Interprétation "libre et personnelle" du Sermon de la Madeleine, par Marcel Annequin

  • l’année dernière
Lors d'une assemblée oblate le 25/01/2016, Marcel Annequin était invité à livrer sa propre lecture de texte fondateur pour les Oblats, le Sermon qu'Eugène de Mazenod prononça en l'église de La Madeleine pour le carême 1813.

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00:00 Je vais essayer d'un peu quoi, tant que faire se peut, de vous rendre compte de mon interprétation personnelle, mais vraiment personnelle, de ce serment qui m'a bouleversé quand je l'ai lu, j'avais 18 ans.
00:28 Où eux-jeunes a-t-il puisé un tel souffle prophétique ? Où ? Parce que c'est vraiment un message prophétique.
00:40 Et je pense que la racine mystique de ce message se trouve dans cette conversion de 1807. Je n'ai pas fait les études pour pousser de Michel, mais je pense ça.
01:04 Donc une expérience proprement mystique et qui place au cœur de son existence le Christ Jésus et sa Pâque.
01:17 Et il y a là l'expérience d'une radicalité de l'amour de Dieu et de sa miséricorde.
01:25 Alors cela dit, et qui est l'essentiel, compte tenu du contexte sociopolitique et ecclésial de l'époque, j'ai été très étonné, mais vraiment très étonné, du ton, de la forme, du contenu de ce message adressé, comme on le sait, tôt le matin, un matin de carême en Provençal,
01:49 à des gens quand même beaucoup laissés pour compte, on dirait des pauvres, des méprisés, des esclaves.
01:56 Ce message est d'abord atypique quant à la manière de désigner les catégories sociales auxquelles il s'adresse. J'insiste sur le « atypique ».
02:09 D'abord il part en termes collectifs, il ne s'adressera à des individus isolés les uns des autres.
02:19 Plus étonnant encore, selon moi, il les désigne en termes de « classes », « classes de gens vouées à passer leur vie dans l'exercice pénible d'un travail obscur », je dirais d'autres termes plus loin, voilà, « classes de gens vouées à passer leur vie ».
02:37 Le qualificatif de « classes » n'est pas, je pense, celui qui est employé par l'Église pour désigner les pauvres.
02:49 Le terme de « classes » est donc tout à fait étonnant, dans la bouche d'un ecclésiastique, dans une homélie, un matin, voilà.
03:03 Et donc, je dis parce que ça c'est un peu ma culture, on a le sentiment de lire Karl Marx avant l'heure, parce que Karl Marx est quand même venu longtemps après.
03:13 Mais il part en termes de « classes ». Et la manière dont il décrit ces catégories sociales les situe clairement dans leur condition d'exploiter et de dominer.
03:26 Il les situe, il ne fait pas qu'on en ait, il les situe dans leur condition. D'autre part, il ne s'agit pas d'un recadre de la société.
03:36 Il nomme avec leurs qualificatifs économiques, sociaux, avec leur situation d'exploitation, la dépendance d'un travail pénible.
03:46 Je cite quelques expressions du Salon de la Madeleine, je ne vais pas vous les lire en entier parce que ça va rallonger.
03:54 Il dit « classes de gens voués à passer leur vie dans l'exercice pénible d'un travail obscur qui vous met dans la dépendance et vous soumet aux caprices de vos maîtres.
04:07 Classes de gens, encore une fois le mot classe, classes de gens esclaves de ceux qui vous paient, exposés au mépris, à l'injustice et souvent même au mauvais traitement de maîtres quelquefois barbares.
04:22 Cultilateurs, vous n'êtes calculés que sur la valeur de vos bras ». Voilà, des termes extrêmement forts, avec des expressions très situées.
04:37 Donc pour vous dire en quelque sorte, quelquefois ce langage, ça me fait penser à ça, ça me fait penser au pape François, il était beaucoup cité ce matin, c'est pas mal c'est un jésuite.
04:49 Mais François il parle de déchet, en parlant des gens qui sont laissés pour compte. Le génie parle de rebut, le monde vous regarde comme le rebut de la société.
05:01 Voilà, donc ce message est atypique à cause de ce que je viens de dire, donc des personnes qui le désignent. Ce message est aussi atypique dans la manière dont il fait la relecture, j'allais dire, de la vie des gens à la lumière de l'évangile.
05:22 Au 19ème siècle, quand on parle des pauvres dans le discours chrétien, d'après ma petite culture, je pense qu'on les désigne généralement comme des personnes à aider, à assister.
05:36 C'est pas péjoratif ce que je dis du tout. À assister, à secourir, un peu comme des objets de la charité.
05:44 D'ailleurs la plupart des fondations religieuses très nombreuses au 19ème siècle vont tout à fait dans ce sens. On fait des hôpitaux, des écoles, des orphelins, etc.
05:55 Il n'y a rien de tel, mais absolument rien de tel dans l'approche de Gênes. Que dit-il ? Il commence par stigmatiser les situations dans le monde, leur situation en eux dans le monde.
06:08 Qu'êtes-vous aux yeux du monde ? Je vais le dire. Vous êtes considéré comme leur abus.
06:14 Puis il va même plus loin, il va même jusqu'à reprocher aux gens qui sont là, en quelque sorte quand même, de se plaire un peu dans leur situation.
06:24 C'est ce monde que vous avez choisi, c'est pour ça qu'il l'entend, c'est ce monde que vous avez choisi. C'est à lui que vous vous prostituez.
06:33 Il fallait l'entendre. Au fond il leur dit "ça c'est sans issue pour vous". Mais en quelque sorte il ne les plaint pas, il n'est pas en train de gémir sur eux.
06:47 Il a un discours, j'allais dire viril. Il ne les dédouane pas. Alors je pense encore une fois que ça ne devait pas être simple à entendre.
06:58 Au fond il leur dit "vous êtes un peu complices de ce qui vous arrive". Et ensuite il leur dit "moi je vais vous dire ce que vous êtes aux yeux de Dieu".
07:11 Alors là, c'est extraordinaire. Il commence, je n'ai pas pris le texte ici, mais il commence à leur dire "vous êtes mes frères".
07:21 Il ne leur dit pas "vous êtes mes...", mais encore un, le salaud, les machins, les complices, je ne sais pas quoi. "Vous êtes mes frères, vous êtes les frères de Christ, vous êtes comme des dieux".
07:33 Et quelle conclusion il tire ? Quelle conclusion il ne tire pas qu'il va venir les aider ? Il leur dit "cessez de ramper sur la terre, que vos yeux percent les haillons qui vous couvrent, il y a en vous une armée mortelle".
07:48 Donc ce n'est pas une consolation facile, mais c'est un appel puissant, très puissant. Le ressort de votre relèvement, il est en vous. Il est en vous. Vous avez en vous la source.
08:00 Alors mettez-vous debout. Ça me fait beaucoup penser à mon expérience de JOC pendant 45 ans, parce qu'il y a quelque chose qui ressemble un peu à ça.

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