• il y a 9 mois
Marc Auriacombe, psychiatre-addictologue professeur à l'université de Bordeaux

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00:00 Le Dry January, Janvier sobre ou Défi de Janvier revient pour la 5ème année en France.
00:07 Le principe est très simple, on arrête de consommer de l'alcool pendant un mois.
00:11 L'occasion également de réfléchir à son rapport à la consommation d'alcool.
00:14 On en parle ce matin sur France Bleu avec notre invitée Marie Roarch.
00:17 Bonjour Professeur Auréacon.
00:18 Bonjour.
00:19 Un mot d'abord pour commencer ce défi de janvier.
00:22 Il s'agit de bannir totalement l'alcool de notre quotidien pendant tout un mois.
00:26 C'est bien ça ?
00:27 Ce n'est pas tout à fait le mot "bannir" qu'il faut utiliser mais plus le voir comme
00:30 un défi, un challenge qu'on se donne individuellement et collectivement par rapport à l'usage
00:35 de l'alcool qui est un peu automatisé et de le conscientiser, d'y penser, de se dire
00:41 pourquoi ne pas trouver une alternative et pourquoi pas me lancer un défi et pendant
00:45 un mois ne pas consommer de l'alcool.
00:47 Et en un mois, est-ce qu'on peut voir des bénéfices ?
00:49 Alors en effet, il y a quelque chose que l'on méconnaît.
00:52 On connaît tous l'intérêt de l'alcool pour son intérêt plaisir et gratifiant et
00:57 d'un goût d'y revenir.
00:59 Mais l'alcool est aussi un produit toxique qui est associé à 49 000 décès par an
01:04 en France et à beaucoup de maladies, des cancers, la violence et du coup des perturbations
01:12 du sommeil, une augmentation du poids.
01:14 Et en quelques semaines, en un mois, on voit individuellement un bénéfice à réduire
01:20 ou encore mieux arrêter sa consommation d'alcool.
01:23 C'est un Dry January, un défi de janvier selon le nom qu'on veut bien lui donner.
01:28 On a demandé à nos auditeurs s'ils étaient prêts justement à participer à ce défi,
01:33 à ce challenge.
01:34 On va écouter Monique de Mérignac.
01:35 Je trouve l'idée bonne, sympathique, mais nous n'en avons pas encore réfléchi.
01:40 Peut-être pour l'année prochaine ? Moi je fais partie d'une génération où on aime
01:44 bien prendre un petit verre entre amis sans excès.
01:48 Un petit peu de modération toute l'année, il faut contrôler et ça se passe très bien.
01:52 Il faut privilégier un janvier sobre, la modération toute l'année, les deux ?
01:57 Les deux.
01:58 L'idée du défi du janvier c'est prendre conscience de son usage d'alcool et le désautomatiser.
02:03 Quand on va prendre un verre d'alcool, plutôt que de le faire à l'automatique, bonjour,
02:08 salut, tu prends quoi ? Et bien qu'on se dise pourquoi pas une alternative, pourquoi
02:13 pas de l'eau.
02:14 Est-ce que j'ai vraiment envie là d'une bière ? Est-ce que j'ai vraiment envie d'un verre
02:16 de vin ? Est-ce que j'ai vraiment envie d'un whisky ?
02:18 Parce que c'est trop automatique aujourd'hui.
02:20 C'est trop automatique et cet automatisme il est associé au risque d'addiction et il
02:25 est associé à tous les dommages propres à l'utilisation de l'alcool.
02:30 Donc si on en prend conscience, le but du défi de janvier n'est pas du tout que tout
02:34 le monde devienne abstinent à vie d'alcool.
02:36 Mais c'est un challenge pendant quelques temps pour après reprendre un usage d'alcool
02:42 plus conscient.
02:43 - Ça fait 5 ans qu'on promeut cette opération, ce défi de janvier en France.
02:49 Est-ce que c'est difficile d'en parler, de le défendre dans un pays où la culture de
02:55 l'alcool, notamment dans une région viticole comme la nôtre, est-ce que c'est difficile
02:58 de promouvoir ce genre d'opération ?
03:00 - Alors je dirais oui et non.
03:02 En ce sens que justement, c'est très intéressant le défi de janvier parce que ça fait 5 ans,
03:09 c'est la 5ème année, c'est de plus en plus populaire puisqu'on rapporte qu'environ un
03:14 tiers des personnes disent "ah ben tiens, c'est l'occasion de faire attention".
03:17 Et fait supplémentaire, c'est que c'est vraiment quelque chose qui vient du terrain des professionnels,
03:26 du champ de la dictologie et qui s'est fait un peu en autonomie des autorités de santé.
03:31 Alors certains de mes collègues regrettent que les autorités de santé, le ministère
03:34 de la santé ne soit pas plus engagé, mais si on le regarde positivement, quelque chose
03:39 qui vient du terrain des professionnels a fait phase avec la population et il y a un
03:44 intérêt général à faire attention à notre consommation d'alcool.
03:47 Encore une fois, pas le supprimer, mais y penser, y faire attention et accepter que
03:52 des personnes puissent aussi faire le choix individuellement de ne pas faire usage d'alcool
03:57 et qu'elle n'ait pas à se justifier "ah bon, tu ne prends pas un verre, mais qu'est-ce
04:00 qui s'est passé ?" Voilà, pas de problème.
04:03 Il est 7h49 sur France Bleu Giron, notre invité ce matin, le professeur Marc-Henri
04:07 Accombe, psychiatre addictologue, professeur à l'université de Bordeaux, on parle du
04:11 Dry January.
04:12 Vous le disiez, c'est une opération, un défi de janvier qui ne reçoit pas de soutien
04:17 de la part du ministère de la santé, pas de campagne de prévention comme il en peut
04:20 en exister pour la sécurité routière par exemple.
04:22 Vous avez écrit au ministre de la santé en décembre avec d'autres addictologues pour
04:27 vous en inquiéter.
04:28 Est-ce que vous avez reçu une réponse du ministère de la santé ?
04:32 Alors, effectivement, avec l'ensemble des enseignants d'addictologie de France, on
04:37 a écrit une lettre au ministère de la santé pour lui rappeler, enfin on le fait régulièrement
04:41 d'ailleurs, et il n'y a pas eu de réponse officielle.
04:46 Entre temps, le ministre lui-même a échangé.
04:50 Alors après, c'est ce qui est un peu paradoxal, c'est que jusqu'à maintenant, la réponse
04:55 officielle c'est "on va voir plus tard", enfin c'est une sorte de nom déguisé mais pas
05:02 clair, alors qu'en privé, éventuellement, les ministres eux-mêmes peuvent dire "tiens,
05:08 moi-même, à titre personnel, je vais peut-être faire attention".
05:11 Donc il y a une espèce de paradoxe peut-être, mais encore une fois...
05:15 Est-ce qu'il est lié à la puissance du lobby de l'alcool ? On dit souvent ça.
05:18 C'est ce que certains disent.
05:20 Je dirais que c'est tout à fait légitime que les personnes qui promeuvent la fabrication
05:29 et l'usage de différents types d'alcool, et dans notre région, le vin, promeuvent
05:33 ça.
05:34 Ça ne me pose pas de problème.
05:35 Mais c'est normal que moi, tant que professionnel de santé, je promeuve d'être attentif à
05:43 cela.
05:44 Est-ce que c'est dommageable pour cette opération qu'elle ne soit pas soutenue justement par
05:47 l'Administré de la Santé, où il n'y a pas de campagne de prévention associée ?
05:49 Alors, peut-être, mais certains collègues font remarquer que peut-être c'est d'autant
05:53 plus populaire que ça s'est fait un peu...
05:56 Depuis le terrain.
05:57 Voilà, depuis le terrain.
05:58 Et que du coup, en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que l'adhésion populaire, il vient
06:04 un peu...
06:05 C'est une vraie adhésion.
06:06 Ce n'est pas, entre guillemets, le résultat d'une campagne bien organisée.
06:11 Et d'ailleurs, pour aider les gens, j'en profite de mentionner à l'Université de
06:16 Lille, où on a développé une application, l'application Canopée, qui permet de s'auto-évaluer
06:22 dans sa consommation d'alcool, ainsi que d'ailleurs de tabac et des écrans, qui sont des sujets
06:27 d'actualité, pour aider les gens justement à tester leur usage d'alcool.
06:34 Parce qu'il y a quelque chose qui est vraiment très important à connaître.
06:38 Je dirais, pour les gens qui tentent de faire le défi, pour qui c'est difficile, qui disent
06:42 "Tiens, mais je voudrais le faire, et en même temps, je n'y arrive pas et ça me préoccupe",
06:45 à ce moment-là, il y a de fortes chances qu'elles aient déjà une addiction, et il
06:48 ne faut pas qu'elles traînent pour solliciter leur médecin traitant ou un professionnel
06:52 de la dictologie, parce qu'on a des thérapeutiques efficaces.
06:55 Et la majorité des personnes qui ont une addiction, en fait, elles tardent pour venir
06:59 demander de l'aide, parce qu'elles n'ont pas l'idée qu'on a des thérapeutiques efficaces.
07:03 - Merci beaucoup, professeur Aurélie Comte, d'avoir été avec nous ce matin.
07:06 Je rappelle que vous êtes psychiatre et addictologue pour parler de ce défi de janvier, ce janvier
07:11 sobre.
07:12 Merci beaucoup à vous.
07:13 - Merci.
07:14 France Bleu Girond, notre invité à réécouter en vidéo également sur francebleu.fr

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