François Ruffin : "Nous avons un problème dans notre pays, c'est Emmanuel Macron"

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Le député LFI de la Somme François Ruffin est l'invité du Grand Entretien. Il revient sur le vote de la loi immigration et l'interview du président de la République sur France 5 mercredi soir. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-22-decembre-2023-1320821

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00:00 Le Grand Entretien, ce matin avec Marion Lourdes, nous recevons le député France Insoumise
00:04 de la première circonscription de la Somme.
00:07 Vos questions, vos réactions, chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:13 Bonjour François Ruffin.
00:14 Bonjour.
00:15 Merci d'être au micro d'Inter.
00:16 La France traverse une crise politique et notamment qui se focalise sur la question
00:20 de l'immigration.
00:21 Vous avez écrit une lettre aux députés que ce n'était pas un vote sur, je vous cite,
00:26 des mesures techniques mais sur une certaine idée de la République.
00:30 Qu'est-ce que vous vous êtes dit mardi soir à 23h30, juste après le vote de la loi Immigration ?
00:35 Je me suis dit qu'on avait un président de la République qui normalement était là
00:41 pour faire barrage, nous disait-on, et qui à la place sert de marche-pied, qui fait
00:46 la courte échelle à l'extrême droite, qui ouvre la porte toute grande à ses idées.
00:50 Et ce qu'on a vu à l'Assemblée Nationale, c'est Marine Le Pen et ses amis qui jubilent,
00:55 qui ovationnent, qui applaudissent et qui se sentent pousser des ailes, poussés par
01:00 le vent de la victoire.
01:01 C'est à ça que j'ai assisté à l'Assemblée Nationale.
01:05 Et l'analyse que vous en avez faite ?
01:07 On a…
01:08 Vous dites que c'était une défaite ?
01:10 C'est une défaite pour la République.
01:12 C'est une défaite pour la République quand…
01:14 Vous auriez jusque-là ?
01:15 Mais oui.
01:16 Quand des principes comme le droit du sol sont attaqués ou quand se met en œuvre la
01:22 préférence nationale, quand il s'agit non pas seulement de ces grands principes,
01:27 mais que ce sont la vie des gens, des gens ordinaires, des vies déjà dures qui sont
01:33 frappées.
01:34 Parce que là, on n'est pas méchant avec les méchants, on est méchant avec tout le
01:38 monde.
01:39 Quand…
01:40 Moi je suis pour l'intégration, je suis pour l'intégration par la langue, je suis
01:44 pour l'intégration par le travail.
01:45 Mais là, ce qu'on vient dire, c'est de pourrir la vie.
01:48 On fait des lois pour pourrir la vie de gens qui ne demandent qu'à travailler, qui ne
01:53 demandent qu'à s'intégrer, en venant les priver de leurs droits.
01:56 Moi je ne suis pas pour le séparatisme, je ne suis pas pour séparer la République.
02:00 Là, ce qu'on fait, c'est séparer les étrangers de la République avec un raisonnement.
02:05 Quel est le raisonnement sous-entendu ?
02:06 C'est que l'hôpital irait mieux parce qu'on priverait, parce qu'on empêcherait
02:11 de soigner comme il faut les étrangers ?
02:13 C'est que le pouvoir d'achat des Français s'améliorerait parce qu'on priverait
02:17 d'APL ces familles.
02:19 Voilà le raisonnement qui est sous-tendu par ça.
02:21 Et donc on a un président de la République qui devrait être le gardien d'un certain
02:25 nombre de valeurs et qui a la place, les brades, pour des petits calculs cyniques,
02:30 pour de la petite tactique politique au jour le jour.
02:33 Mais moi je vois le chemin sur lequel il nous entraîne, la pente sur laquelle on glisse.
02:38 François Ruffin, la majorité a dû composer avec le texte du parti Les Républicains
02:44 parce qu'il y a eu une motion de rejet qui a été votée dans l'hémicycle et qui
02:48 a donc obligé à retourner en commission mixte paritaire.
02:50 Est-ce que vous ne regrettez pas, vous, d'avoir voté vous la gauche cette motion de rejet
02:55 et donné en quelque sorte les clés au parti Les Républicains ?
02:58 Ces débats, on les aurait eu à ciel ouvert dans l'hémicycle, sans temps mauvais.
03:04 Et à la fin, ça se serait terminé quand même par une CMP.
03:06 Donc il ne s'agit pas de refaire un cours de droit parlementaire.
03:10 Il s'agit de se demander comment on fait pour sortir de cette impasse-là.
03:14 Moi je veux dire quelle est la pente sur laquelle on glisse.
03:18 Quelle est la pente sur laquelle les esprits dans notre pays glissent.
03:21 On a dans les sondages, on le voit, tranquillement Marine Le Pen qui avance, qui chemine vers
03:27 l'Elysée.
03:28 Et c'est presque, on s'y accoutume.
03:31 C'est inéluctable ?
03:32 Ce n'est pas inéluctable.
03:33 Mais c'est la pente.
03:34 Vous savez, c'est les esprits qui glissent.
03:36 Alors c'était déjà dans mon coin, celle-là on ne l'a pas essayée.
03:39 Mais maintenant, y compris chez les diplômés, y compris chez les installés, les gens qui
03:43 se disent "bon ben c'est son tour, c'est comme ça".
03:46 Avec une forme d'abandon, de mollesse, de lâcheté.
03:50 Et moi, si je viens prendre la parole ce matin à votre micro, c'est pour dire qu'il n'y
03:53 a pas de fatalité.
03:54 Il n'y a pas de fatalité.
03:55 Il n'y a pas de fatalité.
03:56 Vous savez, la crise de 1929, elle a débouché sur le nazisme en Allemagne, c'est vrai.
04:01 Mais elle a débouché sur le New Deal aux Etats-Unis, elle a débouché sur le Front
04:04 populaire en France.
04:05 L'histoire, elle reste ce que les hommes et les femmes en font.
04:07 L'histoire de l'extrême droite dans notre pays, elle est arrivée qu'une seule fois
04:10 au pouvoir.
04:11 Ça n'est pas par les urnes, c'est par la défaite.
04:13 Et ça n'a pas donné des souvenirs glorieux dans nos mémoires.
04:17 Donc, il n'y a pas de fatalité.
04:18 Il n'y a pas de fatalité.
04:19 Mais par contre, j'interpelle vos auditeurs.
04:21 Pas de mollesse, pas de lâcheté, pas d'abandon.
04:24 Mais il faut se réveiller maintenant.
04:25 Et donc c'est quoi la réponse ? C'est l'union de la gauche ?
04:27 L'union est une nécessité, condition nécessaire, mais non suffisante.
04:32 Parce qu'aujourd'hui c'est compliqué, vous n'avez même pas d'union pour les élections
04:34 européennes de l'année prochaine.
04:35 Alors il y a les quatre listes pour les élections européennes.
04:38 C'est un souci.
04:39 Mais déjà, ça passe par enterrer les haches de guerre, fumer le calumet de la paix et
04:45 cesser de s'insulter, de se maltraiter.
04:48 Simplement, moi je dis aux chefs de parti, arrêtez vos conneries.
04:51 Y compris le vôtre, y compris Jean-Luc Mélenchon.
04:53 Je dis à tout le monde, arrêtez vos conneries.
04:54 Il faut arrêter les conneries, là.
04:57 Si on prend au sérieux le danger que constituent Marine Le Pen et le Rassemblement national,
05:02 la pente, elle est celle-là.
05:04 Si on veut arrêter cette pente, il faut que les chefs de parti arrêtent les conneries.
05:11 Qu'ils cessent l'étalage de leur rancœur sur Twitter.
05:14 Qu'on ne prise pas de la vaisselle dans des querelles permanentes.
05:18 Ça, il faut que ça s'arrête tout de suite.
05:20 Et ensuite, je le disais, c'est une condition nécessaire, mais qui n'est pas suffisante.
05:26 Ensuite, il faut déjà en finir avec presque, vous savez, se dire que ce qu'on serait,
05:33 c'est juste des citadelles assiégées.
05:34 Qu'il nous faut résister.
05:37 Il nous faudrait juste exister.
05:39 Non, ce qu'on doit vouloir, c'est gagner.
05:40 On doit vouloir gagner.
05:42 On doit vouloir la majorité.
05:43 On doit vouloir 50% + 1.
05:46 Et se dire qu'on n'est pas dans un pays raciste, moisi, réac, et qu'il nous faudrait
05:53 juste tenir des bastions.
05:54 C'est pas ça.
05:55 On a une majorité possible dans le pays.
05:58 Sur des thèmes qui sont les nôtres.
06:00 L'indexation des salaires sur l'inflation, c'est 80% des Français qui sont d'accord
06:03 avec nous.
06:04 Taxer les super-profits, c'est 80% des Français qui sont d'accord avec nous.
06:06 Le référendum d'initiative sois-tu citoyenne, 80% des Français qui sont d'accord avec
06:10 nous.
06:11 Donc on a une majorité possible dans notre pays.
06:13 Maintenant, il faut passer d'un esprit de défaite presque, à une volonté de conquête.
06:18 Esprit de défaite, la nupèce, ça existe encore.
06:22 Il y a un mot de Marine Le Pen qui était étonnant, mardi soir, après l'adoption
06:28 de la loi immigration.
06:29 Elle remerciait la gauche qui a permis cette loi.
06:31 Il y a une forme de paradoxe dans lequel on vous renvoie à la responsabilité de l'avoir
06:39 permise.
06:40 On ne va pas rentrer dans le détail de la mécanique parlementaire, puisque c'est
06:42 au fond une victoire idéologique pour vous, du Rassemblement National, plus qu'une question
06:47 de voix ou de vote à l'Assemblée.
06:49 C'est évident.
06:50 Je ne comprends pas très bien le résultat paradoxal de Marine Le Pen sur ce coup-là.
06:54 Tout est toujours de la faute de la gauche.
06:56 Je pense, vous m'entendez à ce micro, je pense qu'on a un certain nombre de responsabilités.
07:00 Il faut qu'on sorte du ton d'acrimonie, de rancœur, pour aller vers quelque chose
07:04 qui respire la joie.
07:05 Il faut qu'on mette du panache dans tout ça.
07:07 Et surtout, je pense que la question clé, c'est de traiter les difficultés des Français.
07:12 Refaire le coup, vous savez, qu'on fait depuis 20 ans et auquel j'ai peu participé,
07:16 en vérité, de dire, d'utiliser Marine Le Pen ou son père comme des cauchemars et
07:21 comme des repoussoirs.
07:22 Et penser que ça suffit de brandir les épouvantails pour que ça vienne chez nous, ça ne suffit
07:27 pas.
07:28 Donc ce n'est pas ça qu'il faut.
07:29 Il faut dire comment on fait pour résoudre la question de l'hôpital.
07:32 Vous savez, Emmanuel Macron qui fait cette loi-là, hier, c'est 6700 lits en moins
07:37 qui ont été annoncés.
07:38 Ça va deux fois plus vite dans les hôpitaux, les fermetures de lits, qu'avant la crise
07:43 Covid.
07:44 Est-ce que c'est de la faute des étrangers si l'hôpital va mal ? Non, c'est de la
07:46 faute d'Emmanuel Macron.
07:48 Nous avons un problème dans notre pays, c'est d'abord le problème d'Emmanuel Macron
07:51 aujourd'hui.
07:52 Avant d'aller au standard où de très nombreux auditeurs veulent vous interroger ou réagir
07:55 à ce que vous dites François Ruffin, il y a 32 présidents de départements de gauche
08:00 qui ont annoncé qu'ils n'appliqueraient pas la restriction de l'accès à la location
08:03 personnalisée d'autonomie qui a été votée.
08:06 Est-ce que c'est une décision légitime de désobéissance civile ou est-ce que ça
08:11 s'appelle bafouer les lois de la République ?
08:12 D'abord c'est une obéissance à la Constitution parce qu'on est quand même dans ce paradoxe
08:18 très étrange.
08:19 On a un Gérald Darmanin qui vient à la tribune de l'Assemblée ou à celle du Sénat, voire
08:22 un Emmanuel Macron qui passe à la télé et qui reconnaît que des pans entiers, la
08:27 loi, des dizaines d'articles ne sont pas constitutionnels.
08:30 Donc on a quand même un président de la République qui vient dire "je fais une loi
08:34 mais c'est une loi d'affichage, elle n'est pas constitutionnelle, le conseil constitutionnel
08:38 va les faire tomber".
08:39 Donc je comprends que les départements disent "moi je respecte la Constitution, je respecte
08:42 l'esprit de la République" plutôt que cette loi-là qui finalement va être retoquée
08:47 pour partie.
08:48 Donc c'est une chose.
08:49 Pour les départements et pour toute la gauche, ce qu'il faut c'est pas avoir des terres
08:54 de résistance, avoir des bastions qui se refusent comme ça.
08:57 C'est de se demander comment on fait pour gagner, pour gagner le pays, pour le faire
09:01 respirer.
09:02 Justement, bonjour Jean, merci de participer au grand entretien de la matinale d'Inter
09:08 avec François Ruffin.
09:09 Jean ?
09:10 Oui ?
09:11 Vous avez la parole, François Ruffin est là, il vous écoute.
09:15 Eh bien bonjour François.
09:17 Un camarade.
09:20 Non, non, pas camarade, non.
09:21 Moi je suis, je n'ai pas de parti, je suis moi, point, c'est tout.
09:27 Mais j'adore François Ruffin.
09:29 Je lui suggère de s'allier avec Lucksman et avec un certain nombre de gens à gauche,
09:36 je dirais des gens intelligents, qui voient en priorité l'avenir de la France et foutre
09:43 dehors tous ces incapables.
09:46 Et là on a un président de la République aujourd'hui qui nous a montré ce que c'était
09:50 un incapable.
09:51 Voilà.
09:52 Merci Jean.
09:53 François Ruffin ?
09:54 Moi je suis pour embrasser très large.
09:57 Ce qu'il nous faut, c'est presque ce qui me navre le plus dans les épisodes qu'on
10:01 traverse, l'épisode des retraites aussi.
10:03 Il s'agit de pourrir en partie la vie des gens, leur disant "même si c'est dur pour
10:08 vous, ça sera jusqu'à 64 ans, c'est une certaine division de la nation".
10:11 Normalement le président de la République, il doit être garant de l'unité de la nation.
10:15 Et moi je pense qu'aujourd'hui, on a plus que jamais besoin de faire ensemble, de faire
10:19 nation ensemble.
10:20 Pourquoi ? Parce qu'on a affronté le choc climatique qui réclame une transformation
10:25 de notre pays.
10:26 Des déplacements, des logements, de l'industrie, de l'énergie.
10:28 Ça veut dire que pour ça on a besoin de toute la main d'œuvre disponible.
10:31 On a besoin de toutes les intelligences, on a besoin de tous les savoir-faire, qu'ils
10:35 soient français ou qu'ils soient étrangers.
10:37 On a besoin de tout ça pour relever ces défis-là tous ensemble.
10:40 Et on a un président de la République qui, à la place de nous proposer ces défis à
10:44 faire ensemble, à faire en commun, propose en permanence des sujets pour diviser.
10:48 Mais François Ruffin, vous entendez Jean ? Il vous suggère de vous allier avec Raphaël
10:52 Glucksmann, ça pourrait être aussi avec des socialistes, par exemple Boris Vallaud.
10:56 Le week-end dernier, on avait à ce micro Daniel Cohn-Bendit qui disait que lui apportait
11:01 son soutien à Raphaël Glucksmann parce que vous, il vous aime bien, mais il pense que
11:04 vous devez rompre, couper le cordon avec LFI.
11:07 Est-ce que vous comprenez que certains puissent avoir peur d'LFI, de son refus par exemple
11:12 de qualifier le Hamas de parti terroriste ? Ou des attaques qu'il peut y avoir par exemple
11:17 contre les journalistes qui peuvent être assez violentes ou des invectives qu'il peut y avoir ?
11:20 Je l'ai déjà dit, nous avons un problème de ton et les français, il faut les rassurer.
11:26 Il faut leur dire qu'on va les protéger.
11:28 Que là, il y a un désordre qui est mis en œuvre dans le pays avec un grand sentiment
11:33 d'insécurité, d'insécurité sur comment vont vivre nos enfants.
11:37 Une inquiétude qui se répand.
11:38 Et nous, on doit être le parti du travail, le parti qui vient dire que tous les français,
11:44 tous les habitants de ce pays doivent pouvoir vivre de leur travail, bien en vivre et pas
11:48 seulement en survivre, et bien le vivre.
11:50 On doit rassurer.
11:51 Donc vous dites à votre chef, à Jean-Luc Mélenchon, sortez de l'ambiguïté, peut-être
11:54 plus d'apaisement.
11:55 Oui, je m'en suis déjà exprimé largement.
11:58 On doit apaiser, on doit rassurer, on doit protéger, on doit offrir les garanties que
12:02 demain sera meilleur simplement pour les gens, pour tous les habitants de notre pays.
12:06 Maintenant, je n'ai pas envie de refaire le coup des deux gauches irréconciliables.
12:09 Ce n'est pas vrai.
12:10 Elles ne le sont pas.
12:11 Mais non, aujourd'hui, il y a des soucis de ton, il y a des invectives qui sont échangées
12:17 de part et d'autre.
12:18 Moi, vous savez, ça fait six ans que je passe à France Inter et ailleurs.
12:21 En six ans, vous ne m'avez pas entendu une seule fois dire du mal d'une autre personnalité
12:26 de gauche.
12:27 Ce n'est pas que ça me démange, pas de temps en temps, mais je pense que c'est
12:30 un principe.
12:31 Si on veut construire…
12:32 C'est une ligne.
12:33 Oui, on a une union des droites aujourd'hui qui va de la droite libérale jusqu'aux
12:37 droites extrêmes.
12:38 Eh bien, il nous faut une union des gauches.
12:40 Ça s'appelle la nupes.
12:41 Ça s'appelle la nupes qui est… voilà, qui là est malmenée.
12:45 Il s'agit qu'on ait une union des gauches qui permette d'ouvrir quoi ? Qu'est-ce
12:50 qui se passe dans la durée, M.
12:52 Badou ? Dans la durée, c'est le bloc central libéral qui s'effondre.
12:55 Et donc, les gens, ils cherchent une issue.
12:58 Quelle est l'issue ? Est-ce que ça va être la droite extrême, le bloc national autoritaire
13:02 ou est-ce que ça va être la gauche ? Est-ce que ça va être un bloc de progrès social
13:07 écologique ? Eh bien, simplement, pour l'instant, on n'attire pas parce qu'on n'est pas
13:11 unis.
13:12 Il faut proposer une alternative.
13:13 Il faut qu'on se présente comme étant une force, une force d'union et non pas quelque
13:17 chose où ça se querelle en permanence, ça se chamaille, ça s'envoie des invectives.
13:21 Mais alors, c'est une question de ton ou est-ce que c'est plus profond ? Parce que
13:24 vous avez certainement vu cette étude, celle sur les fractures françaises publiée par
13:28 la Fondation Jean Jaurès, édition 2023, avec une majorité de français qui considèrent
13:34 que la France insoumise est désormais plus dangereuse pour la démocratie que le Rassemblement
13:38 national.
13:39 Comment est-ce que vous l'expliquez ? Et ça, c'est un problème de perception et
13:41 de perception qui est ancré dans les esprits.
13:44 Je dis que c'est un gros souci pour nous.
13:46 C'est un gros souci de ton.
13:47 Et que ça, il faut le changer.
13:50 Maintenant, ce que j'ai lu dans le rapport de la Fondation Jean Jaurès aussi, et je
13:53 veux revenir au problème des français.
13:55 Vous savez, le président de la République intervenant mercredi a eu cette phrase, il
13:59 dit "les salaires ont plutôt suivi".
14:01 Mais c'est incroyable.
14:02 Il est là, sous les dorures de l'Elysée, tout va bien avec lui et ses amis, et vient
14:05 dire "les salaires ont plutôt suivi".
14:07 En vérité, c'est -5% pour les salaires.
14:09 Ça veut dire qu'on a demandé aux gens de se serrer la ceinture de 1, 2, 3, 4, 5 crans.
14:14 Ça veut dire qu'il y a eu 5% à 10% de consommation en moins de produits alimentaires dans les
14:20 hypermarchés.
14:21 Et la Fondation Jean Jaurès, là, ce qu'elle écrit dans ce papier, c'est que ceux qui
14:24 allaient dans les grandes surfaces, supermarchés, hypermarchés, ils vont vers le Hardin's
14:27 Count.
14:28 Ceux qui sont dans le Hardin's Count, ils vont vers les associations caritatives.
14:31 Et qu'on a un champion de l'Ultra Hardin's Count brésilien qui vient s'installer à
14:37 Taccadéo, qui vient s'installer en France, à Olnay.
14:40 Pourquoi ? C'est un symptôme de la pauvreté.
14:43 C'est un symptôme d'une cargmentisation d'un pan du pays.
14:45 Voilà ce qui devrait nous alerter.
14:47 Ce qui se passe là, sur le plan démocratique, comme sur le plan social, le premier étant
14:52 la conséquence de la deuxième, c'est les classes moyennes inférieures qui décrochent,
14:57 à qui on demande de se serrer la ceinture.
14:59 Et si c'était pour tout le monde ? Vous savez, si on était en guerre et qu'il s'agissait
15:03 que tout le monde se serre la ceinture, ce serait dans la justice.
15:07 Aujourd'hui, on a des gens qu'on rationne, mais qu'on rationne très concrètement.
15:11 Une famille sur deux avec enfant a réduit ses portions dans son assiette.
15:14 Très concrètement.
15:15 Bon.
15:16 Et eux se rationnent et en haut, ils se gavent.
15:18 Je veux dire, vous avez les titres des échos, c'est de nouveaux dividendes records cette
15:23 année et ils en sont presque même surpris.
15:25 Plus 13% de dividendes pendant que c'est -5% sur les salaires.
15:29 Pour les entreprises du CAC 40 ?
15:30 Pour toutes les entreprises, pour les secteurs en particulier.
15:34 Mais vous savez, les deux tiers de ces dividendes, ils vont au 0,1% les plus riches.
15:40 On a une hyperconcentration du capital, donc on en a qui se gavent, on en a d'autres
15:44 qui sont rationnés.
15:45 Voilà.
15:46 Et ça, le président de la République, il ne l'affronte pas, cette injustice-là.
15:50 Avec complicité, il la laisse faire et il vient faire diversion en disant "faute de
15:55 l'immigration".
15:56 On retourne au standard, François Ruffin.
15:58 Bonjour Annie.
15:59 Oui, bonjour François Ruffin.
16:01 Écoutez, j'aime beaucoup ce que vous faites, j'ai lu beaucoup de vos livres et franchement,
16:08 le seul cadeau qu'on pourrait avoir pour Noël, c'est que vraiment, du fond du cœur,
16:13 vous demandiez à Mélenchon de prendre sa retraite parce que c'est lui qui divise
16:18 actuellement la gauche, c'est lui qui fait éclater la nupèce et sincèrement, il n'est
16:26 plus de gauche, il est lui.
16:28 Il a un dégoût surdimensionné.
16:31 Il faut vraiment qu'il nous quitte parce qu'il a peut-être été intelligent, mais
16:35 il ne l'est plus maintenant et je trouve ça très dangereux pour la gauche.
16:39 On va laisser le RN prendre la place et moi ce que je souhaite, c'est vraiment un ticket
16:45 gagnant entre Clémentine Autain et vous et avec ça, on pourrait vraiment rebattre les
16:53 cartes et arriver à quelque chose de vraiment très très beau comme cadeau pour Noël.
16:58 Merci Annie pour votre intervention François Ruffin.
17:00 Ça vous fait sourire, malgré tout, le paysage qu'elle décrit est quand même accablant.
17:05 Je le rappelle quand même, Jean-Luc Mélenchon est l'homme qui a remis la gauche debout
17:12 sur ses deux jambes, une rouge et une verte.
17:14 Vous en parlez au passé ? En tout cas, je dis qu'il l'a fait, c'est
17:17 son œuvre et ça restera dans l'histoire comme étant son œuvre.
17:19 Parce que vous savez, si la gauche, ça avait été François Hollande et son fils spirituel
17:24 aujourd'hui Emmanuel Macron, elle serait juste dans la tombe et on n'en parlerait
17:29 qu'au passé.
17:30 Aujourd'hui, on peut encore en parler au présent.
17:31 Je suis bien conscient qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire devant nous,
17:35 mais enfin, je n'efface pas l'histoire.
17:37 Vous ne répondez pas tout à fait à Annie, elle parle d'un ticket gagnant avec vous
17:41 et Clémentine Autain.
17:42 Est-ce que vous qui avez déjà votre micro parti, vous êtes partant, vous avez envie
17:46 de partir pour la présidentielle de 2027 déjà ?
17:48 Moi j'ai envie qu'il y ait une équipe qui se constitue.
17:50 Ce que je veux dire dans les bonnes nouvelles qu'il peut y avoir, c'est qu'au-delà
17:54 des querelles de chefs, il n'y a pas que Jean-Luc qui participe à ces querelles.
17:59 Il y en a bien d'autres avec des échanges sur Twitter et ainsi de suite.
18:03 Mais en dessous, qu'est-ce qu'il se passe ? Il se passe qu'il y a des tas de femmes
18:08 et d'hommes de gauche, des députés, des élus, des maires, mais aussi des militants
18:13 qui n'ont qu'une envie, c'est de faire ensemble.
18:15 C'est de faire avancer le pays ensemble et qu'on aille à la victoire.
18:19 Qu'on n'ait pas pour objectif de résister, qu'on n'ait pas pour objectif d'exister,
18:23 mais de gagner.
18:24 Et je pense que ça, c'est quelque chose qui est partagé par plein de gens dans le
18:28 pays.
18:29 - Vous y pensez en vous rasant ? - Non, non, je n'y pense pas en me rasant.
18:32 Je viens m'exprimer là, très sincèrement, dans un moment que je considère comme un
18:36 moment de solennité, de gravité.
18:38 Ce n'est pas pour venir mettre des embrouilles supplémentaires sur la table.
18:41 - Et pourtant, c'est vrai que le rythme de la démocratie française, il est conditionné
18:47 par l'élection présidentielle.
18:48 Et c'est vrai qu'on revient inlassablement à cette question de la personne qui sera
18:53 candidate.
18:54 - Vous y revenez inlassablement, mais personnellement, je reviens inlassablement au fait que les
18:57 français doivent pouvoir vivre de leur travail, bien en vivre, bien le vivre.
19:01 Voilà quelle est mon obsession.
19:02 Mon obsession, c'est qu'on a une école qui doit être le pilier de la République
19:06 et qui aujourd'hui est mal en point.
19:08 Comment on la remet debout ? Là, on a un hôpital qui est le pilier de l'état social
19:11 et qui est attaqué.
19:14 Comment on le remet debout ? Voilà quelles sont mes obsessions, personnellement.
19:17 - Alors, écoutez, c'est noté, Emmanuel Macron a confirmé mercredi soir la tenue
19:21 d'un grand rendez-vous avec la Nation en janvier 2024 pour tenir l'unité du pays.
19:27 Pour le citer, qu'en pensez-vous ? Vous avez levé les yeux au ciel, mais les auditeurs
19:32 ne le voient pas.
19:33 - Vous avez un pyromane.
19:34 Je veux dire, on a deux années de crise Covid.
19:37 Que derrière, on a la guerre en Ukraine.
19:39 Qu'on a de l'inflation.
19:41 Que les salaires ne suivent pas.
19:42 Que les esprits sont usés, sont fatigués.
19:45 Et que sur la table, à peine élu, on met la retraite à 64 ans qui divise le pays,
19:49 qui installe dans les cœurs du ressentiment.
19:51 Et c'est l'homme qui maintenant va nous faire un grand barda pour nous dire "unité
19:56 de la Nation".
19:57 C'est du bidon.
19:58 C'est du bidon.
19:59 Alors il nous a déjà tout fait.
20:00 Vous savez, il nous a fait la convention citoyenne, qui était une très belle idée,
20:04 mais à partir du moment où il l'a touchée, ça devient une catastrophe.
20:06 Il nous a fait le grand débat, qui pouvait être une bonne idée, mais il le touche et
20:09 il n'en sort rien.
20:10 Il nous a fait des assises.
20:12 Il y a eu des assises du travail par exemple l'année dernière.
20:15 Vous savez, il nous a fait le Conseil national de la refondation.
20:17 Qu'est-ce qu'il en tire ? Rien du tout.
20:19 Il nous a promis un nouveau pacte de la vie au travail.
20:22 Et pour moi, c'est une nécessité.
20:24 Il y a un grand mal-être aujourd'hui au travail, un immense mal-être au travail,
20:28 et qui débouche sur un ressentiment dans la vie publique.
20:30 Comment il le traite ? Rien du tout.
20:32 C'est Bruno Le Maire qui est venu à nous dire "on va pourrir encore plus la vie des
20:36 chômeurs qui ont 55 ans".
20:37 Comme si les gens de 55 ans, ils avaient choisi d'être au chômage.
20:40 Alors que, vous savez, je l'ai sorti dans un rapport là, le nombre d'inaptitudes
20:45 en France est passé de 50 000 à 100 000.
20:47 Tous les ans, on a 100 000 personnes qui sortent du marché du travail, soit à cause
20:52 de soucis psychiques, soit de soucis physiques.
20:54 C'est-à-dire que le travail s'est alourdi sur les gens.
20:57 Et la seule solution proposée par Bruno Le Maire, c'est "on va aller frapper les
21:01 chômeurs de plus de 55 ans".
21:02 Comme s'il l'avait voulu ça.
21:03 Alors qu'il faut s'attaquer aux racines du mal.
21:06 François Ruffin, vous venez de nous parler de la santé, vous avez parlé aussi beaucoup
21:09 des classes moyennes.
21:10 Il y a une mesure qui est annoncée dans plusieurs quotidiens ce matin, c'est le doublement
21:14 des franchises médicales, qui va être adoptée dans le cadre du budget de la Sécu pour l'an
21:18 prochain.
21:19 Le budget payera 1 euro non remboursé pour chaque boîte de médicaments, même prescrite.
21:23 2 euros non remboursé pour aller chez le médecin.
21:26 Votre sentiment à ce propos ?
21:27 Déjà, on parlait du papier de la Fondation Jean Jaurès tout à l'heure, qui listait
21:33 toutes les privations des Français.
21:35 J'en ai parlé sur l'alimentation, mais c'est vrai aussi sur la santé, ça se lit.
21:39 C'est vrai par exemple aussi sur les vacances.
21:41 Pour moi, c'est pas un détail que les gens puissent partir en vacances, que les enfants,
21:45 les enfants de ce pays voient la mer et la montagne qui dérouillent, qui sortent de
21:49 leur village ou de leur quartier.
21:50 Pour moi, c'est pas un non-sujet.
21:51 Là, vous avez des attaques constantes, comme si…
21:55 Disons les choses simplement.
21:56 La France est un pays riche, un pays immensément riche.
22:00 On a un gâteau qui est énorme.
22:02 Mais il y a 10 milliards de déficit de la Sécu, comment on fait ?
22:04 Mais comment on fait ?
22:05 Alors je vais vous dire par exemple, les milliardaires, ils ont 20 points de taux d'imposition
22:09 en moins que la moyenne des Français.
22:11 C'est-à-dire que normalement, on devrait avoir un impôt qui est progressif, où les
22:13 gens payent en fonction de leur revenu.
22:16 Et là, c'est l'inverse.
22:17 C'est l'optimisation fiscale.
22:18 On a un impôt qui est régressif, notamment à cause d'un truc qui s'appelle les holding
22:20 financières.
22:21 Vous voyez ? C'est-à-dire qu'ils mettent des sociétés à écran, qui fait que le
22:23 petit actionnaire normal, il paye la flat tax, il paye 20%, et eux, ils y échappent.
22:28 Vous faites ça, rien que ça, vous taxez les holding financières.
22:32 C'est 20 milliards d'euros en plus.
22:34 D'accord ? 20 milliards d'euros.
22:35 Donc c'est deux fois le déficit.
22:37 Le déficit de la Sécu pour la France.
22:38 Deux fois le déficit, juste avec cette mesure.
22:40 On va me dire, c'est l'Union Soviétique, c'est la Corée du Nord, c'est le Venezuela.
22:43 Non, ce sont les USA.
22:44 On va vous dire, ça peut être dissuasif.
22:46 Ce sont les USA.
22:47 Ce sont les USA.
22:48 Les USA ont cette taxation sur les holding financières.
22:51 Et il n'y a pas de société à écran.
22:53 Et le petit actionnaire est à égalité avec les plus riches du pays.
22:57 Il faut se rendre compte du gavage en cours.
22:59 C'est le phénomène massif.
23:01 On nous amuse, on amuse la galerie.
23:03 Mais le phénomène massif des années Macron, c'est ce gigantesque gavage.
23:07 Il y a 25 ans, quand sort le premier classement de challenge, les 500 fortunes françaises
23:13 pèsent 6% de PIB.
23:14 A l'arrivée d'Emmanuel Macron, c'est 20%.
23:17 Aujourd'hui, on est à 45%.
23:19 Voilà le mouvement massif qui se produit et on ne peut pas en parler.
23:23 Le mot « dividende », Emmanuel Macron, il n'a jamais ce mot à la bouche.
23:25 Il n'en parle pas dans ses deux heures d'entretien de mercredi, mais il n'en perd jamais.
23:29 Le mot « profit », c'est un mot qui est interdit.
23:31 Maintenant, non.
23:32 C'est comment on fait pour que ce gigantesque gâteau bénéficie à tous ? Qu'on vive
23:36 mieux.
23:37 Que les lois proposées par le gouvernement ne soient pas des lois de régression et de
23:42 désespérance et on va vous pourrir la vie toujours plus, mais que ce soit des lois
23:46 de progrès.
23:47 Et de progrès pour affronter aussi un autre défi qui est le défi démographique.
23:51 On a de plus en plus de personnes âgées, il faut s'en occuper.
23:53 C'est un défi qu'on doit mettre sur la table.
23:55 Mais on n'y va pas du tout vers cet accompagnement de l'humain, de la naissance jusqu'à
24:00 la mort.
24:01 Ce n'est pas du tout le chemin qui est pris.
24:02 C'est le chemin de la concurrence.
24:04 C'est le chemin des égoïsmes.
24:05 François Ruffin, on est à la bonveille de Noël.
24:08 Pour vous, Noël, ça représente quoi ? Ça représente une fête consumériste, un délire
24:12 consumériste ou est-ce que c'est avant tout un moment familial avec tout ce que
24:17 ça peut représenter ?
24:18 Moi, ça représente du bonheur.
24:19 Ça représente du bonheur.
24:20 Et le bonheur doit être un mot autorisé en politique.
24:23 Moi, je vais passer quelques jours avec ma famille et mes enfants, je vais jouer au
24:26 ping-pong, et bien c'est du bonheur.
24:28 Faire des cadeaux ?
24:29 Mais que le citoyen se transforme en consommateur.
24:32 Je veux dire, je fais des cadeaux comme tout le monde.
24:34 Vous savez, par exemple, ce qui s'est fait à Amiens, on a ma suppléante Ayat Mahd
24:40 Boua qui a fondé une association L'Acte Citoyen.
24:42 Elle a commencé par récolter quelques centaines de cadeaux pour distribuer aux familles qui
24:46 n'auraient pas de cadeaux à mettre au pied du sapin.
24:48 Cette année, c'était plus de 5000.
24:50 Je veux dire que sous un pays qui se déchire au sommet, il y a d'immenses désirs de
24:56 solidarité et de générosité qui existent en dessous.
24:59 Et c'est ça qu'il faut faire exister.
25:00 Et que tous les enfants de notre pays, à Noël, aient un cadeau au pied du sapin, vous
25:06 n'allez pas m'en trouver blessé.
25:08 Je veux ça.
25:09 Je veux que… Vous savez, moi je suis pour descendre le plafond et relever les planchers.
25:13 Descendre le plafond, c'est descendre le plafond pour les riches.
25:16 Et relever les planchers, relever les planchers pour tous.
25:19 Et qu'on ait un espace de commun avec pas des immenses dissensions au sein de notre société.
25:24 Merci François Ruffin d'avoir été l'invité de France Inter.
25:27 Merci à vous, et je vous souhaite de bonnes fêtes à vous aussi.
25:28 Et pas de résignation pour Noël.
25:29 Pas de résignation.
25:30 Bonne fête à vous aussi, juste après la pub, l'envie de presse !

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