Interrogé sur le cas d'un ressortissant ouzbek expulsé en novembre pour soupçons de radicalisation, Gérald Darmanin a affirmé "tout organiser pour qu'il ne puisse pas revenir (...) qu'importe les décisions des uns et des autres".
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00:00 Je cite Gérald Darmanin qui a dit cela avant-hier.
00:04 "Qu'importe les décisions des uns et des autres,
00:05 nous allons tout organiser pour qu'ils ne puissent pas revenir en France."
00:09 Que répondez-vous au ministre de l'Intérieur ce soir ?
00:13 Je dois vous dire que je suis effarée par de telles déclarations.
00:17 Je suis plus qu'effarée, je suis finalement effrayée,
00:19 non seulement par ces déclarations, mais aussi par l'absence de réaction.
00:23 Alors peut-être que les gens aujourd'hui sont un petit peu stupéfaits,
00:25 sont un peu sidérés, mais je crois qu'ils ne prennent pas vraiment
00:27 la mesure de la dangerosité, de la gravité de telles déclarations.
00:32 Finalement, que nous dit le ministre de l'Intérieur ?
00:35 Il nous dit "dans ce pays, il y a un homme,
00:37 il se trouve que c'est l'homme que je défends,
00:39 à qui les lois ne s'appliquent pas de la même manière qu'aux autres."
00:42 Il dit une deuxième chose par cette déclaration,
00:44 il dit que lui, ministre de l'Intérieur,
00:47 ne va pas respecter une décision de justice.
00:51 En d'autres termes, il nous dit qu'il est au-dessus des lois.
00:56 Et ça, si vous voulez, quand on est avocat,
00:59 mais tout simplement quand on est citoyen,
01:00 c'est absolument gravissime et effrayant.
01:02 Vous voulez dire quel que soit le dossier,
01:06 le profil des gens que l'on défend,
01:09 peu importe ce qu'on leur reproche.
01:11 Ce que vous mettez en avant là ce soir,
01:13 c'est un principe fondamental de l'État de droit.
01:16 Exactement, et ce que je dis aussi, c'est que ça dépasse mon client.
01:22 Ça nous concerne tous.
01:23 Quand les lois ne sont pas respectées,
01:25 quand les décisions de justice sont violées, sont bafouées,
01:28 ça nous concerne tous.
01:29 Pourquoi ? Parce que finalement,
01:31 quelle est la valeur de la loi quand elle ne s'applique plus ?
01:34 Et puis, on est à quel degré, pour le ministre de l'Intérieur,
01:37 de mépris de nos institutions judiciaires
01:39 lorsqu'on dit "les décisions des uns et des autres".
01:42 C'est qui, les uns et les autres, dans ce dossier ?
01:44 C'est la Cour européenne des droits de l'homme ?
01:46 C'est le Conseil d'État ?
01:48 Qui ont pris des décisions et qui ne les ont pas prises à la légère ?
01:51 À un moment, de quoi on parle ?
01:52 On parle d'une mesure provisoire.
01:54 En fait, ce dossier, il est en deux actes.
01:56 On va avoir tout d'abord le 14 novembre,
01:58 qui pour moi, à titre personnel et professionnel,
02:00 restera évidemment gravé dans ma mémoire,
02:03 où mon client va être expulsé alors qu'une mesure provisoire
02:07 de la Cour européenne des droits de l'homme empêche cette expulsion.
02:10 Monsieur le ministre ose dire sur la chaîne CNews, il y a deux jours,
02:14 que cette décision de la CEHDH ne s'appliquait pas à lui,
02:17 ne l'obligeait pas, ne suspendait pas l'éloignement.
02:20 C'est juridiquement totalement faux et c'est l'article 34.
02:23 Il va tout de même l'expulser.
02:25 Il va l'expulser dans des conditions qui sont hallucinantes,
02:29 sans même attendre qu'un juge puisse être saisi par moi-même,
02:33 sans même lui notifier la décision,
02:35 et alors que ça fait des mois que je demande justement cette décision
02:38 pour pouvoir l'attaquer et que de toute façon,
02:40 cette expulsion n'est pas possible.
02:42 Avez-vous des nouvelles de votre client ?
02:43 Depuis son expulsion, il y a un mois,
02:46 il a donc été renvoyé en Ouzbékistan.
02:50 Les nouvelles que j'ai, c'est qu'il est actuellement emprisonné
02:53 dans des conditions effroyables,
02:55 qu'il est dans une cellule avec 21 autres personnes de 30 mètres carrés,
03:00 qu'il va être jugé, qu'il n'a pas accès à son dossier pénal,
03:04 que son avocat n'a pas accès à son dossier pénal
03:06 puisqu'il s'agit d'un dossier pénal tellement fourni en Ouzbékistan
03:09 qu'apparemment ce dossier pénal est vide et n'existe même plus.
03:12 Ce que je sais, c'est que mon client risque la torture en Ouzbékistan
03:15 et c'est la raison pour laquelle tant la Cour européenne des droits de l'homme
03:19 en Estonie, lorsqu'il était en Estonie en 2019,
03:22 que plus tard en France, a empêché et a suspendu son expulsion.
03:26 Il a déjà été torturé, il va très certainement l'être de nouveau
03:30 et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'État,
03:32 dans une décision qui est en fait tout simplement logique,
03:34 tout simplement juridique, il ne faut pas dire à cette décision ce qu'elle ne dit pas,
03:38 il ne s'agit évidemment pas d'une décision politique
03:40 mais d'une décision prise par des juges indépendants,
03:43 dit "le ministère de l'Intérieur a méconnu une décision de justice en l'espace,
03:48 la décision de la CEDH qui s'appliquait, il faut revenir à l'État intérieur".
03:52 L'Ouzbékistan, on le note au passage et c'est l'une des spécificités de ce dossier,
03:55 l'Ouzbékistan a bien voulu récupérer son ressortissant,
04:00 contrairement à ce qui se passe par exemple avec la Russie lorsqu'il est question de Tchétchène.
04:05 Le Conseil d'État ordonne donc à la France de faire revenir votre client en France.
04:10 Comment cela peut-il se passer ?
04:12 Est-ce qu'il y a une obligation, si j'ose dire, de résultat de la part de la France,
04:16 par des autorités et donc du ministère de l'Intérieur ou du ministère des Affaires étrangères ?
04:20 Vous allez très vite.
04:21 Il s'agit ici d'une obligation uniquement de moyens,
04:23 il ne s'agit pas d'une obligation de résultat.
04:26 Mais ce que nous dit M. Darmanin, c'est que de toute façon,
04:28 il ne veut mettre aucun moyen pour respecter cette obligation.
04:33 Ce que j'attends et ce que je demande, c'est de pouvoir parler avec nos autorités,
04:37 que ce soit le ministère des Affaires étrangères ou encore le ministère de l'Intérieur.
04:41 Aujourd'hui, il existe ce qu'on appelle une protection absolue contre la torture.
04:46 Et je crois que c'est la fierté, que c'est l'orgueil de nos démocraties
04:49 de dire justement qu'il y a un droit à la vie et ce droit à la vie est intouchable
04:54 et c'est, et je le pense très très fermement, ce qui nous différencie de la barbarie.
04:58 Aujourd'hui, mon client est susceptible d'être torturé,
05:01 il faut tout faire pour qu'il ne le soit pas.