Dans cette maison de retraite, les résidents animent une radio sur internet

  • l’année dernière
Lutte contre l'isolement, contre le déclin cognitif, transmission entre générations... En créant une station de radio éphémère en Ehpad, l'association aixoise Echoes entend donner de la voix aux anciens et à leurs mémoires.

Michel, 93 ans, résident à l'Ehpad Roger-Duquesne, n'a pas manqué un seul atelier. Il s'est même révélé "une âme d'animateur". Au micro, quand on lui demande un souvenir d'enfance, il raconte spontanément l'époque où il partait à la chasse aux escargots, comment il faisait dégorger les "petits Gris" et les "Bourgognes" dans du sel, avant de les cuisiner avec ses parents. Claire raconte comment, plus jeune, son mari allait pêcher de nuit, caché sous les toiles avec ses amis pêcheurs, et ramenait parfois du homard piégé dans les toiles.

Le micro est tendu par l'association Echoes, créée par deux jeunes aixoises, Barbara Rouveyrol et Natacha Cousin. Elles étaient dans la même classe, en master gestion de projets culturels, à l'institut de management public et gouvernance territoriale (IMPGT), mais ne se sont rencontrées "pour de vrai" qu'au sortir du premier confinement, en 2020. "Le confinement nous a beaucoup marqués, explique Barbara Rouveyrole, présidente d'Echoes. On avait suivi les cours en visio, la vie culturelle n'avait pas encore repris. Comme les profs nous poussaient à mener des projets, on a eu l'idée d'aller vers un public qui a rencontré de grosses difficultés, qui a été isolé pendant la crise, et on s'est naturellement tourné vers les personnes âgées qui avaient été privées de visites."

"La radio nous est vite venue à l'esprit, car c'est un outil qu'ils connaissent bien, un média avec lequel ils ont grandi, et en même temps qui revient à la mode avec les podcasts. On s'est dit qu'on pouvait créer des ponts entre les générations", souligne Barbara. Elles entendent parler de la radiobox : un studio radio à quatre micros léger, compact, rapide à installer, justement conçu par l'ONG MakingWaves pour "amener la parole dans des contextes d'exclusion ou de crise". Elles veulent partir de la réalité de la vie en Ehpad, sans se l'imaginer au préalable et sans en taire les difficultés, mais en s'efforçant d'en montrer aussi la beauté, et rencontrent rapidement l'équipe de l'Ehpad Roger-Duquesne.

Des bonbons pour collecter les souvenirs
"Ma première fois là-bas, ça a été une grosse révélation, loin de l'image de mouroir qu'on peut avoir en tête, confie Natacha Cousin, trésorière d'Echoes. J'ai été super touchée par ces individus, qui ont chacun leur personnalité et ne se réduisent pas à leur état de santé. Et puis même s'il y a peu d'intervenants extérieurs, il y a une vraie vie en collectivité qui est quand même assez joyeuse !"
Transcript
00:00 J'ai un peu raconté ma vie, mais ça s'est très bien passé.
00:03 Pourquoi ? Fallait pas le raconter ?
00:05 Ah bah bien sûr que si !
00:06 Ah si si si, au contraire !
00:07 Je parle facilement, je parle peut-être des fois un peu trop.
00:28 C'est comme ça, c'est moi en même temps.
00:30 Ils sont plus dans la surprise, dans leur voix.
00:32 "Mais c'est moi ça, mais j'ai dit ça !"
00:34 Ils sont plus dans cet échange-là.
00:36 Le fait que ça soit diffusé et accessible à tous,
00:40 c'est aussi pour les familles,
00:42 c'est pour changer aussi le regard, je pense, sur les structures.
00:46 C'est une génération qui a vécu avec cette radio dans la maison qu'on écoutait,
00:52 et qui puisse voir aussi comment ça se passe de l'autre côté,
00:54 et qui le découvre avec du vrai matériel professionnel.
00:58 Au début c'est pas évident, parce que quand on...
01:00 pour parler devant le micro c'est pas toujours facile,
01:04 mais on s'y fait finalement.
01:06 On rigolait, je dirais, surtout à notre âge,
01:09 parce que quand même, si on perd ça, on a tout perdu, on n'est plus rien.
01:13 "Ça me plaît, ça me fait vivre", comme on dit.
01:17 Ça change quand même ce regard, et c'est bien qu'on parle du positif,
01:21 parce qu'il y a beaucoup de positif dans les maisons de retraite.
01:24 Et c'est un lieu de vie, c'est un lieu de vie où le présent est très important,
01:29 où ils vivent à fond, ils vivent à fond les moments ici.
01:34 Il y a des moments de partage, il y a de l'amitié,
01:37 ils partagent énormément ensemble.
01:39 Et nous on est là aussi pour aider ces beaux moments,
01:43 et c'est vrai que l'intervention d'associations comme ça,
01:46 dans ces lieux, c'est incroyable ce que ça peut apporter.
01:49 [Musique]
01:57 Un coup de fil, un soir quand j'allais partir,
02:00 d'étudiants qui avaient fait un petit projet
02:03 dans le cadre de leur master socio-culturel,
02:07 qui avaient envie de le rendre réel, ce projet.
02:12 Je l'avais fait toute seule, j'étais jeune.
02:16 Je suis rentrée très très tard, j'avais dansé, j'ai dansé.
02:20 Quand j'étais beaucoup plus jeune, quand j'étais avec mes parents,
02:24 on descendait de la campagne avec nos soeurs,
02:27 et elle allait au cinéma, moi j'allais danser.
02:30 C'est à ce moment-là quand on remontait à la maison,
02:33 il fallait qu'elle me raconte le film,
02:35 parce que je ne le savais pas, mais j'allais danser tout l'après-midi.
02:39 Et on avait un groupe de rappeurs, c'était excellent.
02:44 Ça m'a plu personnellement.
02:46 Je pense que c'est ça le plus important,
02:48 c'est de se réunir et de pouvoir partager.

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