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Génie de la bande dessinée, André Franquin, le père de Gaston Lagaffe et du Marsupilami est un auteur tourmenté. Dans les années 1970, il transforme ses inquiétudes en l’une de ses plus grandes œuvres : les "Idées idées noires”. Ces mini-histoires teintées d’un humour grinçant finissent souvent mal, mais avec toujours le même objectif : faire rire.
Transcription
00:00 Comment transformer ses angoisses en humour noir ?
00:02 Génie de la bande dessinée, André Franquin, le père de Gaston Lagaffe et du Marsupilami,
00:07 est un auteur tourmenté.
00:08 Dans les années 1970, il transforme ses inquiétudes en l'une de ses plus grandes œuvres,
00:13 les idées noires.
00:14 Ces minis histoires teintées d'un humour grinçant finissent souvent mal,
00:19 mais avec toujours le même objectif, faire rire.
00:22 Ce qui me tracasse un peu comme je suis un inquiet, c'est qu'il me vient parfois des idées noires.
00:27 André Franquin naît en Belgique en 1924, où il suit une éducation catholique plutôt rigide.
00:32 Son père l'imagine ingénieur agronome, mais il intègre finalement une école d'art.
00:37 En 1946, Franquin rejoint le mensuel de bande dessinée Spirou.
00:41 C'est là qu'il crée le personnage qui le suivra toute sa vie, Gaston Lagaffe.
00:45 C'est un seul caractère, on est en Gaston.
00:48 Je ne sais pas s'il a un seul caractère, je ne crois pas.
00:50 De son enfance étouffée, Franquin tire le mantra de toute une vie.
00:53 Le fait d'avoir vécu dans une famille où on ne riait pas beaucoup et j'avais un prodigieux besoin de rire.
00:58 Chacun d'entre nous a un prodigieux besoin de rire.
01:00 Je ne sais pas si vous le ressentez, moi je l'ai ressenti toute ma vie.
01:03 Le rire est indispensable comme l'oxygène.
01:06 On est au milieu des années 1970, la bande dessinée évolue vers un public adulte.
01:10 On voit naître des revues spécialisées.
01:12 Après 30 ans de collaboration au magazine Spirou, le dessinateur belge veut se renouveler.
01:17 C'est le début des idées noires.
01:21 Il ne se contentait pas de s'asseoir dans un style et de continuer ce style pendant toute sa carrière.
01:27 Il a fait des recherches graphiques, des recherches de style.
01:30 C'est un homme qui aimait bien chercher et sortir de sa zone de confort, comme on dirait aujourd'hui.
01:35 Frédéric Jeannin est présent quand André Franquin et le scénariste Yvan Delporte lancent le trombone illustré.
01:41 Un supplément impertinent du journal de Spirou,
01:44 en décalage avec les histoires colorées et Bon enfant de Gaston Lagaffe.
01:48 Et puis là, tout à coup, il essaye les idées noires et ça devient vraiment le cri.
01:54 C'est un chef d'oeuvre absolu.
01:56 Ça boucle toute son oeuvre, en fait.
01:58 C'est extrêmement pessimiste, mais toujours avec la volonté d'aider le lecteur à en rire plutôt que de se flinguer tout de suite.
02:07 Toutes les semaines, Franquin y dessine des silhouettes sombres, aux destins souvent tragiques.
02:11 Après un désaccord avec l'éditeur, les idées noires se retrouvent dans une autre revue.
02:15 Fluide glacial lancé par un autre grand nom de la bande dessinée, Marcel Gottlieb.
02:20 Alors ces idées noires, Franquin, parce que vous-même, dans votre vie réelle, vous broyez des idées noires.
02:25 Ça m'arrive comme à tout le monde, évidemment.
02:26 Et alors, il y a une sorte de défoulement quand depuis des années, on dessine des choses qui essayent d'être aimables, joyeuses et bondissantes.
02:33 Un jour, les idées noires vous rattrapent et les angoisses, etc.
02:36 Il faut exprimer, il faut exprimer les angoisses également.
02:39 Et des angoisses, Franquin en a plusieurs.
02:41 On est presque dix ans après mai 68. La déflagration des mutations sociales et économiques touche profondément le dessinateur.
02:49 Parfois, il fondait en larmes en voyant les actualités à la télévision.
02:52 Donc, cette hypersensibilité, évidemment, entraîne le refuge dans l'humour parce que c'est une vraie survie.
03:00 Mais aussi, parfois, ça se retourne et la douleur est trop forte.
03:04 Il cible tour à tour les militaires, le nucléaire, les chasseurs, le capitalisme ou encore la peine de mort.
03:09 En France, elle est abolie en 1981. Mais en Belgique, il faudra attendre 1996.
03:15 Franquin tourne alors en dérision cette loi dans cette planche.
03:18 Toute personne qui tuera volontairement une autre aura la tête tranchée.
03:22 Le bourreau doit donc logiquement être exécuté et ainsi de suite à l'infini.
03:27 Les idées noires, c'est aussi une rupture technique dans l'oeuvre de Franquin.
03:33 Il s'inspire d'autres auteurs comme le dessinateur italien Guido Buseli.
03:37 Fini les couleurs vives, place au noir grâce à un nouvel outil.
03:41 J'avais la fierté un jour de montrer à Franquin, tiens, regarde, il y a un truc qu'on appelle le rotring
03:47 qui permet de faire des dessins à l'encre de Chine, mais on peut les faire n'importe où.
03:51 On n'est pas obligé de tremper la plume dans un encrier.
03:53 C'est à partir de ce moment-là que Franquin s'est engouffré dans un style beaucoup plus fouillis encore
04:00 et beaucoup plus minutieux et beaucoup plus miniaturiste que quand il utilisait le pinceau ou la plume.
04:06 Les idées noires sont rassemblées dans des tomes en 1981 et 1984.
04:11 Franquin meurt en 1997 laissant derrière lui ses silhouettes sombres qui ont marqué une génération.
04:18 Lorsqu'après avoir lu une page d'idées noires de Franquin, on ferme les yeux,
04:22 l'obscurité qui suit est encore de Franquin.
04:25 [Rires]
04:28 [Rires]
04:30 [Rires]
04:32 *musique*

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