Les Grandes découvertes, premier moment de la mondialisation, touchèrent tous les continents, tous les océans, et mobilisèrent les forces de toute l’Europe. À l’occasion d’une séquence historique de cette envergure, l’imagination s’en donne à cœur joie, et les mythes empiètent sur la réalité. Très vite, leur amalgame forme des idées reçues, considérées dès lors comme des vérités intangibles, quand bien même elles n’ont aucun fondement… En compagnie de notre invité Michel Chandeigne qui en dresse un inventaire édifiant, nous allons donc en parcourir quelques-unes, remettre l’histoire à l’endroit dans un exercice salutaire de respect des faits, en ces temps de fake news généralisées et de "post-vérité" invasive !
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00:05 Madame, mademoiselle, monsieur, en donnant à TVL avant le 31 décembre,
00:09 vous construisez le budget de la chaîne pour les 365 jours à venir
00:13 et pour, au-delà, conforter notre indépendance éditoriale
00:18 et notre indépendance économique.
00:20 Cette indépendance économique s'acquiert face au mur de 6 milliards d'euros et plus
00:25 que perçoit la caste médiatique, le système médiatique que nous combattons.
00:29 6 milliards et plus d'aides publiques, d'argent ponctionné, dérobé dans nos poches.
00:35 Pendant ce temps, vous le savez, pour défendre nos idées,
00:38 nous ne disposons d'aucune aide ou subvention.
00:40 TVL avance, avance en se battant continuellement pour trouver ses financements,
00:46 pour sa survie, tel est le prix à payer pour la liberté.
00:49 Oui, la liberté a un prix.
00:51 Si avant le 31 décembre, chacun des 6 millions de téléspectateurs mensuels de la chaîne,
00:56 chacun des 1,1 million d'abonnés TVL sur les plateformes vidéo et les réseaux sociaux
01:01 participe à l'effort en faisant un don, même d'une toute petite somme,
01:05 le budget est bouclé.
01:07 TV Liberté est à nouveau plus solide et plus fort.
01:11 Au moment où je m'adresse à vous, nous sommes loin,
01:14 très loin de notre objectif de budget pour 2024.
01:17 Oui, la liberté a un prix, celui de votre engagement concret,
01:20 celui d'une contribution financière défiscalisée
01:23 qui vous permet de donner volontairement votre impôt à TVL,
01:27 qui vous informe, qui vous défend, qui vous représente, qui vous respecte.
01:32 Il ne reste que quelques jours. Est-ce que nous pouvons compter sur vous ?
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02:28 Chers amis téléspectateurs, bienvenue dans Passer présent,
02:31 l'émission historique de TVL présentée en partenariat
02:35 avec la revue d'Histoire Européenne.
02:37 Il y a deux semaines, je recevais Jean Sevilla pour une émission sur l'Autriche.
02:42 Jean Sevilla qui, vous le savez, s'est fait une spécialité
02:45 de démonter les falsifications de l'Histoire et de combattre les idées reçues.
02:49 Idées reçues qui ne ménagent aucune époque historique
02:52 et aujourd'hui, nous allons nous projeter au 15e et 16e siècle
02:56 à l'époque dite des grandes découvertes.
02:58 Les grandes découvertes, premier moment de la mondialisation,
03:01 touchèrent tous les continents, tous les océans
03:03 et mobilisèrent les forces de toute l'Europe.
03:06 À l'occasion d'une séquence historique de cette envergure,
03:08 l'imagination s'en donne à cœur joie et les mythes empiètent sur la réalité.
03:12 Très vite, leur amalgame forme des idées reçues,
03:15 considérées dès lors comme des vérités intangibles,
03:18 quand bien même elles n'ont aucun fondement.
03:20 En compagnie de notre invité, qui en dresse un inventaire édifiant,
03:23 nous allons donc en parcourir quelques-unes,
03:26 remettre l'Histoire à l'endroit, dans un exercice salutaire de respect des faits,
03:30 en s'étant de fake news généralisés et de post-vérités invasives.
03:35 Michel Chandaigne, bonjour.
03:37 – Bonjour.
03:38 – Alors vous êtes spécialiste de l'Histoire des grandes découvertes
03:40 et des pays lusophones, c'est-à-dire de langue portugaise,
03:43 mais vous êtes également libraire,
03:45 la librairie portugaise à Paris, dans le 5e arrondissement,
03:48 et éditeur d'une maison qui porte votre nom, les éditions Chandaigne,
03:52 et vous êtes plutôt spécialisé dans les récits de voyages ?
03:56 – Oui, la maison est dirigée par ma collègue Anne Lima, depuis 32 ans,
04:00 et c'est une maison généraliste sur le monde lusophone,
04:05 je le rappelle, c'est tous les pays de langue portugaise dans le monde,
04:08 donc il y en a 5 en Afrique, il y a le Brésil, le Portugal, la Timor en Asie,
04:12 puis aussi sur les voyages de la Renaissance, 15e, 16e, 17e,
04:17 où les Portugais sont allés partout dans le monde,
04:19 de Terre-Neuve au Japon, du Détroit de Magellan jusqu'au Tibet,
04:25 et donc finalement cette maison d'édition s'intéresse au monde entier.
04:30 – Alors je pensais que c'est vraiment une belle maison d'édition,
04:34 là vous avez apporté quelques livres que je peux citer,
04:36 donc nous allons… les idées reçues sur les grandes découvertes
04:38 dont nous allons parler aujourd'hui,
04:40 mais aussi les compagnons français de Magellan,
04:44 l'expansion portugaise dans le monde au 14e et 18e siècle,
04:49 – Voilà, c'est un livre de référence, c'est tout à fait sûr.
04:52 – "Édition de poche" ? – Oui, "Édition de poche".
04:55 – Et puis "Le voyage de Magellan",
04:59 donc vraiment de jolis livres, de jolis ouvrages,
05:03 et vous-même vous êtes l'auteur de nombreux ouvrages
05:05 que vous écrivez sous le pseudonyme de Xavier de Castro le plus souvent,
05:10 dont l'un sur le voyage de Magellan,
05:12 qui rassemble et confronte pour la première fois d'ailleurs
05:14 tous les témoignages directs sur l'expédition,
05:17 mais nous en parlerons lors d'une prochaine émission.
05:20 Alors je vous ai invité aujourd'hui, comme je le disais,
05:22 pour parler des idées reçues sur les grandes découvertes,
05:25 un livre que vous avez écrit en collaboration avec Jean-Paul Duviol.
05:29 Alors, est-ce à dire que les grandes découvertes,
05:32 à l'instar de tous les autres événements historiques,
05:34 font l'objet des informations, le terme peut-être un petit peu fort,
05:38 ou du moins d'idées reçues, volontaires, involontaires, de mauvaise foi ?
05:42 – Oui, les grandes découvertes, comme tous les événements historiques,
05:48 font l'objet d'idées reçues, je dirais de manière plus générale,
05:53 de simplification, parce qu'une idée reçue,
05:56 c'est une idée simplifiée,
05:59 des slogans qui s'imposent à la conscience collective,
06:02 mais ce n'est pas forcément une idée fausse.
06:04 – D'accord.
06:05 – Ça peut être une idée simplifiée, réduite,
06:08 et si on va gratter un petit peu,
06:10 on s'aperçoit que ce n'est pas exactement ça,
06:13 et que tous les faits qu'elles sont censées décrire
06:17 doivent être, comme toujours, nuancés, remis dans le contexte.
06:22 Donc parmi les idées reçues, il y en a qui sont complètement fausses,
06:25 et il y en a d'autres qui sont vraies,
06:28 mais qui ont besoin d'explications pour les comprendre.
06:31 – Alors, il me semble utile d'ailleurs de définir
06:35 ce que recouvre la notion de découverte.
06:38 Alors qu'est-ce que découvrir exactement ?
06:40 – Oui, découvrir, c'est pas seulement…
06:44 alors on parle de géographie,
06:47 le terme "grande découverte" a été créé au début du 19ème seulement,
06:51 par un portugais, le vicomte de Santa Reb,
06:55 et on parle donc de découverte géographique,
06:59 et il ne s'agit pas seulement d'aller dans un lieu
07:02 et d'y habiter ou d'y faire quelque chose.
07:05 On dit que les vikings ont découvert l'Amérique,
07:09 ce qui est partiellement vrai si on pense
07:12 qu'ils sont arrivés en effet à Terre-Neuve et sur la côte canadienne,
07:16 et ça en a des traces archéologiques notamment,
07:19 mais c'est pas seulement ça, découvrir,
07:22 c'est aller quelque part dans un lieu inconnu,
07:25 en revenir et faire connaître, identifier cette découverte,
07:29 et le faire connaître ici à l'Europe,
07:33 ou voire au monde entier.
07:35 Donc si on dit que des gens sont arrivés en Amérique avant Colomb,
07:41 qu'ils ont donc découvert, non,
07:43 parce qu'ils ne sont souvent pas revenus, j'imagine,
07:45 ils n'ont pas fait savoir, comme les vikings,
07:48 donc en effet, Colomb a découvert de nouvelles terres.
07:51 Mais est-ce qu'il a découvert l'Amérique ?
07:53 Souvent on en parle, pas vraiment,
07:55 parce qu'il ne l'a jamais identifié comme un nouveau continent,
07:58 pas vraiment, il y a un texte qui est un peu ambigu.
08:01 Et jusqu'à sa mort, il croyait être arrivé,
08:03 certainement sur des nouvelles terres, pas connues,
08:06 mais dans les parages de l'Asie.
08:08 Et comme on sait, c'est Vespucci qui parle pour la première fois de nouveau monde,
08:13 et c'est à la suite des écrits de Vespucci que dans la foulée,
08:16 les moines de Saint-Dié, Waldseemuller,
08:18 créent cette carte où le mot "America", "Terre d'Amérique",
08:21 "Go", Vespucci apparaît.
08:23 Donc voilà, on a besoin d'expliquer quand même
08:28 que veut dire "découvrir".
08:31 Mais en même temps, c'est un terme, "grande découverte",
08:34 qui est, on le comprend bien, une notion complètement européocentrée.
08:39 C'est nous qui découvrons le monde.
08:41 Mais quand on parle de découverte du Japon,
08:44 les Japons n'ont pas attendu les Européens pour être découverts.
08:48 Et on avait fait un livre pour l'anecdote qui s'appelait "La découverte du Brésil",
08:53 et on va la rééditer, je pense l'année prochaine,
08:56 on va changer le titre, on va dire "La découverte des Européens par les Indiens du Brésil".
09:00 Parce que c'est ça aussi, ils nous ont découverts.
09:03 Et d'ailleurs, ça a été une mauvaise affaire.
09:07 – On en parlera de la première rencontre.
09:09 Mais alors, moi je m'interroge sur les motivations de ces découvertes.
09:12 Est-ce que ce sont toujours les mêmes ?
09:14 Est-ce que c'est de l'argent ? Alors on parle beaucoup des épices.
09:17 Ou est-ce que c'est tout simplement la nature humaine
09:20 qui nous pousse à aller plus loin, à découvrir ?
09:23 – Sans doute la nature humaine, mais dans l'histoire des découvertes portugaises,
09:29 ce qui ont été les pionniers, s'est lancé sur l'océan, loin des côtes,
09:33 au sud, je ne parle pas des vikings, mais au début du 15ème siècle,
09:40 l'Afrique était terra incognita au sud des Canaries.
09:43 Et c'est les Portugais qui ont lancé les premiers bateaux,
09:46 puis des caravels, et qui ont descendu toute la côte africaine
09:50 jusqu'à doubler le Cap de Bonne-Espérance.
09:53 Alors les motivations, on les connaît puisqu'il y a des textes très clairs,
09:57 la chronique de Zorara notamment, la chronique de Guinée,
10:01 qui raconte les motivations du prince Henri, Henri le Navigateur pour l'histoire.
10:07 Et dans les idées reçues, il est dit que c'était un visionnaire
10:13 qui avait l'idée déjà du globe, du monde, du passage en Afrique.
10:20 Et tout ça, on le voit dans le livre de Jean Raspail,
10:24 "Tant qu'il y a des hommes", et c'est une idée qu'il y a aussi chez Zweig.
10:28 Non, ce n'était pas du tout ça, Henri le Navigateur,
10:30 c'était un homme qui voulait combattre l'islam avant tout,
10:33 et donc les navigations, c'était d'abord de combattre,
10:38 de contourner l'islam marocain pour les prendre à revers.
10:41 Dans les trois raisons de l'envoi des bateaux, c'est ça,
10:47 c'est des raisons religieuses.
10:49 Plus tard, quand Don Manuel enverra les Vashkos de Gama en Inde,
10:54 et d'autres, l'idée est aussi claire, il s'agit de prendre compte,
11:00 certes les poivres pour le trésor royal, mais aussi de rencontrer des chrétiens
11:06 et trouver des forces pour attaquer et conquérir l'Amèque.
11:11 C'est-à-dire qu'on a une idée de croisade encore chez les portugais,
11:15 cette idée de croisade qui va s'effilocher complètement au fil du temps,
11:20 d'abord parce que le roi Don Manuel va échouer au Maroc,
11:24 abattre l'islamo-maroc, Elbuquerque ne va pas réussir à prendre à n'aide,
11:29 et donc peu à peu le voyage va changer d'objectif,
11:34 il s'agira de s'enrichir, de plus en plus,
11:39 ce qui fait que François 1er traitera à un moment Don Manuel de roi épicier,
11:44 avec des dents, des épices, des biens.
11:48 – C'est pas forcément, c'est pas prendre des terres.
11:50 – Non, chez les portugais c'est pas prendre des terres,
11:53 bon ils sont très peu nombreux, c'est établir des comptoirs
11:56 avec une forteresse pour les défendre, se mêler à la population locale,
12:02 ils sont très très peu, ils sont un million à l'époque des découvertes,
12:05 et les bateaux transportent quelques dizaines d'hommes,
12:08 et donc chez les portugais il n'y a pas l'idée de conquête,
12:11 mais de s'établir un peu partout et jusqu'au Japon, du Brésil au Japon,
12:16 avec des comptoirs, des forteresses.
12:19 Les colonies de peuplement elles existent, oui, au Brésil,
12:22 mais pas en Afrique, pas pour l'instant du moins, et pas en Asie.
12:28 Alors à ce moment-là, en effet, il s'agit de s'enrichir,
12:31 de planter de la canne à sucre, c'est le début du commerce des esclaves,
12:35 qui a été initié par les portugais, et là on l'oublie beaucoup,
12:40 et il y a une phrase de Martyr d'Anguera,
12:43 qui est significative de cette époque, que j'aime à citer,
12:47 on est en 1518, c'est-à-dire à la veille du départ de Magellan,
12:51 Pierre Martyr d'Anguera c'est le chroniqueur,
12:54 un chroniqueur italien, mais du roi d'Espagne, du futur charlequin,
12:59 et il est à Séville, il voit les Magellans s'affairer, préparer les bateaux,
13:06 et il écrit à des amis marquis, marquis de Hurtado,
13:10 il dit "oui, sur le quai il y a beaucoup d'affairements,
13:13 on parle beaucoup de ce voyage d'un certain Magellan, un portugais",
13:17 et il ajoute cette phrase qui est quand même stupéfiante,
13:23 il dit "si l'expédition de Magellan réussit,
13:28 nous ôterons aux portugais et aux arabes
13:34 ce commerce des épices et des pierres précieuses qui efféminent les hommes".
13:40 C'est-à-dire un genre de mépris pour cet aspect purement commercial du voyage de Magellan.
13:45 Et déjà Colón, dans le voyage de 92, on oublie souvent que
13:51 sur les bateaux de Colón il n'y avait pas de prêtre,
13:54 donc il n'y avait même pas l'idée d'évangéliser.
13:57 Le voyage de Colón c'est d'aller en Chine ou au Japon
13:59 et de revenir avec les richesses de la Chine et du Japon.
14:01 C'est-à-dire que là on est passé, au début c'était toujours l'idée de croisade,
14:04 une idée religieuse, une idée moyenâgeuse, une idée "noble"
14:08 et là on bascule vers le monde d'aujourd'hui purement mercantile,
14:14 où le lucre est le seul dieu, disons, que tout le monde honore.
14:19 – Alors on en parlait tout à l'heure, vous disiez "les indiens du Brésil découvrent les européens",
14:24 qu'est-ce que l'on sait, parce que c'est toujours assez fascinant,
14:27 cette première rencontre ?
14:29 Alors j'imagine qu'on a tous l'image, il y a le film, je crois que le film est Ridley Scott,
14:35 Christophe Colón, on voit cette scène incroyable où c'est Depardieu qui débarque,
14:40 comme ça, il y a quelque chose de puissant.
14:43 Est-ce que l'on sait leurs impressions ?
14:46 C'est pas comme s'ils débarquaient non plus sur Mars ou sur la Lune,
14:49 parce qu'on retrouve des points communs, des arbres, des monts de mer,
14:52 mais est-ce qu'il y a un choc culturel, un choc des deux côtés ?
14:56 Comment ça se passe ?
14:57 Du côté espagnol certainement, parce que ça a très vite mal tourné,
15:01 esclavage, massacre.
15:03 Côté portugais, ça a été plus lent, parce que les portugais découvrent,
15:08 arrivent au Brésil officiellement en 1500,
15:11 et il s'agit de reconnaître une terre qui se trouve dans la démarcation du Portugal,
15:18 il faut rappeler brièvement que le monde a été coupé en deux,
15:21 verticalement, par le traité de Tordesillas,
15:24 et il ne s'agit pas tout de suite de chercher de l'or ou des richesses,
15:30 il s'agit juste de prendre possession du roi du Portugal,
15:33 et les portugais mettront 50 ans à lancer la colonisation du Brésil.
15:37 Mais sur ce premier contact au Brésil, on a un document exceptionnel,
15:42 comme on n'a pas vraiment du côté espagnol.
15:45 C'est l'écrivain de Bord, qui accompagne Pedro Álvarez Cabral,
15:50 qui en arrivant en avril 1500, décrit cette première rencontre.
15:54 C'est un texte de 30 feuillets, qui est court, que nous avons édité,
15:59 qui s'appelle "La lettre de Pérovage Caminha sur la découverte du Brésil",
16:05 il ne dit pas Brésil d'ailleurs, de la terre appelée Veracruz, de la vraie croix.
16:12 C'est un texte qui est dans la littérature portugaise,
16:16 un texte de référence, d'abord par sa beauté, par sa simplicité.
16:20 C'est un texte qui est étudié partout, c'est sans doute un des plus beaux textes
16:25 sur l'histoire des découvertes que l'on peut lire,
16:29 car c'est un texte où il y a une sorte de fascination mutuelle
16:34 des portugais et des indiens.
16:37 C'est très pacifique, les indiens accueillent les portugais,
16:42 ils font des échanges de véroterie, d'objets.
16:45 – Donc on communique par signes.
16:47 – Par signes, et c'est pacifique, il n'y a aucun geste de violence,
16:51 ni d'un côté, ni de l'autre.
16:53 Les portugais disent une messe, à laquelle les indiens assistent de loin,
16:59 et tout ça repose dans la paix.
17:01 Et Pérovage de Caminha parle de la beauté de ces hommes et de ces femmes,
17:07 ce qui à l'époque est très étonnant, parce que tout ce qui a la peau basanée,
17:11 nue en plus, est plutôt jugé comme des signes de sauvagerie,
17:15 non non très respectueux.
17:17 Il arrive même à dire cette phrase, qu'on ne lira plus pendant deux siècles,
17:21 c'est que "les femmes sont aussi belles si ce n'est plus que celles de Lisbonne".
17:25 Alors ça c'est une phrase tout à fait étonnante.
17:28 Et dans ce texte il y a un moment de grâce,
17:30 où deux civilisations se rencontrent, mais il n'y a pas d'affrontement.
17:34 Il y a eu sans doute des maladies qui ont commencé à se propager,
17:37 parce que c'est ça le drame de l'Amérique indienne,
17:40 c'est qu'elles ont été décimées par les maladies.
17:42 Mais il y a un moment de grâce, on se dit ça aurait pu continuer après tout,
17:47 comme ça.
17:49 Et ce texte est très très beau, très moderne,
17:52 c'est pour ça qu'il est étudié partout,
17:54 par sa simplicité, par sa beauté, par la grâce qui l'envahit.
17:59 – Alors les conséquences de ces découvertes sont immenses,
18:03 d'ailleurs on a toujours les répercussions aujourd'hui.
18:06 Donc vous vous la définissez comme une première mondialisation ?
18:09 – Oui évidemment, puisque les Portugais vont très vite,
18:12 enfin je parle des Portugais et des Espagnols,
18:14 mais les Espagnols vont se concentrer sur les Antilles, sur le Mexique,
18:18 puis sur le Pérou, et puis quand ils vont découvrir les mines du Potosi,
18:24 ça va être là le jackpot, ils vont enfin rentabiliser leur entreprise,
18:30 qui ne leur apportait pas grand chose,
18:32 c'est pas aux Antilles, ils plantaient de la canne à sucre,
18:34 enfin il n'y avait pas beaucoup d'or,
18:37 c'est vraiment avec le Pérou et le Potosi que la donne change.
18:40 Mais les Espagnols vont se concentrer sur…
18:43 – Sur les mines de quoi ?
18:44 – Comment ? – Sur les mines…
18:45 – Potosi, d'argent.
18:46 – D'argent.
18:47 – Et c'est ça qui va faire la richesse de l'Espagne,
18:48 par le commerce de l'argent, par Acapulco,
18:50 qui vont être envoyés en Chine, qui est très demandeuse d'argent.
18:54 Et du côté portugais, ils vont se trouver,
18:57 ils ont des comptoirs en Afrique tropicale depuis le milieu du XVème,
19:03 ils vont… comptoirs qui vont continuer à s'égrener.
19:07 La route des Indes passe par le Brésil, l'Afrique,
19:12 dans l'île de Mozambique, sur la côte Est, Goa en Inde,
19:17 et très vite les Portugais sont allés jusqu'aux îles, aux Épices,
19:21 les îles de Banda où pousse la Muscade,
19:24 et aussi les îles Moluc où pousse le Girof,
19:26 c'est-à-dire que dans toutes les zones tropicales,
19:29 d'Orient, de l'océan Indien, d'Afrique,
19:32 les Portugais sont là, des bateaux vont circuler,
19:35 des bateaux et des missionnaires,
19:36 qui vont transporter notamment des graines, des plantes.
19:39 Et au XVIème siècle, quasiment toutes les plantes vivrières
19:42 vont changer de continent, et parfois changer le devenir
19:48 de certains pays, comme l'Afrique, le manioc qui a été introduit
19:50 par les Portugais en 1550 sur l'île de Santoré,
19:53 va envahir toute l'Afrique, il va devenir la plante vivrière numéro 1.
19:56 La patate douce qui vient d'Amazonie va être introduite en Inde,
20:00 puis en Chine par les Portugais, c'est aussi la plante vivrière,
20:03 ça l'est toujours, numéro 1 des Chinois.
20:06 Les Portugais introduisent le piment, inconnu complètement en Asie,
20:11 d'abérique, en Inde, au début du XVIIème siècle,
20:14 ce qui a changé la gastronomie, comme vous le savez,
20:16 indienne et asiatique.
20:18 Et de même, les Portugais vont apporter des noix de coco
20:21 qui vont être plantées sur la côte ouest-africaine
20:24 et sur la côte américaine.
20:26 Donc on a une mondialisation de l'alimentation, des cultures,
20:31 dès le XVIème siècle, plus une mondialisation des échanges
20:34 puisque sur les quais de Séville et de Lisbonne,
20:37 qui sont les deux ports qui accueillent les bateaux
20:40 des Indes occidentales et des Indes orientales,
20:43 c'est les deux seuls ports habilités à recevoir ces bateaux,
20:45 eh bien Séville, l'or, l'argent et les produits des Antilles
20:50 vont être déversés, mais surtout à Lisbonne,
20:53 on va trouver le bois brésil de teinture,
20:56 l'ivoire de l'Afrique, d'autres produits africains,
21:01 les porcelaines de Chine, les toiles de Cambay,
21:06 les poivres, la cannelle de Ceylan,
21:10 le poivre du Malabar, la cannelle de Ceylan,
21:13 le bois de Sental, de Timor,
21:16 donc on va avoir vraiment un marché mondial à Lisbonne
21:20 dès les années 1520.
21:22 Et ça, ça a changé complètement la face du monde
21:27 et on est toujours dans cette phase simplement un peu plus poussée.
21:30 – D'ailleurs, vous soulignez le rôle fondamental des Portugais,
21:34 alors deux questions, est-ce qu'il y a un tropisme portugais
21:38 pour la grande, pour la découverte, pour le voyage,
21:41 et puis la rivalité avec les Espagnols,
21:44 et ça fait partie d'ailleurs des idées reçues que vous citez,
21:48 la colonisation espagnole aurait été plus violente
21:54 que celle des Portugais.
21:56 – Oui, c'est un peu l'idée que l'on a.
21:58 – Alors déjà le tropisme portugais, et ensuite les différences de méthodes.
22:02 – Le tropisme portugais, c'était un petit pays,
22:05 un million, deux millions au cours des découvertes,
22:08 15ème, 16ème, 17ème, très peu de gens,
22:10 c'est la première nation européenne avec ses frontières,
22:13 depuis 1249, le Portugal est dans ses frontières quasiment actuelles,
22:18 à l'époque où il n'y a aucun pays européen qui a ses frontières.
22:21 Le second ça va être l'Écosse.
22:23 Donc ils sont bien dans leurs frontières, une langue qui leur appartient,
22:27 adossés contre l'Espagne, mais pour eux le seul débouché c'est le Maroc,
22:31 avec l'obsession de la conquête du Maroc,
22:36 qui vont faire que ça va être la première nation
22:38 à lancer des bateaux le long de la côte du Maroc,
22:41 et puis de fil en aiguille, de descendre plus au sud,
22:44 et puis de découvrir très tôt,
22:47 de redécouvrir les îles de Madère en 1419,
22:50 les Açores de 1427 à 1450,
22:53 donc ils ont tout de suite un réseau d'îles,
22:55 un circuit pour les navires qui font des grandes boucles dans l'Atlantique,
22:59 dont naturellement les portugais étaient poussés à aller plus loin.
23:02 Et puis au milieu du 15ème siècle, après la mort d'Henri le Navigateur,
23:07 les navigations vont reprendre à titre privé,
23:10 parce qu'il y a des richesses en Afrique, et que les bateaux...
23:13 On pense à ce moment-là à aller en Inde par le cap de Bonne-Espérance.
23:16 Alors le tropisme du portugais, oui, on peut dire...
23:21 C'est-à-dire que l'histoire...
23:22 A posteriori maintenant, on voit que les portugais sont un peuple nomade,
23:26 un peuple démigré à tous les siècles.
23:29 Ils ont émigré, ils sont partis ailleurs, encore aujourd'hui.
23:32 Il y a 300 000 portugais au Venezuela,
23:35 400 000 au Canada, 1 million en Amérique,
23:37 50 000 en Australie, 300 000 en Afrique du Sud,
23:40 qui viennent tous quasiment de Madère, etc.
23:44 Il y a eu la grande émigration en Europe des portugais
23:47 lors du salazarisme, des guerres coloniales,
23:49 où 1 million de portugais a fui le pays.
23:52 Donc c'est un peuple démigré de tout temps, au 19ème, au 18ème, on le trouve ça.
23:57 Et déjà au 17ème, un prêtre jésuite très connu,
24:03 le père Antonio Vieira, qui était une sorte de bossuet portugais,
24:08 mais qui est aussi un personnage qui a vécu...
24:11 Très âgé, 87 ans, je crois.
24:14 Un grand défenseur des Indiens, des Juifs aussi,
24:18 grande figure portugaise,
24:21 qui avait une phrase tout à fait magnifique
24:24 pour définir ce que c'est qu'être portugais.
24:27 J'ai essayé de m'en souvenir de mémoire, il disait
24:30 "Naître petit et devenir grand est l'accomplissement d'un homme.
24:35 C'est pourquoi Dieu lui a donné si peu de terre pour naître
24:39 et tant pour sa sépulture."
24:41 – Mais pas pour... – Attendez la fin.
24:44 Il dit "Un lopin de terre pour naître, le monde entier pour mourir.
24:50 Pour naître le Portugal, pour mourir le monde."
24:54 Donc ça peut définir en effet ce que c'est qu'être portugais, encore aujourd'hui.
24:58 – D'accord. De qui est la phrase ?
25:01 – Antonio Vieira.
25:03 – Antonio Vieira.
25:04 Alors nous allons maintenant battre en brèche quelques idées reçues
25:07 et je vais vous poser une première question.
25:09 Est-ce que vous pensez, comme au Moyen-Âge,
25:11 comme l'enseignait l'Église, que la terre est plate ?
25:14 – Non, évidemment.
25:17 Mais je pense que cette idée que l'Église enseignait au Moyen-Âge
25:22 que la terre était plate est très répandue encore aujourd'hui.
25:26 J'ai entendu même un ministre dire dans le Sénat que Galilée...
25:34 À l'époque de Galilée, tout le monde pensait que la terre était plate
25:38 et lui a été vilipendé puisqu'elle a dit qu'elle était ronde et qu'elle tournait.
25:42 Même Desforges, le grand médiéviste, le dit dans un de ses livres,
25:48 pour en finir avec le Moyen-Âge, je crois que c'est ça,
25:51 elle dit au début qu'il y a une de ses étudiantes qui lui dit,
25:54 à un moment étonné, étudiante en histoire, il y a de ça 60 ans,
25:58 lui dit "ah mais Galilée, je croyais qu'il avait été brûlé
26:01 par l'Inquisition au Moyen-Âge parce qu'il avait dit que la terre était ronde".
26:04 Et quand je fais des conférences, des interventions,
26:07 beaucoup de gens le pensent, même des gens cultivés,
26:09 parce que c'est une idée très très répandue.
26:11 Un, que la Bible enseigne que la terre est plate,
26:13 alors que absolument pas, d'abord la Bible n'est pas un manuel de géographie,
26:17 mais vous savez il y a des sites internet qui collègent
26:19 toutes les phrases de la Bible censées expliquer que la terre est plate.
26:22 Par exemple il y a une expression dans une des traductions de la Bible
26:25 qui parle des quatre coins de la terre.
26:27 Ah voilà, quatre coins de la terre, donc la Bible pense que la terre est un carré,
26:31 comme si, donc les gens qui ont un peu bas de plafond,
26:34 qui n'ont aucune notion de ce que c'est que les lettres, la métaphore,
26:37 enfin bon bref, donc il y a des sites qui s'occupent de ça.
26:40 Ensuite, beaucoup plus intéressant, l'idée que oui, les anciens à l'Antiquité
26:45 savaient que la terre était ronde, mais avec l'Église, avec Saint Augustin,
26:50 il y a eu une régression de la connaissance, je cite des citations
26:54 de scientifiques ou d'historiens qui le disent,
26:56 régression de la connaissance et dans l'Église, dans son obscurantisme,
27:01 il enseignait que la terre était plate.
27:03 Alors quand on regarde les faits, jamais, jamais, des pères,
27:12 des autorités ecclésiastiques n'ont dit que la terre était plate, au contraire,
27:15 l'Église a toujours considéré qu'elle était ronde,
27:18 c'était enseigné à l'université, il y a le traité de la sphère
27:21 de Sacro Bosco qui date de 2200 et qui a été édité, imprimé,
27:27 qui était dans toutes les universités et les monastères,
27:30 où l'on voit des images de terre ronde avec des bateaux
27:34 qui disparaissent sur l'horizon, des éclipses,
27:36 donc c'est une idée complètement fausse mais qui est incrustée,
27:40 vous avez des sites qui s'y consacrent.
27:42 Et on cite toujours deux personnes, on dit des pères de l'Église
27:46 qui auraient dit que la terre était plate.
27:48 Alors on cite notamment Indico Ploetès, qui est une sorte de fou furieux,
27:55 un marchand dans le Sinaï qui a fait un texte en effet avec la terre,
28:00 qui est une sorte de tabernacle.
28:02 Déjà à l'époque, on est au 8e siècle, 8e, 9e siècle,
28:06 l'évêque d'Antioche se moquait complètement de ses thèses,
28:09 en disant que c'était des abrutis qui pouvaient dire ça,
28:12 mais évidemment dans tous les sites qui tiennent à prouver
28:16 que l'Église était obscurantiste, on cite ce personnage.
28:19 Et puis un autre, un raiteur du 3e siècle, Lactance,
28:24 qui se remoquait des gens qui pensaient que la terre était ronde.
28:26 Lactance n'était pas un géographe, c'est un raiteur,
28:29 ses sermons en latin ont été très étudiés,
28:32 ce n'était pas une autorité religieuse ni scientifique.
28:36 Alors ils sont toujours cités comme étant des autorités,
28:39 des autorités, pas du tout, ils ne sont pas des autorités.
28:42 Et ça continue aujourd'hui, alors ce qui est intéressant,
28:45 c'est de voir d'où ça vient.
28:47 C'est là où on s'est un peu attachés à montrer que c'est une idée
28:53 qui est née très présent, ni sieux, c'est vrai qu'avec Voltaire
28:57 et tout le mouvement des encyclopédistes,
29:03 on s'est moqué de l'obscurantisme de l'Église,
29:05 mais c'était plutôt pour l'Inquisition et puis pour d'autres sujets.
29:09 Par exemple, Copernic a développé la thèse de l'héliocentrisme en 1542,
29:15 ça s'est paru juste après sa mort, en termes mesurés,
29:18 présentons ça comme une hypothèse.
29:20 Galilée, 80 ans plus tard, la reprend,
29:24 et en effet, il est attaqué par l'Église,
29:28 en grande partie parce que le texte dans lequel il exprimait
29:31 sa théorie de manière ridiculisée, l'Église pensait le contraire.
29:36 En effet, à l'époque, l'Église pensait que la Terre
29:39 était au centre du monde et que tout le système du cosmos
29:43 tournait autour de la Terre.
29:46 C'était une idée qu'on trouvait dans l'Antiquité déjà.
29:48 Évidemment, Galilée la reprend, mais en termes un peu véhéments,
29:52 il a été assigné à résidence, il n'a pas été brûlé par l'Inquisition,
29:56 les gens confondent avec Giordano Bruno qui était brûlé en 1600,
30:00 et ce n'était pas au Moyen-Âge, et donc c'est une idée complètement fausse.
30:03 Mais elle est reprise au XIXe.
30:05 – Et puis un peu aujourd'hui encore, mais là, on n'a pas le temps de malentendement.
30:09 – Un mot quand même, parce que ce sont les anticléricaux
30:12 après la Révolution, dont Charles-Henri Le Trône,
30:17 grand géographe, qui a repris cette thèse.
30:19 Et depuis, cette thèse s'est imposée, peu à peu,
30:22 chez les anticléricaux, et au moment des thèses de Darwin,
30:25 c'est vrai que l'Église s'y est opposée massivement.
30:28 Alors là, les gens avaient beau jeu de dire,
30:30 "Ecoutez, déjà vous nous avez fait le coup de la terre plate,
30:32 vous n'allez pas recommencer."
30:34 Et puis ça s'est imposé, mais comme une idée courante.
30:38 Ce qui est grave aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup de gens
30:40 qui croient que la terre était plate.
30:42 Au Moyen-Âge, personne ne croyait que la terre était plate.
30:44 Ni les marins qui voyaient bien les navires disparaître,
30:46 ni les paysans qui voyaient bien les choses, ni les savants.
30:49 Tandis qu'aujourd'hui, je crois que 2% des Américains
30:52 sont persuadés que la terre est plate, 9% pensent que sans doute,
30:56 en France, ça commence à prendre.
30:58 C'est-à-dire à une époque où on a tous les moyens de connaître
31:01 la vérité sur ces zones, on est...
31:04 La proportion de gens qui pensent que la terre est plate est immense.
31:09 C'est-à-dire ce qui pouvait passer pour une potacherie,
31:12 comme la Flat Earth, quand la Flat Earth Society a été créée,
31:16 au 19e, devient quasiment une croyance très, très répandue,
31:20 notamment chez les évangéliques,
31:22 et aussi chez certaines sectes où habitent, pas toutes,
31:25 parce que d'autres, au contraire.
31:27 Mais, alors ça, c'est très grave, parce que c'est même très troublant.
31:32 Et pour l'expliquer, je ne vois qu'un moyen,
31:35 c'est de penser que pour les gens religieux,
31:38 notamment très religieux, enfin, très sectaires,
31:44 sectes religieuses, on ne parle pas de théologie,
31:47 on vit dans un monde, dans le monde de Matrix.
31:51 C'est-à-dire que, au fond, Dieu nous donne une sorte de réalité
31:55 que nous croyons voir, mais qui n'est que virtuelle,
31:57 et que la vraie vérité est d'un autre ordre.
31:59 Alors, sur tout ce thème, il y a un livre extraordinaire,
32:02 parce que j'ai écrit le premier article il y a dix ans,
32:04 qui vient de sortir aux belles lettres, qui s'appelle "La Terre plate".
32:07 - "La Terre plate", aux belles lettres.
32:08 - "La Terre plate", aux belles lettres, un livre remarquable,
32:10 fait par deux universitaires, et c'est tout expliqué,
32:13 et toute l'évolution de cette pensée très pernicieuse
32:16 est quand même une des choses les plus sidérantes dans l'histoire de la pensée.
32:19 - On va laisser rendre aux téléspectateurs si intéressés.
32:22 Alors, toujours sur les idées reçues,
32:25 je voudrais qu'on parle de deux personnages.
32:28 Vasco de Gama, qui est présenté comme une figure majeure
32:32 des grandes découvertes, là vous le mettez dans les idées reçues.
32:35 - Oui.
32:36 - Et puis on a aussi, en second lieu, Cortès,
32:39 est-ce que Cortès a vraiment brûlé ses vaisseaux ?
32:41 D'abord, Vasco de Gama.
32:43 - Vasco de Gama, c'est le grand personnage.
32:45 Même les Français le connaissent, donnons, c'est à dire.
32:48 C'est le grand personnage de l'histoire des voyages
32:53 et de l'expansion portugaise, ça c'est indubitable.
32:56 C'est une idée reçue qui est vraie.
32:58 Mais quand on regarde les faits, c'est beaucoup plus complexe.
33:00 C'est là où c'est intéressant.
33:02 Vasco de Gama est apparu à la fin du 19ème,
33:05 ce n'est pas lui qui a doublé le cap de Bonne Espérance.
33:07 - Oui.
33:08 - Ce n'est pas un marin exceptionnel,
33:10 mais c'est à lui qu'est revenue la charge d'aller
33:14 doubler ce cap et d'aller en Inde et d'en revenir.
33:18 Entre autres parce qu'il faisait partie de l'ordre de Santiago
33:21 qui était un des rares ordres dans lequel le roi Jean II avait confiance.
33:26 Bon, qu'importe, il part.
33:29 Sa campagne en Inde, de l'avis des chroniqueurs de l'époque,
33:33 était un désastre.
33:34 D'abord, il n'applique pas les ordres royaux.
33:36 Il n'en fait qu'à sa tête.
33:38 Il revient.
33:40 La seconde voyage ne lui est pas confiée.
33:43 On lui confie le quatrième.
33:45 Il fait un nouveau voyage en Inde qui est encore pire que le premier,
33:48 c'est-à-dire diplomatiquement.
33:50 C'est un désastre.
33:51 Il manque de faire tuer tous les Portugais, de mettre l'Inde à feu.
33:54 Un sang.
33:55 Il coule un bateau de pèlerins avec des femmes et des enfants,
33:59 crime qui lui sera reproché par les témoins et les chroniqueurs de l'époque.
34:03 Et quand il revient en 1503, il est mis à l'écart.
34:07 Il est mis à l'écart.
34:08 Il déplait au roi.
34:10 Il n'applique pas ses ordres.
34:11 Il fait un père sur un père.
34:13 Et donc, il mène une vie de notable.
34:15 Il est couvert d'honneur.
34:17 C'est un personnage puissant, par l'ordre de Santiago.
34:19 En plus, il a une très nombreuse famille qui est présente dans toute l'administration,
34:24 de nombreux descendants, des cousins, des neveux.
34:26 Il y a une sorte de lobby, je code gamma,
34:28 qui fait qu'il reste un personnage très important.
34:30 C'est un compte de 1524, c'est-à-dire trois ans après la mort de don Manuel,
34:34 qui va faire un dernier voyage là où il sera nommé vice-roi des Indes.
34:38 Mais quand on regarde les chroniques de l'époque,
34:41 je code gamma, il n'est pas le grand personnage.
34:44 Il est très critiqué.
34:45 C'est quelqu'un qui fait des erreurs.
34:47 On fait beaucoup plus l'éloge d'autres navigateurs
34:51 ou d'autres personnages comme Alphonse d'Albuquerque,
34:54 qui lui a conquis Hormuz, Aden,
34:57 pas échoué dans Aden, mais Goa et Malacca,
35:00 qui a construit vraiment l'empire maritime portugais,
35:03 et puis d'autres comme Don Juan de Castro, Grande Figure, etc.
35:06 Ce qui est intéressant avec ma code gamma,
35:09 c'est que ce personnage, qui dans les chroniques de l'époque,
35:12 n'est pas un personnage qui recueille l'unanimité,
35:15 va devenir la figure centrale.
35:20 – Il rentre dans la mythologie.
35:22 – Dans la mythologie, dans la mondiale même.
35:24 Et ça c'est depuis que Luiz de Camões,
35:27 le grand poète portugais, écrit "L'Elysiade" en 1572.
35:31 "L'Elysiade" c'est le poème national portugais.
35:34 Qui décrit, en gros, l'histoire du Portugal,
35:39 mais surtout la geste de Vácsko de Gama.
35:42 C'est-à-dire que Luiz de Camões, finalement,
35:45 soutenu, avait pour mécène la famille Vácsko de Gama.
35:49 Et à partir du moment où Vácsko de Gama devient le héros d'Elysiade,
35:53 qui devient un poème, un texte extraordinaire,
35:56 c'est le texte fondateur de la littérature portugaise à cette époque,
36:01 que tout le monde connaît aujourd'hui, que tout le monde a étudié.
36:04 C'est sûr que la statue de Vácsko de Gama est coulée dans un bronze
36:10 que rien ne pourra corroder.
36:13 Et sur ce sujet, on vient de republier la biographie
36:16 de l'Indien Sanjay Subramaniam, en mythologie qui fait référence,
36:20 qui s'appelle "Légendes et tribulations du viceroi des Indes",
36:24 qui est extrêmement décapante.
36:26 Et c'est le regard d'un Indien, en plus,
36:28 sur cette envahisseur brutale, et d'une manière très honnête,
36:33 juste sur la foi des archives, du texte de l'époque,
36:36 il démonte un peu le mythe de la grandeur de Vácsko de Gama,
36:40 tout en lui reconnaissant ses mérites.
36:42 Et donc c'est un personnage qui devrait être beaucoup plus controversé
36:46 qu'il ne l'est, et même encore beaucoup plus que Colomb.
36:50 – Et alors Cortès, on connaît l'expression,
36:54 comme Cortès, qui fait brûler ses vaisseaux, est-ce que c'est vrai, l'histoire ?
36:58 – C'est-à-dire, c'est vrai et c'est faux.
37:00 Qu'il les ait fait brûler, c'est complètement faux.
37:02 Qu'il a fait un geste, quand même, en arrivant au Mexique,
37:06 qui faisait que le retour était, disons, pas impossible,
37:09 mais contrarié, oui.
37:11 Ce qui est amusant, c'est de voir comment se construit ce mythe.
37:14 Cortès quitte Cuba pour conquérir le Mexique,
37:19 mais en désobéissant aux ordres de son supérieur.
37:23 Donc en effet, il arrive sur les côtes mexicaines,
37:26 il y a déjà eu deux expéditions qui ont très mal tourné pour les Espagnols,
37:29 pour conquérir le Mexique, enfin le Mexico, l'endroit où il est arrivé.
37:34 Et il avance de complots, beaucoup d'hommes veulent retourner à Cuba,
37:40 et donc il fait tirer ses bateaux sur la plage, il les fait échouer.
37:44 Les textes sont clairs à l'époque, il les échoue sur la plage,
37:47 il enlève les appareils, les voiles, les cornes,
37:49 pour qu'ils ne puissent pas servir, du moins qu'il soit besoin
37:53 de faire venir énormément de matériel pour les remettre en état.
37:56 Il ne les brûle pas, ils reserviront même plus tard,
37:58 mais il les désarme complètement, il les échoue.
38:01 Bon, ça c'est pour empêcher les désertions,
38:04 et lui permettre de foncer sur Mexico.
38:08 Mais bon, dans les premiers textes, c'est très clair, il les fait échouer.
38:13 Et puis, je crois que c'est en 1546, il y a la date exacte,
38:17 il y a quelqu'un qui dit qu'il a brûlé ses navires.
38:21 L'expression, elle est connue à l'époque, mais elle vient de Diodore de Sicile,
38:26 qui raconte l'histoire, donc au 1er siècle après J.-C.,
38:30 il raconte l'histoire d'Agatocle, tyran de Syracuse,
38:32 qui attaque Carthage et qui fait brûler ses vaisseaux
38:36 pour empêcher à ses hommes de repartir, et donc c'est la victoire ou la mort.
38:40 C'était un peu le cas pour Cortès, il devait gagner, sinon c'était un traitre.
38:44 – Il met quand même un côté un peu mythologique.
38:45 – Voilà, alors, l'expression "brûler ses navires",
38:48 qu'il reprend dans ses textes anciens, dans l'Antiquité,
38:52 fait que Cortès devient une sorte de héros de l'Antiquité
38:55 et que cette expression "brûler ses navires" va frapper les esprits
38:59 et donc va être reprise par tous les historiens, sans broncher,
39:04 et va donner lieu à énormément d'illustrations, de gravures, et jusqu'à aujourd'hui.
39:09 Et donc, l'expression "Cortès brûla ses navires" est ancrée dans l'esprit des gens,
39:13 même s'il ne les a pas brûlés.
39:15 Et ça, c'est assez amusant de voir le parcours d'une expression,
39:18 mais c'est vrai que le fait que l'on dise, qu'on écrive qu'il ait brûlé ses navires
39:22 marque les esprits et indique bien qu'en effet, il lui fallait réussir,
39:26 ou sinon c'était un traitre, il allait dans les geôles et sans doute a été exécuté.
39:30 – Alors, je voudrais terminer cette émission en évoquant la question de l'esclavage,
39:34 les rapports avec les indigènes et la fameuse controverse de Valladolid.
39:38 Controverse, l'idée reçue consiste à poser la question, savoir si les indigènes
39:44 avaient une âme ou non, et par là même, est-ce qu'on pouvait les faire tomber en esclavage.
39:48 Donc là, vous nous expliquez que c'est totalement faux,
39:52 ce n'était pas le sujet de la controverse.
39:54 – C'est une idée complètement fausse, ce qui est intéressant,
39:56 c'est que c'est une idée reçue et fausse, qui est très très récente.
39:59 Et l'origine est très simple, c'est un film, un téléfilm,
40:03 écrit par Jean-Claude Carrière, qui a donné lieu à un livre,
40:08 qui s'appelle "La controverse de Valladolid".
40:11 Et qui était très réussi, qui a eu un succès colossal,
40:16 tout le monde l'a vu, l'a revu, c'est passé dans les écoles.
40:20 Et le livre est même cité souvent dans les bibliographies
40:25 des élèves des agrégatifs d'histoire, comme une référence historique.
40:31 Alors Jean-Claude Carrière est un homme de talent que tout le monde connaît,
40:34 et il a mis dans cette histoire, dans la controverse,
40:38 toutes les thématiques qui ont eu cours au XVIème siècle,
40:43 sur les Indiens, est-ce qu'ils ont une âme, sur l'esclavage,
40:47 il a fait une fiction, il le sait d'ailleurs, il le dit,
40:51 qu'il a fait une fiction à partir d'éléments réels,
40:54 mais étalés sur une centaine d'années.
40:56 Alors dans ce film, avec d'excellents acteurs,
41:01 tout le monde se souvient de Marielle, de Carmet et d'autres,
41:05 eh bien on a une réunion à Valladolid, sous l'égide du pape,
41:12 du légat du pape, qui opposerait Sepulveda à Las Casas,
41:19 défenseur des Indiens.
41:21 Et donc en effet, d'après le scénario du film,
41:24 il s'agit de savoir s'ils ont une âme,
41:26 si on peut les réduire en esclavage,
41:28 et donc la discussion porte là-dessus,
41:32 il y a des Indiens qui sont amenés,
41:34 il y a des propriétaires d'Indiens, les encomenderos,
41:39 qui sont présents, mais quand on regarde le détail,
41:42 tous ces éléments sont faux, d'abord il n'y avait pas de présence
41:47 de légat du pape, il était complètement absent,
41:50 Las Casas et Sepulveda ne sont pas rencontrés,
41:53 Sepulveda a développé une thèse de son côté,
41:57 et Las Casas est venu le jour d'après,
41:59 pendant cinq jours a lu son histoire des Indes manuscrite,
42:03 qui devait être un pinceau.
42:05 Donc la seule question de cette réunion de Valladolid,
42:08 c'était la question de la guerre juste,
42:10 est-ce que la guerre contre les Indiens était justifiable ?
42:16 La seule question, c'était la guerre juste.
42:18 L'histoire de l'esclavage s'était réglée en 1503,
42:20 même si ce n'était pas appliqué, où la reine d'Espagne, Isabelle,
42:25 avait décrété que les Indiens ne devaient pas
42:27 être réduits en esclavage.
42:29 Donc cette question était réglée, même si les propriétaires
42:33 ne se gênaient pas, mais en même temps,
42:35 ils se rendaient compte que les Indiens mourraient de maladie très vite,
42:38 donc c'était un esclavage qui n'était pas très productif.
42:43 La question "ont-ils une âme ?" ça a été réglée en 1537,
42:47 par un décret du pape qui disait "oui, les Indiens ont une âme".
42:50 Donc cette question était déjà réglée.
42:54 A cette réunion, il n'y avait pas d'Indiens,
42:56 et il n'y avait pas de propriétaires.
42:58 Donc c'était deux monologues, et d'ailleurs,
43:01 qui n'a débouché sur rien, parce qu'il n'y a pas eu de compte-rendu,
43:05 de communiqué, de décision.
43:08 En plus, la question de savoir si la guerre contre les Indiens était juste,
43:13 c'était plutôt un bilan, puisqu'elle avait déjà commencé.
43:18 Donc c'était quelque chose d'un peu inactuel,
43:21 qui n'était pas très important en Espagne.
43:24 D'ailleurs, après la controverse, je dis "il n'y a pas eu de compte-rendu,
43:27 il n'y a pas eu de discussion".
43:29 Mais bon, ça c'est là, ce qui s'est passé vraiment...
43:32 – C'est pour le Veda de quand même défendre une thèse
43:35 sur laquelle il fallait faire la guerre.
43:37 – Oui, sur le fait qu'on pouvait faire la guerre contre les Indiens
43:40 sans les évangéliser, avant de les évangéliser,
43:43 tandis que Las Casas, en gros, défendait la thèse
43:46 qu'il fallait les évangéliser sans violence et sans contrainte.
43:50 – D'accord. – Et donc éviter toute guerre.
43:53 C'était un peu les deux thèses, mais qui ne s'opposaient pas vraiment.
43:56 Quand on a entendu Las Casas parler de son histoire des Indes
44:02 pendant 40 heures d'affilée,
44:06 je ne pense pas que les esprits étaient très éclairés.
44:09 Les votes à la fin ont été très vagues.
44:12 Alors, le génie de Carrière, c'est d'avoir réuni dans une même salle
44:17 tous les thèmes de cette époque
44:19 et exprimé de manière très claire et brillante,
44:22 c'est un livre brillant.
44:24 Mais ce qu'on peut lui reprocher, pas tellement à lui,
44:27 mais aux historiens, c'est de prendre...
44:30 Oui, le problème de Carrière, c'est qu'il a pris ce mot
44:34 "controverse de Vallée Adolide" qui est une chose historique,
44:37 qui a existé, qui a un fait,
44:39 et appliqué à un livre qui est une fiction.
44:41 Bien fait, très intelligent.
44:43 Donc il y a une confusion entre les deux.
44:45 Et maintenant, quand vous lisez des livres sur ces sujets,
44:48 tout le monde se fait référence au texte de Carrière,
44:52 même sans le citer, en disant "la controverse",
44:55 ou en discutant de savoir s'il y avait un lien avec le nom ou non.
44:58 Donc, vous me direz "c'est pas très grave",
45:01 mais ça montre comment les idées reçues
45:04 sont des idées qui simplifient les choses,
45:07 s'incruster dans l'imaginaire des gens.
45:10 Là, c'est pas très grave, c'est moins grave que bien d'autres choses,
45:14 mais surtout dans l'actualité d'aujourd'hui, bien sûr.
45:17 Mais si on est historien, c'est parce que,
45:20 si on s'intéresse à l'histoire, c'est parce qu'on veut avoir
45:23 un rapport le plus proche possible de ce que pourrait être la vérité.
45:27 C'est un exercice constant de critique personnelle,
45:30 de critique des faits, de critique des écrits.
45:33 Et donc, ça exerce esprit critique.
45:36 Ce qui serait intéressant, c'est de donner aux étudiants
45:39 le texte de carrière en histoire, et leur dire
45:42 "montrez ce qui est de l'ordre de la fiction, et ce qui s'est passé vraiment".
45:45 C'est citer comme bibliographie officielle,
45:48 à l'égal, à côté des grands livres, des grands historiens de l'époque.
45:52 – Dans la même suite, on dit aussi que la position de Las Casas
45:55 qui l'emporte, en faveur des Indiens, va favoriser la traite congénière.
46:01 – C'est une idée reçue qui est fausse, c'est vrai,
46:03 c'est la part des choses, c'est vrai que Las Casas,
46:06 qui a été une famille de colons au début, à Saint-Domingue je crois,
46:10 a vu comment étaient traités les Indiens, les a vus mourir,
46:13 a vu leur faiblesse devant les maladies, et a pensé,
46:16 c'est vrai je crois qu'il l'a écrit, que ça serait mieux
46:19 de faire venir des esclaves africains plus robustes,
46:22 plus résistants aux maladies, mais il l'a écrit sans penser
46:26 aux conséquences et à la traite massive qui se chiffre en millions d'hommes
46:31 comme on sait, et qui elle a été initiée par les Espagnols,
46:35 mais surtout par les Portugais, pour les moulins sucres du Brésil.
46:39 Mais Las Casas a écrit ça un peu maladroitement,
46:42 mais il a fait amende honorable, 40 ans après, il écrit très clairement
46:47 que c'était une erreur et une horreur surtout, l'esclavage.
46:50 Donc il faut lui reconnaître qu'en effet qu'il a eu des phrases,
46:53 mais c'est pas lui qui est à l'origine de l'esclavage,
46:56 il a juste dit quelques phrases dans ses récits qui pouvaient la justifier.
47:00 C'est pas lui qui a lancé la campagne d'esclavagisation,
47:04 on lui donne une responsabilité qu'il n'a pas,
47:08 et on oublie qu'il a fait repentance, il s'est aperçu
47:11 de cette erreur de pensée qu'il avait commise plus jeune.
47:14 – Bien Michel Chandain, merci beaucoup,
47:17 donc je renvoie à vos idées reçues sur les grandes découvertes,
47:20 on n'a pas pu toutes les citer, donc nous avons parlé
47:23 de la Terre plate au Moyen-Âge, mais aussi la célèbre école de Sagres
47:26 qui fut fondée par Henri le Navigateur.
47:28 – Qui n'a jamais existé, c'est une histoire extraordinaire.
47:31 – Vous parlez également des caravels, est-ce que vraiment
47:34 les caravels sont des navires de découverte ?
47:36 Vasco de Gamal s'en parlait, le Portugal connaissait le Brésil
47:41 avant sa découverte officielle, question que vous posez aussi,
47:44 et puis après tout un chapitre sur Christophe Colomb,
47:47 donc on a parlé, est-ce qu'il a vraiment découvert l'Amérique ?
47:50 Oui, et pas forcément les victimes.
47:52 Et puis Magellan, mais ça on en parlera dans notre émission,
47:55 qui lui a son bêtisier à lui tout seul.
47:58 – Toute la partie espagnole a été faite par Jean-Paul Duviol,
48:02 c'est un des grands hispanistes français,
48:05 un des grands spécialistes de l'Amérique et de cette période des voyages.
48:09 – Donc, idées reçues sur les grandes découvertes,
48:12 édition Chandain et puis tout le livre que je vous ai cité.
48:15 Je vous renvoie également à un numéro du Figaro Histoire,
48:19 "Quand l'Europe découvrait le monde auquel vous avez participé".
48:22 – Comme Jean-Paul Duviol.
48:24 – Merci infiniment, avant de nous quitter,
48:27 n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo,
48:30 de vous abonner à notre chaîne YouTube,
48:32 et maintenant vous allez retrouver Christophe Erlan et sa petite histoire.
48:35 Merci, à bientôt.
48:37 [Musique]
48:42 Aujourd'hui on va faire une petite mise au point sur les croisades,
48:45 parce qu'on va pas se le cacher,
48:47 il y a quand même pas mal de conneries qui sont dites sur le sujet,
48:49 c'est le moins qu'on puisse dire.
48:50 On voit les croisades comme une entreprise de conquête,
48:52 et parfois, quand on pousse la connerie encore plus haut,
48:55 on y voit un parallèle entre les croisades d'un côté pour les chrétiens
48:59 et les conquêtes arabes pour les musulmans, voyez le tableau.
49:02 Donc nous allons nous interroger,
49:04 qu'est-ce qu'une croisade, dans quelles circonstances ont-elles été menées,
49:08 et est-ce qu'on peut véritablement faire ce parallèle grossier ?
49:11 La réponse est non, évidemment, mais regardez quand même l'épisode.
49:13 [Musique]
49:38 Alors tout d'abord, qu'est-ce qu'une croisade ?
49:41 Une croisade, c'est le fait de se croiser.
49:43 Et se croiser, c'est effectuer un pèlerinage en arbre
49:47 pour obtenir la délivrance du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
49:50 Mais notez-le bien, le terme "croisade" est postérieur à la première croisade.
49:54 Une croisade est décidée par le souverain pontife,
49:57 uniquement le pape, et dans des circonstances particulières.
50:00 Ainsi, de 1096 à 1270, on a assisté à 8 croisades en Terre Sainte.
50:06 Bien sûr, il n'y a pas eu que des croisades en Terre Sainte,
50:08 il y en a eu aussi en Espagne, la fameuse Reconquista,
50:11 dans la Baltique, et aussi contre les hérétiques albijouas et qatar.
50:15 Ce qu'il faut bien noter, c'est qu'avant même d'être une expédition militaire
50:19 pour libérer le Saint-Sépulcre de Jérusalem,
50:21 la croisade est avant tout un pèlerinage.
50:23 Au Moyen-Âge, les pèlerinages sont très courants,
50:26 il y en a partout en Occident, en France,
50:28 et d'ailleurs, si vous regardez pas loin de chez vous,
50:31 vous pourrez sans doute trouver un ancien lieu de pèlerinage
50:33 qui est peut-être aujourd'hui recouvert par la végétation,
50:36 mais en tout cas, il foisonne.
50:38 A chaque pèlerinage était attachée une indulgence,
50:41 et évidemment, plus le voyage était long,
50:43 plus le lieu de pèlerinage était éloigné,
50:46 et plus l'indulgence était grande.
50:47 C'est logique, on va pas se faire arnaquer non plus.
50:49 Parlons maintenant de la première croisade,
50:51 et puis de toute façon, toutes les autres croisades en Terre Sainte en découlent,
50:55 donc en expliquant celle-là, on expliquera toutes les autres, en gros.
50:59 Alors, quel est le contexte, justement ?
51:01 A l'époque, la chrétienté médiévale est en ébullition,
51:03 ne serait-ce qu'en Europe, hein,
51:05 depuis 1054, on assiste au fameux schisme entre Rome et Constantinople,
51:10 et c'est également le début de la réforme grégorienne.
51:13 Et en Orient aussi, ça commence à se gâter.
51:15 Depuis 638, la Palestine et les lieux saints sont occupés par les Arabes.
51:20 Alors certes, ça n'a pas suscité trop de réactions,
51:22 puisque le pèlerinage n'a pas été interrompu.
51:25 Les pèlerins pouvaient accéder aux lieux saints,
51:28 mais ils devaient s'acquitter d'un impôt.
51:30 Et sur place, le culte était toléré,
51:32 bien que les chrétiens devaient s'acquitter également d'un impôt spécial
51:36 et porter des signes distinctifs,
51:39 en plus d'avoir l'interdiction de construire des églises.
51:42 Au début du XIe siècle, avec la montée sur le trône fatimide du calife Al-Hakim,
51:47 eh bien, les choses vont commencer à se gâter.
51:49 Premièrement, il a fait détruire un certain nombre de lieux saints et de lieux de culte en 1009,
51:55 et notamment le Saint-Sépulcre.
51:57 À la mort d'Hakim, les relations s'améliorent un petit peu,
51:59 mais en 1078, les Turcs Seljukides prennent Jérusalem.
52:04 Dès lors, les pèlerinages deviennent particulièrement dangereux,
52:07 et donc s'interrompent.
52:09 Face à cette menace turque pour les pèlerins,
52:11 eh bien, l'empereur de Byzance, Alexis Komnen,
52:13 appelle le pape Urbain II à la rescousse.
52:17 Il faut dire que malgré le schisme,
52:19 les relations entre Rome et Constantinople ne sont pas complètement arrêtées.
52:22 Et donc, eh bien, le pape Urbain II va profiter du concile de Clermont
52:26 pour appeler les chevaliers en armes et les barons
52:29 à prendre les armes pour défendre la chrétienté médiévale menacée.
52:34 Il importe que sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères
52:37 qui habitent les pays d'Orient et qui, déjà, bien souvent, ont réclamé votre aide.
52:41 Urbain II va donc se mettre à prêcher personnellement la croisade dans les grandes villes.
52:47 Ce qui est important de noter, c'est que cette croisade va justement se faire en deux temps.
52:51 Parce qu'il y a eu une première croisade qui est un peu moins connue
52:54 et qui s'appelle la croisade des pauvres.
52:56 Parce que si le pape Urbain II prêche dans les grandes villes
52:59 et s'adresse aux chevaliers en armes, aux seigneurs,
53:02 eh bien, il y a aussi tout un tas de prédicateurs
53:05 qui ont été prêchés également dans les plus petites villes et les villages.
53:09 Et donc, si le pape s'adressait aux puissants,
53:11 eh bien, des milliers d'anonymes, des paysans, des artisans, des mendiants
53:16 ont également été touchés par ces paroles.
53:18 Et c'est ainsi qu'ils se sont jetés par milliers
53:21 sur les routes de la Terre Sainte à des milliers de kilomètres.
53:24 La suite, vous la connaissez ou vous la devinez,
53:26 ils sont sans équipement, sans armes,
53:28 ils affluent vers Constantinople, puis vers l'Anatolie
53:31 et le 10 août, ils sont massacrés par les turcs dans la steppe.
53:35 La seconde partie de la croisade, la seconde étape,
53:37 eh bien, elle rassemble les nobles, les chefs de guerre
53:40 qui vont mener cette croisade à l'appel direct du pape sur leur propre denier.
53:44 C'est ainsi 30 000 hommes qui vont débarquer à Constantinople en 1097.
53:49 Le roi de France n'a pas pu participer personnellement,
53:52 puisqu'il a été communié, mais tout un tas de "seigneurs français"
53:56 participent à cette croisade, et les français sont majoritaires
53:59 au sein de ces troupes, et c'est pourquoi on leur donnera
54:02 le nom générique de "Franc".
54:03 Les croisés, on les appelle comme ça, puisqu'ils portent
54:06 une grande croix pectorale cousue sur leurs vêtements,
54:09 progressent difficilement, même si Byzance prend en charge
54:12 une partie du ravitaillement.
54:14 Ils passent en Asie, ils prennent Nice et Antioche,
54:17 mais la résistance des Turcs est très rude.
54:20 En juin 1099, ils arrivent aux portes de Jérusalem,
54:24 qui est entre-temps repassée aux mains des Égyptiens.
54:27 Le 13 juillet, un premier assaut échoue, mais le 15 juillet 1099,
54:32 la cité tombe aux mains des croisés.
54:34 S'en suivra un massacre qui a suivi la prise de la ville.
54:39 Ce massacre est avéré, il est violent, certes,
54:42 mais aujourd'hui, ce que je voulais dire, c'est qu'on a tendance
54:44 à retenir que ce massacre.
54:46 Alors que de l'autre côté, on ne parle pas du massacre
54:48 de la croisade des pauvres, par exemple, où près de 12 000 hommes
54:52 sans armes ont été massacrés par les Turcs.
54:54 On ne parle pas non plus du massacre de la garnison d'Antioche
54:57 par les Turcs, une fois que la ville a été prise.
55:00 Et puis, pour diaboliser un peu plus les croisés,
55:02 on parle également des pillages, bon ça, on ne va pas trop
55:04 revenir dessus, les croisés, il faut le noter,
55:07 ont tout laissé derrière eux, le ravitaillement de Byzance
55:10 est assez faible, il fallait bien subvenir à ses besoins sur place.
55:14 Mais ce qu'il faut surtout noter, non pas pour réhabiliter,
55:18 mais pour expliquer cette croisade qui nous est montrée
55:21 comme un événement noir aujourd'hui, c'est que ce n'est pas du tout
55:24 une colonisation de peuplement, ni une colonisation tout court.
55:28 La croisade n'a aucun but marchand.
55:30 La plupart des barons qui sont partis en Terre Sainte
55:33 ont plus perdu à partir en croisade que reçu lors de la croisade.
55:37 La croisade est une œuvre sainte, une expiation du péché,
55:41 en plus de cet objectif de libérer le Saint-Sépulcre,
55:44 mais les hommes de ce temps souhaitent avant tout faire leur salut.
55:48 Mourir à la croisade comptait plus que d'en revenir,
55:51 et comme le dira Jean Chiellini, la croisade fut d'abord et avant tout
55:55 une aventure d'âme, la chevauchée mystique du chrétien
55:58 vers la Jérusalem céleste, la marche vers Dieu sur les traces du Christ.
56:03 Alors que va-t-il advenir après la prise de Jérusalem ?
56:06 Eh bien, un royaume latin va être institué sur place.
56:10 Comme c'est lui qui a délivré Jérusalem, eh bien c'est Godefroy de Bouillon
56:14 qui va prendre le titre d'avoué du Saint-Sépulcre en 1100.
56:17 Il va refuser le titre de roi de Jérusalem,
56:20 mais son frère qui va lui succéder à sa mort va le faire
56:23 et sera donc le premier roi de Jérusalem.
56:26 Une grande partie des pèlerins combattants après la prise de Jérusalem
56:30 va revenir en Europe, en France, en ramenant de nombreuses reliques
56:35 et seule une poignée restera sur place.
56:37 Les francs restés sur place seront isolés
56:40 et devant le manque d'effectifs, on va créer des ordres monastiques guerriers
56:44 pour défendre les lieux saints et la route vers Jérusalem,
56:48 les hospitaliers en 1115 et les templiers en 1118.
56:52 Ça ne va pas empêcher la guerre de reprendre et les agressions venues de l'Orient
56:57 et c'est pourquoi sept autres croisades seront organisées en Terre Sainte par la suite.
57:02 Il s'agira surtout de défendre les acquis de la première croisade.
57:06 Plus le temps passera, plus les souverains se désintéresseront
57:09 de la cause des États latins d'Orient.
57:11 La dernière croisade de 1270 menée en Tunisie
57:15 où le roi Saint Louis trouvera la mort est un désastre dont on se souvient encore.
57:20 En 1291, la chute de Saint-Jean-d'Acre, dernier bastion latin en Palestine,
57:26 signe la fin des établissements chrétiens en Orient.
57:29 J'espère que vous avez maintenant saisi un peu l'importance spirituelle,
57:33 métaphysique de ces croisades qui n'étaient pas du tout de vulgaires expéditions militaires,
57:39 des guerres de conquêtes et encore moins des colonisations de peuplements
57:43 ou colonisations tout court.
57:45 J'espère que vous avez pu vous rendre compte de la grossière manipulation
57:50 qui consiste à mettre en parallèle les croisades et les conquêtes de l'islam.
57:55 Merci de m'avoir écouté.
57:56 Si ça vous a intéressé, partagez mais mettez aussi un pouce bleu, c'est le plus important.
58:01 Merci à Louis Landais de m'avoir aidé à préparer cette émission
58:05 et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode sur TV Liberté.
58:09 [Musique]
58:24 [Générique]