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00:00 *Générique*
00:06 Voilà, nous avons un nouveau Premier Ministre et celui-ci se nomme Gabriel Attal.
00:12 Que faut-il attendre de cet homme pour en parler ?
00:16 Nous sommes en compagnie de Nicolas Rousselier.
00:18 Bonjour Nicolas Rousselier, vous êtes historien, professeur d'histoire politique à Sciences Po.
00:23 On vous doit notamment un livre qui est désormais un classique.
00:27 La force de gouverner, le pouvoir exécutif en France aux éditions.
00:31 Galimar Claire Gatinois, bonjour.
00:33 Vous êtes journaliste au service politique du monde.
00:37 Comment pourrait-on présenter Gabriel Attal ?
00:40 - Alors Gabriel Attal est de fait présenté par l'Elysée un peu comme l'incarnation de la génération Macron.
00:48 C'est-à-dire que c'est un homme jeune, incarnation de l'audace et surtout effectivement qui correspond tout à fait au profil un peu macroniste dans son parcours idéologique.
01:06 C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui vient de la gauche, qui a été conseiller de Marisol Touraine,
01:09 qui a milité au Parti Socialiste dans sa première jeunesse on peut dire.
01:14 Et qui aujourd'hui au sein du gouvernement et en particulier lorsqu'il a pris la tête de l'éducation nationale en juillet dernier,
01:23 a mis en oeuvre une politique qu'on pourrait plutôt qualifier de droite avec d'entrer l'interdiction de la baïa,
01:31 avec un discours très axé sur l'autorité, le retour de l'autorité du professeur, des savoirs.
01:38 Donc qui montre un petit peu cette maléabilité idéologique de la Macronie.
01:44 Maléabilité ou alors transport de la gauche, puisqu'effectivement il a été formé par un certain nombre de classiques du PS dont Jean-Christophe Cambadélis.
01:55 Et puis aujourd'hui le voici, Gabriel Attal, disiez-vous, Claire Gatinois, défendre des idées ou une politique plutôt de droite.
02:03 Est-ce que ça par exemple c'est l'un des signes de reconnaissance du macronisme ?
02:08 Tout à fait, puisqu'en plus en fait il colle tout à fait à la politique d'Emmanuel Macron,
02:13 qui de la même façon est venu de la gauche, ancien ministre de François Hollande, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée,
02:22 qui progressivement s'est de plus en plus cranté vers la droite jusqu'à cette fameuse loi immigration qui a choqué y compris les macronistes d'origine
02:35 qui était plutôt issue de cette gauche sociale un peu Strauss-Kanyen.
02:39 Donc Gabriel Attal, en fait, l'opposition qualifie déjà de mini-Emmanuel Macron, ce qui n'est pas forcément très gratifiant,
02:47 mais en tout cas qui correspond effectivement à ce parallèle qu'il y a entre la carrière des deux hommes et en tout cas dans cette capacité qu'a eue Gabriel Attal
03:00 de naviguer avec des idées de droite et avec des symboles dont s'est emparée la droite.
03:07 On pense notamment à son expérimentation sur l'uniforme à l'école qui plaise tout à fait par exemple aux Républicains.
03:17 Nicolas Rousselier, est-ce que c'est un signe d'habileté politique, de dissolution de l'idéologie dans justement cette sphère du tactique ou bien autre chose ?
03:26 Non, c'est beaucoup plus que de la tactique. En fait, il faut remonter au logiciel initial du macronisme.
03:32 Le mot clé, c'est le mot de dépassement, plus encore qu'en même temps, le dépassement politique.
03:38 Donc je pense que ceux qui sont entrés en Macronie comme Gabriel Attal très tôt, savaient où ils mettaient les pieds.
03:44 Ils sortent du PS, ce n'est pas un hasard, ils sortent du PS pour faire autre chose. Et donc c'est un dépassement politique.
03:50 Depuis 2017, je pense que la caractéristique aussi historique, maintenant on peut faire un peu l'histoire du macronisme,
03:56 on a 7-8 ans de recul, prudemment.
03:59 Bon, la caractéristique du macronisme, c'est l'exercice du pouvoir beaucoup plus que l'application d'une doctrine.
04:04 Il n'y a pas une doctrine politique, si vous voulez, quand on fait une perspective historique,
04:09 on a tel ou tel isme qu'on peut associer à une doctrine, par exemple bien sûr, socialisme.
04:14 Là, c'est plus le cas, ils sortent d'un parti qui s'appelait socialiste, ce n'est pas pour faire un nouveau isme.
04:18 Donc l'exercice du pouvoir a tendance à tout prendre.
04:21 Et cet exercice du pouvoir, c'était ça qui était en fait théorisé par Macron ou maintenant par Gabriel Attal,
04:28 c'est finalement à chaque dossier sa vérité.
04:30 Donc il peut y avoir un dossier, par exemple la baïa ou l'uniforme qui porte, si je puis dire, à droite,
04:36 mais il peut y avoir d'autres dossiers, transition écologique ou autre, qui portent à gauche.
04:41 Bon, vous me direz qu'il y a plus de choses qui portent à droite qu'à gauche depuis quelque temps, certes,
04:45 mais le macronisme, c'est ça.
04:47 Il n'y a pas à s'étonner d'une évolution d'un Gabriel Attal de la gauche vers la droite,
04:52 puisqu'il voulait en sortir.
04:55 Ce qui est intéressant, c'est la filière de recrutement.
04:57 C'est-à-dire qu'en fait, un Gabriel Attal, il est recruté justement par rapport à l'exercice du pouvoir.
05:03 Il ne représente pas une tendance d'un parti politique.
05:06 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus de parti politique, enfin, j'allais dire digne de ce nom,
05:10 il n'y a plus de parti politique à l'ancienne, où vous aviez des courets avec des tendances,
05:14 comme l'ancien PS de la grande époque, si je peux dire,
05:17 et des tendances dont chaque leader peut être recruté.
05:22 Là, ce n'est pas ça. Donc, il y a une façon de recruter un Premier ministre très nouvelle.
05:26 - Claire Gatinois, est-ce que tout cela se justifie ?
05:30 Est-ce que tout cela explique la lenteur du remaniement ?
05:34 Puisqu'il y avait, semble-t-il, un calendrier, ou en tout cas un timing,
05:40 des horaires qui n'ont pas été tenus. Pourquoi, selon vous ?
05:43 - Un petit peu toujours pour les mêmes raisons.
05:46 C'est-à-dire qu'Emmanuel Macron fait toujours montre de sa détermination,
05:50 de sa volonté d'aller vite, de montrer que c'est lui qui détient les clés du pouvoir,
05:55 et c'est lui qui décide, d'où son surnom de Jupiter.
06:01 Et en fait, il arrive toujours un moment où la réalité se rappelle à lui.
06:09 C'est-à-dire qu'il est à la tête, non seulement d'une majorité relative,
06:13 mais aussi d'un camp présidentiel, composé de différentes tendances,
06:17 avec notamment les ténors du Modem, et le patron François Béroud,
06:23 qui tient à conserver son influence, avec ce bagage historique,
06:28 qui est que François Béroud a quand même été la clé de l'élection d'Emmanuel Macron en 2017.
06:34 Et Emmanuel Macron s'en souvient.
06:35 - Et alors en politique, on a de la gratitude ?
06:38 - On a de la gratitude d'intéressés.
06:40 C'est-à-dire que si François Béroud tout d'un coup décide de quitter le camp présidentiel,
06:49 Emmanuel Macron, d'autant plus aujourd'hui où il dispose d'une majorité relative à l'Assemblée Nationale,
06:56 Emmanuel Macron est condamné à l'impuissance, qui est sa hantise absolue.
07:02 - Et François Béroud était hostile à la nomination de Gabriel Attal ?
07:07 - François Béroud s'en défend, mais il était hostile à la nomination de Gabriel Attal.
07:13 Lui, son candidat favori, c'était Julien Denormandie,
07:17 un haut fonctionnaire au profil beaucoup plus techno que politique.
07:22 Donc on peut imaginer que Julien Denormandie aurait permis à François Béroud
07:27 de pouvoir un peu davantage tirer les ficelles dans les coulisses
07:32 pour faire valoir ses idées si Julien Denormandie avait été nommé à Matignon.
07:38 Et Gabriel Attal convient peu aussi à Édouard Philippe,
07:42 qui voit dans ce jeune ambitieux très habile avec les médias très politique,
07:51 un rival potentiel. En moins de six mois à l'Éducation Nationale,
07:56 Gabriel Attal a réussi à tutoyer Édouard Philippe dans les sondages,
08:00 alors que le maire du Havre avait construit sa stature politique,
08:06 pas laborieusement, mais en tout cas au fil des ans,
08:09 et qu'il essaye de se construire un personnage solide.
08:12 Et là, tout d'un coup, en quelques semaines, on voit ce rival se pointer.
08:18 - Nicolas Rousselier, un commentaire sur la façon dont Emmanuel Macron
08:23 choisit ses premiers ministres, puisque là aussi, on a désormais un historique.
08:29 - Oui, alors il y a un atout en fait dans le macronisme,
08:31 et c'est qu'effectivement, du coup, avec une doctrine qui n'est pas vraiment caractérisée,
08:37 il y a une souplesse dans le choix.
08:39 Donc on peut choisir aussi bien des hauts fonctionnaires
08:42 pas forcément très connus, comme Jean Castex,
08:46 ou bien un personnage beaucoup plus politique,
08:48 puisqu'on ne cesse de le dire depuis la nomination,
08:51 et à juste titre que Gabriel Attal a un profil plus politique.
08:55 Donc d'un côté, c'est un atout de souplesse.
08:57 Finalement, ça élargit le choix, la palette.
09:01 Mais d'un autre côté, je me répète, c'est ça qui est aussi très nouveau,
09:06 c'est que c'est un coût certain d'avoir placé Gabriel Attal là où il est,
09:12 mais on a du mal à en définir le contenu politique.
09:18 C'est-à-dire qu'en fait, il y a un coût, certains diraient un coût de communication,
09:22 bon, c'est un peu superficiel de séparer communication et politique de nos jours,
09:26 mais bon, un coût de communication,
09:28 mais on a du mal en fait à associer la nature politique à ce coût de nomination.
09:35 - Et justement, le fait qu'il ait pu hésiter entre des profils aussi différents,
09:41 puisque Julien Denormandie est peu connu,
09:44 et le fait qu'il ait cru bon de remplacer Elisabeth Borne,
09:49 qui avait plutôt un profil de technocrate, par un autre technocrate,
09:54 qu'est-ce que ça signifie selon vous ?
09:56 - Cela signifie probablement que la filière de recrutement par les cabinets,
10:02 parce que vous parlez de madame Borne,
10:04 on se forme par l'activité dans les cabinets ministériels.
10:09 Donc effectivement, on peut dire technocratie, mais le terme est trop vague.
10:12 C'est beaucoup plus précis, on est à la charnière du politique et de l'administratif.
10:16 Donc on voit beaucoup de choses sur l'administration,
10:18 mais on n'est pas forcément bon communiquant.
10:20 Ce n'est pas sur le critère de communication qu'on est recruté comme chef de cab,
10:24 chef de cabinet, directeur de cabinet.
10:26 Tandis que là, Atal, c'est finalement, madame Gatinois le disait,
10:29 c'est peut-être le seul ou un des seuls produits politiques du macronisme,
10:35 de la génération Macron.
10:36 - Claire, Gatinois, parce que dans ces conditions,
10:39 le canard enchaîné d'ailleurs le dit,
10:41 jusqu'au bout semble-t-il, Emmanuel Macron a hésité
10:44 à ne pas tout simplement maintenir Elisabeth Borne à Matignon.
10:48 - Alors je crois de ce que j'ai cru,
10:52 qu'on prend de la base de sources éliséennes,
10:56 qu'Emmanuel Macron était déterminé à se séparer d'Elisabeth Borne.
11:00 Et monsieur Roussel le disait tout à l'heure,
11:03 en fait, on ne sait pas très bien pourquoi,
11:04 quel était le sens politique finalement.
11:06 Parce qu'Elisabeth Borne a réussi dans la mission qu'Emmanuel Macron lui a confiée.
11:10 Elle a, on l'a beaucoup dit, avalé beaucoup de couleuvres,
11:14 puisqu'elle se présentait comme une femme de gauche
11:16 et elle a mené une politique plutôt de droite,
11:20 ou en tout cas pas très sociale, avec d'abord la réforme des retraites,
11:24 puis cette loi immigration qui emprunte quand même
11:28 beaucoup de thèmes à l'extrême droite,
11:30 et notamment cette notion de préférence nationale.
11:33 Donc pourquoi se séparer d'Elisabeth Borne ?
11:37 A plané dans l'atmosphère l'idée qu'Emmanuel Macron
11:42 voulait son confort personnel en fait.
11:44 Il ne s'entendait pas très bien avec Elisabeth Borne,
11:46 il voulait quelqu'un avec qui la complicité serait plus aisée.
11:51 Et puis il y a cette crise liée au projet de loi immigration
11:58 qui fracture et qui déchire complètement le camp présidentiel,
12:01 où sortent quand même des macronistes historiques,
12:05 tels Philippe Grandjean, qui vient quand même de la gauche sociale.
12:12 Donc là Emmanuel Macron se rend compte qu'il est obligé d'agir,
12:16 de faire quelque chose pour impulser un nouveau souffle.
12:19 Claire Gatinois, journaliste au Monde, Nicolas Rousselier, historien.
12:22 On se retrouve dans une vingtaine de minutes pour évoquer
12:25 ce que Gabriel Attal va faire à Matignon.
12:29 Quel bilan pour Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ?
12:39 Pour en parler, nous sommes en compagnie de Claire Gatinois,
12:42 journaliste au Service politique du Monde,
12:44 mon camarade Jean Lemarie, et Nicolas Rousselier,
12:47 historien, professeur d'histoire politique à Sciences Po.
12:50 On vous doit la force de gouverner le pouvoir exécutif en France.
12:54 Aux éditions Gallimard, justement ce pouvoir-là,
12:57 Elisabeth Borne, un bilan.
13:01 Nicolas Rousselier, si vous deviez nous dire
13:03 quelle fut sa pratique du pouvoir ?
13:06 Je dirais du point de vue des institutions et de sa pratique institutionnelle,
13:10 qu'il y a ce contraste entre ce qu'elle a constamment mis en avant,
13:13 à savoir qu'elle avait réussi à faire des majorités d'idées.
13:16 C'est-à-dire, elle a réussi à faire travailler le Parlement sur un grand nombre de textes,
13:20 elle dit 50 ou 60 lois qui ont été votées,
13:23 malgré la difficulté, c'est-à-dire malgré la majorité relative.
13:27 Donc, à l'été 2022, quand on prédisait le pire
13:31 pour ce nouveau Parlement, on a beaucoup exagéré.
13:34 C'est du cabotage, c'est-à-dire qu'effectivement, c'est de l'IKEA,
13:38 c'est-à-dire on prend, on bricole.
13:41 Et c'est là la limite, c'est-à-dire que ce bricolage ne passe pas la rampe.
13:44 Ce bricolage n'a pas imprimé dans le public,
13:47 parce que ce qui est imprimé dans le public, c'est au moment des lois de finances,
13:50 et pire, au moment de la réforme des retraites, je dégaine le 49-3.
13:54 Donc, le 49-3 n'a jamais eu autant de succès public, si je peux dire,
13:57 n'est jamais aussi bien connu des Français que avant.
14:01 Donc, tous les Français sont devenus constitutionnalistes
14:03 grâce au dégainage, le fait d'avoir multiplié 49-3.
14:07 - Mais justement, vous aussi, il est un peu plus que nous, constitutionnalistes.
14:11 - Oui, on peut dire, en essayant de prendre du recul,
14:15 c'est un peu injuste probablement pour Mme Borne,
14:18 parce qu'elle a fait le job,
14:21 mais probablement que cette idée qu'on fait le job,
14:24 on se met finalement dans une fiche de poste, un peu comme dans une entreprise.
14:27 Donc, on remplit un cahier des charges qui a été fixé par quelqu'un d'autre,
14:30 et on ne fait pas autre chose.
14:32 C'est probablement là sa faiblesse.
14:34 C'est finalement de ne pas avoir su se distinguer du président,
14:38 ou de ne pas avoir su vendre cette réussite parlementaire.
14:44 Vous voyez, quand je dis réussite parlementaire, c'est un paradoxe.
14:46 Plein de gens pourraient dire "non, la loi d'immigration, c'est affreux et c'est un échec".
14:50 Et justement, la loi d'immigration, c'est quoi ?
14:52 C'est le moment où le gouvernement n'est plus législateur.
14:55 C'est-à-dire que le gouvernement ne manage plus le Parlement,
14:57 déraille dans sa capacité à contrôler le Parlement.
15:01 Et je pense que c'est ça qui a "mis à mort" politiquement Mme Borne,
15:05 pour Emmanuel Macron.
15:07 C'est-à-dire qu'Emmanuel Macron a probablement détesté se faire imposer
15:11 une loi qui est maintenant votée,
15:13 et qui sera peut-être retoquée par le Conseil constitutionnel,
15:16 mais qui est une loi dans laquelle il y a plusieurs articles que M. Macron rejette.
15:22 Donc, Mme Borne, je pense, restera comme l'un des cas de Premier ministre,
15:26 effectivement, qui a rempli un rôle,
15:30 mais un rôle enfermé dans la technique gouvernementale.
15:33 Claire Gatinois, qu'en pensez-vous, justement, de ce bilan d'Elisabeth Borne ?
15:37 Alors, j'ai l'impression qu'Elisabeth Borne a fait elle-même le bilan de son action,
15:40 de ses 20 mois à Matignon,
15:43 lorsqu'elle a expliqué, au lendemain de l'adoption du projet de loi immigration,
15:48 qu'elle était gorgée du sentiment de devoir accompli.
15:52 C'est-à-dire qu'on a une Première ministre,
15:55 M. Roussel, elle l'expliquait très bien tout à l'heure,
15:58 qui exécute et qui, en fait, met de côté toutes éventuelles convictions politiques.
16:05 Alors qu'Elisabeth Borne se présente,
16:08 au moment de la passation de pouvoir avec Jean Castex, issue de la droite,
16:11 elle se présente comme une femme de gauche.
16:13 Mais elle applique la politique d'Emmanuel Macron,
16:16 qui consiste, en fait, au pragmatisme.
16:19 C'est-à-dire, je pioche les textes qui, selon moi, conviennent le mieux
16:28 aux volontés de l'opinion publique.
16:31 Et effectivement, elle reste la Première ministre du 49-3.
16:39 Non pas seulement parce qu'elle l'a déclenchée plus d'une vingtaine de fois,
16:43 et notamment au moment des budgets,
16:46 mais parce qu'elle l'a déclenchée surtout au moment de la réforme des retraites.
16:49 Et à ce moment-là, le 49-3 devient un objet politique.
16:53 Et Elisabeth Borne est marquée par ce 49-3,
16:58 qui est le symbole, finalement, de l'autorité
17:02 et de l'exercice du pouvoir d'Emmanuel Macron.
17:05 Et il y a aussi, et M. Rousselet l'expliquait bien tout à l'heure,
17:09 ce sentiment, finalement, d'un pouvoir qui navigue à vue.
17:15 C'est-à-dire qu'elle fait 60 textes,
17:17 mais on ne comprend pas du tout la logique,
17:19 on ne sait pas du tout où Emmanuel Macron veut nous conduire.
17:22 Il n'y a pas de cap, il n'y a pas de récit.
17:24 Et donc, on sent, en fin d'année 2023,
17:30 Emmanuel Macron qui quasiment panique en se disant
17:34 qu'il y a un écart assez vertigineux dans les sondages
17:39 entre la liste du camp présidentiel pour les élections européennes
17:42 et celle du Rassemblement national.
17:44 Et Emmanuel Macron se sait grignoté par les opposants
17:49 et redoute d'être condamné à l'impuissance et de finir son quinquennat
17:53 comme un Jacques Chirac dépeint en roi fainéant.
17:56 - Jean-les-Maris, votre bilan à vous ?
17:58 - Sans faire un bilan global, et puis je le fais un peu chaque matin,
18:01 je l'ai fait un peu chaque matin au fil des derniers mois,
18:03 mais je voudrais rebondir à la fois sur ce que disait Nicolas Rousselier
18:06 et sur ce que Claire Gatinois vient de dire sur la multiplication des 49.3.
18:10 Parce qu'il faut vraiment comprendre que ça a laissé des traces considérables
18:14 et dans l'opinion et à l'Assemblée nationale parmi les députés
18:17 parce que ce qui est en cause, le point d'interrogation,
18:19 c'est le rôle du Parlement. À quoi ça sert ?
18:22 À quoi ça sert d'élire des députés ?
18:24 Quand on est député, à quoi ça sert de voter ?
18:27 De débattre parfois pendant des heures dans des conditions extrêmement difficiles,
18:30 dans une tension extrême qu'on a relatée ici jour après jour
18:33 avec une assemblée extrêmement polarisée.
18:36 C'est ça qui est en jeu aujourd'hui.
18:38 Et je crois effectivement qu'Elisabeth Borne,
18:40 lorsqu'elle a exprimé son sentiment de devoir accompli,
18:43 essayait de justifier d'une certaine façon la critique principale qui lui a été faite.
18:47 Malgré ces quelques dizaines de textes adoptés avec une majorité,
18:51 elle les a mis en avant, la présence de ces 23, 49.3 seulement en quelques mois.
18:56 Là, c'est un point central.
18:57 Gabriel Attal a donné quelques indications hier,
19:00 lors de la passation de pouvoir, en se tournant,
19:02 bon c'est peut-être de pure forme, mais c'est intéressant,
19:04 vers l'opposition en disant qu'il allait écouter,
19:07 en se retournant aussi, et ça c'était très attendu dans la majorité,
19:10 vers les députés de son propre camp en disant aussi
19:12 "je vais vous, vous écouter, vous allez compter, vous serez là,
19:16 le gouvernement ne va pas travailler sans vous".
19:18 - Bon mais qu'est-ce qui prouve, Nicolas Rousselier,
19:21 qu'aujourd'hui, avec Gabriel Attal, la pratique du pouvoir soit modifiée ?
19:26 - Moi je trouve que ce qui est quand même intéressant,
19:28 il y a beaucoup d'auditeurs qui pensent peut-être que ce remaniement,
19:31 c'est pas très important, c'est de la com',
19:34 et que ça n'embraye pas sur le réel.
19:36 - En tout cas il y a beaucoup de journaux qui le pensent plutôt,
19:39 des journaux de gauche.
19:40 - Oui c'est tout à fait logique de médire,
19:43 ou de repousser ça d'une piche nette.
19:45 - De relativiser.
19:47 - Mais il faut quand même faire bien attention à une chose,
19:49 c'est que changer de Premier ministre, c'est pas changer de collaborateur.
19:54 Moi je vais contre l'idée que le Premier ministre est devenu un collaborateur,
19:58 et que finalement même l'idée un peu simple de hyper-président soit valable.
20:02 Pourquoi ? Parce qu'il faut rappeler des choses un peu simples,
20:05 mais le Premier ministre est le seul, et pas le Président, à aller à l'Assemblée.
20:09 A l'Assemblée, il faut faire voter des lois, je dirais,
20:12 d'un point de vue un peu technique, c'est ce qu'a fait plutôt bien Mme Borne,
20:16 mais il faut aussi embarquer.
20:17 Il faut embarquer sa majorité, il faut embarquer ses partenaires,
20:20 pourquoi pas élargir sa majorité par l'éloquence aussi,
20:24 l'éloquence politique.
20:25 Donc Gabriel Attal, on peut essayer de le créditer de ça,
20:29 peut-être que ça marchera pas,
20:30 pourrait ramener l'éloquence au centre de la politique.
20:33 Deuxième chose, un Premier ministre, c'est lui qui mène aussi des campagnes électorales.
20:37 Il va pas être tête de liste du camp présidentiel aux européennes,
20:41 mais il sera de fait le chef de file, le leader politique.
20:45 Un leader politique, ça fait des meetings, ça va faire des débats télévisés.
20:49 C'est Attal qui fera des débats télévisés contre Bardella ou d'autres,
20:53 c'est pas le Président de la République.
20:54 Donc on a oublié un petit peu dans l'expression, qui est valable pourtant,
20:57 l'expression de monarchie républicaine,
20:59 on a oublié aussi l'idée que le Président est un monarque.
21:03 Et monarque, ça veut dire celui qui se retire de l'arène,
21:06 qui prend de la distance, qui ne se mouille pas les mains,
21:09 qui ne met pas la main dans le cambouis.
21:11 Donc c'est Attal qui va faire le cambouis,
21:13 et en ce sens, ça donne de la substance au rôle de Premier ministre.
21:18 Après, ça marche, ça marche pas.
21:19 - Jean-Les-Maris.
21:20 - Mais Nicolas Rousselier, vous croyez vraiment que le Président de la République
21:23 va cesser de mettre les mains dans le cambouis ?
21:26 Il ne fait que cela, il règle le moindre boulon ?
21:29 - Oui, bien sûr.
21:31 Il fait la stratégie, il définit le cahier des charges, la feuille de route,
21:35 mais il n'empêche que vous avez, c'est un peu comme au théâtre,
21:38 vous avez un vrai rôle substantiel du Premier ministre.
21:41 On est dans une monarchie à deux têtes, à double exécutif.
21:44 Bien sûr, il y a une hiérarchie entre les deux,
21:46 et vous avez eu raison dans votre papier de, peut-être pas jumeau d'ailleurs,
21:49 c'est plus un mentor et un petit frère.
21:51 Donc je préfère petit frère que jumeau, et c'est assez nouveau,
21:54 parce que maintenant, c'est Macron qui va jouer le rôle de mentor,
21:59 donc de plus âgé par rapport à plus jeune.
22:02 Mais une autre remarque que l'on peut faire,
22:04 c'est cette idée de vision du monde.
22:06 C'est-à-dire, il faut un cas, puis il faut une vision du monde.
22:08 Il faut se poser la question de savoir si ce n'est pas une réflexion de vieux,
22:11 si vous me permettez, Jean Lemarie, et ça vaut évidemment encore plus pour moi.
22:15 Une réflexion de vieux, c'est-à-dire de personnes qui ont été habituées
22:17 aux années 70, années 80, 90,
22:20 où la politique est attendue pour produire une vision.
22:23 Par exemple, changer la société, changer la vie,
22:26 pour remonter à des choses anciennes.
22:28 Or, là, est-ce que le macronisme a inventé une politique pour le XXIe siècle ?
22:34 Je délire un peu, mais disons par pragmatisme,
22:38 et effectivement, la politique est une façon de passer d'un dossier à un autre.
22:44 Ce n'est pas très flamboyant comme façon de faire de la politique.
22:48 - Mais surtout, est-ce que c'est véritablement très nouveau, Nicolas Rousselier ?
22:51 Parce qu'on a accusé beaucoup de présidents récents d'avoir fait cela.
22:56 - Vous aviez la Troisième République, dans la Troisième République de Gambetta à Valdec-Rousseau,
23:01 vous aviez cette idée qu'il n'y avait pas une question centrale.
23:05 Gambetta avait dit "il n'y a pas une question sociale, il y a des questions sociales".
23:08 Et il avait dit "je vais prendre dossier par dossier".
23:11 Ceci dit, la Troisième République était émancipatrice sur le fond.
23:15 - Mais même la cinquième, avec Nicolas Sarkozy et la fameuse triangulation,
23:18 est-ce que ça n'était pas déjà le fait qu'il y ait une conséquence
23:23 beaucoup plus large de la fin des idéologies, des systèmes,
23:26 qui fait que les politiques sont dans l'administration des choses ?
23:30 - Oui, sauf que Sarkozy avait encore ses punchlines sur le travail,
23:37 le travail qu'il doit rapporter, quelques punchlines.
23:39 Et il avait la suite du gaullisme.
23:40 Et le gaullisme, lui, porte évidemment cette vision de la France, de la Grande France.
23:46 Peut-être que c'est d'ailleurs ça qui est encore dans le macronisme.
23:49 - Claire Gatinois, question de vieux, Gabriel Attal va devoir faire de la politique,
23:55 notamment parce qu'il y a cette situation au Parlement.
23:58 Et parmi les critiques qui lui sont adressées, il y a le fait d'être peu outillé,
24:02 puisqu'on a un homme qui n'a pas été élu et qui, dès lors,
24:08 pourrait avoir quelques difficultés à faire ce que pourrait faire un vieux briscard de la politique.
24:15 Il y a un vrai enjeu, effectivement, et notamment vis-à-vis de sa majorité,
24:20 mais aussi vis-à-vis de ses ministres.
24:22 On a beaucoup jasé hier sur la photo qu'a publiée Bruno Le Maire sur les réseaux sociaux,
24:31 le montrant tenant Gabriel Attal par l'épaule, le tutoyant,
24:36 qui montre qu'effectivement la jeunesse de Gabriel Attal peut être compliquée aussi pour s'imposer
24:42 au sein même du gouvernement vis-à-vis de ses poids lourds,
24:46 comme Bruno Le Maire à Bercy ou comme Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur.
24:52 Des politiques plus madrées qui peuvent déjà préparer des coups pour la suite
24:59 et fourbir leurs armes pour 2027.
25:02 - Et savonner des planches éventuellement. - Exactement.
25:04 Donc Gabriel Attal arrive quand même dans une situation où, effectivement,
25:09 il aborde quand même la face nord du quinquennat.
25:12 Donc ça va être extrêmement compliqué pour lui.
25:14 Et on le disait tout à l'heure, il arrive avec une majorité complètement fracturée,
25:20 assez traumatisée par ce qui s'est passé, par le projet de loi immigration.
25:24 Donc il va devoir essayer de montrer aux macronistes historiques
25:30 qui se sentent complètement trahis par ce texte,
25:35 que le macronisme existe encore et qu'on est toujours dans le dépassement
25:40 et qu'on n'a pas renoncé aux idéaux d'origine.
25:42 - Et puis il y a aussi les Français, parce qu'on considère que le macronisme
25:47 a manqué de personnes qui étaient capables de prendre le pouls du pays.
25:52 Est-ce que vous pensez que Gabriel Attal est capable de prendre ce pouls-là ?
25:58 - C'est sans doute une des grandes interrogations qu'il suscite,
26:06 parce qu'il est très jeune, il est un pur politique,
26:11 effectivement il ne fait pas partie de ces vieux briscards
26:14 qui ont arpenté le pays de long, en large et en travers.
26:18 - Non, mais d'ailleurs, là aussi, dans les commentaires qui sont faits,
26:22 on a signifié que son trajet de l'école alsacienne à Matignon
26:26 était un trajet qui demeurait dans les mêmes arrondissements parisiens.
26:29 - Tout à fait, il incarne l'élite parisienne, le garçon bien né.
26:36 Il a essayé de casser un petit peu cette image lorsqu'il a fait cette émission
26:40 de 7 à 8 où il racontait le harcèlement dont il avait fait l'objet à l'école,
26:46 où il a révélé de façon très ouverte son homosexualité
26:52 et toutes les difficultés personnelles que ça avait pu...
26:56 - Ça s'est très commenté par exemple dans le New York Times aujourd'hui.
26:59 C'est même le titre du New York Times.
27:02 - Alors c'est assez intéressant, si vous me permettez,
27:04 c'est qu'on peut imaginer en fait que cette interview-confidence
27:12 est peut-être le fruit des conseils que lui a donnés Nicolas Sarkozy.
27:17 Parce que Gabriel Attal, comme beaucoup de politiques aujourd'hui,
27:21 y compris issus de la gauche au sein de la Macronie,
27:24 est fasciné par l'ancien président de la République.
27:26 Il a fait un déjeuner avant l'été avec Nicolas Sarkozy
27:31 qu'il lui a conseillé avant tout d'être très sincère.
27:34 On se souvient de la mise en scène du divorce de Nicolas Sarkozy.
27:38 - Parce que Nicolas Sarkozy était très sincère.
27:40 - En tout cas, il étalait un petit peu sa vie privée.
27:44 Donc Gabriel Attal l'a fait effectivement pour craquer un petit peu le vernis
27:48 justement d'un peu de ce monsieur parfait.
27:53 Mais effectivement, ça va être extrêmement compliqué pour lui.
27:57 Et je pense que c'est sans doute pour ça aussi qu'il a rappelé
28:00 que son objectif à lui était de...
28:04 que sa préoccupation visait les classes moyennes.
28:06 Qui montre qu'il est conscient de tous les problèmes
28:11 de la réalité des Français du quotidien.
28:13 Il parlait lors de sa passation de pouvoir
28:17 de ces Français qui ne s'y retrouvent pas, qui travaillent
28:20 et qui peuvent être nourris par une forme de rancœur,
28:22 qui n'arrivent pas à boucler les fins de mois, en résumé.
28:25 - Nicolas Rousselier, même chose sur le fait d'avoir un homme
28:29 qui est très différent probablement de beaucoup
28:34 de personnages politiques traditionnels.
28:36 Alors on peut peut-être le rapprocher de Nicolas II.
28:40 Fabius, Laurent Fabius, qui était considéré comme étant lui aussi bien né,
28:46 demeurant dans les mêmes arrondissements parisiens
28:48 et peut-être trop éloigné du pays réel.
28:52 Qu'est-ce qui lui avait fait faire quelques tours de Paris en deux chevaux,
28:57 apprécier les carottes râpées ?
28:58 Bref, on se souvient de ces commentaires-là.
29:02 - Oui, tous ces handicaps dont on parle par rapport à l'origine sociale,
29:07 le parcours de l'école alsacienne jusqu'à Sciences Po, sont réels.
29:12 Mais je crois que Gabriel Attal s'est fait connaître là,
29:15 justement dans les derniers mois, par une question de méthode.
29:18 C'est-à-dire que dans les derniers mois, en gros l'automne
29:20 et puis le début de l'hiver, on a eu deux choses.
29:22 D'abord, on a eu le fait que la voie parlementaire a déraillé
29:27 et est devenue une impasse ou en tout cas un labyrinthe
29:29 très compliqué pour le gouvernement.
29:30 C'est la loi de l'immigration.
29:32 Et ce qui est marrant, c'est qu'au même moment, par contraste,
29:36 on a l'émergence, en gros Gabriel Attal casse le plafond de verre
29:41 et devient très important, en tout cas dans les sondages.
29:44 Il faut faire attention à la méthode.
29:45 C'est-à-dire qu'il a réussi cette méthode,
29:47 non pas du temps en allant au Parlement faire des lois sur l'éducation,
29:50 il n'a pas eu besoin de faire une loi pour le groupe de niveau,
29:52 il n'a pas eu besoin de faire une loi pour la baïa,
29:55 il fait des décrets, des circulaires, des arrêtés.
29:57 Donc ici, on a un enjeu entre la démocratie par la loi
30:00 et le gouvernement par décret.
30:02 Et je me demande si ce n'est pas ça qui est promu aussi
30:04 à travers Gabriel Attal, par Emmanuel Macron,
30:07 c'est de dire lui, il a réussi sur des choses
30:11 qui sont, si vous voulez, un peu comme la cuponcture,
30:14 c'est peut-être des éléments assez restreints,
30:16 mais qui ont marqué en tout cas l'opinion.
30:19 Donc en fait, il y a la question aussi de savoir si le régalien,
30:21 une méthode régalienne, est en train d'être promue.
30:25 On pourrait dire, pour créditer en tout cas, puisque c'est le début,
30:28 on peut créditer Gabriel Attal,
30:30 dire disons ce serait un état régalien à visage humain,
30:33 par rapport à des technos purs.
30:36 - Qu'en pensez-vous Jean-Les-Marie ?
30:38 - Ça peut faire ça aussi, puisqu'on fait le jeu des ressemblances
30:41 et des différences entre le chef de l'État et le nouveau Premier ministre,
30:43 une différence avec Emmanuel Macron,
30:46 qui effectivement a toujours lui aussi promené un pragmatisme,
30:49 l'efficacité, le concret, etc.
30:52 Mais qui est accompagné depuis des années d'une image assez technocratique aussi.
30:56 C'était Bercy, c'était tout ça, etc.
30:59 Gabriel Attal sera-t-il présenté à cet égard un autre visage ? On va voir.
31:03 - Un gouvernement, alors pour l'instant, celui-ci n'a pas été nommé,
31:06 bien sûr, Claire Gatinois.
31:07 On a entendu tout à l'heure que Gérald Darmanin,
31:10 dans l'entourage de Gérald Darmanin,
31:12 on expliquait que celui-ci était maintenu à son poste, autrement dit...
31:16 - Ce qui en soi, permettez-moi, est quand même assez rocambolesque.
31:20 C'est quand même le ministre qui annonce par son cabinet
31:23 son propre maintien au gouvernement.
31:26 - Pourquoi, d'après vous ?
31:28 - Parce que je pense qu'il y a beaucoup de questionnements,
31:31 justement sur la fidélité de certains poids lourds,
31:34 qui peuvent s'interroger sur l'opportunité et l'intérêt politique qu'ils ont
31:40 à se maintenir dans la barque macroniste au moment où elle commence à prendre l'eau.
31:45 Donc Gérald Darmanin signifie...
31:47 Vous pouvez imaginer que je vais prendre la tangente
31:50 pour fonder ma propre boutique et courir vers la prochaine présidentielle.
31:57 Là, il dit "non, je veux encore rester au gouvernement, l'heure n'est pas venue".
32:01 - Bruno Le Maire a fait part également de son bonheur d'être à Bercy,
32:05 donc on peut imaginer qu'il va y rester.
32:07 - Tout à fait. Et je pense que c'est un signal aussi,
32:10 parce que ça montre qu'effectivement, il va y avoir un grand chambardement.
32:16 En tout cas, c'est ce qui est attendu.
32:18 S'il n'a pas lieu, je pense qu'il y aura une grosse déception,
32:21 parce qu'il y a eu cet effet Gabriel Attal qui a stupéfait pas mal de commentateurs.
32:27 Donc il faut poursuivre le mouvement.
32:29 Et là se joue finalement, vous en parliez tout à l'heure,
32:32 la capacité d'Emmanuel Macron à avoir cette espèce d'élixir de jouvence
32:36 qui pourrait le relancer.
32:38 Et on entend beaucoup parler de ce fameux "gouvernement resserré"
32:42 dont on a cessé de parler lors des précédents remaniements.
32:47 - Jean Lemarie, je crois que vous avez fait un billet sur le "gouvernement resserré".
32:51 Vous croyez, Claire, à un "gouvernement resserré" ?
32:54 On entend ça évidemment à chaque fois, à chaque remaniement et depuis toujours.
32:56 - Exactement. Tout le monde ricane.
32:59 Moi, je ne sais pas si je dois y croire.
33:00 - Non, non, c'est pas notre genre.
33:01 - Non, je ne sais pas si je dois y croire ou si je ne dois pas y croire.
33:05 Mais en nommant Gabriel Attal, alors que François Bérou voulait Julien Denormandie,
33:10 il a dit "voilà, c'est moi qui décide, je ne me fais pas tordre le bras".
33:15 Donc maintenant, s'il parvient à faire un "gouvernement resserré",
33:18 ce sera la poursuite de cette volonté de montrer qu'il n'est pas dans l'impuissance
33:23 et que c'est lui qui décide.
33:24 Parce que jusqu'à présent, pourquoi il n'y a pas eu ces "gouvernements resserrés" ?
33:28 Notamment parce qu'il y a Édouard Philippe et il y a François Bérou qui disent
33:32 "ah oui, mais il faut respecter l'équilibre du camp présidentiel,
33:35 j'ai besoin de tant de ministres de mon camp, etc."
33:39 Et on se retrouve avec un gouvernement à 43 ministres,
33:42 dont les trois quarts sont parfaitement inconnus du grand public.
33:45 - Nicolas Rousselier, un mot de conclusion.
33:46 - Oui, ce n'est pas pour terminer sur une note sombre,
33:49 mais c'est vrai que "gouvernement resserré", moi, en histoire, ça me fait penser
33:52 au gouvernement de guerre.
33:53 C'est-à-dire que, historiquement, le moment où on a resserré le nombre de ministres,
33:56 c'était pour l'effort de guerre, 1916.
33:59 Ça a commencé, c'est les Anglais qui ont commencé avec George,
34:01 et ensuite Aristide Briand, qu'on ne connaît pas forcément sur ce rôle,
34:05 l'a fait aussi en 1916 en France.
34:07 Puis ensuite, bien sûr, Clémenceau.
34:09 Donc, regardez que les mots qui ont été utilisés aussi bien par M. Macron
34:14 que Gabriel Attal, c'est le terme de "réarmement", par exemple.
34:17 "Audace", "réarmement", "autorité".
34:20 Et donc là, c'est vrai que l'actualité internationale
34:24 n'est pas là pour nous rassurer ou pour nous faire penser que la guerre recule.
34:28 Donc, j'exagère peut-être un petit peu, mais il y a cette idée,
34:32 en tout cas le vocabulaire d'Emmanuel Macron est depuis le départ,
34:35 un vocabulaire, on pourrait dire...
34:37 - "Réarmement" et "régénération".
34:39 - Alors, "régénération", c'est un terme révolutionnaire.
34:42 Le livre de Macron, au tout départ, avait été "Révolution".
34:45 Bon, ça peut faire rire, évidemment, mais le terme "régénération" est de 1989.
34:50 - Merci à tous les trois, Jean Lémarie, Nicolas Rousselier,
34:54 je rappelle le titre de votre ouvrage.
34:56 "La force de gouverner, le pouvoir exécutif en France",
34:59 c'est aux éditions Gallimard, Claire Gatinois.
35:02 On vous retrouve dans les colonnes du Monde.