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00:00 6h39, les matins de France Culture.
00:05 Guillaume Erner.
00:06 Et bonjour Marguerite Caton.
00:08 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:09 Vous allez nous parler ce matin des complémentaires santé.
00:12 C'est la partie du système de santé que l'on évoque le moins et pourtant les mutuelles,
00:17 assurances et institutions de prévoyance, ces trois types d'organismes qui constituent
00:20 l'assurance maladie complémentaire sont importants.
00:22 D'abord parce que 95% des Français en bénéficient.
00:26 Ensuite parce que ces organismes couvrent quand même 12% des dépenses de santé.
00:30 Et enfin parce qu'ils coûtent cher.
00:32 88 euros par mois en moyenne.
00:34 Et encore, on a appris hier que les mutuelles allaient augmenter leurs tarifs de 8 à 10%
00:39 en 2024.
00:40 Bonjour Nicolas Da Silva.
00:41 Bonjour.
00:42 Vous êtes économiste de la santé, maître de conférences à l'université Sorbonne
00:46 Paris Nord.
00:47 Alors si les mutuelles qui sont des organismes à but non lucratif prévoient une telle hausse,
00:51 sait-on ce qu'il en sera des assurances ? Chaque année les tarifs des complémentaires
00:55 augmentent mais cette fois la hausse est particulièrement importante, non ?
00:59 Oui, la hausse est plus importante qu'habituellement.
01:01 Néanmoins, ces dernières années, il y a toujours eu une hausse très importante du
01:05 tarif des complémentaires.
01:06 Et je dis bien des complémentaires, c'est-à-dire des ensembles des complémentaires avec les
01:10 régimes juridiques que vous avez dit.
01:12 Mutuelles, institutions de prévoyance et assurances.
01:16 Et la justification pour ces hausses très importantes, elle porte principalement sur
01:22 le fait que les dépenses de santé augmentent.
01:25 Cependant, les dépenses de santé augmentent mais on observe que l'augmentation des
01:29 coûts des complémentaires a tendance à augmenter de façon plus dynamique.
01:33 Plus dynamique, c'est épidiquement dit.
01:36 Vous avez commencé à nous expliquer, les termes du débat sont bien connus parce que
01:39 cette hausse en réalité, elle arrive tous les ans.
01:41 Donc du côté des complémentaires, vous le dites, on dit comme les dépenses augmentent,
01:45 et bien les dépenses à rembourser augmentent.
01:48 Et comme les organismes complémentaires sont obligés d'avoir un budget équilibré,
01:53 ils augmentent les cotisations contrairement à l'assurance maladie.
01:56 Mais vous dites que peut-être le calcul est contestable.
01:59 Voilà, ce qu'on peut dire c'est que les dépenses de santé qui vont être remboursées
02:07 par les complémentaires vont augmenter.
02:08 Et ça notamment par des décisions prises par le gouvernement.
02:10 Cette année, une des décisions qui a été prise, c'est de prendre 10% de remboursement
02:15 de certains frais dentaires qui étaient remboursés auparavant par la Sécurité sociale.
02:19 Ils vont être désormais remboursés par les complémentaires.
02:21 Donc là, il semble a priori tout à fait légitime qu'il faut bien que quelqu'un
02:26 paye.
02:27 Et ceux qui en ont, c'est les complémentaires.
02:28 Et les complémentaires, elles n'ont pas la possibilité d'avoir des marges pour financer
02:34 ça comme ça, sans hausse des cotisations.
02:36 Et donc elles vont augmenter leurs cotisations.
02:38 Sauf que là où il y a une discussion, c'est que le gouvernement juge à raison que la
02:43 augmentation du prix des complémentaires est supérieure à ce qui serait nécessaire
02:50 pour simplement rembourser l'augmentation du prix des soins.
02:53 Ce qui nous mène du côté peut-être des critiques, on pointe très régulièrement
02:57 les frais de gestion et de publicité exorbitants de ces complémentaires, qui sont d'ailleurs
03:01 toujours plus importants, qui atteignent 20%, alors que ceux de l'assurance maladie sont
03:05 autour de 4%.
03:07 Tous les ans, finalement, la hausse des complémentaires, ça prouve qu'en matière de santé, la concurrence
03:11 génère des coûts au lieu d'en économiser ?
03:14 C'est exactement le point central.
03:16 Ce qu'il faut faire plutôt que de discuter chaque année de l'augmentation de tant ou
03:22 tant de pourcents des cotisations, c'est de réfléchir au système dans son ensemble.
03:25 Et l'une des critiques qui est bien ancrée dans le débat public, c'est le coût de
03:30 gestion des complémentaires santé, quels qu'elles soient.
03:33 Et de comparer ce coût de gestion du privé au coût de gestion du public.
03:37 Et là, ce qu'on observe, c'est que les coûts de gestion de la sécurité sociale
03:41 sont de l'ordre de 5%, voire inférieur selon les modes de calcul, tandis que les coûts
03:45 de gestion des complémentaires santé peuvent varier entre 15 et plus de 20%.
03:50 Qu'est-ce que c'est ces coûts de gestion ?
03:52 C'est le fait simplement de devoir acquérir de la clientèle.
03:57 Faire de la pub.
03:58 Faire de la pub.
03:59 Les frais de marketing.
04:00 C'est ça, mais ce n'est pas seulement ça.
04:01 C'est aussi le fait d'avoir un réseau, le fait de devoir traiter les demandes, tout
04:07 le travail que fait déjà la sécurité sociale, il faut le refaire, mais le refaire dans un
04:10 univers concurrentiel où tout est doublé et donc tout coûte beaucoup plus cher.
04:14 Au point que récemment, dans un article du 3 novembre intitulé "Peut-on se passer d'une
04:19 complémentaire santé ?", Le Figaro conseillait carrément aux fonctionnaires, chômeurs,
04:22 retraités indépendants, donc à tous ceux qui souscrivent individuellement leurs complémentaires,
04:27 de s'auto-assurer.
04:28 Ne pas payer de complémentaires, s'ouvrir un petit compte épargne, mettre l'équivalent
04:31 d'une cotisation.
04:32 Qu'est-ce que vous en pensez Nicolas Da Silva ?
04:33 Je pense que ça marche si on n'a pas de problèmes de santé.
04:37 Sauf que dans la vraie vie, on a des problèmes de santé.
04:40 Ne pas avoir de complémentaires lorsqu'il faut rembourser la visite chez le médecin
04:45 généraliste à 25 euros ou 30% sont remboursés par les complémentaires, pour beaucoup de
04:50 personnes ça peut aller.
04:51 Mais déjà pour beaucoup de personnes, ne serait-ce qu'avancer 25 euros c'est beaucoup.
04:55 Mais alors imaginez un risque, on parle comme ça dans l'économie de la santé, un risque
04:59 supérieur, plus coûteux, comme une hospitalisation.
05:03 Là ça peut tout de suite se chiffrer en milliers d'euros.
05:05 Et ne pas avoir de complémentaires, ça peut être très vite un risque catastrophique.
05:08 Donc c'est un conseil pour des gens qui sont en bonne santé et surtout qui ne croisent
05:12 pas de mauvais risques.
05:13 Sauf que là en sortant de la maison de la radio, on peut très bien avoir un accident,
05:17 n'importe quoi.
05:18 Et là tout de suite, ça peut être un risque catastrophique.
05:20 Donc c'est un conseil douce.
05:23 Alors une idée plus simple, peut-être et moins risquée Nicolas Da Silva serait de
05:28 sortir du doublon que représentent pour chaque acte les remboursements successifs, celui
05:32 de la science maladie puis celui de la complémentaire.
05:34 On pourrait du coup définir deux périmètres distincts, c'est là la solution ?
05:38 Alors oui c'est une solution et c'est une solution qui est très discutée et réfléchie
05:44 de manière très avancée, même dans les ministères.
05:47 Quelle est cette idée ? L'idée c'est de prendre acte du fait que les complémentaires
05:52 c'est plus cher.
05:53 Mais pas seulement, c'est plus cher mais c'est aussi comme vous l'avez dit un système
05:55 de doublon.
05:56 On fait deux fois le même travail.
05:58 Une fois par une organisation qui est plutôt efficace, peu coûteuse, la sécu et une fois
06:03 par les complémentaires.
06:04 Et ça tout le monde le vit.
06:05 Par exemple on va chez le pharmacien, on sort une fois les cartes vitales, une fois la carte
06:07 de complémentaires.
06:08 Et donc derrière en fait, c'est deux opérations et tout un tas de gens qui travaillent, des
06:12 systèmes qui se mettent en branle pour financer deux fois le même soin.
06:15 Et en fait ça c'est très coûteux au niveau international.
06:18 La France est l'un des pays qui est le plus coûteux en frais de gestion, en frais de
06:22 gouvernance derrière les Etats-Unis qui sont le contre-exemple absolu.
06:26 Et donc l'enjeu qui a été déjà proposé de maintes reprises notamment par des gens
06:33 qui sont dans les ministères, des hauts fonctionnaires.
06:35 Ça a été aussi l'occasion d'un rapport du H-CAM récemment, le Haut Conseil sur l'avenir
06:40 de l'assurance maladie, sous le gouvernement, enfin sur le ministère d'Olivier Véran.
06:46 L'idée c'est de faire soit ce qu'on appelle ça un 100% sécu, soit une grande sécu.
06:51 C'est de ce que l'on décide qui doit être remboursé par l'assurance maladie publique
06:55 et remboursé à 100%.
06:57 Et le reste on peut non pas souscrire à une complémentaire qui complète le remboursement
07:02 sécu mais à une supplémentaire qui rembourse autre chose.
07:05 Et là en fait les ordres de grandeur des économies seraient vraiment très très importants.
07:11 Ce rapport du H-CAM comporte une évaluation faite par les services du ministère de la
07:17 santé qui estime à 5,4 milliards d'euros d'économies par an le fait de se passer
07:24 des complémentaires santé sur les soins qui sont déjà remboursés par la sécurité
07:28 sociale.
07:29 Ça veut dire quoi concrètement ? Ça veut dire que chez le médecin généraliste il
07:32 y aurait plus 70% sécu, 30% complémentaire mais 100% sécu.
07:37 Et donc en faisant ça, non seulement on facilite l'accès aux soins pour tout un tas de gens
07:41 mais en plus on fait plein d'économies.
07:42 Un panier de soins solidaires sans rester à charger plus des contractualisations.
07:46 Merci beaucoup Nicolas Da Silva.
07:48 Je rappelle que vous êtes économiste de la santé, maître de conférences à l'université
07:51 Sorbonne, Paris Nord.
07:53 Vous avez publié au mois d'octobre "La bataille de la sécu, une histoire du système de santé".
07:56 C'était aux éditions La Fabrique.
07:58 Merci.