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Peut-on rire de tout ?

Nous avons reçu Anne Roumanoff, humoriste et comédienne française.

00:42 : Vrai/Faux
01:29 : C’est quoi “l’humour à la française” ?
02:12 : L'humour sur les réseaux fait-il de l'ombre aux humoristes traditionnels ?
04:25 : A-t-on peur de monter sur scène ?
06:47 : L'humour et l'évolution des mœurs.
10:17 : L'humour et la politique.
12:52 : Son avis sur la révolution des influenceurs.
14:28 : Méritocratie et réseaux sociaux.
16:00 : S'est-on fait américaniser ?
17:26 : Je rigole /Je rigole pas.

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Transcription
00:00 Les artistes sont tous un peu starbés et névrosés, sinon ils ne seraient pas artistes.
00:02 Je t'aime, ça ne me fait pas de mal.
00:06 Quand on est humoriste, on n'a pas tous les droits non plus.
00:08 Soit on fait rire, soit on ne fait pas rire.
00:10 Salut à tous, j'espère que vous allez bien.
00:12 Bienvenue sur le podcast du Crayon, le média qui ose réunir.
00:15 Débat, entretien profond ou sur le terrain, notre but,
00:18 que vous puissiez entendre toutes les opinions françaises, sans jugement ni parti pris.
00:22 Tous les jeudis, retrouvez nos émissions en version podcast.
00:25 Alors installez-vous confortablement, bonne émission.
00:29 Bonjour Antoine Manhoff.
00:30 Bonjour.
00:31 Je suis ravi de vous recevoir au Crayon.
00:33 On va commencer par un petit vrai/faux de plusieurs questions.
00:37 On va essayer de répondre de la manière la plus courte possible,
00:39 mais qui permet d'avoir un avis sur plusieurs questions.
00:42 On peut rire de tout.
00:44 Oui.
00:44 Je suis féministe.
00:46 Oui.
00:46 Sciences Po m'a considérablement ouvert des portes.
00:49 Non.
00:50 Coluche était un génie.
00:51 Oui.
00:52 L'humour est fondamentalement politique.
00:55 Non.
00:56 Notre époque manque de légèreté.
00:58 Oui.
00:59 Les réseaux sociaux abrutissent les gens.
01:00 Non.
01:02 Je défends Ayana Kamora.
01:04 Oui.
01:04 Je fais du politiquement correct.
01:06 Non.
01:06 Tout artiste a au moins fait un bide.
01:08 Oui.
01:09 Il n'a jamais été aussi simple de divertir les gens.
01:11 Non.
01:12 Quand on veut, on peut.
01:13 Oui.
01:13 L'humour fait forcément passer un message.
01:15 Non.
01:16 Je m'auto-censure.
01:17 Non.
01:18 L'humour est le reflet de la société.
01:20 Oui.
01:20 L'humour est le meilleur antidépresseur.
01:23 Non.
01:23 Youtube est une menace pour les stand-upers.
01:25 Non.
01:26 Je viens de dénoncer.
01:27 Non.
01:28 On vit une époque formidable.
01:29 Oui.
01:29 Il y a quelque chose qui, selon moi,
01:32 ressent bien de votre humour et même de l'humour actuellement en France,
01:37 c'est ce qu'on parle d'un humour à la française.
01:39 Et ça m'intéresse de savoir comment vous, vous le décrirez, cet humour à la française.
01:42 Est-ce qu'il est si spécifique que ça ?
01:44 Avant, je pense qu'il y avait vraiment une différence entre ce que faisaient les Américains et les Français,
01:48 parce que les Français faisaient plus des sketches à personnages issus de Fernand Reynaud,
01:52 et puis après Coluche, ils faisaient aussi beaucoup de personnages.
01:55 Et après, les Américains faisaient des stand-up.
01:57 Mais en fait, je pense que ça fait quelques années que tout ça est mélangé.
02:00 Il n'y a plus d'humour à la française, parce que moi, par exemple, dans mes spectacles,
02:03 je fais du stand-up et dedans, je mets des personnages,
02:06 ou je fais des personnages qui font du stand-up.
02:07 Donc, en fait, ce n'est pas...
02:09 Donc, je ne crois pas qu'il y ait un humour à la française.
02:12 Dans votre nouveau spectacle, du coup, "L'expérience de la vie",
02:14 vous parlez notamment de la nouvelle génération, aussi des réseaux sociaux.
02:18 Ça m'intéresse beaucoup, puisque c'est vraiment l'humour à explose sur les réseaux sociaux.
02:22 C'est un des contenus les plus partagés, les plus plébiscités.
02:25 Est-ce que ça fait de l'ombre aux humoristes traditionnels ?
02:29 Est-ce qu'au contraire, ça en crée de nouveaux ?
02:31 C'est quoi votre regard, vous, là-dessus ?
02:33 Je pense, l'un des deux, qu'il y a des gens issus du web qui sont montés sur scène.
02:36 Il y en a pour qui ça s'est bien passé, d'autres moins.
02:38 Il y a des humoristes qui ont une grosse communauté sur le web, très active.
02:43 Et il y a des gens, c'est formidable, parce qu'en fait, ils postent un truc,
02:46 tout le monde, tous leurs followers viennent et ils remplissent des salles,
02:49 sans s'occuper finalement d'un public qui ne serait pas connecté.
02:54 Alors après, je ne sais pas combien de temps ça dure,
02:57 mais c'est une nouvelle manière finalement de toucher du public.
03:02 Je trouve ça bien.
03:03 Je trouve que le web, c'est quand même un espace de créativité pour les gens.
03:07 C'est-à-dire que là où on était dépendants, moi à mon époque,
03:10 quand on démarrait, il fallait être pris, quelque part,
03:12 validé par un producteur qui te programmait dans une émission de télé,
03:15 pour exister.
03:16 Alors que maintenant, tu te filmes toi, tu fais ta vidéo et tu peux toucher les gens.
03:21 Donc ça, je trouve, ça donne de la créativité artistique,
03:25 ça donne accès à ce métier, à des gens qui n'auraient pas eu accès autrement.
03:28 Donc ça, je trouve ça formidable.
03:30 Ça ne mélange pas un peu les genres aussi ?
03:32 Ça mélange, mais au moins, ça ne me dérange pas en fait.
03:34 Je crois à humoristes traditionnels, humoristes du web, humoristes…
03:38 Après, à un moment, quand on monte sur scène, il y a une vérité des choses.
03:41 Soit on fait rire, soit on ne fait pas rire.
03:42 Il y a aussi des gens qui se sont cassés les dents,
03:44 des gens du web qui ont dit "je vais faire de la scène",
03:46 mais ce n'est pas si facile de faire de la scène et de faire rire à long terme aussi.
03:50 Même des animateurs télé aussi qui ont essayé de faire de la scène,
03:53 "mais moi je suis drôle, je vais faire…"
03:55 Et c'est compliqué en fait.
03:56 Et puis dans le spectacle d'humour, il y a que…
03:58 tous les gens qui le font et à long terme le savent,
04:01 il y a quand même un côté où tu dois remonter sur scène tous les soirs,
04:03 c'est comme monter sur un ring, tu remets ton titre en jeu.
04:06 Parce que quand même, un chanteur, je dis toujours, s'il n'est pas en forme,
04:09 eh bien peut-être qu'il y aura moins de briquet, il y aura moins d'ambiance, machin.
04:12 Mais un humoriste, en fait, la sanction, elle est immédiate.
04:15 Il y a des rires ou il n'y a pas de rires dans la salle, il n'y a pas d'entre-deux.
04:18 Donc voilà, et ça c'est quand même un truc qui est difficile quand même,
04:23 d'avoir une sanction immédiate.
04:25 On a peur, même après une carrière aussi complète que la vôtre,
04:29 on a peur encore aujourd'hui quand on remonte sur scène ?
04:32 Ben… alors je ne vais pas vomir comme Jacques Brel avant chaque spectacle,
04:36 ce n'est pas une peur terrifiante, mais c'est important.
04:40 Par exemple, avant le spectacle, je ne peux pas parler à 15 000 personnes,
04:43 j'ai besoin d'être dans mon truc, de me préparer, d'être…
04:47 je ne sais pas, c'est quand même être seule sur scène pendant 1h40 et faire rire les gens,
04:51 ce n'est pas rien.
04:53 Je ne dis pas que c'est moins dur que faire un combat de boxe ou que faire les Jeux Olympiques,
04:57 mais c'est une espèce de performance quand même.
05:01 Quand on y pense, c'est un peu un métier de fou de faire ça,
05:03 de dire "je vais aller sur scène, je vais faire…", c'est un peu bizarre comme métier.
05:07 Moi, j'ai commencé très jeune, donc je ne me pose plus la question,
05:09 mais il y a un moment, genre quand j'avais 30 ans,
05:11 je me disais "mais qu'est-ce que c'est que ce truc, en fait, c'est bizarre".
05:15 – Un sociologue américain qui avait analysé le phénomène de la drogue dans les pop stars
05:19 en disant qu'il y avait aussi une vraie redescente post-concert
05:24 qui après a créé un manque de dopamine du public,
05:28 est-ce qu'on ressent ça aussi en tant qu'humoriste, ce haut et ce bas ?
05:31 – Non, je ne me drogue pas.
05:34 – Non, c'est pas la même chose.
05:35 – Non, mais je ne parle pas de ça, mais non, je ne ressens pas un vide après le spectacle,
05:38 moi je sens plutôt une immense fatigue parce que je donne,
05:41 je reçois aussi pendant une heure et demie,
05:42 mais il y a un échange, c'est fort, c'est intense,
05:45 et après quand ça s'arrête, non, je suis plutôt très fatiguée.
05:48 Et en province, je prends toujours le temps de faire des autographes dans le hall,
05:51 et souvent les gens, ils me regardent, ils se disent "elle n'est pas comme sur scène",
05:55 mais non, en fait, je suis vidée, donc je n'ai plus de jus, en fait, quand même.
05:58 Comme j'ai tout donné, ce que je pouvais pendant une heure et demie,
06:00 donc après, j'ai un don, mais ce n'est pas un don que j'ai envie de me droguer,
06:03 moi j'ai plutôt envie d'aller me coucher, regarder la télé.
06:07 C'est une énorme intensité, et en fait, cette intensité,
06:11 aujourd'hui, parfois, est remplacée par les hauts de dopamine des réseaux sociaux ou autres,
06:17 et je trouve un vrai sujet aujourd'hui dans le monde artistique, quand même,
06:20 cette question de la gestion de la santé mentale des artistes, où c'est très difficile.
06:24 Je pense que la gestion de la santé mentale est un problème pour tout le monde,
06:27 pas que les artistes.
06:28 Vous ne trouvez pas qu'il y a une spécificité ?
06:30 Les artistes, ils sont tous un peu starbés et névrosés, sinon ils ne seraient pas artistes,
06:33 mais après, il y a des gens qui sont starbés et qui ne sont pas artistes,
06:36 donc à la limite, c'est mieux un starbé artiste,
06:38 parce qu'il va évacuer un peu de sa névrose dans son art,
06:41 alors qu'il y a des gens qui n'ont pas de soupape à leur névrose,
06:44 donc ça c'est plus compliqué.
06:47 Vous avez du coup fait quasiment 35 ans de scènes de salles remplies,
06:52 est-ce que vous avez vu une évolution des mœurs ou des blagues que vous tentez,
06:55 ou des risques que l'on prend dans l'humour,
06:57 parce qu'on a vu plusieurs humoristes, avec des dérives pour certains,
07:01 avoir des gros problèmes de bad buzz ou autres à cause de blagues ?
07:05 Comment on gère ça, l'évolution des mœurs ?
07:07 Alors déjà, je n'aime pas du tout le mot blague,
07:09 parce que je ne fais pas de blague,
07:11 non mais je n'aime pas ce mot-là,
07:14 pour moi, blague, ça me fait penser à du carambar,
07:16 les blagues carambar ou malabar,
07:18 non, moi c'est des textes, bien sûr,
07:22 mais je veux dire, pour moi, un humoriste,
07:24 c'est quelqu'un qui tend un miroir à la société,
07:25 donc clairement, la société, elle évolue,
07:27 donc la manière de faire de l'humour, elle doit évoluer aussi,
07:30 il y a des thèmes qui n'étaient pas touchés à 10 ans,
07:34 qu'ils sont maintenant,
07:35 mais ce n'est pas inintéressant,
07:37 parce que ça fait créer, qu'elle va avec des contraintes,
07:39 et quand on crée avec des contraintes,
07:41 ça peut augmenter la créativité,
07:43 moi j'ai réussi dans ce spectacle,
07:46 vous avez vu, je fais un sketch sur le wokisme,
07:48 où je donne plusieurs points de vue,
07:50 le point de vue d'une fille woke,
07:51 de sa mère qui essaie de comprendre ce que veut dire sa fille,
07:54 du mari qui n'est pas du tout déconstruit,
07:56 et ces trois trucs qui se confrontent et qui s'affrontent,
07:59 donc moi je trouve intéressant quand il y a un thème,
08:01 d'arriver justement à l'intérieur de ces contraintes,
08:04 à quand même dire des choses,
08:06 et après je pense aussi que,
08:08 quand on est humoriste, on n'a pas tous les droits non plus,
08:11 parce qu'il y a eu un moment où sous prétexte d'humour,
08:14 une espèce de gros connard abruti,
08:16 "ah non mais c'est de l'humour",
08:18 "comment ça c'est de l'humour ?"
08:19 "non c'est une insulte en fait",
08:20 donc il faut quand même faire la différence,
08:22 l'humour ça doit faire rire,
08:24 quand on insulte les gens,
08:26 après il y a aussi des humoristes qui ont beaucoup de succès en insultant,
08:29 et c'est leur marque de fabrique,
08:30 et puis moi je pars du principe que tout le monde est libre,
08:32 c'est la liberté, c'est merveilleux,
08:35 les gens de Charlie Hebdo l'ont payé cher,
08:37 on vit dans un pays libre,
08:38 donc c'est à chaque humoriste de prendre sa responsabilité,
08:39 de dire "moi je fais rire de telle manière",
08:41 il y a des gens hyper brillants dans l'humour noir,
08:43 un humour qui dérange,
08:45 et ça se passe très bien,
08:46 et tant mieux ils sont doués,
08:47 ils aiment bien aussi provoquer un malaise sur scène,
08:50 donc je trouve ça super qu'il y ait toutes sortes d'humour,
08:53 c'est comme il y a de la nourriture espagnole dans les restaurants,
08:55 japonaises, chinoises,
08:56 moi après je dis que ce qui est important c'est de faire de la bonne nourriture,
08:58 donc de faire quelque chose de qualité en fait,
09:00 et je pense que le public ne s'y trompe pas,
09:02 le public veut manger dans un bon restaurant,
09:04 après peu importe le choix, l'acte, etc.
09:07 Donc je pense que dans l'absolu on peut tout dire,
09:10 tout est possible,
09:11 après ça dépend de la manière de le dire,
09:13 qu'est-ce qu'on a envie de dire,
09:14 mais après je trouve qu'être humoriste,
09:19 avoir la parole,
09:20 ça induit une responsabilité,
09:21 pourquoi les journalistes doivent faire attention à ce qu'ils écrivent,
09:24 est-ce qu'ils ont une responsabilité par rapport à l'éditeur,
09:26 moi j'ai toujours eu ce débat-là quand j'avais des émissions à la radio
09:29 avec les chroniqueurs en disant "c'est drôle",
09:30 j'ai dit "oui mais d'accord c'est drôle,
09:32 mais ça veut dire quoi cette blague,
09:33 en fait ça veut dire que tu dis que..."
09:36 Donc je trouve qu'il y a quand même un espèce de travail éditorial,
09:40 ça ne veut pas dire faire attention à chaque mot quand on est malade,
09:44 non ce n'est pas ça,
09:45 mais l'humour ne donne pas tous les droits,
09:47 ou le prétexte de l'humour ne donne pas,
09:48 je ne vois pas pourquoi tous les métiers,
09:51 les gens devraient faire gaffe à ça,
09:52 c'est vrai que l'humour,
09:55 mais en même temps c'est bien aussi qu'il y a des gens qui bousculent les codes,
09:58 et par exemple l'excès de Politiquement Correct aux États-Unis
10:02 a donné le mouvement inverse,
10:03 c'est-à-dire que je me souviens à Montréal il y a 4-5 ans,
10:06 il y avait des shows qui étaient à minuit qui s'appelaient "Nasti Show",
10:10 où c'était justement un Politiquement Correct et les gens venaient pour ça,
10:14 donc voilà tout est possible,
10:16 ça dépend de la manière de le faire.
10:18 – Je prends l'exemple d'un côté d'un Dieudonné
10:22 qui a eu un énorme ban médiatique,
10:26 il a été vraiment mis au banc des humoristes,
10:29 et de l'autre côté des Charlie Hebdo qui ont été extrêmement piquants
10:32 et qui ont eu des conséquences meurtrières même de tout ça,
10:37 comment un humoriste perçoit ces choses-là
10:39 qui du coup rentrent tout de suite dans le politique
10:41 alors que les deux, que ce soit Charlie Hebdo ou Dieudonné,
10:44 sans les mettre d'aucune honte, sans pire égalité,
10:46 se revendiquaient faire de l'humour ?
10:48 – Franchement, ce n'est pas la même chose.
10:50 – Je ne dis pas que c'est la même chose,
10:51 mais comment on le vit quand on réécrit ses textes après derrière,
10:54 quand on va faire de l'humour sur scène ?
10:57 Est-ce qu'il y a un avant après ?
10:58 – Non.
10:59 – Non ?
11:00 – Non, non, non, mais par contre,
11:02 être en phase avec l'époque dans laquelle on est,
11:05 je ne sais pas, même avec le moment,
11:07 c'est-à-dire que moi je le vois,
11:09 j'ai un passage où je parle un peu de l'actu,
11:12 prenons un truc comme le Covid,
11:15 il y a eu un moment où des choses sur le Covid,
11:19 ça ne faisait énormément rien quand on était dedans,
11:22 quand on a pu remonter sur scène,
11:23 mais il y a eu un moment, quand il y avait un reconfinement,
11:26 je me souviens d'un jour, j'étais à Bobineau,
11:28 et j'étais là, le truc avait marché trois jours avant, hyper bien,
11:32 et là, tout d'un coup, ça angoissait les gens.
11:34 Ou je me souviens aussi d'être montée sur scène,
11:36 après les attentats de Charlie, j'étais dans le quartier,
11:39 quand c'est arrivé à la Lambra, on a arrêté deux jours et j'ai repris.
11:43 En fait, les mots, je me souviens que j'avais un sketch
11:46 avec une touriste américaine qui parlait de Paris,
11:48 les mots n'avaient plus le même sens, tout d'un coup.
11:50 Et il y a eu des… je ne sais pas,
11:53 il y avait une gravité dans la salle qui était…
11:55 C'est très… je me souviens aussi d'une fois,
11:59 je ne sais pas ce qu'il y avait,
11:59 mais j'avais dit "on va rire un peu en attendant la deuxième guerre mondiale",
12:02 ça n'avait pas du tout fait rire.
12:04 Mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a parfois des moments aussi
12:08 où ce n'est pas le moment, en fait, et qu'il faut être sensible à ça.
12:11 Et moi, je pense que le rôle de l'humoriste, comme je le conçois,
12:15 c'est de divertir, de faire réfléchir aussi, mais de divertir.
12:18 Donc… et encore une fois, on a une responsabilité,
12:22 à partir du moment où on s'exprime en public.
12:24 Alors, Dieu merci, quand on est en scène de spectacle,
12:26 normalement ce n'est ni filmé, ni enregistré,
12:28 donc on est finalement libre, quelque part,
12:31 plus que quand on est à la télé, à la radio.
12:33 Et quand vous êtes à la télé, à la radio,
12:34 il y a des gens qui vous écoutent qui n'ont pas forcément choisi d'être là,
12:36 qui ne sont pas forcément…
12:39 - Donc… - Et oui, je comprends très bien.
12:43 Et puis, aujourd'hui, avec les réseaux sociaux,
12:45 ça peut prendre une ampleur de dingue,
12:47 où il y a des blagues qui sont plébiscitées dans la minute,
12:50 comme condamnées dans la minute.
12:52 Ces changements de code qu'on a tous vu arriver,
12:55 et puis, vous avez une partie que vous avez faite chez Michel Doriquet,
12:58 où vous parliez des réseaux sociaux, de la révolution,
13:00 que c'est devenu quasiment une religion,
13:02 où on se fait influencer non plus par des prêtres ou des…
13:05 - Ça, c'est un texte de spectacle, ça.
13:08 - Bien sûr. Et qu'est-ce qui, vous, vous fascine
13:12 dans cette révolution des influenceurs, en fait,
13:15 et des nouveaux leaders d'opinion ?
13:17 - Je ne suis pas fascinée, en fait.
13:18 Je constate, après…
13:20 Je pense que…
13:21 Enfin, moi, j'ai une confiance dans la nature humaine,
13:23 que les choses vont s'auto-réguler.
13:24 Donc, on a été dans des excès.
13:27 Et puis, après, il y a un excès dans un sens,
13:29 puis dans un autre sens.
13:30 Enfin, c'est vrai, c'est comme la mini-jupe,
13:32 c'est un monde, ça descend, donc, tout d'un coup…
13:34 Et je ne suis pas…
13:35 Moi, j'ai une confiance dans les gens, dans la nature humaine.
13:39 Et voilà, je ne suis pas dans le jugement,
13:41 où je regarde ce qui se passe, ça m'intéresse.
13:43 Il y a des trucs que j'aime, que je n'aime pas.
13:45 Je constate, en effet, que les gens, ils ont l'insulte facile,
13:48 vraiment, depuis, je dirais, six mois, un an.
13:51 Il y a un côté très éruptif dans la société française,
13:54 où vraiment, les gens, ils montent direct.
13:57 Quand tu fais un truc sur Twitter,
13:59 les gens commencent à te tutoyer en t'insultant et tout.
14:02 Moi, je ne réponds jamais, en fait.
14:03 C'est-à-dire, je lis les trucs, je n'efface pas les gens,
14:06 je les laisse, je ne réponds pas, en fait.
14:08 Je trouve que ça ne sert à rien de répondre à quelqu'un
14:10 qui t'insulte et qui est énervé, pour dire quoi, en fait.
14:13 Je n'ai pas envie de parler avec ces gens-là.
14:15 – Il y a eu cette phrase de Christian Bale qui disait
14:19 "Si jamais tu as un problème avec moi, appelle-moi,
14:22 et si tu n'as pas mon numéro, c'est que tu n'as pas de quoi
14:24 avoir un problème avec moi."
14:25 Je trouve que c'était assez juste sur la situation.
14:28 Mais cette révolution, dont nous, même nous,
14:31 on est parfois les porte-parole d'un point de vue médiatique,
14:34 des réseaux sociaux, est-ce que, et on a vu Rémi Gaillard
14:37 qu'on avait reçu, qui est du coup un des premiers Youtubers,
14:40 et qui, lui, avait trouvé qu'aujourd'hui,
14:42 il y avait une plus grande facilité à l'accès à la célébrité,
14:45 y compris qu'elle était plus éphémère.
14:48 Est-ce que quand on vient d'un monde où il y a eu ces barrières
14:51 de producteurs, il y a eu ces barrières de télévision,
14:54 de médias pour réussir à percer, parfois on se sent pas un peu frustré
14:58 de ne pas avoir pu être dans cette époque où justement,
15:00 on peut tout faire sans permission ?
15:01 – Non, franchement, je trouve que c'est très difficile
15:04 pour des gens qui démarrent maintenant, il y a tellement d'humoristes,
15:07 tellement, tellement doués aussi.
15:09 Comment on fait pour percer quand on a 20, 25 ans ?
15:12 Oui, on a les réseaux sociaux, mais c'est compliqué d'émerger,
15:15 de durer, je trouve ça plus dur presque.
15:17 Non, j'ai pas pitié, mais je me dis, non, non,
15:22 j'aimerais pas avoir 20 ans maintenant et me dire "je vais être humorée",
15:25 je sais pas, ça dure quoi.
15:28 – Et à part les réseaux sociaux, c'est quoi les grands changements
15:30 sociétaux qui vous amusent, que vous aimez commenter
15:33 et que vous trouvez loufoques ?
15:37 – Alors, je sais pas si je trouve ça loufoque parce qu'on fait parler
15:39 avec le bonheur et c'est pas forcément des choses qui sont drôles en soi,
15:42 mais par exemple, dans le début du spectacle,
15:44 je parle de toutes les machines à la poste, les caisses automatiques,
15:47 les caisses pour s'enregistrer soi-même à l'aéroport,
15:50 donc ça c'est quand même une révolution dont on parle peu
15:51 et qui impacte beaucoup les gens.
15:54 Voilà, je sais pas, de toutes les manières, les nouvelles relations amoureuses,
15:57 le coaching, le développement personnel, tout ça, ça m'intéresse.
16:00 – Oui, ce personnage de coach américain, américaine là-dessus,
16:04 est-ce qu'on s'est fait américaniser ?
16:06 Parce que c'est vrai que ce que vous disiez au début d'interview,
16:08 sur toute la partie aujourd'hui, il y a moins de spécificité française
16:12 ou américaine parce que tout est devenu un peu mondial.
16:15 Est-ce que c'est quelque chose qu'on doit louer ou qu'on doit regretter ?
16:18 – Mais ni l'un ni l'autre, et enfin, il y a quand même des spécificités françaises,
16:21 dont la nourriture par exemple, on mange pas.
16:23 – Bien sûr.
16:24 – Voilà, non mais vraiment.
16:24 – Par rapport aux États-Unis, surtout.
16:25 – Non mais les gens sont moins gros en France, ils s'habillent mieux,
16:28 je sais pas si c'est bien ou pas bien, mais enfin il y a quand même chose,
16:31 même la drague en France, c'est pas pareil qu'aux États-Unis,
16:33 il y a quand même beaucoup de différences.
16:34 Je sais pas, c'était mieux avant,
16:37 je trouve que cette phrase ne sert strictement à rien.
16:39 C'est différent d'avant, c'est sûr,
16:41 mais cette époque, elle a aussi des côtés formidables.
16:44 Et le fait que par exemple, les gens de 15-25 ans soient vraiment sensibilisés
16:52 à tous les sujets comme le sexisme, le racisme, l'homophobie,
16:54 moi je trouve ça génial en fait, vraiment,
16:56 parce que ça va rendre la vie plus douce à des gens,
17:01 donc je trouve ça bien.
17:02 Alors oui, bien sûr, il y a des excès,
17:04 mais en fait, en même temps, on ne change pas le monde en étant tiède.
17:08 – Et vous trouviez par exemple, par rapport à l'époque,
17:10 que c'était des situations plus compliquées à vivre
17:12 quand on était ou une femme ou d'origine étrangère ou ce genre de choses ?
17:18 – Oui, on entendait des trucs,
17:21 et le fait qu'on n'ait plus le droit de dire ces choses-là,
17:22 moi je trouve ça bien en fait.
17:26 – Je vais terminer par une petite liste de personnes,
17:29 on vous demande est-ce que vous rigolez ou est-ce que vous ne rigolez pas
17:32 à ces personnes-là ou à ces blagues-là.
17:35 Coluche. – Oui.
17:37 – Laura Felpin. – Oui.
17:39 – Dieu Donné. – Dieu Donné, avant,
17:42 c'était un très, très bon performeur sur scène,
17:44 j'ai vu "Le Divorce de Patrick", qui était un spectacle génial,
17:48 mais maintenant, non.
17:49 – Maïva Guénam. – Oui, non, elle me fait un peu pitié plutôt.
17:56 – Paul Mirabelle. – Oui.
17:57 – Angela Merkel. – Ah, là son petit humour passe sans rire,
18:02 on ne la voit plus beaucoup. – C'est vrai.
18:03 – Booba. – Je ne sais pas,
18:05 je ne comprends pas trop ce qu'il fait avec Magali Verda,
18:07 je ne vais pas le faire parce qu'après il va aller lancer une opé contre moi,
18:11 donc Booba, je t'aime, je ne fais pas de mal.
18:15 – Arnaud Montebourg. – Oui.
18:19 – Florence Foresti. – Oui.
18:21 – Roselyne Bachelot. – Moi.
18:23 – McFly et Carlito. – Je ne connais pas trop, en fait.
18:26 – Ils ont quand même un très gros succès.
18:28 – Non, mais je sais, mais je ne vais pas faire semblant.
18:30 – Kémy Cottin. – Oui.
18:31 – François Hollande. – Il me paraît qu'il est très drôle dans la vie,
18:34 mais moi, je n'ai jamais… j'ai fait des sketches devant lui,
18:37 mais je ne le connais pas intimement.
18:40 – Vous n'avez jamais inversé les rôles, vous l'avez mis sur scène ?
18:42 – Non, mais plein de gens m'ont dit qu'il était super drôle,
18:45 qu'ils le connaissent bien, donc j'imagine que oui,
18:46 mais moi, je n'ai pas trouvé.
18:49 – Le nom, on l'avait reçu, il avait été très, très marrant.
18:52 Inès Reg. – Oui.
18:54 – Magali Berda. – Non.
18:56 – Les Inconnus. – Oui.
18:57 – Et la bande de Philippe Lachaud. – Oui.
18:59 – Merci beaucoup. – Merci.
19:00 – Merci beaucoup d'avoir pris le temps.
19:01 J'espère que cette vidéo vous aura intéressé.
19:03 Si à mes c'est le cas, abonnez-vous, laissez un commentaire, un petit like,
19:06 et on se retrouve très bientôt pour de nouvelles interviews et débats sur le créan.