait se voir
00:13:37 remise en cause par l'adoption de cette révision de la Constitution. Le Conseil d'État l'a lui-même très précisément constaté,
00:13:46 et telle est bien l'intention du gouvernement. De manière claire et précise, et pour répondre par anticipation à certaines craintes
00:13:53 exprimées ici ou là, la consécration de cette liberté n'emporte pas la remise en question d'une autre ou d'autres libertés,
00:14:04 et notamment pas la liberté de conscience des médecins, des sages-femmes, qui permet de choisir de ne pas pratiquer
00:14:14 d'interruption volontaire de grossesse si cet acte est contraire à leur conviction. Cette liberté-là est évidemment préservée.
00:14:23 Ensuite, la rédaction proposée entend bien rendre clair le fait que la décision d'aborter n'appartient qu'à la femme enceinte et à elle seule.
00:14:36 Elle ne nécessite ni l'autorisation d'un tiers, que ce soit le conjoint ou les parents, ni l'appréciation d'une autre personne.
00:14:46 Cette liberté est strictement personnelle. Elle est d'ailleurs reconnue à toute femme enceinte, et même à toute personne enceinte
00:14:59 sans considération de son état civil, sans considération de son âge, de sa nationalité ou de la régularité de son séjour en France.
00:15:11 Enfin, j'y insiste, cette rédaction ne vise pas à créer une forme de droit opposable. Le gouvernement n'ignore pas les difficultés matérielles
00:15:22 et concrètes qui peuvent encore exister dans l'accès à l'IVG, et notamment sur certaines parties du territoire.
00:15:30 Il s'agit là d'un autre sujet qui n'est pas d'ordre constitutionnel. En effet, nous sommes réunis aujourd'hui
00:15:40 pour réviser notre Constitution, pas pour voter je ne sais quelles mesures relevant du périmètre du ministère de la Santé,
00:15:48 et qui ne ménage pas ses efforts pour améliorer l'accès à l'IVG partout sur le territoire. Des annonces ont d'ailleurs été faites
00:15:58 pas plus tard qu'il y a quelques instants au QAG. Cette révision de la Constitution ne lèvera pas toutes les difficultés,
00:16:07 mais elle prémunira les femmes en France d'une éventuelle régression brutale de leur liberté de recourir à l'avortement.
00:16:17 C'est là la volonté exprimée par l'Assemblée, puis le Sénat. C'est là l'objectif du président de la République, poursuivi par le gouvernement.
00:16:27 Ce projet de révision constitutionnelle, mesdames et messieurs les députés, constitue le point d'équilibre entre les nombreux travaux engagés
00:16:35 dans les deux champs, et commencé d'ailleurs ici même. Parce qu'elle respecte les priorités de l'Assemblée, parce qu'elle respecte le travail du Sénat,
00:16:44 cette rédaction devrait nous permettre – j'en suis convaincu – de trouver une majorité dans les deux chambres, et ensuite d'obtenir une majorité
00:16:54 qualifiée au Congrès. Je forme le vœu que nos débats suffiront à dissiper les dernières hésitations et permettront à notre pays
00:17:05 par le vote de cette loi constitutionnelle de franchir un pas historique pour les femmes de notre pays. La France deviendrait alors
00:17:14 le premier pays au monde à protéger cette liberté inaliénable de la femme dans sa Constitution.
00:17:22 Merci, monsieur le ministre. Monsieur le rapporteur.
00:17:33 Merci, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. Merci, monsieur le ministre, pour votre présentation du projet de loi constitutionnelle
00:17:44 soumis au Parlement par le gouvernement. En tant que rapporteur, il me revient de dire qu'il s'agit d'un texte fortement attendu par le Parlement,
00:17:52 qui en avait pris l'initiative dès le début de cette législature, mais également par nos concitoyennes et nos concitoyens.
00:17:59 Les membres de la majorité présidentielle, des groupes de la France insoumise, socialistes, écologistes, de la gauche démocrate et républicaine
00:18:07 en avaient pris l'initiative. Et on ne peut que saluer le choix du président de la République de remettre l'ouvrage sur le métier pour permettre
00:18:13 une adoption rapide et autonome de cette révision, j'en formule le vœu. Le Parlement a travaillé en bonne intelligence.
00:18:21 Et nous, nous devons de poursuivre sur cette voie. Pour mémoire, en novembre 2022, l'Assemblée nationale a adopté à une large majorité
00:18:31 337 voix pour contre 32, une rédaction fruit d'un consensus transpartisan qui reconnaissait la garantie du droit à l'IVG et un accès effectif à celui-ci.
00:18:43 Dans la foulée, le Sénat, qui avait jusqu'alors fait valoir sa réticence à l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution,
00:18:50 a également adopté une rédaction, certes moins ambitieuse, mais dont le sens était néanmoins clair et historique.
00:18:58 Les deux chambres souhaitent faire aboutir une révision constitutionnelle sur ce sujet. C'est le message qui était alors envoyé.
00:19:05 Que les choses soient claires ici, mes chers collègues, nous respectons l'opinion de ceux qui s'interrogent sur l'opportunité d'inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution.
00:19:14 Réformer notre Constitution est un acte fort. Il est la volonté que nous exprimons, nous, constituants, d'inscrire le choix du peuple présent pour le peuple futur.
00:19:23 Réformer notre Constitution, c'est, au fond, marquer le présent pour protéger l'avenir.
00:19:28 Pour la suite de nos débats, je crois qu'il faut malgré tout circonscrire le périmètre de nos discussions.
00:19:34 Je veux le dire clairement en préambule de nos discussions, ce que ce projet est et ce qu'il n'est pas.
00:19:40 Il ne s'agit pas aujourd'hui de discuter du cadre législatif en vigueur, ni de préparer de futures évolutions législatives visant à élargir la liberté de recourir à l'IVG. En aucun cas.
00:19:52 Nos débats seront scrutés en cas de contentieux et les intentions du gouvernement et du Parlement doivent être claires.
00:19:58 La rédaction soumise n'implique nullement une évolution du droit existant et ne saurait être source d'un nouveau contentieux, par exemple par voie de question prioritaire de constitutionnalité.
00:20:07 Le Conseil d'État est, on ne peut plus clair et précis sur ce point.
00:20:12 En revanche, le projet qui nous est soumis remplit l'objectif que nous partageons, faire en sorte qu'il ne soit pas possible de modifier la loi afin d'interdire tout recours à l'interruption volontaire de grossesse
00:20:23 ou d'en restreindre les conditions d'exercice de telle façon qu'elle priverait cette liberté de toute portée.
00:20:29 L'adoption de ce texte nous paraît indispensable pour renforcer la protection juridique de cette liberté.
00:20:35 La Constitution recense déjà de nombreux droits et libertés sans distinguer d'ailleurs ces deux notions qui valent l'une pour l'autre dans ses préambules mais également dans ses articles.
00:20:44 Laïcité, égalité entre les femmes et les hommes, interdiction de la peine de mort, libre administration des collectivités territoriales, droit d'asile et bien d'autres.
00:20:52 Il n'y a donc pas d'incohérence ou de risque à reconnaître un nouveau droit.
00:20:56 Au contraire, il est même de la responsabilité du législateur constituant d'en prendre la responsabilité sans attendre que le Conseil constitutionnel reconnaisse ou non ce nouveau droit de manière prétorienne.
00:21:08 Ne croyons pas non plus que la protection de l'IVG par la loi est suffisante pour nous prémunir contre tout risque d'atteinte à cette liberté.
00:21:16 Certes, le Conseil constitutionnel a admis la conformité à la Constitution des différentes réformes concernant l'interruption volontaire de grossesse.
00:21:23 Il a considéré que le législateur avait toujours respecté l'équilibre entre la liberté de la femme, telle qu'elle découle de l'article 2 de la Constitution,
00:21:32 et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.
00:21:36 Notons cependant trois limites à cette protection.
00:21:39 Premièrement, s'il admet sa constitutionnalité, le Conseil n'a jamais reconnu l'IVG comme un droit ou une liberté fondamentale en soi, comme il a pu le faire dans d'autres cas, la liberté d'enseignement par exemple.
00:21:52 Deuxièmement, le Conseil n'a jamais eu à se prononcer sur une restriction du droit à l'IVG, et on peut s'interroger sur sa capacité à déclarer un constitutionnel de telle disposition sur le fondement de l'équilibre qu'il a défini,
00:22:04 et qui repose sur une interprétation déjà extensive de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:22:09 Troisièmement, le Conseil reconnaît sur cette question un large pouvoir d'appréciation au législateur, ce qui est bien normal compte tenu du silence des textes constitutionnels en la matière.
00:22:20 C'est cette ambiguïté, cette incertitude que nous souhaitons lever sans priver le juge constitutionnel de son office.
00:22:26 La modification de l'article 34 renvoie explicitement à la prérogative du législateur pour encadrer cette liberté qui ne saurait être absolue.
00:22:34 L'ajout du mot « garantie » principa l'évolution par rapport à la rédaction du Sénat, qui est très largement reprise par ailleurs, doit renforcer la protection désormais de rang constitutionnel de cette liberté contre d'éventuelles atteintes à l'avenir.
00:22:48 A l'inverse, la suppression du mot « garantie » rétablirait une incertitude sur l'intention du constituant, voire même indiquerait que celui-ci a contrario n'a pas souhaité garantir ce droit, ce qui serait contre-productif.
00:22:59 C'est pourquoi nous resterons impérativement attachés à ce mot.
00:23:03 Plus largement, concernant l'ensemble de la rédaction qui nous est proposée par le projet de loi constitutionnelle, je vous le dis, chers collègues, je pense qu'elle est la plus robuste et la plus opportune sur le plan juridique.
00:23:13 Au regard des auditions que j'ai menées, de l'avis du Conseil d'État, avis particulièrement positif concernant la rédaction qui est proposée, il est important de le souligner.
00:23:23 Et des travaux de nos collègues sénateurs, je défends la position aujourd'hui que cette rédaction est précise et ne crée aucune ambivalence concernant l'objectif que nous poursuivons.
00:23:32 L'emplacement retenu à l'article 34 de la Constitution fait sens au regard de notre histoire constitutionnelle et de son évolution.
00:23:40 Il n'a aucunement pour conséquence de donner moins de portée à la liberté ainsi garantie.
00:23:44 Cette rédaction est enfin de nature à garantir une protection qui respecte le choix individuel de chaque personne qui souhaite recourir à une interruption volontaire de grossesse.
00:23:52 Je pense par ailleurs que cette rédaction est de nature à nous permettre de trouver un accord avec nos collègues sénateurs car elle repart des travaux de qualité qu'ils ont menés sur le sujet au début de l'année 2023
00:24:03 et qui ont ouvert le chemin vers la présentation de ce projet de loi constitutionnelle.
00:24:07 C'est la raison pour laquelle je n'ai pas déposé le moindre amendement et que je vous inviterai à retenir la rédaction qui nous est proposée.
00:24:14 Cela n'enlève rien à l'importance des débats que nous aurons sur les amendements qui ont été déposés et qui nous permettront, je le pense, de mettre en lumière l'objectif poursuivi et les choix juridiques qui ont conduit à cette rédaction.
00:24:25 Cette révision intervient dans un contexte, mes chers collègues, qui inquiète celles et ceux qui défendent les droits des femmes.
00:24:32 Rappelons qu'en Europe et aux États-Unis, ce droit est menacé et partout à travers le monde.
00:24:37 L'arrêt de la Cour suprême américaine nous a rappelé que même dans un pays aussi développé et attaché aux libertés que les États-Unis, un recul du droit à l'avortement est possible.
00:24:46 Je ne transpose pas leur situation juridique à notre pays, mais force est de constater que ce droit, comme disait Simone de Beauvoir, n'est jamais acquis et qu'il peut suffire d'une crise pour que les droits des femmes soient remis en cause.
00:24:58 En Pologne et en Hongrie, les gouvernements mettent en place et ont mis en place de nouvelles barrières à l'accès à l'IVG, comme l'obligation d'écouter le cœur du bébé ou l'interdiction d'avorter en cas de malformation du fœtus.
00:25:09 Le droit européen ne nous apporte aucune garantie, par ailleurs en la matière, car la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne laissent une grande marge d'appréciation aux États.
00:25:18 Les militants dits « anti-choix » sont par ailleurs très actifs en France et reçoivent d'importants financements.
00:25:24 Les entraves prennent des formes de plus en plus pernicieuses. Certaines plateformes vont jusqu'à proposer des numéros verts pour se faire passer pour des organismes publics et dissuader ensuite les femmes qui les appellent.
00:25:34 Ne croyons-nous donc pas que la France est complètement imperméable à ce risque ? Et c'est justement parce que ce droit est encore solidement ancré en France qu'il faut le protéger.
00:25:43 On ne prend pas une assurance quand la maison brûle.
00:25:47 Par cette révision, la France enverrait un message enfin fort dans le monde entier en devenant le premier pays à reconnaître l'interruption volontaire de grossesse dans le texte de sa Constitution,
00:25:57 qui a servi de modèle à tant d'autres pays à travers l'histoire.
00:26:02 En somme, pour conclure, ce texte, au fond, c'est rien et tout à la fois. Il n'est rien parce qu'il ne vient pas bouleverser le droit existant. Il n'y touche pas.
00:26:14 Mais il est tout parce qu'il crée un bouclier non régressif pour le futur en érigeant la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse parmi les libertés fondamentales devant être garanties par un État de droit au XXIe siècle.
00:26:26 Je vous remercie.
00:26:28 Merci. Alors on va passer aux orateurs des groupes. On commence par Mme Sarra-Tanzili pour le groupe Renaissance.
00:26:40 Merci, M. le Président. M. le garde des Sceaux, M. le rapporteur, mes chers collègues, nous y sommes.
00:26:48 Depuis le premier jour de cette mandature, nombre d'entre nous, parmi lesquels le groupe Renaissance, se sont mobilisés pour consacrer dans notre Constitution le droit des femmes de recourir à l'IVG.
00:26:59 Depuis le départ, les initiatives parlementaires, parmi lesquelles celle de la présidente Berger, ont toutes fait valoir la nécessité de passer par un projet de loi constitutionnel et appelaient le président de la République et le gouvernement à agir.
00:27:12 Nous voici donc réunis pour cette étape cruciale qu'est l'examen de ce projet de loi constitutionnel par notre commission.
00:27:19 À ce stade, je tiens à saluer, M. le garde des Sceaux, votre engagement constant en faveur de l'inscription dans la Constitution du droit de recourir à l'IVG et la qualité du travail légistique que vous avez entrepris,
00:27:30 comme le souligne l'avis éclairant du Conseil d'État ainsi que le rapport établi par le rapporteur.
00:27:35 À ceux qui craignent que la portée de cette constitutionnalisation aille au-delà du cadre juridique actuel, je tiens à les rassurer.
00:27:43 Le juge constitutionnel a toujours eu pour vocation de concilier les principes constitutionnels, il en fera de même demain, en conciliant notamment liberté de recourir à l'IVG et liberté de conscience.
00:27:55 La formulation retenue, la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse,
00:28:06 et son inscription à l'article 34 de notre Constitution consacre les prérogatives du législateur pour délimiter les contours et les modalités d'exercice de ce droit dont la Constitution, elle, protégera le caractère effectif.
00:28:19 Pour permettre aux deux chambres de notre Parlement d'aboutir à un accord et conformément aux engagements pris, le gouvernement a proposé une rédaction de compromis.
00:28:28 À ceux qui trouveraient que la rédaction proposée par le garde des Sceaux pourrait être améliorée, je voudrais leur répondre d'abord que le mieux est l'ennemi du bien,
00:28:37 et qu'à la lecture de l'avis du Conseil d'Etat, mais également du rapport de notre rapporteur, dont je tiens à souligner la qualité,
00:28:43 la formulation permet sans nul doute de consacrer sur le plan constitutionnel le droit des femmes de recourir à l'IVG,
00:28:50 et que la formulation « liberté garantie » a la même valeur que celle de « droit garanti », l'essentiel étant bien dans l'insertion du terme « garantie ».
00:28:59 La protection juridique accordée sera donc équivalente à celle proposée par les deux propositions de loi constitutionnelle examinées l'an dernier.
00:29:06 L'Assemblée nationale a déjà exprimé sa volonté. Le Sénat, dont je tiens à souligner les travaux, également.
00:29:13 Il n'est donc plus temps d'ergoter sur une rédaction plus ou moins parfaite, mais d'acter que cette rédaction de compromis atteint son objectif,
00:29:20 une loi qui protège le droit à l'avortement et qui établit un bouclier protecteur non régressif.
00:29:27 Mais chers collègues, nous n'avons jamais été aussi près de réussir à consacrer ce droit essentiel du droit des femmes.
00:29:33 Il n'est plus temps de tergiverser, il est temps d'agir.
00:29:37 Parce que le Conseil d'État reconnaît lui-même qu'aucune garantie constitutionnelle ou conventionnelle n'existe à ce jour
00:29:43 pour donner une portée supralégislative à la liberté des femmes de recourir à l'IVG.
00:29:47 Parce que l'humilité impose de regarder avec lucidité ce qui se passe hors du territoire français
00:29:53 et de constater que partout, les réactionnaires, lorsqu'ils arrivent au pouvoir, portent atteinte à ce droit,
00:30:00 car il constitue un pilier essentiel de la capacité des femmes à maîtriser leur corps et donc leur destin.
00:30:06 Parce qu'il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas voir que la menace est réelle.
00:30:11 Nous, les anti-IVG dans notre pays n'ont pas disparu.
00:30:14 Ils pullulent sur les réseaux sociaux et sur Internet.
00:30:17 Ils envoient des fœtus en plastique aux députés engagés sur cette question.
00:30:21 Ils défileront dans nos rues dimanche prochain.
00:30:24 Ils sont même parmi les rangs de notre Assemblée.
00:30:27 Certains l'assument franchement, même aujourd'hui.
00:30:29 D'autres, beaucoup moins.
00:30:31 Mais n'oublions pas que si la stratégie de la cravate change l'apparence, elle ne change rien au fond.
00:30:36 Et que Marine Le Pen défendait il y a encore quelques années le déremboursement de l'IVG
00:30:41 considérant qu'il fallait lutter contre les avortements de confort.
00:30:44 Aussi, c'est avec bonheur, en responsabilité, dans la perspective d'aboutir à la consécration du droit des femmes de recourir à l'IVG
00:30:51 et d'envoyer un message d'espoir à toutes les femmes du monde qui voient leur droit reproductif fragilisé
00:30:55 que le groupe Renaissance votera pour ce texte sans modification.
00:30:58 Je vous remercie.
00:31:00 Merci Madame Pascale Borde pour le groupe Rassemblement National.
00:31:03 Merci Monsieur le Président, Monsieur le Garde des Sceaux, chers collègues.
00:31:06 Dire que l'inscription dans la Constitution de la liberté de la femme de recourir à l'IVG
00:31:11 est à ce jour très éloignée des préoccupations actuelles de la grande majorité de nos concitoyens
00:31:17 est un euphémisme tant les esprits sont en effet en ce moment tournés
00:31:21 vers la hausse galopante des prix de l'énergie et la baisse corrélative du pouvoir d'achat
00:31:25 ainsi que vers une situation internationale plus qu'inquiétante.
00:31:29 C'est également un texte peu utile et ce pour des raisons conjoncturelles.
00:31:36 En effet personne ne souhaite en France aujourd'hui, dans la classe politique,
00:31:40 remettre en cause l'accès à l'IVG, que ce soit dit.
00:31:44 Il n'est absolument pas menacé à l'heure où 234 300 interruptions volontaires de grossesse
00:31:52 ont été réalisées en 2022, chiffre en constante augmentation ces dernières années
00:31:57 et qui est deux fois plus élevé qu'en Allemagne.
00:32:00 C'est en outre un texte peu utile pour des raisons juridiques.
00:32:03 En effet la liberté de la femme de recourir à une IVG, comme toute liberté,
00:32:08 quelle qu'elle soit, ne peut être absolue car elle doit se concilier avec d'autres libertés,
00:32:13 droits et principes, comme le principe de la dignité humaine
00:32:16 ou encore la liberté de conscience des personnels de santé
00:32:20 qui est aussi une liberté constitutionnelle.
00:32:22 Par ailleurs cette inscription nécessitera, si elle est votée,
00:32:26 de refondre une partie du code de la santé publique et du droit médical
00:32:30 pour assurer à tout prix cette nouvelle liberté constitutionnelle,
00:32:34 ce qui au regard de l'état actuel de notre système de santé n'est pas souhaitable.
00:32:39 D'aucuns mettent en avant l'aspect symbolique de la démarche
00:32:43 mais la constitution n'est pas un texte symbolique.
00:32:46 La constitution adoptée par le peuple par référendum en 1958,
00:32:50 à l'époque le référendum n'existait pas que dans les livres,
00:32:53 cette constitution fixe les principes essentiels
00:32:56 et les droits fondamentaux qui permettent une vie en société.
00:33:00 A ce titre, certains constitutionnalistes estiment qu'inscrire cette liberté
00:33:05 dans notre constitution n'est pas responsable car la norme constitutionnelle
00:33:10 doit être un point d'ancrage et notre droit un élément de stabilité de l'ordre juridique
00:33:16 et non l'exutoire des désirs de certains.
00:33:19 Au demeurant, comment peut-on considérer que la liberté garantie à la femme
00:33:24 d'avoir recours à une IVG puisse s'imposer comme un droit fondamental
00:33:28 alors que la liberté d'avoir recours à une IVG n'est en réalité qu'une possibilité dérogatoire
00:33:35 au droit à la vie qui est inscrit dans la loi Veil ?
00:33:39 Il y a là quelque chose qui ressort d'une incompatibilité absolue.
00:33:42 Alors pourquoi ce texte qui n'est menacé par personne et qui juridiquement ne s'impose pas ?
00:33:47 Les auteurs de ce nouveau projet, tout en reconnaissant que la liberté n'est nullement menacée dans notre pays,
00:33:53 invoquent désormais un inventaire à l'après-verre.
00:33:57 Nous avons tout d'abord une croisade que notre pays se devrait d'entreprendre
00:34:02 sur notre continent et partout dans le monde, comme si nous n'avions pas assez de problèmes en France.
00:34:07 En second lieu, il est invoqué le fait que la France serait ainsi l'un des premiers pays au monde
00:34:13 et le premier en Europe à reconnaître dans sa constitution cette liberté.
00:34:18 Et en troisième lieu, la volonté du chef de l'État d'adresser un message universel de solidarité à toutes les femmes
00:34:25 qui voient aujourd'hui cette liberté bafouée.
00:34:27 Or, la sauvegarde des droits et libertés des femmes ne se réduit pas à un sombre concours
00:34:33 pour savoir qui est le premier, ni à une croisade à travers le monde,
00:34:37 et encore moins à un message universel donné à la terre entière, à fortiori,
00:34:42 lorsque ces mêmes droits et libertés ne sont pas, loin s'en faut, efficients en France.
00:34:48 Les femmes où qu'elles vivent dans le monde méritent mieux que cette vulgaire course à la gloriole.
00:34:54 Madame Mathilde Pannot pour le groupe La France Insoumise.
00:34:57 Merci Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur, collègues.
00:35:02 Alors que nous commençons l'examen de ce texte, je voudrais rappeler que la législation sur l'IVG n'a jamais été une évidence,
00:35:08 comme vient de nous le rappeler l'intervention de l'extrême droite à l'instant.
00:35:12 Cette législation est née d'un long processus historique d'acquisition de droits civils, sociaux et politiques pour les femmes en France.
00:35:19 Et je veux commencer par rendre hommage à toutes les militantes, les associations sur le terrain, dans les permanences,
00:35:24 qui ont porté inlassablement ce combat dans le temps long de l'histoire.
00:35:28 Je veux ainsi rendre hommage à l'Association Nationale pour l'étude de l'avortement,
00:35:32 à Choisir, le mouvement français pour le planning familial, au mouvement de libération des femmes,
00:35:37 au mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, et beaucoup d'autres que je ne peux malheureusement pas toutes citer.
00:35:43 Je veux rendre hommage à toutes celles et ceux qui, hier et aujourd'hui, mènent toujours une lutte sans repos pour les droits des femmes.
00:35:49 Cette victoire, comme celle de 1975, est la leur.
00:35:53 C'est leur victoire d'autant qu'en 2024, 49 ans après le vote de la loi Veil,
00:35:58 l'accès à l'IVG n'est toujours pas pleinement effectif dans notre pays.
00:36:01 Ainsi, en 2024 en France, il est toujours difficile pour certaines femmes d'accéder à un avortement sûr, sécurisé et dans des délais convenables.
00:36:09 En 2024, la double clause de conscience n'est toujours pas abrogée.
00:36:12 En 2024, certaines femmes doivent faire encore des dizaines et dizaines de kilomètres pour avorter.
00:36:16 En 15 ans, c'est 130 centres IVG qui ont été fermés, selon le planning familial.
00:36:22 Alors pourquoi ? Parce que 49 ans après le vote de la loi Veil, le combat des femmes pour le droit à disposer de leur corps est plus que jamais d'actualité.
00:36:30 Parce que 49 ans après le vote de la loi Veil, M. le ministre, nous restons parfois dans un en même temps insupportable, à commencer régulièrement par ce gouvernement.
00:36:39 Comment oublier qu'il y a deux semaines, le 5 janvier 2024, l'ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin-Lebaudot se rendait à l'Institut Lejeune,
00:36:47 qui milite ouvertement contre l'avortement et le droit à mourir dans la dignité.
00:36:51 Comment oublier que la nouvelle ministre de la Santé, Catherine Vautrin, alors députée LR en 2017, saisissait le Conseil constitutionnel
00:36:57 et lui demandait de censurer la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.
00:37:04 Surtout, comment oublier qu'il y a seulement un mois, le décret censé autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales, issu de la loi Gaillot,
00:37:11 est si contraignant qu'il en contredit l'objectif même de la loi, faisant ainsi régresser le droit à l'IVG.
00:37:18 On le dit avec d'autant plus de force, monsieur le ministre, qu'en France, en Italie, aux Etats-Unis et dans beaucoup d'autres pays du monde,
00:37:24 les anti-choix battent le pavé avec, bien souvent, des victoires de l'extrême droite à travers le monde, leur mot d'ordre et évidemment la régression.
00:37:32 En Andorre sera rendu demain le verdict du procès de Vanessa Mendoza-Cortez, militante pour le droit à l'avortement,
00:37:39 dans un pays où l'IVG est considéré comme un crime. Elle l'est jugée pour avoir dénoncé ce fait devant l'ONU.
00:37:45 Ainsi, il est plus qu'urgent d'acter la garantie de ce droit et par là d'envoyer un signal aux femmes qui se battent dans le monde entier.
00:37:53 Le manifeste des 343 salopes a affirmé « L'avortement libre et gratuit n'est pas le but ultime de la lutte des femmes.
00:38:00 Au contraire, il ne correspond qu'à l'exigence la plus élémentaire, ce sans quoi le combat politique ne peut même pas commencer. »
00:38:08 Cette victoire est donc celle de l'humanisme qui guide le principe de l'action politique de mon groupe
00:38:12 pour la constitutionnalisation du droit à l'IVG comme pour le droit à mourir dans la dignité.
00:38:17 Il n'y a pas de plus grande liberté pour nous que celle d'être maître de son corps tout au long de sa vie.
00:38:23 Alors, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, pour terminer, je voudrais dire que nous ne sommes pas d'accord avec la rédaction actuelle qui est proposée,
00:38:31 mais que nous voterons ce texte tel quel parce que je crois que nous avons besoin, urgentement, de consacrer ce droit fondamental humain dans la Constitution
00:38:39 pour les femmes de ce pays et pour, là aussi, envoyer un message d'encouragement à toutes celles qui se battent en Argentine, aux Etats-Unis, en Pologne, en Hongrie, en Italie, dans bien d'autres pays
00:38:49 et que nous changerons cette rédaction, je l'espère, dans la Constitution de la VIème République en ajoutant son corollaire qui est le droit à la contraception.
00:38:58 Madame Émilie Bonnivard pour le groupe Les Républicains.
00:39:02 Merci, Monsieur le ministre, Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, chers collègues.
00:39:07 Avant d'examiner ce projet de loi constitutionnelle que vous présentez aujourd'hui, je souhaiterais rappeler la lignée dans laquelle il s'inscrit.
00:39:15 Jusqu'en 1975, l'avortement constituait un délit pénal sanctionné par 5 ans de prison.
00:39:23 Les médecins pouvaient être condamnés à une interdiction d'exercer, les femmes concernées étaient contraintes de se rendre à l'étranger
00:39:29 ou de recourir à des avortements clandestins avec tous les risques que l'on connaît.
00:39:34 La reconnaissance de l'interruption volontaire de grossesse a été le fruit d'un long combat des femmes et des hommes qui l'ont soutenu.
00:39:41 Aujourd'hui, le droit à l'interruption volontaire de grossesse fait partie intégrante de notre patrimoine juridique fondamental et nous nous en félicitons.
00:39:51 Cependant, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si la protection constitutionnelle de l'IVG en France est suffisamment solide et durable
00:40:00 ou si une inscription dans la Constitution est nécessaire.
00:40:04 Le corollaire à cette question, c'est également si l'inscription dans cette Constitution n'ouvre pas un risque de rompre l'équilibre porté par la loi Veil
00:40:14 entre le droit à l'avortement et le droit de l'enfant à naître.
00:40:22 C'est ce que nous examinerons, c'est la protection de cet équilibre avec cette inscription dans la Constitution.
00:40:28 Il faut le rappeler, il n'y a pas aujourd'hui de risque de revinement de la jurisprudence sur l'avortement en France.
00:40:36 C'est important que nous le rappelions.
00:40:38 La décision de la Cour suprême des Etats-Unis n'a aucun impact sur la France.
00:40:42 Le droit à l'avortement tel qu'il est prévu par la loi Veil n'est pas menacé.
00:40:46 Tous les avis du Conseil constitutionnel l'indiquent et demeure un de nos droits fondamentaux.
00:40:51 Il fait l'objet d'une grande unanimité au sein de nos groupes politiques en France, à part certains, comme nous venons de l'entendre, je pense.
00:40:59 L'IVG figure dans notre droit depuis 1975 et n'a eu de cesse d'être renforcé depuis.
00:41:05 Le Conseil constitutionnel l'a toujours jugé conforme à la Constitution par quatre fois, c'est pour mon non, sans sa vaveur et en faveur de son élargissement, en 1975, 2001, 2014 et 2016.
00:41:17 Donc même sans inscription de l'IVG dans la Constitution, il est fortement probable que le Conseil constitutionnel jugerait une loi interdissant ou restreignant l'IVG comme non conforme à la Constitution
00:41:30 puisqu'elle priverait de garantie légale cette liberté de la femme garantie par l'article 2 de la DDH, C de 1789.
00:41:42 Donc on peut s'interroger sur le fait qu'on soit de l'ordre du symbole, que l'on envoie des signaux au monde, c'est important.
00:41:50 La France a un rôle à jouer, mais attention à ne pas instrumentaliser notre loi fondamentale dans un objectif de diplomatie internationale.
00:42:00 Ou en tout cas, si nous le faisons, il faut éviter qu'un risque incertain, qui est le risque du recours à l'IVG en France,
00:42:08 se transforme en un risque nouveau en matière juridique et d'ouverture de contentieux sur la question de l'IVG.
00:42:17 Selon l'exposé Des Motifs, cette révision de la Constitution vise, comme je l'ai dit, à adresser un message universel et de solidarité aux femmes qui voient leur liberté bafouée.
00:42:29 Mais je souhaite le rappeler, Simone Veil, elle-même, en décembre 2008, n'avait pas recommandé de modifier le préambule
00:42:37 ni d'intégrer à la Constitution des droits et libertés liés à la bioéthique, laquelle intégrait l'IVG.
00:42:43 Et Simone Veil avait refusé d'y inscrire des dispositions, avait indiqué qu'il fallait refuser d'y inscrire des dispositions de portée purement symbolique.
00:42:53 Les députés LR sont attachés à l'équilibre de la loi Veil de 1975, qui repose sur la conciliation entre la liberté des femmes et la protection de l'enfant à naître.
00:43:03 Nous aurons donc beaucoup de questions sur l'articulation de la garantie que vous indiquez dans cet article, de la garantie de cette liberté,
00:43:12 l'articulation avec la liberté de conscience des médecins et également les droits de l'enfant à naître. Je vous remercie.
00:43:22 Monsieur Erwin Baladam pour le groupe démocrate.
00:43:25 Merci, monsieur le Président, monsieur le garde des Sceaux, mes chers collègues.
00:43:28 Alors, clin d'œil de l'histoire, demain, alors que notre commission débattra du projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse,
00:43:38 cela fera 49 ans que la loi Veil aura été promulguée, donnant ainsi aux femmes la liberté de disposer de leur corps et de choisir leur maternité.
00:43:47 Depuis, plusieurs lois ont élargi et amélioré le cadre de prise en charge de l'IVG.
00:43:52 Malheureusement, ce droit que nous pensons fondamental et inaliénable n'est pas à l'abri de régression ou, pire, d'abrogation.
00:44:00 Les multiples atteintes en Europe et en Outre-Atlantique en sont la triste réalité.
00:44:06 L'onde de choc provoquée par la décision historique de la Cour suprême américaine bouleverse nos convictions et brise le mouvement que l'on croyait continu des progrès du droit des femmes à disposer de leur corps.
00:44:18 Alors, les paroles de Simone de Beauvoir à Claudine Montel, diplomate et signataire du manifeste des 343, au lendemain de l'adoption de la loi Veil à l'Assemblée nationale, sont criantes de vérité.
00:44:31 Nous pouvons gagner, mais temporairement. Il suffira d'une crise politique, économique et religieuse pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question, votre vie durant.
00:44:43 Vous devrez demeurer vigilante.
00:44:45 Cette vigilance est en réalité l'affaire de toutes et de tous, femmes et hommes.
00:44:50 Députée de tous bords, elle est aussi notre affaire.
00:44:53 Nous devons nous interroger sur notre capacité à anticiper de tels revers en France.
00:44:58 Et il est de notre devoir de protéger la liberté de recourir à l'IVG de toute crise politique, économique et religieuse.
00:45:06 Rappelons que si nous débattons aujourd'hui, c'est que le droit à l'IVG ne bénéficie pas de la protection la plus forte qui soit, son inscription dans notre norme suprême.
00:45:15 Et je n'oublie pas que le Conseil constitutionnel, depuis 2011, a rattaché la liberté de recourir à l'IVG à la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:45:26 Cependant, il ne lui a jamais été conféré de valeurs constitutionnelles.
00:45:31 Symbole, diront les uns, véritable protection, diront les autres.
00:45:35 Il n'en demeure pas moins que la constitutionnalisation de l'IVG permettra de se prémunir de toute velléité de remise en cause de cette liberté par la loi.
00:45:44 Et alors que 82% des Français et des Françaises, évidemment, se déclarent favorables à cette constitutionnalisation,
00:45:51 elle serait par ailleurs un signal fort et utile pour le reste du monde, car à ce jour, aucune constitution ne reconnaît ce droit de façon positive.
00:46:02 Le 24 novembre 2022, notre Assemblée a adopté à une large majorité transpartisane une proposition de loi constitutionnelle garantissant aux femmes l'effectivité de l'IVG ainsi que son égal accès.
00:46:15 Le 1er février 2023, le Sénat adopte à son tour cette proposition de loi avec une nouvelle rédaction.
00:46:22 Le texte qui nous est proposé aujourd'hui est le fruit d'un équilibre entre nos deux positions, retenant les mots interruption volontaire de grossesse afin de ne laisser subsister aucune ambiguité,
00:46:34 consacrant l'existence d'une liberté et reconnaissant le rôle du Parlement dans l'établissement des conditions dans lesquelles s'exerce cette liberté garantie par la Constitution.
00:46:45 Gouvernement, politique, élus, citoyens, je crois qu'un même élan nous étreint tous désormais.
00:46:52 Alors si nous actons que nous avons un consensus pour réviser la Constitution, cela ne doit pas se faire à la légère.
00:46:59 Et le groupe démocrate salue à ce titre la décision du président de la République de recourir à un projet de loi constitutionnelle et de ce fait à un vote des parlementaires réunis en Congrès.
00:47:09 Je vous remercie.
00:47:11 Madame Marie-Noëlle Battistel pour le groupe socialiste.
00:47:15 Merci Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur, chers collègues.
00:47:22 49 ans après l'adoption de la loi Veil, ce texte constitutionnel qui traite d'un sujet sociétal venant mobiliser les consciences de chacun et en particulier celle des femmes est très attendu.
00:47:33 En 2018 déjà, nous avions présenté un amendement à la réforme constitutionnelle afin de reconnaître dans le préambule de la Constitution de 46 le droit d'avoir accès à une contraception adaptée et gratuite ainsi que de recourir librement à l'interruption volontaire de grossesse.
00:47:48 En 2019, nous reprenions cet amendement sous la forme d'une proposition de loi constitutionnelle qui n'avait pas obtenu alors l'aval de la majorité.
00:47:56 Mais ce projet de loi constitutionnelle qui inscrit l'interruption volontaire de grossesse dans notre norme fondamentale est un acte profondément politique qui vient traduire juridiquement la volonté de la communauté nationale d'inscrire dans les règles qui régissent son fonctionnement la possibilité pour la femme de disposer librement de son corps.
00:48:16 Nul doute que la portée de nos propos aujourd'hui résonnera bien au-delà des murs de notre commission pour des milliers de femmes à travers le monde.
00:48:23 Le renversement de l'arrêt par la Cour suprême américaine, la mobilisation de toutes les associations féministes, le dépôt de six propositions de loi ainsi que l'adoption par les deux chambres d'un projet visant à la constitutionnalisation de l'IVG ont poussé le président de la République à s'engager en ce sens.
00:48:40 Alors si ce projet de loi constitutionnelle n'est pas parfait dans sa rédaction, nous ne pouvons que nous en satisfaire. Nous en satisfaire d'abord car il vient répondre à un enjeu politique, celui de créer un bouclier contre une régression de la liberté de recourir à l'IVG.
00:48:56 À ceux qui opposent qu'il n'existe pas de menace imminente sur le droit d'avorter en France, nous opposons le contre-exemple des sept États américains ayant interdit l'IVG même en cas de viol ou d'inceste, celui de la Pologne où désormais seuls les IVG en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère sont autorisés,
00:49:13 de la Hongrie qui oblige désormais les femmes souhaitant avorter à écouter le battre le cœur du fœtus. L'inexistence de tels risques en France aujourd'hui ne saurait pour autant préjugé du maintien d'un statut quo, d'autant que les entraves à l'IVG prennent des formes de plus en plus pernicieuses de la part des mouvements anti-choix qui trompent les femmes peu ou mal informées pour les inciter à poursuivre leur grossesse.
00:49:36 Nous en satisfaire ensuite, car il vient répondre à un enjeu juridique, celui de garantir une protection qui est aujourd'hui absente au niveau constitutionnel et européen. La constitutionnalisation créerait ainsi une base juridique robuste en droits internes en permettant que la survenance d'une loi régressive puisse être censurée par le Conseil constitutionnel.
00:49:56 Enfin, nous en satisfaire, car il vient répondre à un enjeu sociétal de garantir aux femmes la nécessaire libre disposition de leur corps afin d'assurer une égalité réelle, pleine et entière entre les femmes et les hommes. Alors oui, la réduction est perfectible. Nous aurions préféré la consécration d'un droit plutôt que celle d'une liberté afin de garantir un véritable droit fondamental à l'IVG sans qu'il soit rattaché à la liberté personnelle.
00:50:22 Nous n'aurions pas introduit l'IVG à l'article 34, mais plutôt à l'article 1er, article écrin des droits. Nous aurions souhaité que la contraception y figure également, mais nous savons que les victoires féministes ont toujours été le fruit de compromis.
00:50:39 Sans accommodement, Simone Veil ne serait pas parvenue à faire adopter la loi sur l'avortement. 50 ans plus tard, c'est toujours le cas. Nous tenons toutefois à insister sur deux points, M. le ministre.
00:50:50 Tout d'abord sur la notion indispensable de garantie. De l'avis des constitutionnalistes que nous avons éditionné, l'absence du mot garantie aurait pour conséquence de limiter la révision au rappel du droit existant, à savoir la compétence du législateur pour définir le cadre applicable à l'IVG, rendrait la formulation imprécise et créerait une incertitude juridique sur l'intention initiale du législateur.
00:51:15 Ensuite, la mention du terme "femme" qui ne doit pas être interprétée comme excluante vis-à-vis des personnes transgères, par exemple. Parce que nous savons que cette rédaction est le résultat d'un compromis avec le Sénat, parce qu'il est important de mettre sévèrement en échec l'éprovis et d'avancer collectivement sur la protection de ce droit, parce que des millions de femmes partout dans le monde nous attendent.
00:51:35 Nous avons donc opté pour une position responsable, acceptant le compromis et ne déposant pas d'amendement. Je vous remercie.
00:51:43 Madame Anne-Cécile Violand, pour le groupe Horizon.
00:51:45 Merci, monsieur le Président. Monsieur le garde des Sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues.
00:51:51 Le 24 juin 2022, outre-Atlantique, la Cour suprême des Etats-Unis rendait une décision relative à l'interruption de grossesse qui envoya une onde de choc à travers le monde.
00:52:02 En mettant un terme à sa célèbre jurisprudence Roe versus Wade de 1973, la Cour suprême a démontré la fragilité des droits fondamentaux qui semblaient acquis dans nos sociétés modernes.
00:52:15 En Europe aussi, certains courants tentent d'entraver la liberté des femmes d'interrompre leur grossesse.
00:52:21 La France, fort heureusement, est aujourd'hui dans une situation très éloignée de celle des Etats-Unis.
00:52:26 Le droit à l'IVG ne fait plus aujourd'hui l'objet d'aucune remise en cause par les partis politiques de tous bords.
00:52:32 Certes, des mouvements concentrés et relativement minoritaires portent toujours une voie pro-vie.
00:52:37 Notre réaction à l'évolution de ce droit doit donc être mesurée.
00:52:42 Néanmoins, face à ce retour en arrière, nous devons montrer l'exemple.
00:52:46 Consacrer cette liberté au sommet de la hiérarchie des normes ferait de la France l'un des premiers pays au monde et le premier en Europe à protéger, au sein de sa Constitution, la santé physique et psychique des femmes contre les risques que présente un avortement dans la clandestinité.
00:53:03 En héritier de Simone Veil, nous nous prémunirions ainsi contre la possibilité d'un retour aux faiseuses d'anges, près de 50 ans après la loi fondatrice du 17 janvier 1975,
00:53:16 en empêchant la remise en cause par la loi de la liberté d'avoir recours à l'interruption volontaire de grossesse.
00:53:23 C'est un message fort envoyé aux hommes et aux femmes du monde entier.
00:53:27 La pertinence de l'inscription de cette liberté dans notre Constitution a été confirmée par l'avis du 7 décembre 2023 rendu par le Conseil d'État.
00:53:36 Celui-ci a noté que la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse ne fait aujourd'hui l'objet d'aucune consécration en tant que telle dans la Constitution française,
00:53:46 dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou en droit de l'Union européenne.
00:53:53 Elle n'est pas davantage consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice de l'Union européenne,
00:54:00 qui renvoient toutes deux à l'appréciation des États, la recherche d'équilibre entre le droit à la vie privée de la mère et la protection de l'enfant à naître.
00:54:09 Dans sa décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a fait le choix d'adosser la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme de recourir à l'IVG
00:54:19 à celle de la liberté de la femme prévue par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens.
00:54:25 Dès lors, le groupe Horizon est apparenté et favorable au projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse,
00:54:34 en ce qu'il insère à l'article 34 de la Constitution un alinéa qui précise que la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme
00:54:45 d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. La rédaction choisie emporte notre approbation, car elle précise que c'est à la loi de garantir l'effectivité et l'accès à l'IVG,
00:54:56 en d'autres termes, qu'il revient aux représentants de la nation de déterminer les conditions dans lesquelles ce droit est exercé.
00:55:03 Ainsi, la liberté de recourir à l'IVG sera protégée de façon pérenne, tout en continuant à être encadrée par un processus démocratique.
00:55:12 D'autre part, l'emploi d'une formule positive permet d'assurer la constitutionnalité d'un certain nombre de dispositifs importants dans notre droit,
00:55:21 et notamment la clause de conscience des médecins et des sages-femmes. Le groupe Horizon tient enfin à saluer le fait que la rédaction retenue soit une synthèse de compromis
00:55:31 des écritures adoptées dans les deux chambres. Résolument attachée à la liberté de choisir, notre groupe parlementaire sera toujours guidé par la volonté d'empêcher
00:55:40 une quelconque remise en cause de l'équilibre défini par la loi Veil. Nous voterons donc en faveur de ce projet de loi constitutionnelle dans la rédaction proposée. Je vous remercie.
00:55:51 Madame Sandra Regol, pour le groupe écologiste.
00:55:54 Merci, M. le Président. M. le ministre, oui, ça a été dit et répété, les conquêtes féministes ont fait de l'IVG une liberté en France, un droit des femmes à décider de leur corps et de leur vie.
00:56:04 Ce n'est pas un combat récent, c'est un combat de nos aînés, ces féministes qui ont été vilipendées pour avoir les mots trop hauts, ces avorteuses, ces faiseuses d'anges
00:56:13 qui étaient poursuivies par la justice et dont aujourd'hui l'histoire reconnaît l'apport et comment elles ont pu sauver des vies.
00:56:19 Ces femmes, ces féministes, elles étaient de tous bords, mais elles partageaient un combat commun. Elles ont tracé le sillon qui nous amène aujourd'hui à ce texte,
00:56:28 ce texte qui est une suite, mais certainement pas une finalité. Il n'est qu'une étape dans le long processus qui est celui de notre empouvoirment.
00:56:37 Car oui, comme toujours, nos droits peuvent être mis en danger. Ils le sont aujourd'hui. Ils le sont dès lors qu'ils ne sont pas institués.
00:56:44 On pense naturellement aux USA, à la Pologne. On l'a répété ici, à tous ces pays où, en fait, la bascule politique produit une fracture directement dans le socle fondamentaux de nos droits
00:56:53 et où les femmes sont toujours, toujours les premières victimes. Mais en France aussi, ces menaces existent. Les collègues en ont parlé également.
00:57:00 Ces faux sites d'aide aux femmes dans lesquels il s'agit principalement de les orienter vers un refus de leurs droits et un refus de leurs choix.
00:57:12 Je pense également à cette campagne dont on est ici nombreuses à avoir été victimes, des réseaux anti-EVG, des réseaux anti-droits qui, pour nous menacer, nous faire peur
00:57:20 ou – je sais pas pourquoi, d'ailleurs – nous envoyer des fœtus en plastique par la poste que d'argent si mal dépensé.
00:57:27 En tout cas, on est quelques-unes ici. En avoir été les victimes, je pense également et surtout à ces déserts médicaux qui font que l'accès à l'IVG n'est géographiquement pas une égalité.
00:57:39 Et je pense encore plus à ces médecins, ces gynécologues qui, aujourd'hui encore, culpabilisent les femmes, tentent de les faire revenir sur leurs choix,
00:57:47 ces médecins contre lesquels on bute parfois. On sait combien dans nos proches, dans nos circonscriptions, dans nos familles ou même dans ces assemblées,
00:57:55 combien en ont été victimes beaucoup trop malheureusement et aujourd'hui encore. Alors il y a un point commun à toutes ces menaces, un point commun qui est très politique.
00:58:03 Et nous y revenons. C'est le choix des réactionnaires, le choix des réactionnaires que de toujours empêcher les femmes de disposer de leur corps
00:58:11 parce que cette liberté-là est une liberté contre laquelle toujours ils s'opposent. C'est le choix de les tenir à distance et quelque part de les tenir en laisse
00:58:20 pour éviter qu'elles puissent décider de leur avenir et que collectivement, nous décidions de notre avenir. En notre assemblée, d'ailleurs, certains en sont encore allégiférés
00:58:28 sur le ventre des femmes pour nous obliger à produire selon certains quotas les mêmes qui opposent les droits des femmes à ceux d'un fœtus,
00:58:37 ceux qui refusent de construire l'histoire de demain, l'histoire des femmes et de la France. Or, constitutionnaliser, ce n'est pas banaliser, ça a déjà été dit,
00:58:45 c'est sanctuariser en droit celui des femmes. Ce n'est pas démultiplier les recours à l'IVG, ce n'est pas nier le choix de celles qui ne veulent pas y recourir,
00:58:53 c'est s'assurer que quoi qu'il arrive, l'histoire ne se déroulera pas à rebours et que nos droits ne repartiront pas. C'est aussi inscrire la France dans l'histoire,
00:59:01 celle du premier pays, à agir pour une part de constitutionnalisation de ce droit. Alors certes, nous aurions préféré la formulation travaillée par notre collègue Mathilde Panon,
00:59:10 celle qui permettait de garantir l'accès au droit et incluer dans sa version première le droit à la contraception. On aurait pu imaginer aussi constitutionnaliser le délai à 14 semaines.
00:59:23 Donc nous porterons quand même des amendements pour pouvoir reparler de pourquoi est-ce qu'on ne peut pas aller jusque-là, de pourquoi est-ce qu'encore une fois nous nous autolimitons.
00:59:31 Mais au-dessus de tout, il y a un objectif qui prime et un seul. C'est d'arriver à avancer, c'est d'arriver à construire cette histoire, c'est d'arriver à au moins constitutionnaliser,
00:59:40 fussent à l'article 34, fussent revues à la baisse, ce droit fondamental de toutes les femmes en France, qu'elles soient françaises ou qu'elles ne le soient pas,
00:59:49 parce que ces droits pour nous constituent les droits fondamentaux pour tout notre peuple.
00:59:55 Merci Madame Elsa Fossillon pour le groupe gauche démocrate et républicaine.
00:59:59 Merci Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers collègues. Au groupe GDR, comme beaucoup ici, nous ne pensons pas que cette loi soit vaine ou uniquement cosmétique ou symbolique, comme d'autres l'ont dit ici.
01:00:18 Elle est à notre sens profondément utile sur le plan social, médical, politique, culturel, et elle l'est évidemment peut-être encore un peu plus à l'heure de la montée en puissance de nouveaux fascismes à l'échelle européenne,
01:00:36 mais c'est vrai aussi ailleurs dans le monde. Il faut le rappeler, il y a encore 47 000 femmes par an dans le monde qui meurent d'un avortement clandestin, soit une femme toutes les 9 minutes.
01:00:47 Ce projet de loi de constitutionnalisation de l'IVG est attendu de très longue date. Il faut d'ailleurs noter à quel point, pour l'ensemble des luttes féministes, pour l'ensemble des luttes pour conquérir de nouveaux droits pour les femmes,
01:01:04 à chaque fois, il faut des années, à quel point il faut toujours des luttes extrêmement longues et combien il faut à la fin, y compris toujours, faire preuve de compromis.
01:01:17 C'est quelque part la marque de fabrique à chaque fois des grandes conquêtes féministes et je veux évidemment saluer toutes celles qui se sont battues pour que nous en arrivions là aujourd'hui
01:01:29 et toutes celles qui vont continuer à le faire pour que nous œuvrions encore pour de nouvelles conquêtes et de nouveaux droits.
01:01:36 Il y a de très nombreuses associations qui continuent d'œuvrer pour le droit à l'avortement, mais pour son effectivité aussi réelle en France.
01:01:46 Je pense aussi à toutes celles et ceux qui ont souhaité au Parlement se saisir de cette question et de s'assurer de la protection absolue de ce droit,
01:01:58 notamment depuis l'annulation de l'arrêt Roe contre Wade par la Cour suprême américaine et qui a eu une résonance internationale.
01:02:07 D'ailleurs, je note à quel point ce combat pour le droit à l'IVG à travers le monde a toujours une résonance.
01:02:16 Et je crois que c'est presque uniquement pour ce sujet en particulier que cette résonance prend cette ampleur-là.
01:02:23 On a vu que dans certains pays, d'ailleurs au Kenya, au Nigeria, en Éthiopie ou en Inde, des mouvements anti-avortement ont saisi l'opportunité de l'annulation
01:02:36 par la Cour suprême américaine pour parvenir à l'arrêt de processus législatif progressiste en faveur des droits sexuels et reproductifs.
01:02:44 Donc je pense qu'elle a évidemment cette constitutionnalisation une valeur extrêmement importante pour les droits des femmes en France,
01:02:54 mais je ne néglige pas et je suis même fière qu'elle puisse avoir une résonance ailleurs dans le monde.
01:03:00 En France, je le dis, ce séisme outre-Atlantique a réouvert le débat autour de la constitutionnalisation de l'IVG.
01:03:07 Selon un sondage pour la Fondation des femmes et le planning familial de février 2021, 93% des Français se disent attachés au droit à l'avortement.
01:03:17 Pourtant, cela ne nuit pas à la vigueur des associations pro-vie abreuvées de financements certes opaques, mais aussi très nombreux.
01:03:27 Ces associations se paient des campagnes régulières et impactantes, manifestations anti-IVG,
01:03:33 diffusion de fausses informations auprès des femmes sur Internet, mobilisation d'élus réactionnaires.
01:03:38 Les pro-vie redoublent de créativité pour empêcher les femmes d'avorter.
01:03:43 C'est une forme de réponse à celles et ceux qui nous expliquent qu'ici, il n'y aurait pas de danger.
01:03:49 D'abord, je pense qu'il y en a, mais tant mieux s'il n'y en a pas, alors protégeons absolument ce droit à l'IVG.
01:03:56 J'ai été bien trop longue, je veux simplement dire qu'évidemment, la formulation actuelle ne nous convient pas, qu'elle est perfectible,
01:04:03 que nous aurons des amendements et que nous pensons pouvoir continuer à en débattre et que c'est utile,
01:04:08 mais qu'évidemment, nous voterons la constitutionnalisation de l'IVG.
01:04:12 Et enfin, M. Jean-Félix Aquaviva pour le groupe Liberté indépendant Outre-mer et Territoire.
01:04:17 Merci, M. le Président, M. le garde des Sceaux, mes chers collègues.
01:04:21 Il est important d'être constant et de rester fidèle à ses convictions.
01:04:25 Plus d'un an après le vote de la dernière proposition de loi sur le thème, la position de la très grande majorité de notre groupe n'a pas changé.
01:04:31 Nous restons favorables plus que jamais à l'inscription dans notre constitution du droit à l'IVG pour toutes les femmes.
01:04:36 Ce projet de loi a de réelles chances d'aboutir. C'est une fenêtre de tir assez inespérée qui se présente et nous ne pouvons pas la manquer.
01:04:43 Les avancées consacrées par la loi Veil, il y a 49 ans, sont désormais soutenues par une immense majorité de nos concitoyens.
01:04:49 Il est temps, évidemment, d'aller plus loin. Je commencerai en répondant à ceux qui estiment que notre droit est suffisamment protecteur.
01:04:55 Je leur dirai que l'optimisme est une qualité, mais qu'il ne doit pas mener à l'aveuglement.
01:05:00 La loi Veil est sans doute une grande loi. Elle n'en reste pas moins une loi ordinaire qui pourrait être limitée, nous le savons tous, par une autre loi ordinaire.
01:05:08 À ceux qui disent qu'il n'existe pas de risque réel et éminemment politique, je répondrai que l'improbable n'est pas impossible.
01:05:15 S'il existe une majorité, dès à présent, pour voter ce texte, alors cela doit nous pousser, non pas à l'inaction, mais à renforcer la protection de ce droit.
01:05:23 Nous envenons la rédaction que vous nous proposez, M. le garde des Sceaux. Nous pourrions vous reprocher, effectivement, une prudence excessive.
01:05:30 L'article unique reste, selon nous, un peu timide par rapport à la rédaction adoptée par notre Assemblée en novembre 2022.
01:05:37 À ce stade, notre groupe rejoint d'autres groupes sur quelques remarques. Le projet retient le terme de liberté.
01:05:43 C'est un débat que nous avons eu, que nous aurons encore, et non celui de droit. Ce choix, bien qu'évoqué par ailleurs, n'est quand même pas anodin.
01:05:50 Nous ne tenons pas à rentrer dans le débat de juristes. Vous l'avez déjà dit, le Conseil d'État lui-même considère que ces termes sont interchangeables en la matière.
01:05:58 Cependant, nous parlons de notre Constitution. Le choix des mots et le signal que l'on envoie aux femmes est important.
01:06:04 Un droit, c'est une garantie réelle, offerte à une personne qui en a besoin, et il nous semble que ce terme est plus approprié.
01:06:11 Nous estimons surtout qu'il faudrait aller plus loin et retenir la rédaction adoptée par notre Assemblée, pour qu'on ne fasse pas inscrire un droit effectif dont l'égal accès est garanti à tous.
01:06:20 Il existe encore de nombreux clivages, en particulier des fractures territoriales dans l'accès à l'IVG. Ce texte ne doit pas se limiter aux symboles.
01:06:27 Il doit aussi ouvrir la voie à des avancées concrètes pour que toutes les femmes se trouvant sur le territoire puissent avoir accès à l'IVG dans les mêmes conditions.
01:06:34 Nous pensons que notre Commission gagnerait à être plus ambitieuse. On ne modifie pas la Constitution tous les jours, et nous devons être à la hauteur des attentes des citoyens et citoyennes qui nous écoutent aujourd'hui.
01:06:45 Néanmoins, nous nous associons à l'élan de responsabilité qui traverse la plupart des banques des groupes d'aujourd'hui,
01:06:54 en insistant sur le fait que ce qui compte, c'est quand même d'aboutir au renforcement de la protection de ce droit par l'inscription dans la Constitution. Je vous remercie.
01:07:05 Alors j'ai donné la parole au garde des Sceaux pour la réponse aux orateurs des groupes, avant le rapporteur et ensuite les questions qui sont inscrites.
01:07:12 Merci, M. le Président. Je veux remercier Anne-Cécile Violland, qui a rappelé les termes du Conseil d'État.
01:07:22 Le Conseil d'État nous dit quoi ? Il nous dit que la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse n'est garantie par rien.
01:07:29 Ni par la Constitution, nous le savons, c'est l'objet de notre réunion de nos travaux, ni par le Conseil constitutionnel, ni par la Convention européenne de sauvegarde,
01:07:41 par sa jurisprudence, ni par la Cour de justice de l'Union. À soi seul et de façon intrinsèque, ça justifie que nous inscrivions la liberté
01:07:55 et la garantie de la liberté dans la Constitution, car le Conseil d'État nous le rappelle à toutes et à tous. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
01:08:04 Mme Borde, un tout petit mot. Je vais être rapide. Je suis sommé de lettres par votre président, qui est le maître des horloges.
01:08:15 Symbolique, la Constitution. Mais dois-je vous rappeler que c'est dans la Constitution, que la couleur du drapeau, que la langue française,
01:08:23 que notre devise est inscrite. Donc il y a aussi une portée symbolique. Et elle est extrêmement importante dans la période que nous traversons.
01:08:31 Il est important de dire dans le texte le plus haut que la liberté... Eh non, vous faites non, mais c'est oui, pourtant.
01:08:41 De disposer de son corps pour une femme entre dans la Constitution. Et puis moi, l'universalisme, la France des Lumières...
01:08:51 Moi, je suis toujours heureux, fier et ému quand la France des Lumières peut éclairer le monde entier et dire que ça vient de chez nous,
01:09:02 d'un travail transpartisan à ce propos de mots. Ce ne sont pas des mots de flagornerie. Je suis pas un flagorneur.
01:09:08 Merci, Mme Pannot, de dire à la fois que le texte, vous l'aimez pas bien, mais qu'au fond, vous allez le voter. Et vous avez raison.
01:09:15 Je vais vous dire pourquoi. Et je vais vous dire quelle a été notre méthode. Le président de la République avait dit d'abord
01:09:21 « On va suivre avec beaucoup d'intérêt, de bienveillance les initiatives parlementaires ». Bon. Les initiatives parlementaires,
01:09:29 elles ont abouti. Le texte de Mme Pannot que vous avez présenté, je l'ai soutenu. Aurore Berger a retiré son texte.
01:09:37 Puis on est allé au Sénat. Bon. Au Sénat, il y avait le texte de Mme Vaugel. Il y avait toute une discussion.
01:09:42 Il y a de commun énormément de choses. Mais il y a quelques divergences sémantiques avec lesquelles je suis obligé de composer.
01:09:50 Donc c'était très bien que d'abord, il y ait un travail parlementaire et qu'ensuite, le gouvernement présente un texte
01:09:58 susceptible d'être adopté par les deux assemblées. Je rappelle qu'en des termes identiques, c'est pas – et je ne fais allusion à rien d'autre –
01:10:08 c'est pas en CMP que ça va se régler. Il n'y a pas de neuvette, là. Bon. Il y a l'Assemblée, il y a le Sénat. Termes identiques.
01:10:16 Et le Congrès. Donc vous n'êtes pas tout à fait content du texte. Je l'entends. C'était pas le vôtre. Et au Sénat, on n'était pas
01:10:23 tout à fait content du texte de l'Assemblée. C'était pas le leur. Mais quand même, quand on regarde... Et quand on regarde, en plus,
01:10:30 le petit ajout sémantique du Conseil d'État, on a un texte extrêmement équilibré. Et c'est maintenant ou jamais, si j'ose dire,
01:10:39 où on joue ce jeu. On est transpartisans, là, et on fait une œuvre collective qui est née au Parlement et qui se terminera au Parlement
01:10:52 ou bien on le fait capoter pour un mot, pour une virgule. Je vous engage – l'impératif m'est totalement interdit lorsque je m'adresse à vous –
01:11:00 de lire l'avis du Conseil d'État. Il est extrêmement bien fait. Il est extrêmement clair. Et notamment, madame la députée Bonnivard,
01:11:09 sur ces questions d'équilibre, le Conseil d'État est... On ne peut plus clair. Je veux pas allonger les choses. Mais il y a tout un paragraphe
01:11:16 que le Conseil d'État consacre à l'analyse de ce texte pour dire que les grands équilibres, les grands enjeux, on va pas les toucher du tout.
01:11:24 Donc moi, je... Non, mais madame Rouleau, vous faites non, non, non, non. Je vais vous le lire. Vous allez me contraindre à le lire.
01:11:30 Mais le Conseil d'État considère que par elle-même, l'inscription de la liberté de recourir à une IVG dans la Constitution dans les termes
01:11:39 que propose le gouvernement ne remet pas en cause les autres droits et libertés que la Constitution garantit.
01:11:44 Et le Conseil d'État va développer... Il va notamment envisager la liberté de conscience qui sous-tend la liberté des médecins, des sages-femmes
01:11:52 à ne pas pratiquer une IVG ainsi que la liberté d'expression. Donc les choses me paraissent tout à fait claires.
01:12:00 On est sur du consensuel. On est sur du transpartisan. On est sur un équilibre que je pense nous avons trouvé.
01:12:10 En avant toute, c'est très important. Alors maintenant, sur les risques, les jamais, jamais, jamais, mais jamais quoi...
01:12:20 Qui aurait envisagé ? Alors évidemment, on me dit mais oui, mais l'Atlantique nous sépare. C'est très très loin. C'est un autre pays.
01:12:26 Oui, enfin, il y a 50 ans que ça a duré. C'est fini. La Hongrie, la Pologne et des gens qui envoient encore notamment aux députés des fœtus en plastique.
01:12:38 Donc il y a dans ce pays des forces qui n'ont aucune envie, aucune envie de l'avortement et de cette liberté fondamentale pour les femmes.
01:12:50 Et je le dis sans incriminer qui que ce soit. Je pense que ça a aussi cette... Bien au-delà des partis, mais il se trouve essentiellement à l'extrême droite.
01:13:04 Ensuite, chacun y retrouve les siens ou pas. Mais c'est une réalité. Elle a été exprimée tout à l'heure par Sarah Danzili.
01:13:11 Donc voilà, on a un grand texte de liberté. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut tous ensemble préparer, porter, voter en ce qui vous concerne un texte de liberté.
01:13:25 Alors soit on choisit de chipoter, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu aujourd'hui. Soit on consacre ce texte, on va l'inscrire dans la Constitution, dans notre Constitution.
01:13:38 Et ce sera, oui, le Conseil d'État a cru utile de le rappeler. Mme Faucillon, vous en avez dit un mot. La première fois qu'un pays inscrit dans sa Constitution cette liberté.
01:13:51 Si j'étais familier, je vous dirais ça de la gueule. Si je le suis moins, je peux vous dire ça a quand même beaucoup d'allure.
01:13:59 Monsieur le rapporteur. Merci, Monsieur le Président, Monsieur le ministre, chers collègues. D'abord, merci à toutes et à tous pour vos interventions, vos remarques préliminaires et les questionnements qui sont derrière.
01:14:18 D'abord, peut-être reprendre un des mots qui sera important durant une attitude qui doit guider, je pense, tous nos travaux durant les semaines qui viennent à l'Assemblée comme au Sénat.
01:14:30 Une invitation que nous transmettait notre collègue Sarah Tanzili qui touche à l'humilité. Et je remercie effectivement l'ensemble des collègues qui pouvaient porter d'autres rédactions avec humilité,
01:14:40 de rentrer dans ce débat et de faire passer effectivement avant l'enjeu de l'accord avec le Sénat en regardant la qualité aussi des apports qui ont été faits par nos collègues sénateurs
01:14:52 parce que c'est ce qui nous permettra, je pense, à la fin d'arriver à cette constitutionnalisation, bien entendu. Ensuite, revenir sur vos propos, Madame Borde.
01:15:03 Alors nous sommes en désaccord effectivement assez certains. On considère que ce n'est pas utile, qu'il n'y a pas d'attaque. Nous considérons, oui, aujourd'hui qu'il y a des attaques,
01:15:12 pas que ailleurs dans le monde ou en Europe, en France aussi, et qui justifient dans un moment où il y a un accord de l'Assemblée, du Sénat, un soutien fort de nos concitoyennes et nos concitoyens,
01:15:24 eh bien oui, de porter la protection de ce droit au niveau constitutionnel et de le faire aujourd'hui et si possible le plus rapidement possible.
01:15:34 Alors quand je dis le plus rapidement possible, peut-être petit point de détail, l'objectif n'est pas une date à atteindre. Si ça doit être fait en mars, ce sera en mars et ce sera très bien.
01:15:42 Si c'est en avril, en mai, eh bien ce sera très bien aussi. L'objectif, c'est d'aboutir dessus dans le respect, bien entendu, du travail des deux chambres.
01:15:52 Par ailleurs, Madame Borde, et pour rebondir sur d'autres propos qui ont été faits, à travers cette constitutionnalisation, c'est bien une liberté publique que nous allons reconnaître,
01:16:01 parce que tous les travaux qui ont été faits, en fait, sur la reconnaissance de l'avortement ont été faits via le Code pénal et via une exception, donc d'une certaine manière, une tolérance.
01:16:11 Eh bien oui, avec les travaux que nous menons ici, la constitutionnalisation, nous allons reconnaître une liberté publique fondamentale, celle de disposer de son corps.
01:16:20 Et je pense que c'est un message d'égalité des droits qui, oui, est majeur et qui envoie un message aux générations présentes, futures, celles de demain et puis au monde entier.
01:16:31 Petit point technique, vous avez, et il est important d'évoquer le fait que cette constitutionnalisation entraînerait, je cite, "une refonte totale", enfin importante, du Code de la santé publique.
01:16:41 Non, regardez, je vous invite à lire le considérant numéro 12 de l'avis du Conseil d'Etat qui dit parfaitement que ce texte n'implique pas de modification législative.
01:16:53 Donc ça n'entraînera pas de modification du Code de la santé publique.
01:16:58 Je rebondirai sur l'intervention de notre collègue Bonnivarque. Je remercie pour saluer un point qui va être un point clé de nos débats demain à travers les amendements,
01:17:06 et évidemment sur la confrontation avec la protection du Conseil constitutionnel qui existe aujourd'hui.
01:17:13 Et effectivement, il faut questionner cette jurisprudence. Alors, je l'ai évoqué tout à l'heure, cette jurisprudence, nous estimons effectivement qu'elle ne va pas assez loin.
01:17:21 Pas assez loin dans le sens où elle a toujours, le Conseil constitutionnel a toujours eu à se prononcer sur la constitutionnalité des textes relatifs à l'avortement,
01:17:28 mais jamais il ne l'a reconnu comme une liberté, et cela fait peser des incertitudes au cas où un jour le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur un texte qui reviendrait en arrière.
01:17:40 Et c'est là où il faut effectivement apporter des réponses au niveau constitutionnel, et là aussi en reprenant l'exigence du Conseil, je pense, du Conseil d'Etat,
01:17:47 que vous avez été plusieurs, mais notamment vous, à pointer, sur une rédaction qui ne présente aucune ambiguïté ou aucune ambivalence.
01:17:56 Donc, une rédaction claire. Et pour ne pas être trop long, parce que beaucoup de choses ont été dites par nos différents collègues,
01:18:04 peut-être un dernier sur lequel je tiens, deux derniers auxquels je tiens à insister, Marie-Noël Batistel, ce que vous évoquiez sur,
01:18:11 parce que vous avez évoqué l'importance du mot "garantie", oui, et je vous alerte toutes et tous, chers collègues,
01:18:15 parce que nous avions été un certain nombre à dire qu'au fond, nous pourrions reprendre le texte tel quel du Sénat.
01:18:20 Je pense qu'à partir du moment où, dans le projet de loi, des travaux qui ont été menés par le gouvernement et au regard de l'avis du Conseil d'Etat,
01:18:27 à partir du moment où il y a l'introduction du mot "garantie", qui, dans les auditions, l'a bien vu, en fait, était le débat-clé, nous ne pouvons pas revenir en arrière.
01:18:35 Je vous le dis, si le mot "garantie", effectivement, est retiré, ça créera une ambivalence ou une ambiguïté sur ce que nous cherchons exactement à faire.
01:18:42 Et donc, il faudra, eh bien, tenir, on va dire, et apporter ce qui ressortait, effectivement, de votre interpellation.
01:18:50 Dernier mot, chers collègues, régole, effectivement, "constitutionnaliser", ce n'est pas banaliser, c'est "sanctuariser", et c'est peut-être ce qui doit guider nos travaux.
01:18:59 Donc, voilà pour les premiers mots, suite à vos différentes interventions.
01:19:03 Il reste trois interventions. On commence par madame Raquel Garrido. C'est deux minutes, Dorine.
01:19:08 Monsieur le Président, monsieur le gardien sot, monsieur le rapporteur, chers collègues, c'est un moment solennel, car c'est rare dans la vie d'un député,
01:19:22 en tout cas dans la mienne, mais je crois aussi dans la vôtre, d'exercer non pas le pouvoir législatif ordinaire, mais le pouvoir législatif constituant.
01:19:29 C'est une démarche qui est, en fait, tout autre que ce que l'on fait d'habitude.
01:19:34 Et cette démarche, selon moi, ne consiste pas tant à faire vivre les grandes oppositions dans la société, mais au contraire, puisqu'il s'agit de la norme suprême,
01:19:46 de dénoncer très clairement l'état des grandes majorités dans la société, c'est-à-dire la façon dont les Français, dans leur grande majorité,
01:19:57 se perçoivent, perçoivent leurs grands droits, leurs grandes libertés.
01:20:01 Et je voudrais répondre à un argument qui a été donné par celles et ceux qui contestent l'utilité de constitutionnaliser le droit ou la liberté de recourir à l'IVG.
01:20:11 Notamment, j'ai entendu ce matin le tête de liste aux européennes de LR, François-Xavier Bélamy, qui dit que c'est inutile.
01:20:17 J'ai entendu le RN aujourd'hui en commission des lois.
01:20:20 Et un des arguments qu'il dit, c'est « ça ne sert à rien, vu que tout le monde est d'accord. »
01:20:25 L'IVG, tout le monde est finalement d'accord pour le droit à recourir, donc il n'y a pas de risque.
01:20:30 Eh bien, la question que je pose, dans ce cas, si tout le monde est d'accord, c'est « pourquoi ça ne figure pas dans la Constitution ? ».
01:20:37 Et la question qu'on doit se poser, nous, comme pouvoir législatif constituant, c'est « comment se fait-il qu'il y a cette béance sur un droit qui est absolument fondamental pour les femmes,
01:20:47 et qui, en réalité, tel que ça a pu être à demi-mot reconnu par le Conseil constitutionnel,
01:20:53 sans lequel il ne peut pas fondamentalement y avoir d'égalité de droit entre les femmes et les hommes ? »
01:20:57 Lorsque le Conseil constitutionnel a validé le droit à recourir à l'IVG conforme à la Constitution,
01:21:05 c'était en le fondant sur le préambule de 46, en alinéa 3, et l'idée d'égalité entre les hommes et les femmes.
01:21:12 Et donc, précisément pour être dans cette égalité, il nous faut pouvoir maîtriser notre procréation.
01:21:18 Alors, je termine en disant que je considère qu'il va falloir débattre, notamment de l'emplacement,
01:21:25 non pas pour mettre en cause le processus, mais pour enrichir ce moment constituant.
01:21:29 M. Xavier Breton.
01:21:31 Oui, merci, M. le Président, M. le garde des Sceaux, mes chers collègues.
01:21:35 Oui, nous aurons l'occasion, demain, en examinant les amendements que nous avons pu déposer,
01:21:40 de préciser un petit peu la rédaction et ses impacts.
01:21:43 Mais je voulais quand même tout de suite aller à l'encontre d'une affirmation qui consiste à dire
01:21:47 « la France va être le premier pays à inscrire l'IVG dans la Constitution ».
01:21:52 J'entendais M. le garde des Sceaux dire que ça aurait de la gueule, ça aurait de l'allure.
01:21:56 Vous avez rectifié. Tout à fait.
01:21:58 Et en disant que la France des Lumières peut éclairer le monde entier.
01:22:01 Il y a déjà un pays qui a éclairé le monde entier, c'est la Yougoslavie.
01:22:04 En 1974, l'article 191 de la Constitution yougoslave avait inscrit le droit à l'IVG.
01:22:10 En même temps, d'ailleurs, il prévoyait que le président Tito allait devenir président à vie.
01:22:14 Donc il y avait eu, effectivement, déjà dans la Yougoslavie socialiste,
01:22:17 cet éclairage universel que vous revendiquez.
01:22:22 C'est simplement pour vous inciter à un peu de modestie avant l'examen de ce texte
01:22:26 et qu'on n'entende plus, effectivement, que la France va être le premier pays à inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution.
01:22:31 C'était déjà fait il y a maintenant 50 ans, puisque c'était en 1974, avec la Yougoslavie.
01:22:38 Chacun a les références qu'il peut.
01:22:40 Alors merci, monsieur le Président, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre.
01:22:50 Trois hommes, effectivement, qui portent quelque part aujourd'hui une volonté parlementaire,
01:22:56 puisque c'est la volonté parlementaire, vous l'avez dit tout à l'heure, de passer par cette évolution.
01:23:01 Et donc, en tant que femme et parlementaire, je suis vraiment ravie d'arriver là, aujourd'hui,
01:23:09 à cet objectif qui a été recherché depuis très longtemps.
01:23:11 Même si, comme ça a été bien dit par ma collègue Noëlle Oatistel, et puis des autres collègues,
01:23:17 il y a des choses qui nous ont posé question, mais qu'on voulait, en tout cas,
01:23:22 notre volonté de soutenir cette démarche était supérieure.
01:23:26 Je voulais juste profiter de ce moment, monsieur le ministre, pour peut-être revenir un petit peu sur le sujet.
01:23:33 Effectivement, l'inscription dans la Constitution, évidemment, on est donc favorable,
01:23:39 parce qu'il est plus difficile, quand même, de changer celle-ci et de l'interpréter à la suite
01:23:43 dans un sens défavorable à un tel droit.
01:23:46 Mais je pense aussi qu'il est utile de rappeler que les pouvoirs publics,
01:23:50 et à tous les niveaux, doivent accorder aussi une priorité, d'autres éléments,
01:23:54 une priorité élevée à la protection de la santé, des droits sexuels et reproductifs des femmes,
01:24:01 soutenir les politiques actives, je dirais, d'accès effectif à la contraception,
01:24:06 et garantir l'exercice réel du droit des femmes à l'accès à l'IVG.
01:24:10 Ça veut dire que, certes, il faut inscrire les droits dans la Constitution, nous sommes pour,
01:24:14 mais ça ne suffira pas.
01:24:16 Il faudra aussi travailler sur la difficulté d'accès, justement, à des praticiens,
01:24:20 l'absence de centres spécialisés, l'éloignement également des disparités régionales
01:24:25 qui perdurent, y compris dans notre pays.
01:24:28 On le sait donc que des obstacles culturels, pratiques, économiques,
01:24:31 entravent l'accès à la santé reproductive et au droit d'IVG.
01:24:36 Donc, effectivement, oui, il faut reconnaître la liberté, il faut la garantir,
01:24:43 et ça a été rappelé tout à l'heure par le rapporteur, qu'on garantit la liberté,
01:24:47 mais quelle politique et quelles mesures vous pouvez aussi, au niveau du gouvernement,
01:24:51 au niveau du ministère et interministériel, mettre en place,
01:24:55 à côté de cette constitutionnalisation de l'IVG, pour aller plus loin ? Merci.
01:24:59 Et enfin, M.Philippe Gosselin.
01:25:01 Merci, M. le Président. Quelques mots à mon tour pour replacer dans le contexte
01:25:07 celui qui a été un peu politique, c'est celui de l'arrêt de la Cour suprême des États-Unis.
01:25:14 Et on fait une transposition un peu rapide, un peu facile.
01:25:17 Moi, je rappelle que le système juridique américain, celui de la Cour suprême,
01:25:22 n'a rien à voir avec le nôtre, et comparaison n'est pas raison.
01:25:26 Donc, quatre fois, et la dernière fois c'était en 2016, c'est pas en 1975,
01:25:31 le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la constitutionnalité de l'IVG en France,
01:25:36 et je crois que sur le plan constitutionnel, en réalité, il n'y a pas de risque d'atteinte,
01:25:42 même avec un changement de majorité, parce que je crois qu'aujourd'hui,
01:25:46 ce droit à l'avortement, il fait partie du bloc, d'une certaine façon,
01:25:50 de constitutionnalité, avec un certain nombre d'autres de grands principes,
01:25:53 dans la continuité de la décision du Conseil constitutionnel de 1971,
01:25:57 qui était l'acte fondateur.
01:25:59 Quand on a dit ça, on y voit finalement plus un débat politique que juridique.
01:26:04 On rappellera aussi la petite guéguerre de PPL entre la présidente Pannot et la présidente Berger,
01:26:11 qui ont dégainé à quelques heures d'intervalle pour essayer de préempter le sujet.
01:26:17 C'est bon aussi de l'avoir en tête, sans naïveté, il y a derrière tout ça,
01:26:21 une occasion de réunir quelques éléments de gauche, pour oublier qu'il y a des fissures
01:26:28 ou des fractures qui sont arrivées un peu avant Noël, notamment.
01:26:33 Bref, quand on a dit ça...
01:26:35 Non, non, mais les LR vont bien en ce moment, rassurez-vous, tout va bien.
01:26:40 Écoutez, que chacun s'occupe de ses têtes de liste aux européennes,
01:26:44 et on en reparlera, chers amis, chers collègues.
01:26:47 Bref, oui, ministre, chacun y trouvera son bonheur à n'en pas douter,
01:26:52 et plus longuement que mes deux minutes.
01:26:54 Bref, nous avons, vous l'avez compris, un certain nombre de questions de fond,
01:26:58 qu'il est important d'aborder.
01:27:00 C'est l'objet des amendements dont nous débattrons demain,
01:27:04 qui ne se veulent absolument pas de l'obstruction,
01:27:06 mais des réponses à des questions précises.
01:27:09 Une révision de la Constitution, ce n'est pas rien,
01:27:12 c'est la voie de l'article 34 qui est utilisée,
01:27:16 mais quelles sont ces garanties, que sont ces droits et libertés,
01:27:19 libertés en l'occurrence, tout ça nous le verrons demain,
01:27:21 et ce sera l'objet de nos amendements.
01:27:23 Et donc, véritablement, enfin, madame Cécile Ndorméa.
01:27:26 Très rapidement pour dire quand même que c'est un combat
01:27:29 que nous menons depuis quand même quelques années,
01:27:31 puisque Marie-Noëlle Battistel a parlé de 2018 et 2019,
01:27:35 des amendements que nous avions déposés.
01:27:37 Nous avons également déposé une proposition de loi à ce sujet
01:27:41 en ancrant cette protection à l'article 1er de la Constitution,
01:27:47 mais nous acceptons totalement les avancées qui ont été faites,
01:27:51 puisque finalement, c'est le compromis qui doit aboutir
01:27:56 dans la loi fondamentale.
01:27:58 Moi, ma première remarque, c'est que je ne comprends pas
01:28:00 qu'on puisse s'opposer à la création d'un droit.
01:28:02 On ne vous oblige pas à aller à l'IVG,
01:28:04 on vous demande simplement de permettre aux personnes
01:28:07 qui en ont exprimé la volonté de pouvoir le faire.
01:28:12 Donc, je crois que la création d'un droit, c'est toujours
01:28:17 un moment important et joyeux, finalement,
01:28:20 dans notre arsenal législatif.
01:28:23 Ma deuxième remarque, c'est qu'effectivement,
01:28:26 cette inscription, si elle arrive dans la Constitution,
01:28:29 et c'est une grande victoire collective,
01:28:31 elle engage aussi, elle nous engage, nous, législateurs,
01:28:34 mais elle engage aussi le gouvernement sur la mise en œuvre
01:28:37 des conditions dans lesquelles se déroulera cet IVG.
01:28:41 Et je voulais simplement, à ce sujet,
01:28:43 parler de la clause de conscience.
01:28:45 Moi, je suis d'accord avec la clause de conscience
01:28:49 que peut opposer un médecin qui ne veut pas effectuer cet acte.
01:28:53 Mais il y a dans la clause de conscience l'obligation
01:28:55 pour ce même médecin de diriger vers un autre médecin
01:28:58 en capacité de le faire.
01:29:00 Et il faut bien admettre que ce dispositif-là,
01:29:02 il n'est jamais mis en place.
01:29:04 Donc, nous pourrons, à ce sujet, rappeler les exigences
01:29:10 et les responsabilités de chacun.
01:29:12 Ça me paraît tout à fait essentiel.
01:29:14 Et puis, je rejoins le rapporteur,
01:29:16 et je le remercie pour l'excellence de son propos.
01:29:19 Le terme garantir est indispensable.
01:29:22 Nous avions déjà bataillé sur le garantir
01:29:25 ou favoriser en matière d'environnement,
01:29:27 et je vois que là, on bataille sur le terme garantir,
01:29:30 et nous serons à vos côtés sur ce sujet.
01:29:32 (Propos inaudibles)
01:29:38 -Mais pourquoi ça ne se passe pas comme ça ?
01:29:40 Pourquoi ça ne se passe pas comme ça dans l'hémicycle ?
01:29:43 -Mais ce n'est pas moi qui pose la question aux députés.
01:29:45 C'est les députés qui me posent des questions.
01:29:47 (Propos inaudibles)
01:29:51 -Ah oui, mais écoutez, si vous me rappelez de mauvais souvenirs...
01:29:54 -C'est parce que ce n'est pas moi qui le fais l'idée.
01:29:56 Monsieur le rapporteur.
01:29:58 (Propos inaudibles)
01:30:05 -Alors, je souhaitais réagir quand même à certains points
01:30:10 qui, là aussi, vont nous occuper de l'un,
01:30:12 et comme on n'enchaîne pas tout de suite sur les amendements,
01:30:14 je pense qu'il est important d'y apporter quand même
01:30:16 tout de suite une réponse.
01:30:17 Je pense d'abord à l'intervention de notre collègue Raquel Garry.
01:30:22 Je salue d'abord et remercie d'avoir suivi l'ensemble des auditions.
01:30:25 Et donc, effectivement, il y a ce sujet de l'emplacement
01:30:27 qui est central, et demain, nous aurons une série d'amendements
01:30:30 qui nous permettront, je pense, d'expliquer, effectivement,
01:30:33 l'opportunité et la pertinence de l'article 34.
01:30:36 On l'a évoqué, l'article 66-2 renvoie à l'autorité judiciaire,
01:30:41 et au fond, crée une ambiguïté par rapport à la vraie liberté
01:30:43 qu'on veut créer.
01:30:44 Il y avait l'article 1, mais qui, au fond, renvoie à des grands principes
01:30:48 et pas à une rédaction assez poussée.
01:30:51 Donc, cet emplacement qui a été, au passage, trouvé par Philippe Bas,
01:30:55 je pense, se défend au regard du fait que, dans notre Constitution,
01:30:59 nous n'avons pas d'article liminaire qui liste toutes les libertés.
01:31:02 Et l'article 34 est, d'une certaine manière, devenu un peu ce récepteur
01:31:10 ce réceptacle.
01:31:11 M. Breton, à qui, alors, je voulais quand même répondre,
01:31:18 qui faisait un retour un peu dans le passé sur la Yougoslavie.
01:31:25 Au passage, l'ensemble des pays aujourd'hui qui composent
01:31:27 l'ancienne Yougoslavie ne reconnaissent pas, ne reconnaissent plus
01:31:30 cette liberté dans leur Constitution.
01:31:32 Par ailleurs, je pense qu'il faut regarder la réalité aujourd'hui.
01:31:35 Il y a 10 ans, 15 ans, nous n'aurions pas parlé, effectivement,
01:31:37 de constitutionnalisation.
01:31:39 C'est un fait.
01:31:40 Et les attaques se sont multipliées au cours des 10, 15 dernières années
01:31:43 envers les droits des femmes et tout particulièrement envers ce droit
01:31:46 qui représente, effectivement, la liberté de disposer de son corps,
01:31:50 pilier, je pense, de la reconnaissance de l'égalité.
01:31:53 Et aujourd'hui, il y a des pays qui, dans leur Constitution,
01:31:56 ont la notion d'avortement.
01:32:00 C'est pour l'interdire.
01:32:01 Il y a trois pays à travers le monde, c'est pour l'interdire.
01:32:03 Par ailleurs, l'arrêt d'Obs, pour répondre à notre collègue Gosselin,
01:32:07 ce n'est pas de l'arrêt d'Obs dont tout découle.
01:32:11 Par contre, c'est vrai que l'arrêt d'Obs a été un déclencheur,
01:32:14 un électrochoc pour nous, parce que nous pouvions penser en France
01:32:16 que nous étions protégés de ces attaques.
01:32:18 Jamais nous n'aurions imaginé qu'un tel arrêt tomberait aux Etats-Unis.
01:32:22 Et effectivement, ça a déclenché un électrochoc parmi un grand nombre
01:32:25 de défenseurs, de défenseuses des droits des femmes qui se sont dit
01:32:28 "Oui, ça peut nous arriver aujourd'hui en France".
01:32:30 Par ailleurs, il est important, je pense, aujourd'hui,
01:32:32 après cet arrêt d'Obs, qui a envoyé un effet négatif partout
01:32:34 à travers le monde.
01:32:35 Et dans la foulée de l'arrêt d'Obs, ça a libéré les paroles.
01:32:38 Ça a notamment libéré les paroles de celles et ceux qui attaquent
01:32:41 les droits des femmes.
01:32:42 Et donc c'est pour cela qu'il est peut-être important de contrebalancer,
01:32:45 et c'est peut-être notre responsabilité, effectivement, à nous, Français,
01:32:49 de contrebalancer avec un message particulièrement positif
01:32:52 pour l'ensemble de celles et ceux qui se battent pour ces droits
01:32:56 à travers le monde.
01:32:58 – Bien, écoutez, je vous remercie.
01:33:00 On se retrouve demain matin à 9h.
01:33:02 D'abord pour l'audition de Mme Marie-Laure Denis
01:33:03 pour sa reconduction à la tête de la CNIL.
01:33:05 Et ensuite pour l'examen du projet de loi constitutionnel
01:33:07 pour lequel nous venons d'entendre le garde des Sceaux.
01:33:09 Merci.

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